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Introduction à Pessa’h Sheni, (re)-faire le saut

par: David Gerst

Publié le 22 Avril 2021

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A part toutes les lois et les détails du קרבן פסח, du sacrifice du Pessa’h, cités dans la Parashat Bo et le Sefer Shemot, il est fait mention à nouveau dans le Sefer Bamidbar et la Parashat Behaalot’ha du קרבן פסח, et plus précisément de l’épisode et des lois du Pessa’h Sheni, du Second Pessa’h.
Nous sommes dans la deuxième année après la sortie des enfants d’Israël d’Egypte, au mois de Nissan. Les Bené Israel se trouvent dans le désert. D. leur ordonne d’approcher le Korban Pessa’h en son temps, de célébrer la fête de Pessa’h et apporter le קרבן פסח, le sacrifice du Pessa’h, le 14 Nissan dans l’après-midi, à la date anniversaire du jour où un an auparavant, les Bné Israël l’approchèrent en Egypte, sur l’ordre de D..

Dans le Séfer Chémot, dans la Parachat Bo, on fait le récit de l’ordre divin d’approcher le Korban Pessa’h en Egypte avant la sortie d’Egypte, des détails et des lois strictes le concernant, ainsi que de son accomplissement effectif par les Bné Israël. Dans cette même Parachat Bo, on mentionne la Mitsva d’approcher le Korban Pessa’h également pour les générations à venir, lorsque les enfants d’Israël seront sur leur terre.

Pourquoi alors reformuler à nouveau dans le Sefer Bamidbar l’ordre pour le peuple d’Israël d’approcher le Korban Pessa’h ? Parce que jusqu’à maintenant ils n’avaient reçu l’ordre d’accomplir cette Mitsva qu’en Egypte et par la suite seulement en terre d’Israël. Mais pas de trace jusque-là de Mitsva, de commandement d’approcher le Korban dans le désert. En effet, ce passage prolongé dans le désert n’était pas prévu au départ. Lors du projet initial, le peuple d’Israël devait arriver en Terre Promise et s’y établir assez rapidement, après le don de la Thora au Sinaï. C’était sans compter sur la faute du עגל הזהב ,le veau d’or, et le long processus de Techouva qui en découle, la construction du Michkan et toute la préparation nécessaire avant son inauguration.

