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Vivre avec son temps

par: Jaqui Ackermann

Publié le 15 Décembre 2021

 

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Cela est bien connu, Yaakov a croisé ses mains pour bénir ses petits-fils. Quels âges avaient ses petits-fils ? Le calcul est simple : ils sont nés pendant les années d’abondance, Yaakov est arrivé à la 2ème année de famine, et il a passé 17 ans en Égypte. Ils avaient donc entre 19 et 26 ans. Très jeunes donc … Et il dit à Yosséf que le plus jeune dépassera le moins jeune. On ne sait pas si cela a fait plaisir aux deux personnes concernées. Probablement, ils ont accepté ce qui se passait, ce n’était pas à eux d’intervenir. Et cela ne concernait que le futur, Yaakov parle de peuples à venir. Un célèbre commentaire (le Ha’amék Davar) remarque que cela aurait été plus simple de demander aux jeunes d’interchanger leur place. Il explique que Yaakov voulait que les pieds restent là où ils étaient. Ce n’étaient que les têtes qui n’étaient pas à leur place. L’ainé resterait l’ainé dans le domaine plus corporel, le deuxième dépasserait l’ainé uniquement dans le domaine spirituel. C’est trop simple de dire : il ira loin, sans donner plus de précisions. Il est plus complexe d’avoir l’assurance des précisions. Yaakov sait, et en les bénissant, il vise des capacités qu’une personne non prophète ne peut pas voir. Cette bénédiction est devenue la bénédiction de chaque père pour son enfant, depuis des siècles. On souhaite le meilleur, mais cela doit pouvoir être « contenu dans » la personne qui est bénie. Qui peut dire que cette personne a les moyens de devenir ce « meilleur » qui est souhaité ? On répondra qu’il s‘agit du meilleur « relatif » à ses capacités, capacités qu’on ne connait pas vraiment. Nous imitons alors Yaakov. Nous souhaitons que de la même manière que lui savait bénir, que notre bénédiction soit aussi pertinente que la sienne, que nous visions les « vraies qualités » de l’enfant béni, même si nous ne sommes pas prophètes. Cela devrait d’ailleurs nous inciter à savoir reconnaître et développer les qualités de notre progéniture. Nous la bénirons d’autant mieux….

Que croire ?

Il y a un signe à la délivrance. La tradition est que Yosséf avant de mourir l’avait donné : il dit à ses frères que D. se rappellera de vous. Le sauveteur devait dire que D. « s’est rappelé » du peuple et va le sauver. Le terme « se rappellera» se dit en hébreu pakod yifkod. C’est cette racine verbale que devra utiliser le sauveteur. Et effectivement, Moché dit pakod pakadti. Les commentaires objectent : n’importe qui peut dire ce « code » ! La réponse est que D. ne laissera pas des imposteurs venir, cela ne pourra pas se passer. Un seul viendra, et ce sera le bon. Comme si D. avait protégé code. Ainsi, chaque « messie » peut être jugé par des signes incontestables, ou presque. Par exemple , à propos de Bar Kokhba, le talmud raconte que, devant les affirmations de certains que Bar Kokhba était le messie, les Sages l’ont testé. Le messie doit effectivement « sentir » de manière certaine la vérité (dans certaines situations, par exemple un litige). Et l’essai n’avait pas été concluant. Leur avis était donc fait, ce n’était pas lui le messie. Malheureusement, beaucoup de personnes crédules ont payé cher leur crédulité devant les faux-messies. C’est un grand principe dans la vie. La confiance doit être fondée sur des éléments forts. Il ne s’agit pas de croire n’importe quoi. La confiance se construit, il faut des expériences, de l’éducation, du sens critique, etc…, une vraie formation.

