C’est très amusant de connaître l’avenir. Dans notre quotidien, nous voyons des verres posés au bord de la table où est accoudé un enfant… Faut-il retirer le verre ? Faut-il parler à l’enfant pour lui faire prendre conscience de la place du verre ?
Déplacer le verre soi-même ou faire agir l’enfant ? Prier pour le propriétaire du verre, le verre ou l’enfant ? Voir comment D. agit lui-même ? Qui oserait déplacer l’enfant et lui expliquer que sa place n’est pas celle des grands ? Casser le verre est interdit. Le jeu peut rendre fou si l’on est parent, moins si on est prof. Sans parler des Rabbins et des questions de fin de vie, d’avortement ou de placement pour ado en rupture.
Posons-nous la question en « adulte »: comment changer le monde ? Prévoir et penser le futur de manière rationnelle ne permet que de reproduire le passé à quelques nuances près. Tenter la voie de l’irrationnel ? En tant que Juifs cela nous est interdit : « Intègre tu seras avec ton D. » (Dévarim 18,13 et Rachi)[1]. La divination ? Pourquoi pas! Rambam pense cependant qu’Eliezer en faisant le test du chameau pour trouver l’épouse d’Itshak a transgressé un interdit de la Torah (Min’hat Hinou’h n°253). Comment susciter l’émergence du nouveau dans le monde sans passer par la mort et la destruction comme à l’époque de Noé ?[2]
Le rêve peut-il être un moyen ? Personne n’en doute, le rêve est utile mais comment s’en servir dans un monde ou les rêveurs sont des malades aux mains de médecins rationalistes[3] ? Rabbi Yohanan nous apprend que le rêve est 1/60 de la prophétie (Bera’hot 57b)[4]. Pour tout un chacun il ne reste que le rêve, la prophétie ayant disparu depuis l’époque d’Esther et de Mordé’haï.
L’histoire de l’humanité commence avec le soma d’Adam (Tardéma) qui trouve à son réveil LA femme[5]. Ce soma se retrouve chez Avraham dans l’alliance entre les morceaux (Ber. 15,12). Il s’agit d’une vision qui annonce les étapes qui vont jusqu’à la fin des temps. Une grande angoisse accompagne ce rêve[6]. Pas de rêve chez Itshak, mais une grande angoisse (Ber.27,33)[7]. Chez Yaacov, c’est le rêve de l’échelle[8]. L’angoisse chez lui est associée à la rencontre avec Essav[9] (Ber.32,8). La liste des rêves s’allonge quand D. parle à Avimele’h et Paro à propos des rapts de Sarah. L’histoire juive se poursuit avec les rêves de Yossef, du maître échanson et du panetier de Pharaon, puis de Pharaon lui-même. Mais le rêveur incontesté est Yossef.
D’où vient chez Yossef cette préoccupation du futur ? Comment Yossef a-t-il commencé à aborder ce sujet au point de s’en faire une spécialité et de s’engager dans le monde par cet angle ? On remarque que c’est déjà une préoccupation chez Avraham (Ber. 15,5):
ויוצא אתו החוצה ויאמר הבט נא השמימה וספר הכוכבים אם תוכל לספר אתם ויאמר לו כה יהיה זרעך
Il (D.) le fit sortir à l’exterieur et dit: « Regarde donc vers les cieux et compte les étoiles, si tu peux les compter! » Et il dit: « Ainsi sera ta postérité ! ».
Il semble que « regarder » le ciel ne soit pas interdit puisque le Créateur du monde invite Avraham à le faire. D. y a inscrit les destinées humaines, seule l’incapacité à dénombrer les étoiles empêche Avraham de lire le futur. Rachi va plus loin et traduit suivant le midrach: « Abandonne les sciences astrologiques qui ne parlent que d’Avram et de Saraï, Moi, dit le Maître du monde, je vous change de nom et plus de problème ! ». Avraham avait une lecture précise des chemins du ciel, tout y est mais les choses sont fermées si on ne les renomme pas, si on ne pose pas dessus les bons mots. On rejoint ici les sciences oniriques dont un des principes de base est « tout dépend de l’interprétation » (Béra’hot 56a)[10].
