img-book
Catégorie : Étiquettes : , ,

Moïse roi ?

par: Franck Benhamou

Publié le 11 Janvier 2023

0.00

Quantité :
Revenir au début
Print Friendly, PDF & Email

La première manifestation divine observée par Moïse s’est produite devant un buisson en feu qui ne brûlait pas. La première parole entendue par Moïse fut « ne t’approche pas de cet endroit, car il est sanctifié ». Curieux teasing, en tout cas pas très accueillant.  L’adjectif démonstratif utilisé n’est pas courant : Halom. Le Talmud va s’emparer de ce terme pour gloser [1] :

« Moïse a voulu la royauté, elle ne lui a pas été donnée, en effet il est écrit « ne t’approche pas de cet endroit » [2] or ce même terme est employé dans un discours du roi David « qui suis-je Dieu pour que tu m’aies amené jusqu’ici ? »[3]

Pour comprendre la pertinence du propos, il faut bien voir que le terme halom est suffisamment peu employé pour permettre un tel rapprochement. Lorsqu’on s’intéresse à ses occurrences dans l’intégralité de la Bible, on voit qu’il désigne plus une dignité [4] qu’un endroit, comme en témoigne parfaitement le verset tiré du livre de Samuel.

L’emploi du terme halom est donc paradoxal : au même moment que Moïse est convoqué à sa mission, il lui est dit qu’il n’aura pas accès à la dignité. Fort de cette questions le Talmud interprète cet emploi en disant qu’une certaine dignité ne sera pas donné à Moïse : la royauté.

On s’étonne alors : pourquoi en parler à ce moment-là ? N’y a -t-il pas d’autre urgence ? Et pourquoi cette dignité lui serait-elle refusée ? Au contraire ne serait-elle pas un atout ?

Sur notre chemin nous avons rencontré le Maharal dans ses hidouchei aggadot [5],

La raison pour laquelle Dieu lui a refusé la royauté, car cette dignité ne sera possible que pour le messie qui sera à la fois roi d’Israël et prophète.

Notre thème n’est pas le messie. Nous pouvons toutefois apprendre qu’il n’y a pas incompatibilité fondamentale entre royauté et prophétie. D’ailleurs Salomon qui était roi était également prophète, comme en témoigne ses « échanges » avec Dieu relatés au début du livre des Rois. C’est donc que la dignité royale fut refusée à Moïse…semble-t-il.

Pourtant, en suivant le fil talmudique précédent nous pouvons lire (suite de Zvahim 102) :

Rava objecta un texte :   lors de l’érection du michkane-tabernacle (temple portatif du désert), Elichéva la femme de Aaron, fut gratifiée de cinq dignités : son beau-frère Moïse fut désigné comme roi ! 

Question difficile puisqu’on y montre un texte qui s’oppose frontalement à la « déduction » faite à partir du mot halom. Comment réconcilier l’inconciliable ? Le Talmud ne se démonte pas :

Rav répond lui-même : la dignité refusée à Moïse ne fut pas d’être nommé roi, mais sa descendance ne le fut pas. 

Le début du texte ne voulait pas dire que Moïse n’accéderait pas à titre personnel à la royauté, mais c’est à ses descendants qu’elle fut refusée. Il n’y a pas incompatibilité entre prophétie et royauté, Moïse était également roi. Mais pourquoi parler de sa descendance ? Pourquoi dire d’entrée de jeu, lors de la révélation qui eut lieu au buisson que ses enfants ne devaient/pouvaient être roi ?

Ajoutons une question-supplémentaire- le Maharal qui commente les citations talmudiques les unes après les autres dans ses hidouchei aggadot, n’a pas commenté la question et la réponse de Rava, alors que cette « précision » semble rendre obsolète le commentaire précédent du Maharal ; pour le dire rapidement : on voit bien, selon la suite du texte commenté, que Moïse reçut la double dignité celle de roi et celle de prophète, et que cette double dignité n’est pas l’apanage exclusif du messie !

L’enjeu ici n’est pas personnel, il ne s’agit pas de refuser à Moïse telle ou telle dignité, il peut très bien les prendre toutes, d’ailleurs l’extrait de texte talmudique cité plus haut essaye de montrer que Moïse était aussi grand prêtre. Le niveau envisagé est plus abstrait, c’est ce dont témoigne l’évocation de la descendance de Moïse. Ce qu’exprime le Talmud c’est qu’il a été refusé à Moïse d’être la figure de la fonction royale. L’histoire a retenu pour cette figure David, et non Moïse ; l’histoire a retenu Moïse comme la figure du prophète, et non celle de grand-prêtre. L’enjeu est donc symbolique : alors que Moïse entre sur la scène de l’histoire au buisson ardent, il n’y entre pas comme roi, même pas comme titre secondaire ; non pas qu’il y ait antinomie entre les fonctions, mais il s’agit de camper une figure, dans la scène du buisson ardent.