Un peu d’histoire

Tout le monde se pose ces questions : y a-t-il des traces du passage des Hébreux en Egypte ? Une trace de l’impact de Yosséf sur la civilisation égyptienne, ou une trace de toutes les années d’esclavage ? Une trace au fond de l’eau, peut-être de la traversée de la mer Rouge ? Nombre de personnes ont passé du temps pour répondre à ces questions. Finalement, il n’y a rien, et le papyrus d’Ipuwer ne veut rien dire selon les spécialistes. Bref, il est vain de chercher des preuves objectives (au moins actuellement). Nous y croyons, car nous croyons à nos traditions. Il n’est pas nécessaire de courir derrière des preuves historiques, et d’ailleurs, nos ancêtres ne l’ont jamais fait. Ce n’est pas un terrain de discussion, pour les raisons suivantes. D’abord, ne pas trouver de preuves n’est en soi pas une preuve d’inexistence. Puis, la force actuelle de la tradition se mesure par le fait que nous sommes là, avec toute notre histoire. Il existe des gens qui prétendent que certaines de ces histoires n’ont jamais existé, mais le fait est que le sens de ces histoires, ce qu’elles ont inscrit en nous, est présent. Il y a eu tant de réflexions sur ces textes, sur ces enseignements de toutes sortes, que nous sommes marqués par cela, que cela est constitutif de l’existence du peuple. Il y a tant de choses intéressantes qui ont été transmises, il y a tant de Sages (y compris les maîtres de la Kabbale) qui se sont nourris de ces enseignements, et cela dure depuis tant de siècles, que personne ne peut prétendre contester notre histoire d’un revers de la main. Autre point : l’homme a certes souvent tendance à mentir. Il ment dès qu’il est dérangé, ou dès que cela l’arrange. Mais, certains éléments nous portent davantage à faire confiance. Chacun connait des gens intègres qui ne mentent pas, sauf cas exceptionnels. Et on imagine difficilement que nos proches nous mentent, même si cela peut parfois arriver. Un père évite de mentir à son enfant, en général. Et un mensonge qui peut être découvert au bout d’un certain temps sera probablement évité, on n’aime pas se faire prendre en flagrant délit, sauf certaines personnes sans foi ni loi. Alors faisons le raisonnement (que Ramban mentionne, pour appuyer ce que dit Rambam sur la révélation collective). Nous affirmons qu’il y eut une révélation collective au Sinaï (aucun peuple ni aucune religion affirme une telle chose), qu’il y eut des miracles que tout le peuple a vécus régulièrement, comme la manne, etc… Comment imaginer que tout un peuple mente collectivement à tous ses enfants et que cela ne crée pas une réaction ? Tous les prophètes bibliques ont fait des reproches cinglants au peuple, et il n’y a pas eu de véritables rejets massifs de tous ces textes, le peuple continue à les étudier, les commenter… Il y a dans notre tradition des exigences d’honnêteté très pointues, et il est inconcevable que cette moralité si forte laisse passer le moindre mensonge. On peut imaginer qu’un mensonge se propage chez des populations crédules, mais dans un peuple où on exige que chacun étudie, que chacun connaisse ses prières, que chacun se comporte avec moralité, comment imaginer qu’un mensonge se propage pendant plusieurs millénaires, qu’il y ait des menteurs de génération en génération ? Tout celui qui ouvre une page du talmud, comprend que la recherche de la vérité est omniprésente. Sachant que le talmud contient des milliers de pages, comment imaginer que dans un peuple qui a produit un tel ouvrage, on accepte le moindre élément qu’on pourrait contester ? Enfin, dernier point, nos Sages nous disent : la raisons de celui qui conteste doit être clairement identifiée. Cela l’arrange ou recherche-t-il la vérité ? Combien de personnes contestent, tout simplement parce que cela les dérange de reconnaître une vérité ? Combien de fois avons-nous pu constater que ce sont des intérêts, plus ou moins évidents, qui ont poussé les hommes à adhérer à certaines idéologies, et à en mépriser une autre plus difficile à assumer ? Notre tradition a perduré grâce à la volonté de faire prévaloir nos convictions plutôt que nos intérêts personnels.

Apprendre les bases

Le livre de Béréchith est le livre des Avoth, des Patriarches. Ils sont les formateurs du peuple. Un fidèle commence sa prière en les citant, il s’adresse au D. d’Avraham etc. Ces patriarches ont laissé un héritage de croyance tellement fort qu’il traverse les générations, et un converti peut également s’y rattacher. Mais ce livre contient aussi l’histoire (certes brève) de la création originelle. Quel est le lien entre les deux ? Le premier homme connaissait et comprenait D. L’humanité avait perdu cette capacité, les Patriarches l’ont retrouvée. Les trois Patriarches ensemble, ont réussi à retrouver l’homme tel que D. l’a créé. C’est cela leur mérite. L’être humain peut à nouveau se mettre debout face à son Créateur pour échanger avec Lui. D. peut enfin parler à « quelqu’un », comme Il l’avait fait au début du monde. La création fait partie du même livre, car les Patriarches ont façonné, pour nous, les débuts de l’humanité. On ne peut plus concevoir la création sans le bagage de nos Patriarches. Ce sont nos créateurs.

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“Vivre avec son temps”

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