Plus tard, Rahel, la mère de Yossef, vole les Térafim[11] chez Lavan (Ber 31,19). Puis le stratagème qu’elle emploie pour les conserver (Ber. 31,35). Rachel anticipe son père: elle sait qu’il rattrapera la famille de Yaacov avec cette sorte de GPS (Rachbam, Ibn Ezra, Tan’houma Vayétsé 12 ; le GPS fonctionne aussi avec des satellites invisibles disposés dans le ciel). Mais pourquoi veut-elle garder ces Térafim ? Le Midrach Rabba (74,9) fait remarquer que Ra’hel aimait se servir des Térafim de son père Lavan[12]. Certainement pour les étudier ou faire étudier leur fonctionnement à ses enfants. De la même manière, on trouve que R. Eliezer connaissait et enseignait la sorcellerie à R. Akiva et s’en expliquait ainsi: Il est interdit de faire de la sorcellerie mais pas de l’étudier ou de l’enseigner, car il est dit: « tu n’apprendras pas pour faire » (Dévarim 18,9); « pour faire », mais pas pour apprendre, comprendre ou enseigner (Sanhédrin 68a). Il semble donc que Ra’hel a un « certain attachement » aux Térafim.
Ainsi Yossef trouve un intérêt à la lecture des étoiles parce qu’Avraham et Ra’hel y accordaient un certain attachement.
Plus tard, Yossef grandit auprés de son père et reçoit de lui la science de Itshak et évidemment aussi celle de Chem et Ever que son père avait apprise pendant quatorze ans[13]. Pourtant, au moment de quitter son père, Yossef ne prête aucun intérêt aux signes. Malgré la haine de ses frères, pour lui la Mitsva de respecter son père et d’aller s’enquérir de la santé de ses frères et du bétail ne laisse aucune place à de mauvais présages. Le fait d’avoir étudié le sujet de la Egla Aroufa avant d’avoir quitté son père (qui parle d’un cadavre trouvé dans la campagne), ou le fait de ne pas trouver ses frères quand il se rend à Hévron (Ber. 37,16-17) ou à Ché’hem, lieu de malheur bien connu (Rachi sur 37,14) ne le gène pas le moins du monde. Ces signes, il s’en moque. Ils sont insignifiants par rapport à la Mitsva qu’il accomplit. Yossef est devenu un interprète, un psychanalyste sûr de sa science et ignorant du reste, au point où la bêtise d’aller raconter ses rêves de grandeur à ses frères ne lui pose pas de problème. Il va même courir derrière eux en leurs disant: « de grâce, écoutez mes rêves » (Ber. 37,6) ignorant la puissance de la haine des frères qui iront jusqu’à le torturer en le jettant dans le puits, plutôt que de le tuer[14]. Suit l’étonnant épisode de Yéhouda[15].
Au feu de l’épreuve de la vente, de l’exil en terre hostile, Yossef devait développer et approfondir son art. Il n’en a pas le temps, il travaille trop. Chez son maître Potifar, il croise à nouveau les arts divinatoires païens. L’astrologie ne permet pas de tisser des liens avec le Ciel et au delà, le Créateur, elle ne permet que d’instrumentaliser la relation au Ciel en ne s’adressant qu’à la voûte celeste. Madame Potifar le convainc d’avoir une descendance avec lui. C’est à la vue du destin que les étoiles tracent pour eux que Yossef accepte de tromper son maître et de prendre sa femme (Sota 36b). Au dernier moment l’image de son père lui apparaît: « si tu continues, tu disparaitras ! ». Mais disparaitre de quoi ? de l’histoire juive, du peuple juif, du Olam Haba ? Non, rien de tout cela: « ton nom disparaitra des Ourim véToumim ».
Les Ourim véToumim permettaient de connaître l’avenir. Le Cohen Gadol les interrogeait et D. semblait répondre en illuminant les lettres des Ourim véToumim dans le désordre. Il appartenait au grand homme, par ses qualités, de retrouver le message. Ainsi le futur était dicté par le Cohen Gadol et pas par le Ciel[16]. La connaissance du futur dépendait alors des qualités morales de cet homme. L’image de Yaacov lui indiquait qu’il serait tributaire des étoiles et non acteur de son propre chemin. On peut imager cela: Si nous étions destinés à quelque chose alors par nos mérites nous pourions changer notre destin. Ces mérites s’héritent jusqu’à 1000 générations[17].
