Notre paracha expose une succession de règles qui touchent plusieurs domaines de la vie. Un grand nombre de ces règles concerne les rapports sociaux : domaine du mariage, de la justice, etc. Notre paracha expose une succession de règles qui touchent plusieurs domaines de la vie. Un grand nombre de ces règles concerne les rapports sociaux : domaine du mariage, de la justice, etc. Au chapitre 25, versets 1 à 3, il est fait mention de la peine dite « des 39 coups » : dans certains cas, le tribunal est amené à infliger une peine corporelle. (D’une manière générale, une peine corporelle n’est prononcée par un tribunal que si un certain nombre de conditions sont rassemblées : avertissement entendu par l’accusé, témoignage valable du délit, etc.)
Une des questions que posent nos Sages est de savoir pour quelle transgression cette peine s’applique. La réponse est qu’il faut que ce soit une interdiction formulée par la Thora, et que cette interdiction soit de la même forme que l’interdiction énoncée au verset suivant (le verset 4) : « tu ne muselleras pas le bœuf au moment du battage ». Il faut comprendre que cette interdiction est juxtaposée aux versets de la peine corporelle pour nous indiquer que c’est justement ce genre de loi qu’il faut transgresser pour mériter la peine « des 39 coups » (voir Rachi au début du verset 2). Cela exclut donc que l’on puisse appliquer cette peine pour certaines interdictions de la Thora, mais nous n’aborderons pas ces détails. Ce genre d’indication par juxtaposition est un mode de raisonnement tout à fait admis et classique dans l’enseignement traditionnel. Ce qui est étonnant, c’est le choix de cet interdit comme signifiant l’interdit idéal, à juxtaposer à la sanction ! Il en existe pourtant d’autres, plus essentiels ou plus courants.
L’explication commune donnée à cette loi du verset 4 est qu’il s’agit d’éviter que la bête ne souffre, en travaillant sur une nourriture sans pouvoir y goûter. C’est effectivement faire preuve d’une conscience particulière que d’avoir à l’esprit les besoins de tous, même des animaux ! Cette interprétation, même s’il y a du vrai en elle, ne va pas jusqu’au bout de l’application de la loi. Car cette loi ne s’applique pas à tous les aliments et dans toutes les conditions de travail. Prenons un exemple : Rachi (verset 4) rapporte que le battage n’est pas cité pour rien, il exclut les travaux sur des aliments qui ne sont pas végétaux. On peut donc museler une bête qui travaille avec un produit laitier, des œufs, de la viande, etc…, même si c’est un animal qui a l’habitude de manger ce genre de produits. Il faut donc ajouter une autre dimension à cet interdit.
Revenons à la peine corporelle abordée. Le texte est très exigeant sur le point suivant : on ne doit pas donner un coup en trop. Sinon, nous créons une situation de mépris envers la personne, qui ne le mérite pas, puisqu’elle a déjà subi la peine (verset 3). C’est, d’ailleurs, de ce verset qui nous apprenons l’interdit formel de frapper autrui (rapporté par Rachi). Nos Sages font remarquer que cette personne nommée « coupable » (en hébreu : racha) au moment de sa condamnation, est nommée « ton frère » (a’hikha) dès que la peine a fini d’être appliquée (rapporté par Rachi). Le texte exige donc une discipline : après la peine, plus de traces du passé ! Cela ne va pas de soi. Il faut que le regard porté sur la personne fautive soit suffisamment réfléchi pour que nous ne fassions pas d’amalgame entre l’homme et son action. L’homme n’est pas « tâché » par la faute. C’est comme lorsqu’on doit de l’argent : une fois payée, qui se soucie d’une vieille dette ? Ainsi, une fois la peine subie, qui y pensera encore ?
La souffrance physique entraîne ou peut entraîner une souffrance morale qui diminue la dignité humaine. Le texte exige ici de rétablir la dignité. Il est vrai que la personne, ayant volontairement passé outre la loi, malgré les avertissements, mérite de perdre un peu de sa dignité en ce qu’elle a volontairement bafoué un ordre divin. Mais la peine subie doit suffire à faire prendre conscience des dégâts causés par cet affront. Il n’y a rien à y ajouter. Ainsi en juge la Thora.
Il y a peut-être un lien avec l’interdit de la muselière. Dans certaines situations, l’homme ne doit pas empêcher la tendance naturelle de la bête à consommer. Il donnerait l’image d’un pouvoir de maîtrise d’un mouvement qui ne lui appartient pas, selon la Thora. Il peut construire des barrages en détournant des cours d’eau, transformer des forêts en plantations, déplacer des troupeaux comme bon lui semble, mais il ne peut empêcher un âne de manger ce qu’il porte sur le dos (cf. Baba Métsia chapitre 7 michna 4). Ainsi la Thora veut nous dire qu’il y a des processus vivants qu’il ne nous appartient pas de freiner. Cela conclut les versets qui nous mettent en garde au sujet du rapport qui s’établit avec le condamné. La peine appliquée, il ne nous appartient pas de penser que le mal n’est pas réparé. C’est un processus que nous ne maîtrisons pas. C’est fini, donc l’homme est de nouveau ton frère. Ne le muselle pas en l’empêchant de progresser, sous prétexte d’un passé de souffrance.
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