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Hannouka de nos jours

par: David Gerst

Publié le 24 Novembre 2021

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בְבַית שֵׁני כְּשֶׁמַּלְכֵי יון גָּזרוּ גְּזרוֹת עַל ישְׂרָאֵל וּבִטְּלוּ דָּתָם ולֹא הֵניחוּ אוֹתָם לַעֲסֹק בְּתוֹרָ הוּבְמִצְוֹת. וּפָשְׁטוּ ידָם בְּמָמוֹנם וּבִבְנוֹתֵיהֶם ונכְנסוּ לַהֵיכָל וּפָרְצוּ בּוֹ פְּרָצוֹת וטִמְּאוּ הַטָּהֳרוֹת. וצָר לָהֶם לְישְׂרָאֵל מְאֹד מִפְּניהֶם וּלְחָצוּם לַחַץ גָּדוֹל עַד שֶׁרִחֵם עֲלֵיהֶם אֱלֹהֵי אֲבוֹתֵינוּ והוֹשִׁיעָם מִיָּדָם והִצִּילָם וגָבְרוּ בְּני חַשְׁמוֹנאי הַכֹּהֲנים הַגְּדוֹלִים והֲרָגוּם והוֹשִׁיעוּ ישְׂרָאֵל מִיָּדָם והֶעֱמִידוּ מֶלֶך מִן הַכֹּהֲנים וחָזרָה מַלְכוּת לְישְׂרָאֵל יתֶר עַל מָאתַים :שָׁנה עַד הַחֻרְבָּן הַשֵּׁני

Le Rambam, dans les Lois de Hanouka, fait le récit des événements historiques de Hanouka:

« Au Second Temple, lorsque les rois grecs décrétèrent des lois contre Israël, ils firent annuler leur religion et ne les laissèrent  pas s’adonner à l’étude de la Torah et à la pratique des Mitsvots. Ils s’emparèrent de leur argent et de leurs filles, pénétrèrent  dans le sanctuaire et y firent des brèches, ils rendirent impurs ce qui était pur, et Israël connut une période de grande affliction et  de souffrance à cause d’eux, et ils les oppressèrent lourdement jusqu’à ce que le Dieu de nos Pères les prit en pitié, les libéra de  leur emprise et les sauva. Les Hashmonaim, fils des Grands Cohanim se renforcèrent, tuèrent leurs agresseurs et délivrèrent  Israël de leur emprise.

Ils établirent alors un roi parmi les Cohanim et la royauté en Israël fut de retour pour plus de 200 ans jusqu’à à la destruction du  Second Temple… ».

Ils purent à ce moment reprendre l’activité de la Avoda au Beth Hamikdash, et purent rallumer les lumières du Temple, celles de  la Menora (les lumières du service au Temple) le miracle d’une fiole retrouvée intarissable…

Tel que l’énonce le Rambam, le retour à la flamme de la royauté pendant 200 ans est extraordinaire, alors que le peuple d’Israël  était menacé d’extinction à petit feu…

C’était sans compter sur le courage des Hashmonaim et la main d’Hachem qui firent ravaler aux envahisseurs grecs leurs  ambitions de toute puissance. On peut comprendre aisément l’importance de manifester en ces jours la reconnaissance envers H’  pour ce sauvetage incroyable, et ceci pendant toute la période témoignant du retour de la Avoda au Beth Hamikdach…   Le miracle de la fiole l’attestant, ces jours devaient être fêtés par tout Israël !

Mais, au bout de ces 200 ans, lorsque nous arrivons à la chute du royaume d’Israël et à sa déchéance, à l’effondrement et à la  destruction du Temple, que reste-t-il du royaume d’Israël, que reste-t-il de la lumière aperçue alors que les lumières sont éteintes  au Temple, alors que même de Temple il n’y a plus ! Comment fêter Hanouka alors que le Temple est réduit en cendres ?  Comment se réjouir d’un retour temporaire de la lumière au Temple, alors que seule l’obscurité est de mise ? Quel sens la fête de  Hanouka peut elle encore conserver lorsqu’une semaine seulement après la fin de la fête de Hanouka, notre joie de huit jours  face à la lumière retrouvée dans nos maisons laisse bientôt la place à l’affliction du jeûne du 10 Tevêt, du siège de Sion la  superbe annonçant sa destruction future et celle de ses deux Temples. Comment parvenir à fêter la lumière retrouvée alors que  dans la même année l’on marquera tristement-et cette fois-ci dans l’obscurité- à la date du 9 Av la fin du premier Beth  Hamikdash et du Second Temple ?

