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Le Moleh’

par: Rav Yehiel Klein

Publié le 21 Avril 2021

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Dans la seconde partie de la Parachat Ah’areï-Mot, entièrement consacrée aux unions interdites, se trouve un interdit qui de prime abord paraît hors-sujet :

« Ne livre rien de ta progéniture en offrande au Moleh’, pour ne pas profaner le nom de ton Dieu ; Je suis l’Éternel » (Lévitique XVIII, 21)

Se posent alors deux questions essentielles à la compréhension :

Tout d’abord, en quoi consiste exactement cette idolâtrie – puisqu’on parle d’offrande – dont la Torah ne nous livre que le nom ?

Et pourquoi celle-ci, aussi terrible qu’elle soit, est placée dans la section des unions interdites, entre l’adultère et la zoophilie ?

Le premier point est l’objet d’une controverse majeure entre Maïmonide et Nahmanide.

D’après le premier [1], le culte prohibé est une cérémonie de lustration, où le père de famille devait confier sa progéniture aux prêtres qui la faisaient passer par le feu, rituel dangereux qui les initiait à je-ne-sais quel mystère obscur.

Il s’agit bien d’idolâtrie, certes plus cruelle que des sacrifices animaux ou autres cultes que l’on a l’habitude de voir offrir à des divinités étrangères.

Mais pour Nahmanide, il s’agit de quelque chose d’une toute autre nature : le Moleh’ est un sacrifice humain…

Les prêtres exigeaient un acte d’une cruauté inouïe, en demandant qu’une personne soit prête à sacrifier sa propre progéniture, car c’est ce que la divinité requérait de lui…

Si l’on comprend alors l’extrême gravité de ce péché, on ne saisit toujours pas le lien avec les unions interdites.

On peut supposer que si la Torah l’a mis ainsi en évidence, c’est qu’elle y voit quelque chose de particulièrement funeste.

Il faut donc découvrir pourquoi la Torah a une telle dent contre le Moleh’…

Une réponse [2] nous est donnée par le Sforno [3]:

והזהיר בהפכה דבר בעונש המתטמאים בא’ מג’ מיני טומאות המנגדות לקדושה הנזכרת. האחת היא הטומאה בדעות כענין המולך שאמר בו למען טמא את מקדשי וכענין האובות והידעונים שאמר עליהם למעלה אל תבקשו לטמאה בהם. והשנית היא הטומאה בזרע וזה בעריות שאמר עליהם למעלה אל תטמאו בכל אלה כי בכל אלה נטמאו הגוים ותטמא הארץ. והשלישית הטומאה במאכלות האסורות שאמר עליהם בסוף זאת הפרשה אשר הבדלתי לכם לטמא.

« La Torah met en garde contre les trois sortes d’impuretés qui s’opposent frontalement à la sainteté vue précédemment (Lévitique XIX, 2 : ‘’ Parle à toute la communauté des enfants d’Israël et dis-leur: Soyez saints! Car Je suis saint, moi l’Éternel, votre Dieu’’)

La première c’est l’impureté de la pensée, dont le prototype est le Moleh’ […] [4];

La deuxième, c’est l’impureté de mœurs – l’ensemble des unions interdites ;

Et la troisième est celle des lois alimentaires, à laquelle il est fait allusion à la fin de ce passage (Lévitique XX, 25)» [5]

Ce que nous apprend ce commentaire, c’est qu’au-delà des égards immoraux du corps, il peut y avoir aussi des égarements immoraux de la pensée, et que ceux-ci sont peut-être plus graves encore.

Il faut prendre conscience que, de même que les unions interdites de toutes sortes détruisent la société prônée par la Torah, ainsi certaines manières de penser et certains comportements sociaux [en l’occurrence, on pourrait préciser ici ‘’socio-éducatif’’] – car c’est cela que représente l’idolâtrie – lui nuisent encore plus, puisqu’ils prennent place dans la sphère publique.

En d’autres termes, le Moleh’ est gravissime parce que plus encore que la licence de mœurs, il est le symbole d’une obscénité absolue.

Et tel le perçoit explicitement la Torah, puisque cet interdit est répété dans la Parachat Kédochim, d’autant que le texte s’y allonge plus que pour les autres unions interdites (Lévitique XX, 1-5) :

« L’Éternel parla à Moïse en ces termes: Quant aux enfants d’Israël, tu leur diras: quiconque, parmi les Israélites ou les étrangers séjournant en Israël, livrerait quelqu’un de sa postérité au Moleh’, doit être mis à mort: le peuple du pays le tuera à coups de pierres.  Moi-même Je dirigerai Mon regard sur cet homme, et Je le retrancherai du milieu de son peuple, parce qu’il a donné de sa postérité à Moleh’, souillant ainsi Mon sanctuaire et avilissant Mon Nom sacré.  Et si le peuple du pays ose fermer les yeux sur la conduite de cet homme, qui aurait donné de sa postérité à Moleh’, et qu’on ne le fasse point mourir,  ce sera Moi alors qui appliquerai Mon regard sur cet homme et sur son engeance, et Je retrancherai avec lui, du milieu de leur peuple, tous ceux qui, entraînés par lui, se seraient abandonnés au culte de Moleh’ »

Commentant ce passage (supra XVIII, 21), Nah’manide nous fait remarquer que cet acte, de par son extrémisme et par son irrévocabilité, est ainsi érigé en prototype des pires transgressions, en ce qu’il entraîne non seulement la souillure de tout ce qui est saint mais aussi la profanation du Nom de D.ieu aux yeux des Nations…

Car nul acte n’est plus insensé ni plus cruel que celui qui est prêt à suivre de telles idoles inhumaines…


[1] Guide des Égarés III, 37. Cf. aussi Rachi sur notre verset.

[2] Cf. également Rav Chimchon Raphaël Hirsch, Baalei haTossfot haChalem (Riva’’ch)

[3] Rav ‘Ovadia Sforno (Italie, 1470-1550), un des commentateurs les plus classique de la Torah, mais sommes toutes assez méconnu…

[4] La démarche du Sforno est de montrer qu’à chaque occasion on trouve écrit le terme ‘’impureté’’ (cf. infra)

[5] Traduction libre (pour une fois)

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“Le Moleh’”

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