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Kedochim – « Je suis l’éternel votre D.ieu »

par: Jaqui Ackermann

Publié le 7 Mai 2024

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Terminaisons

Très souvent, dans notre paracha, le verset finit avec les mots : « Je suis l’Eternel », ou « Je suis l’Eternel votre D. ». Les commentaires trouvent une raison chaque fois que cela est dit, en rapport avec la loi citée dans le verset. Ainsi, Rachi rapporte le midrach qui explique que « Je suis l’Eternel » sous-entend : capable de rémunérer et de sanctionner. Par exemple, lorsque le verset parle des dons aux pauvres, « Je suis l’Eternel » signifie que D. intervient particulièrement dans le sens de la sanction pour réserver le bien et les faveurs des pauvres, D. est l’intervenant attitré des pauvres (Rachi 19,10). Pour le verset qui cite : « tu aimeras ton prochain comme toi-même, Je suis l’Eternel », on commente ainsi : Je suis l’éternel, au sens où, un seul D. vous a tous créés (Ibn Ezra 19,18) ! De même, pour l’amour du converti, il est dit « Je suis l’Eternel votre D. » au sens : Je suis le D. de vous deux, converti ou non (Rachi 19,34), ne marquez pas de différences ! D’autres versets se terminent par « tu craindras l’Eternel ». il s’agit en particulier d’une situation où on peut se dérober, personne ne peut savoir ou comprendre. Nos Sages expliquent qu’alors, D. Seul sait ce qui se passe : c’est donc Sa crainte qui éloignera la mauvaise action (Rachi 19,14). Par exemple, maudire un sourd. Le verset dit qu’il faut craindre D. car si le sourd n’entend pas, D., Lui, entend. Au verset qui interdit les sollicitations des sorciers, Rachi commente « Je suis l’Eternel » en ajoutant : sachez Qui vous remplacer par qui… (19,31). Et dans le verset qui promet la bénédiction des arbres fruitiers, Rachi commente : « Je suis l’Eternel », Qui peut tenir Sa promesse (19,25)

Comme D.

« Soyez saints » est la première injonction de notre paracha. Cela est très vague et englobe de nombreuses possibilités. Le célèbre commentaire du Ramban est le suivant. Il est possible de suivre à la lettre les ordres du texte, sans en suivre l’esprit. On peut être un « voyou dans le cadre imposé par la thora ». On peut respecter les ordres mais se laisser aller et ne pas user de retenue et de décence. Par exemple, il n’y a pas d’interdiction explicite de dire des gros mots. Il ne s’agit pas ici de pointer du doigt des comportements, qui en vérité, ne sont pas formellement interdit. Cette injonction vient plutôt rappeler qu’il est normal d’être tendu vers la sainteté, c’est-à-dire, de chercher à évoluer, à se détacher des valeurs trop terrestres, de donner la priorité aux actes spirituels. Cette tendance ne peut pas être explicitée par un acte précis, mais plus par une attitude, et c’est pourquoi elle est exprimée par un ordre global. D’autres commentaires (comme le Sforno) considèrent que cette injonction est une introduction à ce qui suit. Toutes les lois qui sont amenées à partir de ce verset sont des manières d’atteindre la sainteté demandée. Cela rejoint également l’explication précédente, car si le verset donne un titre aux lois, c’est qu’il incombe au fidèle de donner ce contenu, cet objectif, aux différentes lois qui suivent. Ainsi, à nouveau, l’intention devient une demande explicite. Il est nécessaire de se formuler l’objectif pour mieux accomplir ce qui est demandé. Il y a cependant une autre intention dans ce verset car l’injonction est justifiée : vous serez saints parce que Je suis saint. Le texte veut que l’on ressemble à D. dans cette recherche de sainteté. Comment peut-on être « comme D. » ? En général, on explique que D. est saint en ce sens qu’Il est détaché de tout élément matériel. D. n’a aucune limite, aucun besoin, aucun lien avec quoi que ce soit de matériel. Être saint dans ce contexte signifie ne pas être dans la nécessité d’avoir exagérément recours aux éléments naturels pour vivre. Si on se permet de manger tout ce qu’on désire, on manque de sainteté car la sainteté implique que nous n’avons pas ce besoin de tout manger, même tout simplement de manger, et quelques fois même de s’en passer (comme à Kippour). Si on peut s’en passer, en vérité, on peut considérer qu’on est au-dessus de cette action, on méprise ce besoin. Ne pas travailler le chabath n’est pas une frustration ou une limite. Au contraire, nous n’avons pas besoin de cela, nous pouvons vivre sans cela, parce que nous sommes en relation avec un monde sans limite. C’est la sainteté qui nous permet d’être hors limites. Il en va de même pour beaucoup d’autres interdits (de mariage, etc.) : ce ne sont pas des frustrations mais des dépassements, nous sommes au-delà de cette nécessité. Une personne qui a peu de moyens est en vérité plus libre d’un certain point de vue : elle a moins de besoins que quelqu’un qui est habitué au luxe et qui aura inévitablement un sentiment de manque dès que ses habitudes ne seront pas toutes comblées. Être saint « comme D. » c’est pouvoir se passer de certaines actions, de certains besoins, voire de certaines libertés.