C’est tout l’objet de notre courte et modeste étude : que représente pour nous la fête de Hanouka de nos jours ?

Le Talmud traité Rosh Hashana (18-b) cite une discussion entre Rav et R’ Hanina d’un côté et Rabbi Yo’hanan et Rabbi  Yehoshoua Ben Levi de l’autre :

איתמר רב ורבי חנינא אמרי בטלה מגילת תענית רבי יוחנן וריב »ל אמרי לא בטלה מגילת תענית רב ורבי חנינא אמרי בטלה מגילת תענית הכי קאמר בזמן שיש שלום יהיו לששון ולשמחה אין שלום צום והנך נמי כי הני רבי יוחנן ורבי יהושע בן לוי אמרי לא בטלה מגילת תענית הני הוא דתלינהו רחמנא בבנין בהמ »ק אבל הנך כדקיימי קיימי מתיב רב כהנא מעשה וגזרו תענית בחנוכה בלוד וירד ר »א ורחץ ורבי יהושע וסיפר ואמרו להם צאו והתענו על מה שהתעניתם א »ר יוסף שאני חנוכה דאיכא מצוה א »ל אביי ותיבטיל איהי ותיבטל מצותה אלא אמר רב  יוסף שאני חנוכה דמיפרסם ניסא

 les premiers affirment que la « Meguilat Taanit » a été annulée, les seconds affirmant qu’elle ne l’est point et qu’elle a toujours  lieu d’être.

Quel est l’objet de leur discussion : la Meguilat Taanit, littéralement le rouleau des jeûnes, était un recueil relativement court  rédigé en araméen à la fin du deuxième Beth Hamikdash et dressant une liste de plus d’une trentaine d’événements où le peuple  d’Israël connût des sauvetages miraculeux suite à des situations particulièrement difficiles, raison pour laquelle il était interdit de  jeûner en ces jours et même pour certains de ces jours de prononcer des oraisons funèbres… Ces événements joyeux, jours de  fêtes, s’étalent sur une période de 500 ans, depuis la période de Ezra et Ne’hemia jusqu’à la période proche de la destruction du  Second Temple, et célébraient de grandes victoires comme celles des Hashmonaim contre des légions militaires grecques ou  même contre les ennemis de l’intérieur, mais aussi des conquêtes de territoires. Y étaient recensées également les fêtes de  Hanouka et Pourim !

L’auteur de ce recueil est identifié dans le traité de Shabbat (13-b), comme s’agissant de Hanania fils de Hizkiya de l’époque des  Tannaïm de la Mishna. La mise à l’écrit de ce rouleau répondait notamment au besoin de se souvenir de toutes ces dates, et était  considéré comme le tout premier recueil de la Torah orale, avant encore la rédaction plus tardive de cette dernière…

Après la destruction du deuxième Temple, beaucoup de ces événements ne méritaient plus d’être marqués et comme l’affirmait  Rav et Rabbi ‘Hanina, à l’instar des jours de jeunes, lorsque le peuple d’Israël connaît une période paisible avec un Beth  Hamikdash construit, ces jours là peuvent être fêtés, mais si la période est au contraire trouble (Beth Hamikdash détruit) alors  ces jours devaient être des jours de jeûne, car remuant d’avantage la désolation devant la tristesse du néant auquel renvoie ce qui  n’est plus…

Ces événements n’ont plus lieu d’être fêtés: le recueil de Meguilat Taanit est annulé…

Rabbi Yo’hanan et Rabbi Yehoshoua Ben Levi rétorquent que seuls les véritables jours de jeûnes, prévus déjà dans les livres des  Prophètes, sont jours de fête en temps de Beth Hamikdash construit et jours de jeûne et d’affliction en temps de destruction du  Beth Hamikdash.