Moïse sera la figure du prophète. Non, pas le plus grand prophète, comme s’amusera à le signaler le Talmud qui verra en Bilaam le « plus grand des prophètes », mais la figure de la prophétie sera incarnée par Moïse. Dès lors que l’enjeu a été propulsé à la scène du buisson ardent, on peut dans un second temps comprendre en quoi Moïse fut roi, lui qui n’avait pas de terre. En effet, en ouvrant les lois relatives à ce sujet dans le Michné Torah de Maïmonide, on peut y lire diverses fonctions : prélever l’impôt, faire des guerres de défense et de conquête, prendre des soldats, établir les charges administratives et judiciaires ; beaucoup d’entre elles sont liées à la présence effective sur une terre. D’où la question.

Cependant le texte talmudique rapporté par Rava nous met sur une tout autre piste : en effet il exprime que Moïse était roi lors [6] de l’inauguration du tabernacle. Le traité Chvouot apporte un enseignement montrant que Moïse était déjà roi lorsque Dieu lui commanda de réaliser le tabernacle.  Ce texte[7] est riche d’enseignement pour notre thème. Il commente une michna indiquant « on ne peut élargir le parvis du Temple ou étendre Jérusalem qu’en la présence du roi, du prophète, des ourim et toumim, et du Sanhedrine. ». Le Talmud demande l’origine biblique d’une telle nécessité. Il rapporte pour cela un verset issu du début de la péricope de Trouma [8] : « [le tabernacle sera] semblable en tout à ce que je t’indiquerai, c’est-à-dire au plan du tabernacle et de toutes ses pièces ; et vous l’exécuterez ainsi ». Le Talmud est sensible à ces derniers mots qui semblent superflus, il explique ce « vous l’exécuterez ainsi » en disant qu’il s’agit d’un commandement pour les générations ultérieures. Il ne sera donc pas possible de faire un Temple trop dissemblable au tabernacle : on pourra par exemple en faire varier les proportions en surfaces, en volumes ou en nombre d’ustensiles, mais la référence restera celle du tabernacle de Moïse. Le Talmud n’est pas très explicite sur la façon dont il faut déduire de ce verset une obligation de la présence d’un roi pour étendre la surface du Temple. Rachi [9] précise « Moîse était roi et prophète, son frère grand prêtre était présent symbolisant les pierres du pectoral (ourim et toumim) en plus des soixante-dix anciens ». L’intronisation du tabernacle possédait de façon embryonnaire les un roi, un grand prêtre, un prophète et un Sanhedrine.

Le Talmud de Jérusalem est la source de ce Rachi, il y sera précisé [10] qu’en réalité à l’époque de l’érection du tabernacle, il n’y avait pas « soixante-dix anciens », mais que Moïse faisait office de Sanhedrine ! Ces textes sont pour nous précieux à plusieurs titres.

D’une part, ils montrent qu’il existe quatre instances de pouvoir. On ne peut véritablement parler d’un message politique dans la Bible, où l’on voit que les formes de gouvernements sont très variables, mais on peut parler de l’existence de quatre institutions. Ces quatre institutions sont incarnées par des figures : humaines (le roi, le prophète), groupe humain (sanhédrine), ou matérielle (pierre du pectoral pour la prêtrise). Il n’y a pas véritablement d’antinomie entre ces quatre pôles : Moïse les possédait toutes, le messie les possédera toutes. Mais ces quatre pôles doivent/peuvent travailler de concert. Nommons-les par commodité : la sagesse, le cultuel, le prophétique, le politique (on entend par ce mot : défense du pays, intérêts géographiques et administratifs).

On pourra tenter de lire l’histoire d’Israël comme précisément la difficulté à harmoniser ces quatre pôles : si par exemple à l’époque de Moïse c’est la dimension prophétique qui prédomine, on pourra voir l’épisode du veau d’or comme précisément l’absence d’une dimension cultuelle, le temple sera considéré comme une réponse à cette exigence. L’épisode de la demande de roi à l’époque de Samuel, qui a fait couler tant d’encre, serait justement à comprendre comme un excès du pôle prophétique par rapport au pôle politique.