Viennent les rêves de l’échanson et du panetier de Pharaon. Nous savons que les rêves vont d’après l’interprétation qu’on en donne (Béra’hot 56a). Un rêve est une lettre que l’on ouvre ou pas, il s’agit d’un message adressé d’une partie du moi (passé, inconscient, désir …) à une autre (présent, conscient, réalité …). Si l’interprète décode la lettre et la traduit correctement au conscient du rêveur, et que le rêveur la trouve utile ou pas et l’accepte, parce que le rêve n’est pas non plus étranger à sa conscience, alors il tendra à la rendre réalité naturellement presque sans effort et sans s’en rendre compte. Le rêveur aura intégré à sa règle de vie l’interprétation parce que tout individu à tendance à agir en se conformant à des principes qu’ils trouvent utiles ou désirables. Ce sera le cas de Pharaon lui même plus tard[18].
Pour l’instant, les officiers de Pharaon font des rêves qui expriment ce qu’ils savent déjà et n’osent se l’avouer. Yossef va les délivrer. Mais avant il leur annonce la couleur: « je suis hébreu et je parle au nom de D. » (Ber. 40,8). Là Yossef fait une faute: s’il parle au nom de D., qu’il fasse place à D. Le rêve des officiers de Pharaon lui était aussi adressé à Yossef, mais il ne décèle pas le soixantième de prophétie qu’ils contiennent, il ne s’en remet pas au Maître du monde mais à un simple serviteur de Pharaon qui n’a pas de parole[19]. Ce manque de confiance lui vaudra deux ans de stage supplémentaire en prison.
Devant Pharaon, Yossef semble accompli (propre, bien rasé et bien habillé). Pharaon rêve des sept vaches puis des sept épis. Pharaon est un mégalomane, tout le monde le sait et même ses magiciens. Les sages de l’Egypte s’évertuent à lui donner des interprétations personnelles. Ils savent, autant que les frères de Yossef en leur temps, que rêver de vaches et de blés, c’est exprimer un désir de puissance et de domination. Un freudien dirait que rêver de vache sollicite la mère et rêver de blé sollicite le père du rêveur.
Les savants de Pharaon se gardent bien d’étaler l’enfance de Pharaon en public comme ses pulsions. Où les savants de pharaon échouent-ils ? Ils ne connaissent simplement pas la notion de prophétie. L’Égypte c’est la régularité des saisons et des crues du Nil, des récoltes, des castes sociales qui se reproduisent, du progrès scientifique et économique de la première puissance fonctionnant grâce à la rationalité. De plus le dieu de l’Égypte c’est la brebis. Je dirais que la société égyptienne est un monde qui suit, qui « moutonne » et répète à l’infini. Ce monde fonctionne tant qu’il n’y a pas de rêve fort pour le bousculer. Pharaon rêve, ce pourrait être un cataclysme pour l’Egypte mais non. Pour les magiciens, Pharaon n’a qu’un rêve de plus sur sa grandeur, il doit s’apaiser et se sentir bien. Pharaon sait que ce rêve le dépasse. Yossef arrive et remet Pharaon à sa place : tu n’es que second par rapport à ton rêve qui t’instrumentalise, il vient d’au delà de ton ciel et de celui de tes magiciens. Yossef lui fait comprendre qu’il partage avec lui cette expérience tactile de son rêve : « ce n’est pas moi qui les rêves, ma sagesse me vient de D. » (Ber. 41,16) : je suis second moi aussi de quelque chose qui me dépasse. Pharaon avait rêvé qu’il était sur le Nil (41,1), alors qu’il dit à Yossef qu’il était sur le bord du fleuve (41,17).
