Rappelons la toile de fond du début de cette paracha. Un groupe de personnes, dirigé par Kora’h, se plaint du fait que Moché et Aharon partagent le pouvoir. Rappelons la toile de fond du début de cette paracha. Un groupe de personnes, dirigé par Kora’h, se plaint du fait que Moché et Aharon partagent le pouvoir. On comprend par la suite du texte (chapitre 16, verset 10) que c’est la prêtrise d’Aharon qui est particulièrement contestée. Kora’h et d’autres voudraient l’exercer. Moché s’adressant à Kora’h lui dit qu’il (Kora’h) est Lévi et que cela constitue déjà une fonction honorable.
Nous nous attacherons particulièrement à ce point : que signifie réclamer cette prêtrise ? Est-ce simplement une réclamation puérile des avantages de cette prêtrise ? Elle implique malgré tout beaucoup de contraintes. Peut-on voir à travers le dialogue de Moché et Kora’h, une dimension plus profonde de la compréhension du rôle du grand prêtre ?
C’est ce que proposent plusieurs commentaires (nous nous inspirons en partie du Sfath Emeth). Il s’agit de comprendre l’erreur de Kora’h à ce sujet. Il remet en cause le choix d’Aharon parce qu’il pense en connaître les critères. Il comprend cette fonction comme nécessitant une capacité spirituelle particulière, ce qui n’est pas complètement faux. Cette capacité, il pense la posséder. Nos Sages disent qu’il devinait par une sorte de prophétie que sa descendance serait illustre (rapporté par Rachi sur le verset 7 du chapitre 16). Par exemple, le prophète Samuel est un de ses descendants. Kora’h ne se trompe pas. Il sait qu’il a en lui de quoi tenir tête aux dirigeants.
Mais un dirigeant, et en particulier le prêtre, doit posséder une autre capacité indispensable : la transparence. Dans le peuple juif, un dirigeant est un intermédiaire entre D. et Son peuple. Il ne peut prendre cette place que s’il est le canal par lequel passeront les échanges entre D. et le peuple. Et un canal, c’est creux !
Il est absolument vrai qu’il faudrait accumuler des qualités et des mérites pour prétendre devenir une personne à responsabilités. Mais pour créer le rapprochement entre D. et le peuple il faut surtout être champion d’abnégation.
On ne peut concevoir un dirigeant sans ce rôle d’ « intermédiaire » (on peut ajouter que la progression même de la personnalité passe par cette conscience que la collectivité est le moyen de se rapprocher de D., mais cela est un autre sujet quoique complémentaire). Qui dit « intermédiaire » dit effacement de soi. Nous nous trouvons effectivement devant une forme de paradoxe : développer des capacités spirituelles exceptionnelles et avoir une totale déconsidération de sa puissance.
On peut comprendre alors que cette particularité des prêtres d’être ceux qui créent ce rapprochement entre D. et Son peuple, par exemple à travers le service du Temple, est liée à cette capacité de transparence. « Je suis indispensable mais ce n’est pas moi qui t’aide, c’est D. » pourrait être la devise des prêtres. Ceci est dit par exemple pour la bénédiction récitée par les prêtres : ils récitent les bénédictions et D. bénit !
Ce que Moché tente d’expliquer à Kora’h est que D. a choisi Son prêtre. C’est-à-dire que D. sait qui est le plus capable de se fondre dans le peuple tout en étant extrêmement conscient de ses devoirs particuliers, qui est le plus méritant mais qui jamais ne se désolidarisera, qui est celui qui sait se sacrifier pour la collectivité parce qu’il la sent intimement liée à son D.
Kora’h pouvait analyser une capacité de grandeur personnelle mais pas celle qui consiste à être transparent. Il ne savait pas lui-même qu’il « profitait » ainsi d’Aharon ! Car qui ne profitait pas du fait qu’Aharon élevait le peuple vers D. ?
Ainsi, concluent nos Sages, cette remise en question attaquait directement D. Car remettre en question par arrogance ce que faisait Moché, qui n’était lui aussi qu’un intermédiaire, c’était remettre en question l’autorité divine (Sanhédrin 110a sur le verset 9 du chapitre 26). Kora’h n’avait pas saisi qu’un des aspects de la grandeur de Moché et Aharon était justement cette capacité à ne pas faire de sa propre élévation une raison de prendre certaines distances par rapport au peuple, mais au contraire d’en avoir une extrême conscience et grâce à cela de le stimuler.
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