Tossefot sur Chvouot donne d’autres exemples où l’on trouve la nécessité de la présence conjointe de ces quatre pôles, commentant la nécessité de cette quadruple présence pour l’extension du Temple de Jérusalem, il commence par une question :

« mais n’est-il pas écrit dans le première Michna de Sanhédrine [11] qu’on n’étend le parvis du Temple qu’en présence du Sanhédrine [et non pas d’autres instances] ? Réponse : là-bas on ne mentionne que les soixante-dix personnes du Sanhédrine, car c’est le sujet du traité. Preuve : il est indiqué dans ce même texte, qu’on ne sort en guerre qu’en présence du Sanhédrine alors que le Talmud affirme qu’il faut aussi le roi et les pierres du pectoral. 

La sortie en guerre aussi est une composition entre ces différents pôles, elle ne relève pas seulement du roi. Les enjeux sont peut-être exclusivement territoriaux, mais l’absence momentanée d’une des instances dans les grandes dates de l’histoire d’Israël pourrait laisser croire la prédominance exclusive d’un des pôles.

Ainsi, dès l’entrée de Moïse sur la scène de l’histoire, est affirmé un régime de séparation des pôles. Pourquoi alors Moïse cumula-t-il tous ces postes ? Il me semble que la réponse vient d’une remarque d’Abravanel [12]. En commentant le chapitre de la Torah où serait [13] indiquée la nécessité d’un roi, il fait un bilan sur la légitimité d’avoir demander un roi à l’époque de Samuel. Il examine les différentes théories sur cette question, et il propose une réponse : il a été reproché aux hébreux de demander un roi alors que Samuel était vivant [14].  Lorsqu’un grand homme est présent, il est difficile de le court-circuiter ; en l’occurrence il s’agissait de la présence de Samuel. Un homme a lui seul peut parfois capter à lui l’ensemble de ces quatre dimensions, la Torah ne craint pas comme chez Montesquieu les abus liés à l’exercice du pouvoir ; mais ce qu’elle craint c’est une sous-représentation d’un des pôles que nous avons désignés. Il ne s’agit pas non plus d’un équilibre définitif et rigide, comme le montre l’existence même de Samuel qui endosse plusieurs rôles, mais au contraire d’envisager une intelligence vivante [15] entre ces différents pôles.

Chez les grands auteurs, cette « quadripolarité » même si elle n’est pas thématisée est toujours présente. Donnons quelques exemples.

Lorsque Maïmonide énonce la façon dont un roi est nommé il dit [16]

On érige un roi qu’avec un sanhedrine de soixante-dix personnes, et un prophète, comme Josué qui fut intronisé par Moïse et son tribunal, ou comme Saül et David qui furent nommés par Samuel et son tribunal. 

Or Maïmonide lui-même avait omis la présence du prophète au cinquième chapitre des lois du Sanhedrine. Lorsque Nahmanide parlera de ces lois [17], il n’omettra pas la possibilité/ nécessité de nommer un roi en présence du grand prêtre. Il s’appuie sur le texte de la nomination de Josué par Moïse qui s’est faite en présence du grand prêtre Eléazar [18] puisqu’à cette époque Aaron -son père- était décédé.

Le thème des ourim vétoumim est assez obscur. Pourtant nous pouvons nous en approcher grâce aux remarques que l’on a faites précédemment. Crescas [19] donne une place tout à fait importante à ces « reliques ». Il en fait un des principes de la Torah au même titre que la particularité de la prophétie de Moïse, ou la résurrection des morts. Rôle exorbitant, que je n’ai jamais vu chez d’autres auteurs. « Le grand prêtre se revêt de l’esprit saint en se recueillant, par cet instrument, sur la question qu’il adresse. Et il imagine comme si les lettres qui y sont gravées ressortaient l’une après l’autre selon l’ordre des lettres composant le mot répondant à la question…Il fallait que ce soit le roi qui questionne, du tribunal suprême ou de quelqu’un dont la communauté a besoin…il fallait que ce soit le grand-prêtre qui questionne »

On voit ici que les ourim vétoumim sont une interface entre deux pôles : le grand-prêtre et la prophétie. Les ourim vétoumim étant la preuve concrète (si l’on peut dire) que le grand prêtre n’est pas prophète, qu’il peut être « habillé » par l’esprit saint, mais pas par la prophétie qui est un degré supérieur de perception.

Ramban possède sur la royauté de Moïse une vue particulière qu’il faut examiner avec soin. Il s’exprime à plusieurs reprises sur ce thème, et nous allons essayer de frayer son chemin, pour le mettre en regard de celui que nous avons parcouru. Il commente les versets suivants :

« La Torah nous fut ordonnée par Moïse, héritage pour la communauté de Jacob ; ainsi devint-il roi de Yéchouroun, les chefs du peuple étant réunis, les tribus d’Israël unanimes » [20] .

