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Parachat Haye Sarah, Comment se réveiller de sa torpeur ? Peri Tsadik §11

par: Rav Yehiel Klein

Publié le 11 Novembre 2020

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Ouvrage rédigé selon les Parachiots de la Torah, de Rabbi Tsaddok haCohen de Lublin (1823-1900), un des plus grands maîtres du H’assidisme, dont les multiples ouvrages sont aussi difficiles d’accès que stimulants…

Tentative de transcription d’un Maamar H’assidi
1 – Le Midrash Bereshit Rabba (LVIII, 3) ramène au début de notre Paracha un enseignement très étonnant :
« Rabbi ‘Akiva était en train d’enseigner, lorsqu’il constata que son auditoire avait tendance à s’endormir.
Il voulut alors les réveiller, et leur dit la chose suivante :
‘’Savez-vous ce qu’a considéré (litt. : qu’a vu) Esther pour régner sur cent vingt-sept provinces ? elle s’est dit : ‘’que vienne Esther qui est la descendante de Sarah qui vécut cent vingt-sept ans, et qu’elle entreprenne de régner sur cent vingt-sept provinces’’
Il convient de comprendre pourquoi Rabbi ‘Akiva a choisi précisément ce midrash [par ailleurs fort surprenant] pensant qu’il serait de nature à titiller son assistance ?
2 – L’idée semble être que Rabbi ‘Akiva était alors en train de traiter devant eux de sujets extrêmement élevés, et que si les gens somnolaient, lui sembla t-il, c’est parce qu’ils devaient être persuadés n’avoir de toutes manières aucune appréhension possible d’enseignements si profonds, comme le dit le verset (proverbes XXIV, 7) : ‘’La sagesse est trop élevée pour le sot’’. Il désira ainsi les réveiller, et leur apprendre au contraire que chaque Juif a par essence un lien naturel [quoique potentiel] avec les parties les plus élevées de la Torah, comme le dit par ailleurs le Midrash (Tanna deBeï Eliahou, XXV) : ‘’Chaque membre du peuple juif doit se dire : quand donc mes actions atteindront t’ elles celle de mes Pères, Abraham Isaac et Jacob ?’’[ Cf. à ce sujet : http://yechiva.com/product/quand-donc-mes-actions-atteindront-elles-celles-de-mes-peres-ou-la-conscience-de-soi/]
Puisque ce Midrash signifie entre autres que chacun d’entre nous, dès lors qu’il descend des Patriarches, a le potentiel d’atteindre – sur un point au moins – les actions de nos plus illustres aïeux.
3 – Et c’est bien cette idée qu’exprime le Midrash cité inopinément par Rabbi ‘Akiva : pourquoi est-il écrit en effet ‘’qu’ a considéré la reine Esther pour régner sur cent vingt-sept provinces’’, alors qu’on aurait plutôt attendu, plus classiquement : ‘’en quoi la reine Esther a-t-elle mérité de régner sur cent vingt-sept provinces’’ ?
Car cette expression inusitée fait accroire que cette possibilité dépendait d’elle, de sa volonté – ce qui a priori n’est pas le cas.
Cependant cela peut s’expliquer au vu de l’enseignement talmudique suivant (Meguila 15a) : ‘’Esther se revêtit de royauté’’ [וַתִּלְבַּשׁ אֶסְתֵּר מַלְכוּת] (Esther V, 1) – ‘’elle se revêtit d’habits royaux’’ aurait dû dire le verset. Cela m’apprend qu’elle s’est revêtue d’ Inspiration Divine (Rouah’ haKoddech). Car ici il est écrit ‘’et elle se revêtit’’ et qu’ailleurs (I Chroniques XII, 15) il est écrit : ‘’et l’esprit [Rouah’] le possèda’’.
Or l’analogie paraît défective, puisque le terme rouah’ apparaît bien dans le second verset, mais non pas dans le premier…
Mais en réalité tout se combine aisément, si l’on considère que la déduction est plutôt due au fait qu’il n’est pas écrit [quand bien même on parle à chaque fois de se vêtir] ‘’les habits royaux’’ mais de royauté (Malh’out).
C’est cette particularité qui permet d’identifier l’ Inspiration Divine avec la Royauté, les deux versets nous apprenant d’autre part qu’ existe la notion de se revêtir d’Inspiration Divine.
4 – Le Talmud vient ainsi nous apprendre [qu’ Esther a eu la témérité de ‘’se revêtir de royauté’’, c’est-à-dire] qu’elle a osé ‘’se présenter devant le roi en enfreignant la loi’’ (Esther IV, 16), et donc de remettre son sort à une intervention miraculeuse. Et ce sans s’en abstenir, sous prétexte qu’elle se trouvait dans une situation malheureuse et indigne, étant soumise contre son gré à un tyran comme Assuérus, qui disposait et abusait d’elle comme il l’entendait.
[…] Au contraire : après avoir prié et jeûné (Esther, ch. IV), elle s’est résolument ‘’ceinte de l’Inspiration Divine’’