Pharaon n’ose quand même pas dire qu’il est plus grand que les dieux de l’Egypte. Yossef les rêves de Pharaon et va normaliser ce flux d’originalité extérieur à la pensée et à la culture égyptienne, il va au delà de son rôle en proposant des solutions, le rêve même de Pharaon le commande. Les conditions et l’état de Pharaon le commandent aussi. Pharaon dans son rêve assiste à la montée des sept vaches grasses puis des sept vaches maigres. Il est passif dans ce spectacle. En explicitant le rêve de Pharaon, il gagne forcément sa confiance et s’exprime au nom de D. Yossef lui dit: « Il y a des choses qui échappent à l’homme et qu’il convient d’accepter, tout Pharaon que tu es, il te faut accepter d’être soumis aux événements impensables qui vont advenir: il n’y aura pas de crue du Nil pendant sept ans». En montrant son allégeance à D., c’est à dire à une source unique de l’origine de son rêve comme de l’histoire de Yossef [20]. Yossef fait faire Téchouva à Pharaon sur l’idée de sa totale puissance. Pharaon accepte sa place de second parce que Yossef lui a interprété son rêve, Pharaon est alors commandé par la solution que lui donne Yossef. Il ne reste plus à Pharaon qu’à nommer Yossef vice-Roi, il lui livre le sceau royal pour finir son « processus » de Téchouva.
La Téchouva de Pharaon ne nous intéresse pas tellement[21]. Si ce Pharaon fait Téchouva, sans violence, c’est parce qu’il y trouve un intérêt, le Pharaon de Moïse ne fera pas Téchouva car la libération des juifs lui coûte et qu’il n’y voit pas d’utilité. Qu’est ce que Yossef en tirera comme leçon ? Yossef sait que ce qui doit advenir adviendra, il connaît globalement le sens de l’histoire et la descente en Egypte de par Avraham et par le rêve de l’échelle de Yaacov son père[22]. Il sait aussi par son père que les moyens et non la fin sont dans nos mains. Comment Yossef conduira-t-il la rencontre avec ses frères pour qu’elle ne soit pas une catastrophe et scelle la désunion de la famille voire la mort d’un des frères ? Yossef fera faire Téchouva[23] à ses frères: c’est le moins dangereux en un sens mais le plus réunificateur. Yossef, qui a profité des rêves de Pharaon, est devenu vice-roi, profitera de ses propres rêves pour faire advenir la descente en Égypte et prendre les commandes de l’histoire.
Lorsque les frères retournent en Égypte pendant la première année de famine, ils en profitent pour rechercher leur Yossef. Ils sont pris pour des espions, ils se retrouvent devant Yossef en comparution immédiate. Yossef les reconnaît, mais eux ne le reconnaissent pas. Ses frères se prosternent devant lui (42,6) et Yossef se souvient de son rêve. Que va-t-il faire ? Il les reconnaît en tant que frères, il a un sentiment fraternel vis à vis d’eux et il a pitié, contrairement à eux au moment de sa vente (Rachi verset 9). Yossef sait les enjeux, il ne peut pas réagir instinctivement parce qu’il a du recul. La vengeance il ne la connaît pas.
Il interroge ses frères et les accuse (42,9-14). Il propose une solution: l’un d’entre eux ira chercher le petit frère (42,16). Il les jette en prison trois jours (42,17), pourquoi ? Pour les faire réfléchir à la vraie cause[24] de leur situation. Après trois jours, seul Chimon reste en otage (Yossef sait bien que pour Yaacov, un fils a déjà disparu c’en est assez) les autres retournent annoncer la chose à leur père: Binyamin doit retourner en Egypte avec eux.
Les versets 42,21 et 44,16 montrent la Téchouva des frères:
Béréchit 42,21:
ויאמרו איש אל אחיו אבל אשמים אנחנו על אחינו אשר ראינו צרת נפשו בהתחננו אלינו ולא שמענו על כן באה אלינו הצרה הזאת
» Et il se dirent l’un à l’autre « Certes nous sommes coupables vis à vis de notre frère dont nous avons vu la détresse quand il nous implorait et nous n’avons pas écouté, voilà pourquoi ce malheur nous est arrivé ».