C’est alors que se rapproche la date anniversaire de la sortie d’Egypte. D. renouvelle la Mitsva du Korban Pessa’h pour la génération du désert, la génération de ceux qui sont sortis d’Egypte. Moché Rabenou relaie donc l’ordre d’accomplir cette Mitsva, et les Bné Israël s’empressent de l’accomplir le 14 Nissan dans l’après-midi. [Il est important de préciser que c’est le seul Korban Pessa’h que les Bné Israël firent dans le désert, ils ne l’approchèrent pas les 38 années qui suivirent, deux raisons sont avancées : la première étant que l’ordre de faire le Korban Pessa’h dans le désert était exclusif à la deuxième année et ne concernait pas les années qui suivirent, les 40 années passées dans le désert n’étant pas au programme; la deuxième explication avancée est que les Bné Israël étaient dans l’incapacité de le faire, entre autres parce que ceux qui étaient nés dans le désert n’avaient pas été circoncis, et que la Mitsva de Mila et celle du Korban Pessa’h sont étroitement liées.] Mais revenons à notre agneau pascal, deuxième du nom ! La Torah rapporte que des hommes qui n’avaient pas pu faire le Korban Pessah parce qu’ils étaient impurs, ayant été en contact avec un cadavre, vinrent devant Moshé. Lisons ensemble les versets : Or, il y eut des hommes qui se trouvaient souillés (impurs) par des cadavres humains, et qui ne purent faire le Pessa’h ce jour-là. Ils se présentèrent devant Moché et devant Aaron, ce même jour, et ces hommes lui dirent : « Nous sommes impurs à cause de cadavres humains ; mais pourquoi serions-nous privés -diminués- d’offrir « l’approchement », le Korban de D. en son temps, parmi les enfants d’Israël ? ». Moché leur répondit : « Attendez que j’apprenne-et vous fasse entendre- ce que D. décrétera à votre égard. » C’est alors qu’HaShem parle à Moshé et annonce les lois relatives à tous ceux qui n’auraient pas pu apporter le Korban Pessa’h le 14 Nissan pour cause d’impureté ou parce qu’ils se trouvaient trop loin et n’avaient pas pu faire le voyage, ce que l’on nomme comme les lois de “Pessa’h Sheni”. Tous ceux qui n’ont pas pu apporter le Korban le 14 Nissan auront la possibilité de se rattraper et d’approcher à leur tour le Korban Pessa’h le 14 Iyar, un mois plus tard. Les Hala’hots liées à la consommation sont les mêmes, et un homme qui n’approcherait pas le Korban Pessah volontairement et qui ne se rattraperait pas lors du Pessah Sheni le mois suivant serait passible de la peine de retranchement,’Hayav Karet. Qui sont ces hommes qui se sont approchés devant Moché et pour quelle raison étaient-ils impurs ? Certains pensent qu’il s’agit de ceux qui portaient le cercueil des ossements de Yossef, d’autres pensent qu’il s’agit de ceux qui se sont occupés des corps de Nadav et Avihou, les fils de Aaron. D’autres encore pensent qu’il s’agit véritablement de personnes ayant été en contact avec un mort de façon fortuite, un ”Met’ Mitsva” qu’il fallait enterrer. Il convient de s’interroger sur la raison pour laquelle ces hommes firent une telle demande à Moché. En quoi le fait d’approcher le Korbane Pessa’h en son temps est-il si important ? De plus, comment justifier le fait que leur demande ait été exaucée ? Nous voyons rarement dans la Thora une possibilité de rattraper une Mitsva que l’on n’a pas pu accomplir dans un cas de force majeur. En effet, quelqu’un qui n’aurait pas jeûné le jour de Kippour parce qu’il était malade ou en danger de mort pourrait-il faire un deuxième Kippour, la semaine ou le mois qui suit, sous prétexte d’avoir raté le premier ? Pourrait-il sonner du Shofar un mois plus tard après Rosh Hashana etc. Reconstruire la Soukka, la cabane, et la réinvestir pour y habiter un mois après la fête de Soukkot (Bal tossif, au contraire, diriez-vous !) ? Non évidemment, cela n’a plus de sens, une fois le temps de la Mitsva passé, la Mitsva sera accomplie l’année suivante dans les conditions requises… Cela n’est pas le cas pour le Korban Pessa’h. Qu’y a-t-il donc de si fort à son sujet qui justifie leur demande insistante et laisse la place à un second Pessa’h dans la Torah ? Arrêtons-nous un instant sur la signification du Korban Pessah, dans le sens simple du verset, et sur ce qu’il représente. Comme il est dit dans la Parashat Bo à propos de la question du fils impie, au sujet du Korban Pessa’h ” et lorsque vos enfants vous diront “qu’est-ce que ce service pour vous -vous direz ”c’est un sacrifice de Pessa’h en l’honneur d’H’, Qui a sauté (et est passé) au-dessus des maisons des enfants d’Israël en Egypte, lorsqu’il a frappé les Egyptiens et qu’il a sauvé nos maisons”. Pendant l’épisode de la Makat Bekhorot et la mort de tous les premiers nés égyptiens, H’ sauva tous les enfants d’Israël qui le méritaient, tous ceux qui avaient accompli la Mitsva telle qu’ils en avaient été ordonnés et qui avaient mis le sang de l’agneau du Pessa’h sur le linteau de leur porte. Pendant que chaque maison égyptienne était frappée, les maisons des enfants d’Israël étaient épargnées. Les individus du peuple d’Israël virent de leurs propres yeux leur sauvetage directement de la main divine. Le Korban Pessah est ainsi le Korban que l’on approche comme une célébration du saut d’H’, du passage au-dessus des maisons d’Israël, comme un cabri qui ferait des bonds d’un endroit à un autre. D’ieu a-t-il sauté littéralement au-dessus des maisons juives tel que le verset nous le fait entendre ? Que veut dire le fait qu’H’ saute ou passe au-dessus des maisons ? Nous comprenons dans un premier temps qu’il s’agit de nous représenter et d’imager le sauvetage direct et incroyable de la part d’H’ Lui-même ! Comme si le peuple d’Israël recevait à ce moment le don de la Vie, offert par D’ Lui-même, alors qu’au même moment la mort frappait l’Egypte toute entière… (Deux explications se présentent à nous concernant le saut de D’, qui se rejoignent en réalité: soit le saut n’est qu’une image nous permettant de réaliser à notre échelle l’intervention divine et le sauvetage dans toute sa splendeur, soit notre perception, humaine et donc limitée, ne permet qu’une infime traduction de l’intervention divine, le saut divin, le passage, en est vraiment un mais notre seule façon de nous le représenter est le saut humain ou un bond d’un cabri, car le saut d’un homme ou celui d’un animal n’est qu’une pâle copie de l’éclat divin, au même titre que ses membres comme le bras, la main d’H’, etc. « la Torah parle le langage des hommes ».)