Par contre, les autres jours recensés dans le recueil de la Meguilat Taanit, qui n’étaient pas précédemment fixés comme jours de  jeûne mais seulement comme jours de joie, ceux là restent ce qu’ils sont, à savoir des jours joyeux et célébrant le souvenir de  miracles et bienfaits accordés au peuple d’Israël: un miracle reste un miracle… et il est toujours bon de préserver le souvenir du  bien qui nous a été généreusement accordé…

Le Talmud poursuit et présente une objection de Rav Kahana face à ceux qui tenaient que la Meguilat Taanit et ses événements  n’avaient plus lieu d’être célébrés, en rapportant un fait marquant qui s’était déroulé à Lod après la destruction du Second Temple  : il avait été décrété dans la ville un jour de jeûne pendant Hanouka ! (Un jour de jeûne pendant Hanouka ? C’est donc qu’ils  pensaient bien qu’il n’était plus opportun de fêter dignement cette fête en temps de destruction du Temple, caduque voire  inapproprié ! Plutôt jeûner, pensaient-ils! Hanouka de quoi, si tout est détruit !)

C’est pourquoi Rabbi Eliezer alla se tremper pour se laver et Rabbi Yoshoua se couper les cheveux, tous deux manifestant  ostentatoirement qu’il ne sied pas du tout pendant Hanouka de montrer un signe d’affliction quel qu’il soit et ils s’opposèrent en  disant : « allez jeûner, allez vous repentir sur le fait d’avoir jeûné à Hanouka, vous avez transgressé les Halakhots de cette fête ! ».

Objection importante à ceux qui pensent que la Meguilat Taanit et ses événements recensés n’ont plus lieu d’être cités et fêtés  après la destruction du Temple: Hanouka fait tout aussi bien partie de cette liste, et si cette dernière n’était plus d’actualité,  comment justifier les reproches adressés par les géants Tanaïm Rabbi Eliezer et Rabbi Yoshoua à leurs concitoyens d’avoir jeûné  pendant Hanouka ? C’est donc que la Meguilat Taanit est encore d’actualité, et ses événements méritent encore d’être célébrés ou   ! לא בטלה מגילת תענית : commémorés

Le Talmud répond à cette objection : Rav Yossef dit : nous pouvons toujours affirmer que la Meguilat Taanit a été annulée avec  ses événements, mais en ce qui concerne la fête de Hanouka, c’est différent, tout simplement pour la raison que cette fête est  marquée par une Mitsva, un commandement positif des Sages, l’allumage des lumières de Hanouka !  Car l’on ne supprime pas une Mitsva, un commandement des Sages de la sorte, la pratique fidèle de la Mitsva sait bien résister  face à la tentation trop facile de la rendre désuète sous prétexte que nous saurions mieux que ceux qui nous ont précédé si telle  ou telle pratique n’est pas en accord avec son temps.

Par ailleurs, si Mitsva il y a, fête il y a, car l’on ne saurait faire perdurer coûte que coûte un acte, une Mitsva positive,  dé-substantialisée et déconnectée de son contenu dans laquelle elle s’insère. Et si allumage il y a, il y aura forcément une trace  de la reconnaissance et des louanges liés à la célébration de Hanouka en tant que jour de fête (jeûner et allumer une lumière,  quelle drôle d’idée ce serait…!).

Abayé demande à Rav Yossef : si c’est comme cela, si l’on pense véritablement que la Meguilat Taanit n’a plus droit de cité et  que les évènements pré-destruction du Temple ne sont plus fêtables post-destruction du Temple, mais que seul Hanouka (et  Pourim mais c’est une autre histoire, car faisant partie de ce que l’on peut appeler la Torah écrite) fait exception, Mitsva oblige,  tandis que reconnaissance et jour de fête ne sont plus réellement de circonstance, annulons la fête de Hanouka elle-même, sa  reconnaissance, ses louanges et de fait la Mitsva de l’allumage des lumières n’aura plus lieu d’être ! Il n’y aura plus de Mitsva  sans son contenu, car il n’y a plus de contenu !

Tout est bien qui finit bien, et le problème serait résolu, plus de Hanouka et plus de Mitsva errante cherchant qui et quoi elle  viendrait éclairer, aveuglée par l’obscurité éblouissante de son contenu qui n’est plus ! (Veuillez excuser l’ironie de nos propos,  serions nous vraiment rassurés si Hanouka et ses lumières n’existaient plus ? )

(* Et si nous n’avons pas opté pour cette solution, dit Abayé , c’est forcément que la Meguilat Taanit a été maintenue, et c’est  pour cette raison que Hanouka et sa Mitsva perdurent !)

Rav Yossef répondit à Abayé : pour Hanouka, c’est différent (la Meguilat Taanit n’a certes plus lieu d’être et doit être annulée,  mais le contenu de la fête de Hanouka ne peut pas l’être et n’est pas effaçable ainsi que sa Mitsva ), Hanouka reste de  circonstance malgré la destruction du Temple. Pour quelle raison ? Répond Rav Yossef, « parce que le miracle de Hanouka a été  largement répandu ».