Elle était dès lors persuadée que la ‘’royauté’’ lui appartenait – royauté spirituelle[ Rabbi Tsaddok haCohen développe ici des notions kabbalistiques qui nous dépassent. Il en ressort cependant que, selon le Ar’’i Za’’l, la séfirat Malh’out (Royauté) s’identifie avec la notion d’Inspiration Divine…] -, et n’avait donc plus de raison de craindre Assuérus, et pouvait à bon escient être certaine que celui-ci s’inclinerait devant sa volonté.
5 – C’est la raison pour laquelle le Midrash a en effet dit : ‘’qu’a considéré Esther’’, pour oser se revêtir de cette assurance-là, et devenir l’espace d’un instant la véritable souveraine des cent vingt-sept provinces, et mettre ainsi sa vie en danger.
Et bien ce qu’elle a vu, c’est précisément le fait qu’elle était descendante de Sarah qui vécut cent vingt-sept ans, et dont toutes les années sont perçues par l’Ecriture comme étant toutes également remarquables, toutes également de même intensité spirituelle : « à cent ans, elle était comme à vingt, sans péché. De même qu’elle était sans péché à vingt ans, parce qu’irresponsable de ses actes, de même l’était-elle à cent ans. Et à vingt ans, elle était aussi belle qu’à sept (Beréchith Rabba LVIII) »[ Rachi, Genèse XXII, 1.]
C’est ce que le midrash enseigne au sujet des Patriarches : de même qu’ils furent intègres [dans leur comportement avec l’ Eternel], de même leurs années de vie furent intègres – c’est-à-dire complètes.
L’ Eternel compte ainsi toutes les années de vie comme un ensemble parfait et cohérent. Même les années de prime jeunesse, où la conscience et l’affirmation de la personnalité de ce que l’on sera plus tard n’est pas encore présente, et en particulier chez Sarah qui descend de Tharé, l’idolâtre.
…..C’est le cas pour Abraham lui-même, car d’après certains (Beréchit Rabba XXXIX), ce n’est qu’à quarante huit ans qu’il a reconnu son Créateur : mais le Saint Béni Soit-Il en personne l’a assuré de ne pas s’en vouloir quant à tous ces années passées dans l’ignorance.
Il est donc évident que même Sarah n’était pas au début de sa vie comme elle le devint par la suite.
Et malgré tout, D. considère toutes ces années d’existence comme également positives.
6 – C’est donc de cela que s’est inspiré Esther pour oser se ‘’revêtir d’Inspiration Divine’’.
Car elle a compris que si D. l’a placé dans une telle situation, reine de Perse ,la seule à pouvoir s’opposer au décret exterminateur d’ Hamman – ce n’était pas par hasard !
Mais certainement pour que le salut du peuple d’Israël passe par son truchement…
Elle s’est en conséquence ‘’revêtue de l’Inspiration Divine’’, qui est la vraie royauté, de manière à ne plus craindre du tout le roi Assuérus.
7 – C’est ce message que Rabbi ‘Akiva voulait faire passer à son assistance.
Que jamais l’Homme ne se dise : ‘’Qui suis-je ? Que suis-je ? Quel lien pourrai-je bien avoir avec des concepts thoraïques, avec une Sagesse Divine si élevée ?’’, ayant ainsi conscience d’être une personne aux multiples lacunes.
Rabbi ‘Akiva vient ainsi les persuader du contraire : il ne faut pas hésiter à imiter la reine Esther, qui elle-même s’inspira de Sarah.
Parce que fondamentalement, de la même manière que – nous l’avons vu – chaque Juif doit se demander : ‘’Quand donc mes actions atteindront t’elles celles de mes pères, les Patriarches’’, ainsi chaque Juive doit elle aussi se demander ‘’Quand donc mes actions atteindront elles celle des Matriarches ?’’
Puisque celles-ci ont implanté dans le cœur de leur descendance que chacun d’entre eux – chacune d’entre elles – ait la possibilité [le potentiel] de s’inspirer de la vie et des actions de leurs ancêtres, dès lors qu’il désire avancer, qu’il est dans une démarche positive et qu’il vient se purifier[ Selon Yoma 38b.].
Par conséquent, chacun d’entre nous peux trouver son content, même dans les domaines les plus élevés de la Torah. Car légitimement il a vocation à espérer que ces actions atteignent, ne serait-ce que sur un seul et unique petit point[ Par exemple, comprendre de manière originale tel enseignement qui ne parlerait qu’à nous…] celle de ses ancêtres, les Patriarches.
8 – La même idée est exprimé par ailleurs dans un autre Midrash sur la Ligature d’Isaac (Beréchit Rabbah LVII, 6) :
« ‘’Un Ange de D. l’appela du Ciel, et lui dit : ‘’Abraham, Abraham’’ (Genèse XXII, 11) – Rabbi Eli’ezer ben Ya’akov enseignait [que ce double appel s’adresse au Patriarche, mais également aux générations futures puisque] il n’y a pas de génération qui ne comporte pas elle aussi un Abraham, un Isaac, un Jacob, un Moïse et un Samuel »

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