Comme l’explique sur place le Sefer ha’Hinou’h (Commandement 380), cet événement apparaît bien comme une preuve et un signe incroyable de l’existence de D’, de sa présence dans le monde et de son intervention directe dans un monde qui se renouvelle sans cesse, un monde dans lequel rien n’est laissé au hasard, pas même une miette… Approcher le Korban Pessa’h revient, pour l’individu au sein du peuple d’Israël, à manifester et célébrer cela année après année. Le Korban Pessah représente une constituante forte de l’appartenance au peuple Juif, c’est le Korban d’H’, tel que le dit le verset ! Approcher le Korban Pessah consiste pour tous ces individus à marquer fortement leur appartenance au sein du peuple Juif, le peuple d’H’, qui reçoit la Vie de ses propres mains. Au même titre que celui qui ne pratiquerait pas la Brit Mila, la circoncision, celui qui n’approche pas volontairement le Korban Pessah est passible de la peine de retranchement, le ‘hiyouv Karet, et ne mériterait plus de vivre au sein du peuple d’Israël. Mitsva tellement fondamentale que les Sages du Sifri et de la Me’hilta (cités par Rashi) apprennent que l’on aurait pu penser que le converti, dès son arrivée dans le peuple Juif, doive apporter un Korban Pessah, à n’importe quel moment de l’année ! Passage obligé, aurions-nous pu croire, à juste titre pour tout celui qui désire entrer dans le peuple et s’inscrire dans une vie de Mitsvots, et cela même à n’importe quel moment dans l’année. Le verset vient nous apprendre que non, car il y a un seul décret pour tous, pour l’étranger comme pour le citoyen de la terre bien implanté, חקה אחת יהיה לכם Tous l’apporteront au même moment ! Car marquer l’identité et son appartenance au peuple d’Israël, c’est avant tout apporter ce קרבן au moment où tous l’apportent. Ce n’est pas ici l’enjeu de l’expérience d’un seul individu mais celui de l’appartenance à un ensemble, qui permet d’approcher ce Korban, la consommation de celui-ci se faisant effectivement en groupe.

Mais qu’est-ce qu’approcher un Korban, et quel est le sens que prend le Korban Pessa’h à la lueur de notre explication ? Il s’agit avant tout d’approcher cette bête à notre place (celui qui ne l’apportait pas en Egypte n’était pas sauvé, et celui qui ne l’apporte pas par la suite est passible de retranchement) et intégrer le fait que nous aurions pu être à la place de cette bête que nous approchons si nous n’avions été épargnés, par la Bonté infinie d’H’, le sang de cet agneau versé, c’est le nôtre qui est épargné et qui continue de faire battre notre cœur d’homme. Mais par quel mérite avons-nous été sauvés, par quel miracle le triste sort des égyptiens lors de la mort des premiers-nés n’a pas été, en fin de compte, celui des enfants d’Israël ? Notre démarche consiste à affirmer que c’est par le mérite de la (re-)naissance d’un peuple et de sa création… Et à travers elle la prise de conscience collective que l’individu seul, même au sein de sa sphère familiale, ne peut prétendre à l’élévation vers le plus-Haut, à un accès à la Kedousha, que par le mérite de son appartenance à un peuple: somme d’individus différents, composée de sensibilités contradictoires, mais tendant avant tout à un objectif commun, servir H’ et s’élever dans la Torah et les Mitsvots.
Seule, la prétention de distinction de l’individu n’est rien, son élan de Kedousha n’est qu’illusoire et l’asservissement à l’idéal égyptien le rattrapera vite et finira par l’écraser, le broyer jusqu’à son dernier soupir…