Quelle est la réponse de Rav Yossef, et en quoi le fait que le miracle de Hanouka soit répandu justifie la sauvegarde de la fête et  de ses commandements ?

On peut remarquer qu’il n’est pas dit « car l’on doit répandre le miracle  » (הנס פרסום דאיכא (mais que le miracle « a été répandu » .« דמיפרסם ניסא »-

Mais en quoi la propagation du miracle est suffisante pour sauvegarder une fête qui n’aurait plus lieu (כביכול (d’être ?  Il faudrait dire que la célébration de la fête, malgré le décalage créé par la destruction du Temple, reste d’actualité pour une  raison qui dépasse le simple contexte de la fête.

« כבר הוא גלוי לכל ישראל על ידי שנהגו בו המצוות והחזיקו בו כשל תורה ולא נכון לבטלו » : façon cette de réponse la explique Rachi « Le miracle de Hanouka est déjà largement connu de tout Israël, de par le fait qu’ils ont pris sur eux la pratique des Mitsvots du  jour (l’allumage et le Hallel) et s’y sont attachés comme s’il s’agissait d’un jour de fête de la Torah, et il n’est plus juste de  l’annuler. »

Dans l’histoire de Hanouka telle que le rapporte le Talmud dans Shabbat, le miracle de la fiole a été perçu immédiatement dès  l’année suivante comme un événement avec des conséquences bien au-delà du moment présent. L’allumage de lumières au Beth  Hamikdash, réservé aux Cohanim, s’est perpétué à Hanouka dans les maisons même, au sein de l’ensemble du peuple. Les  Sages, ont perçu l’importance de fixer ce moment et ont institué Hanouka comme jour de fête avec la Mitsva de l’allumage des  lumières.

Que différencie un événement marqué par la Torah d’un autre quelconque ? Que Rachi rajoute-t-il en soulignant que le peuple  s’empara de cette fête comme une fête « de la Torah ?

Tout événement cité par la Torah donnant lieu à un jour fêté pour les générations futures est caractérisé par l’éternité du moment  et la capacité de la Torah et plus tard celle des Prophètes à marquer l’ampleur de l’événement, celui ci n’est pas figé à un seul  contexte donné mais donnera lieu à des répercussions dans le futur, des actes le perpétuant (au delà du souvenir , la pratique) et  qui réactualiseront la portée de l’événement (Chavouot, Pessah, Souccot etc…).

La nouveauté ici, tel que le décrit Rashi est que la dimension miraculeuse se perpétue de par le fait que le peuple se soit attaché  aux Mitsvots du jour, et continue par la pratique année après année à donner du sens-par l’application de l’institution des Sages  comme s’il s’agissait d’une Mitsva de la Torah- à cet événement au-delà de son contexte seul.

(* D’où Rashi peut-il affirmer avec certitude-alors que le Talmud ne le mentionne pas ici- תורה״ כשל בו ״החזיקו ,qu’ils s’y sont attachés ou renforcés comme un jour célébré par la Torah ? Nous proposons de dire qu’une des sources se retrouve dans le  texte de la bénédiction avant la Mitsva d’allumer les lumières de Hanouka: « חנוכה של נר להדליק וצונו במצותיו קדשנו אשר-« « qui nous a ordonné d’allumer la lumière de Hanouka »-comme si c’était un commandement divin, ״והיכן כג שבת גמרא עיין (צוונו״

Le maintien de la fête de Hanouka et de l’institution des Sages au delà de son contexte est représentatif de la dimension éternelle  de celle-ci, la fiole qui dura huit jours se mit à briller dans les foyers: les lumières, apanage de la Menora et du Temple sont  devenues une Mitsva au sein des maisons.

A l’image de la fiole retrouvée et de son huile qui perdure, la fête de la Hanouka instituée par les Sages, menacée d’extinction  après la destruction du Temple, continue à briller et à se perpétuer par une obéissance fidèle à la Tradition des Sages…  Il y a une place pour manifester le miracle, le renouvellement du signe de la présence d’Hachem au sein du peuple juif, même le  Beth Hamikdash défait et ses lumières éteintes, une lueur dans la nuit, une lumière dans les maisons, un miracle qui perdure.

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“Hannouka de nos jours”

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