Béréchit 44,16:
ויאמר יהודה מה נאמר לאדני מה נדבר ומה נצטדק האלהים מצא את עון עבדיך הננו עבדים לאדני גם אנחנו גם אשר נמצא הגביע בידו
Yéhouda dit: « Que pouvons nous dire à notre maître ? Comment parler ? Comment nous justifier ? D. a trouvé la faute de tes serviteurs, nous voici les esclaves du seigneur, ainsi que celui chez qui la coupe a été trouvée
Le Rambam (Hile’hot Téchouva 2,2) donne les différentes étapes de la Téchouva qui se retrouvent chez les frères:
Etape | Rambam | Dans les versets de Bérechit |
1) Abandonner la faute | שיעזוב החוטא חטאו | Certes nous sommes coupables (42,21) |
2) Regretter (dans le cœur) | ויסירו ממחשבתו | nous avons vu la détresse quand il nous implorait et nous n’avons pas écouté (42,21) |
3) Confesser la faute | וצריך להתודות בשפתיו ולומר עניינות אלו שגמר בלבו | Et il se dirent l’un à l’autre (42,21) |
4) Ne pas recommencer | ויגמור בלבו שלא יעשהו עוד | nous voici les esclaves du seigneur (44,16) |
Yéhouda, au nom de ses frères refuse d’abandonner Binyamin en Égypte. Il prendra la parole à nouveau pour convaincre Yossef, dans la parachat Vayigach, disant qu’il est prêt à aller jusqu’au bout, pour ne pas abandonner son petit frère.
[1] Les mitsvot ont cela de bon qu’elles nous poussent à des considérations insoupçonnées sur le chemin de la vie.
[2] La question du pourquoi est évidente, j’en donne une version elliptique: être vivant plus que survivant, participer de la vie du monde ou encore répondre à des questions comme pourquoi se marier ou pourquoi avoir des enfants ?
[3] Le chapitre HaRoé, qui conclut la Guémara Bera’hot, est d’une richesse infinie à ce sujet. En commençant par la question de l’identité juive avec les bénédictions à dire qu’en on voit des pierres (Even Av/Ben …)
[4] Il y a 5 soixantièmes: le feu (pour l’enfer), miel (pour la manne), chabbat (pour le monde futur), sommeil (pour la mort) et rêve (pour la prophétie)
[5] שיר המעלות בשוב ידוד את שיבת ציון היינו כחלמים (תהילים פרק קכו: Cantique des degrés; quand D. ramena les captifs de Sion nous étions comme des rêveurs. Ainsi dans les temps futurs, ce monde sera comme un rêve de la réalité, une vision en l’abscence du corps.
[6] Chez Avraham, c’est l’annonce des étapes de l’histoire du peuple juif et des 4 exils. Ce rêve se fait à la nuit tombante, chez Yaacov c’est en pleine nuit
[7] Cette angoisse, au moment où Itshak se rend compte qu’il a béni Yaacov à la place d’Essav, peut être associée à l’angoisse d’avoir raté l’éducation de Essav. Itshak pensait qu’Essav avait au moment de la bénédiction acquis les qualités dont Yaacov a fait preuve comme la politesse par exemple (27,19), la voie (27,22) ou la bonne odeur (27,26).
[8] Pas d’angoisse ici bien qu’il rêve aussi des 4 exils (Pirké dé Rabbi Eliezer 35, Ramban)
[9] L’angoisse de tuer ou d’être tué. Yaacov doit faire le voyage jusqu’à la fin des temps en compagnie d’Essav. L’un est nécessaire à l’autre, la rencontre est inéluctable, seule la manière compte, elle doit être la « plus paisible » possible. Yaacov se préoccupe plus des « moyens » de l’histoire plus que de sa finalité. Il se prépare par des cadeaux, partage son camp en deux et affûte ses armes, prie D. de le protéger. Dans le Chéma, on parle aussi d’aimer D. de tout son cœur (prière), de toutes ses forces (la guerre) et de tout son pouvoir, c’est à dire de tout son argent (les cadeaux)
[10] Le fait de « renommer » est comparable à la nomination des animaux par Adam: Les verbes n’existent pas encore mais le nom des choses est là au moins.