Pour en finir avec des idées fausses

Il existe un piège classique, dans lequel la plupart des gens qui ne cherchent pas la vérité, finissent par tomber : confondre l’homme et l’idée. Par exemple, on peut admettre que l’idée de la tolérance est une bonne idée, mais si une personne tolère tout et n’importe quoi, parce qu’elle est d’une nature faible, on risque, en la voyant, de penser et de dire : regardez où mène la tolérance ! Donc, il n’y a aucun intérêt d’être tolérant. Alors qu’en vérité, c’est la personne qui possède un caractère un peu mou, et qui a adopté une tolérance extrême, par faiblesse, qui est en cause, et non l’idée-même de la tolérance. Il en est de même pour la religion. Une personne dure fera de la religion une religion dure, et inversement. La question est de savoir ce que veut vraiment cette religion. A qui s’adresse-t-elle ? Est-elle relative à certaines conditions ? Finalement, que prône-t-elle à des gens de différents caractères ? Une réponse peut être partiellement trouvée en regardant des groupes. Si les groupes qui comprennent plusieurs individualités dégagent une apparente correction, on pourra (peut-être) dire que la religion est correcte. On ne se fiera pas uniquement à des individus. On pourrait également considérer et juger qu’une personne a correctement intégré la religion, et elle pourrait alors devenir éventuellement une référence. Nous prétendons que notre thora est vraie, au sens où elle permet de dépasser justement les éléments relatifs, de développer des valeurs qui vont au-delà des particularités. Mais malheureusement, cela n’empêche pas certains individus (voire certains groupes) de présenter la religion comme un élément décalé avec la réalité, au point où on en vient à comprendre difficilement le sens de la thora. C’est un des défis de notre génération, où tous les courants se montrent et prétendent détenir la thora, la vraie. L’individu doit apprendre à se faire son idée, avec honnêteté, en observant et en faisant confiance de manière intelligente, pour s’inscrire dans une tradition et une transmission.

Oppositions

Cette paracha présente certaines oppositions. Lorsque deux lois sont inscrites dans le même verset, cela est également une manière de montrer que lorsqu’elle se trouve en contradiction, une dépasse l’autre. La crainte des parents est juxtaposée à l’observance du chabath (19,3). La loi est que pour craindre ses parents, satisfaire leur désir, il est interdit de transgresser le chabath, ce dernier passe avant. De même cette observance est juxtaposée au respect du Temple (19,30). Ici aussi, la règle est que l’édification du Temple ne peut se réaliser le chabath, qui est plus important donc que cette construction. L’interdiction de la médisance, du lachone hara’, est juxtaposée à l’interdiction de la non-assistance à personne en danger (19,16). Ici aussi, aider une personne en difficulté ou en danger, autorise à colporter (sous certaines conditions) ou à témoigner contre autrui. Il est intéressant de revenir au thème de cette paracha, la sainteté. Prôner la sainteté est facile, tant qu’il n’y a pas de problème ou de dilemme. Pour nous la vraie sainteté est justement de savoir établir une échelle de valeur, de savoir comment s’articule les lois les unes aux autres, car nous croyons que la sainteté orchestre aussi les relations entre les lois. L’unité de la thora implique évidemment cette relation.

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