Nous comprenons alors bien l’insistance des hommes qui étaient impurs-ayant été en contact avec la mort- pour apporter coûte que coûte le Korban Pessah ! Il s’agit de “faire le Pessah” comme le dit le verset, לעשות הפסח, faire littéralement l’expérience à nouveau du sauvetage d’H’, mériter sa protection en se liant à tous les autres membres du peuple !
Ils se sentent diminués, privés et veulent absolument montrer leur appartenance d’individus au sein du peuple d’Israël, le peuple d’H’. Et c’est justement l’apprentissage que le converti doit faire lors de son entrée dans le peuple juif. Son Korban Pessa’h attendra la réalisation par le peuple tout entier, car il devient membre à part entière du Am Israël après sa conversion et peut prétendre à une vie de distinction, sous la protection d’H’ au même titre que tous les membres du peuple, ni plus ni moins. C’est ce qu’il doit apprendre dès son entrée dans le peuple. La demande de ces hommes impurs est bien prise en compte par Moshé Rabbenou et validée par H’ lui-même, c’est un nouveau pan de la Torah qui est dévoilé grâce à eux ! Car leur demande est signe de compréhension parfaite de l’enseignement du Korban Pessa’h, motivée par le fait de l’approcher avec tous.

La Mishna dans Pessahim révèle quelques différences entre Pessa’h Rishon et Pessa’h Sheni, entre le premier Pessa’h et le second. Le premier Korban Pessah est consommé avec l’interdiction de se trouver en possession de ‘Hamets, tandis que pour le deuxième il n’y a pas d’interdit de posséder de ‘Hamets. Pas de fête de Pessah durant 7 jours pour le deuxième… Pour le premier, on récite le Hallel pour la préparation et la consommation alors que pour le deuxième on dit le Hallel seulement pendant la préparation. Seules les lois liées à la consommation du Korban sont les mêmes : le consommer avec des Matsot et du Maror, des herbes amères, ne pas casser l’os du Korban. Ce n’est pas donc exactement le même Korban Pessah un mois plus tard, mais une possibilité d’accomplir à nouveau la Mitsva pour ceux qui n’ont pas pu le faire, une session de rattrapage un mois plus tard, et finalement paradoxalement à leur demande, à un autre moment que le peuple tout entier. Une place est accordée à l’individu qui désire trouver une expression de sa singularité à travers le peuple, pour un accomplissement optimal des Mitsvots. Pas de totalitarisme qui broie les individualités et nie l’épanouissement de la personnalité. Ces individus n’ayant pu apporter leur propre Korban Pessa’h viennent s’associer à leur tour au Peuple tout entier et apporter leur pierre un mois plus tard à la construction bâtie par le Peuple. La demande de ces hommes impurs permet en effet de dévoiler un nouveau passage de la Torah ! Ainsi, dans les faits, un converti qui deviendrait juif entre le 14 Nissan et le 14 Iyar doit apporter le Korban Pessa’h à Pessah sheni, le 14 Iyar. Pareil pour un enfant qui devient Bar Mitsva dans cette période, il devra lui aussi apporter son propre Korban Pessa’h le 14 Iyar. Ils sont tous deux désormais concernés par la Mitsva d’approcher le Korban Pessa’h.
Dernière Halakha, rapportée entre autres par le Min’hat ‘Hinou’h et le Meshe’h ‘Ho’hma, si le Beth Hamikdash est reconstruit entre le 14 Nissan et le 14 Iyar, tous les Bné Israël seront désormais concernés par la Mitsva d’approcher le Korban Pessa’h à Pessa’h Sheni ! Peut-être pour cette année ?
! שנזכה להקריב קרבן פסח במועדו
לשנה הבאה בירושלים

 

 

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