[11] Rachi, d’après le Midrach rapporte qu’il s’agissait des idoles de son père puisque Ra’hel veut séparer son père de l’idolâtrie en les prenant. Cependant s’il s’agit d’idole, Ra’hel aurait dû s’en débarrasser. Il semble plutôt qu’il s’agit d’objet de forme humaine et à fonction divinatoire auxquels Lavan vouait un culte mais n’idolâtrait pas. Voir Tan’houma Vayétsé 12 et Métsoudat Tsion sur Chemouel I, 19,13
[12] Pourquoi Lavan rentra deux fois dans la tente de Ra’hel comme dit (31,33) « Lavan vint dans la tente de Yaacov, de Léa, de Ra’hel […] il sortit de la tente de Léa et vint dans la tente de Ra’hel » parce que Lavan savait qu’elle aimait les toucher משמשנית
ויבא לבן באהל יעקב ובאהל רחל באהל יעקב שהוא אהלה של רחל ובאהל לאה ובאהל שתי האמהות ולא מצא ויצא מאהל לאה ויבא באהל רחל למה באהל רחל שתי פעמים שהיה מכיר שהיא משמשנית ורחל לקחה את התרפים ותשימם בכר הגמל בעביטא דגמלא ותשב עליהן ותאמר אל אביה אל יחר בעיני אדוני כי לא אוכל וגו’ א »ר יוחנן תרפים לא מצא קיתוניות מצא נעשו תרפים קיתוניות שלא לבייש את רחל
Ra’hel aurait pu enterrer profondement les Térafim dans le sol de sa tente, elle ne l’a pas fait. Pour Rabbi Yohanan, Ra’hel voulait conserver les Térafim à tout prix. D. fit même un miracle, d’après Rabbi Yohanan, et valida la démarche de Ra’hel: D. les cacha en formant des cruches autour des Térafim et lui évita la honte d’être prise la main dans le sac. D. aurait pu faire disparaître les Térafim simplement. Le Maharzou fait remarquer que Rabbi Yohanan parle de cruches mais c’est dans le sens d’objets quelconque et quand Yaacov est revenu sur ses pas et a rencontré l’ange d’Essav, on parle aussi de cruches. Yaacov serait-il attaché quelque peu aux cruches des Térafim ? Impossible à dire. Sforno rapporte, ainsi que Rachi, que la motivation de Ra’hel était d’arracher son vieux père à l’idolâtrie (Midrach rabba 74,5)
[13] Il s’agit d’une Torah « d’exil » car Chem avait vécu la période de Noé et Ever l’époque de la tour de Babel. Tandis qu’avec Itshak il avait étudié une Torah « de sainteté » en dehors d’influences et de conflits extérieurs (Rav Kamenetsky).
[14] Le Ktav Sofer relève que Yossef a fait trois rêves puisqu’il est dit « Yossef rêva et le dit à ses frères et ils le haïrent encore plus » (37,5). Ensuite « Écoutez, s’il vous plaît ce rêve » (37,6), c’est le rêve du cultivateur alors qu’ils sont tous bergers dans la famille, il rêve quasi impossible. Suite de quoi le verset dit « Ils le haïrent encore plus à cause des ses rêves » au pluriel; il y en avait déjà donc deux. Et finalement le rêve cosmique de la lune et des étoiles. Le Ktav Sofer dit que son premier rêve non explicite était un rêve annonciateur de rêves prophétiques. Il ne pouvait donc retenir sa prophétie (Sanh. 89a en bas). D’ailleurs les prophètes commencent souvent par l’expression « שמעו נא » (שמואל א כב-ז / ישעיה ז-יג / ירמיה ה-כא / יחזקאל יח-כה / מיכה ג-א / מיכה ו-א). Le Ktav Sofer me paraît difficile. Yossef se serait décrété prophète par lui même, sans passer par le test du prophète, à savoir annoncer un événement à venir à court terme. De plus une prophétie ne contient pas de « déchet », elle est qualifiée de אמת et le אמת le « vrai » ne saurait souffrir une parcelle de non vrai. Au contraire, un rêve contient des דברים בטלים (« des choses inutiles ») Bera’hot 55a en bas. Or Yossef annonce que sa mère se prosternera ce qui ne peut être puisque Ra’hel, sa mère, est morte (Bera’hot 55a). A moins qu’il ne s’agisse de sa mère adoptive Bil’ha. La guemara va dans le sens d’un rêve puisqu’elle prend exemple sur Yossef pour apprendre qu’on doit espérer la réalisation d’un bon rêve pendant vingt-deux ans, ce qui n’est pas le cas pour une prophétie.
Bien que Yaacov « garda l’affaire » (Ber. 37,11) car il avait certainement compris que Yossef était prophète dans la mesure où Yaacov est appelé aussi שמש (Ber.28,11: ויפגע במקום וילן שם כי בא השמש) et que Yossef ne le savait pas. Yaacov n’étant que témoin unique, Yossef avait finalement un statut de rêveur.
[15] Yossef est préoccupé par l’avenir mais pas de la même manière que son frère Yéhouda. Quand Yéhouda tombe en déprime et en disgrâce vis-à-vis de son père et de ses frères, il part et s’exile. Il reprend contact avec la vie et se refait en suivant le chemin de la terre: il travaille, se marie, a des enfants et ce sont ses enfants paradoxalement qui vont le reconstruire jusqu’à le rendre roi de ses frères. Là le rêve de Yossef s’émiette. Le travail et la réalité du terrain qu’a Yéhouda le conduisent à des principes de vie a posteriori et lui donnent l’avantage sur Yossef qui, lui, établit son plan de carrière a priori. Ceci nécessite un développement en soi.
[16] Quand Yéhochoua entreprit la conquête d’Aï, 36 grands hommes (la moitié du Sanhédrin) périrent. Yéhochoua tenta d’interroger D. directement sur l’origine de ce fait. D. lui signifia qu’il n’était pas un délateur et lui dit de trouver le problème par lui-même. Il alla consulter les Ourim vétoumim qui désignèrent A’han comme le coupable qui a pris du butin à Jéricho alors que c’était interdit (Sanhédrin 11a). Les Ourim vétoumim ne sont pas la parole directe de D., mais D. intervient comme la « source d’énergie » qui fait fonctionner l’illumination arrière du Ephod.
[17] A l’époque du premier temple, il y avait dans la cour centrale un mikvé où se trempaient les cohanim pour se purifier, Yam chel Chlomo. Il s’agissait d’un bassin d’environ 80 m3 d’eau non puisée, en bronze supporté par douze bœufs en bronze. Ils symbolisaient les douze
signes du zodiaque. L’eau purificatrice se situe au dessus des boeufs donc au delà de l’astrologie.
[18] Si l’analyse est une aventure risquée financièrement, psychologiquement, affectivement et même physiquement, la théorie psychanalytique et celle des rêves ici n’en n’est pas moins utile à connaître
[19] Le maître échanson oubliera la promesse faite à Yossef (plus tard, il mentionne une faute Ber. 41,9, celle de ne pas avoir mentionné Yossef comme interpréteur de rêves professionnel).
[20] Dans le rêve de Pharaon , les vaches maigres proviennent du fleuve (41,3) pour ne pas dire que son dieu tutélaire, le Nil, produit du mal, il ne dit à Yossef que les 7 vaches maigres sont montées du Nil après elles (41,19)
[21] Si les Juifs de la Choa sont morts comme des sacrifices, on ne peut pas dire que les Nazis étaient des cohanim même si la mort de ces martyrs donnent un sens à leur repoussante existence, ces gens là ne nous importent pas. Ils ne sont que des instruments dans la main du Créateur. Tout comme Pharaon à qui le libre arbitre avait été retiré pendant les 10 plaies.
[22] Pourquoi lit-on le livre de Yona à Kipour ? Le Chaar HaTsioun répond: « Tu veux ou tu ne veux pas, tu iras quand même à Ninive Yona, seule t’appartient la manière », il en est de même pour nous même conclut le Hafetz Haïm.
[23] Pas une Téchouva sur sa vente, les frères ne la regrettent pas, mais sur leur cruauté
[24] Si les avot n’avaient pas besoin de temps pour réagir, leurs descendants en ont besoin: Avraham accueille les anges immédiatement après que D. se soit révélé à lui (Ber.18,1); Bikour ‘holim et ha’nassat or’him relèvent de la catégorie ‘hessed
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