De quel roi parle-t-on ? Dieu est le sujet de ces phrases, répondront Rachi et Ramban. Ce dernier écrira cependant :

« Il y a certains textes [21] qui disent que ces versets parlent de Moïse ; si c’est ainsi lorsque le verset affirme que la Torah nous fut ordonnée par Moïse sur nous [communauté de Jacob] et sur les tribus c’est pourquoi nous devons accomplir ses paroles et commandements, car il était sur nous un grand roi ainsi qu’un sage, et les versets nous racontent la grandeur du mandaté [Moïse] ainsi que sa crédibilité, mais la droiture et la vérité, c’est comme nous l’avons expliqué [que ces versets ne parlent  pas de Moïse mais de Dieu]. »

Pourquoi Ramban refuse-t-il de voir la figure de Moïse comme roi ? Il y a une raison interprétative qu’il prétend contourner, mais à trop grands frais ; en effet si Moïse est roi, et qu’il nous ordonna la Torah en tant que roi, n’y -t-il pas lieu de se tromper ? D’en faire un législateur non-inspiré par la prophétie ? Le contournement qu’il propose c’est de dire que Moïse est mandaté, et c’est en tant qu’envoyé de Dieu qu’il fit hériter la Torah à la communauté de Jacob. Le commentateur conclut : « mais ce n’est pas la droiture et la vérité ». La tentation de prendre Moïse roi comme législateur est grande. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de dogme. En effet le contenu des lois de la Torah est totalement différent si l’on estime qu’il a été donné par Moïse en tant que roi ou par Moïse en tant que prophète [22]. Des lois émises par un roi n’ont qu’une portée civile, celles portées par un prophète ont une portée « transcendante » (qui sortent du cadre de la gestion des humains et de leur vie socio-économique). Mais à suivre Ramban, cette interprétation n’est pas possible car Moïse n’est pas roi. En effet « Moïse en allant constamment chez Pharaon, en faveur du peuple d’Israël, sans peur, prédisant les plaies, faire sortir le peuple d’Egypte avec lui : c’est dire qu’il est comme un roi » [23] Il semble donc que Moïse à défaut d’être un roi, se soit comporté comme un roi [24]. Selon notre auteur, Moïse n’était donc pas un roi, mais y ressemblait. Le texte talmudique en introduction est donc à prendre dans ce sens : lorsque Raba affirme que la descendance de Moïse ne fut pas nommée à la royauté, il s’agit de montrer que Moïse n’avait pas tous les attributs d’un roi, parce qu’il ne l’était pas, mais prenait la posture de roi lorsque celle-ci s’imposait. Pour lui, la figure de Moïse prophète ne souffre pas de mélange : la loi divine ne rencontre les nécessités de gestion humaine que de façon « accidentelle ».  On se rappelle que Maïmonide explique longuement ce qu’est la prophétie dans son Guide des Egarés. Au milieu de ces chapitres, il expose la nécessité pour la Torah d’amener les hommes à une double perfection : « mais si tu trouves une loi dont les dispositions visent à améliorer les intérêts corporels, mais aussi à l’amélioration de la foi, s’efforçant tout d’abord de répandre les opinions saines sur Dieu et sur les sages, tendant à rendre l’homme sage, intelligent et attentif, pour qu’il connaisse tout l’être selon sa condition, alors tu sauras que ce régime émane de Dieu et que cette loi est divine ». Nous avons vu que, pour Maïmonide, Moïse était un roi [25], lisant le verset du livre de Dévarim comme s’appliquant directement à Moîse : pour lui cette double perfection à laquelle vise la Torah est représentée par Moïse prophète-roi. Il n’a pas fait hériter la charge de roi à ses enfants pour une raison particulière : la prophétie n’étant pas héréditaire, et en particulier celle de Moïse qui est totalement singulière -la seule qui va jusqu’à donner la Torah-, c’est pourquoi il n’a pas pu faire hériter cette charge à ses enfants. Plus précisément, la royauté pour Moïse n’était pas une fonction à part, mais bien constitutive de son rôle de prophète législateur. Ramban, en déniant à Moïse la véritable fonction de roi, nie qu’une des fonctions centrales de la Torah est aussi « l’amélioration des intérêts corporels », c’est-à-dire la possibilité de la vie collective en dépit des différences de caractères entre les hommes. La définition du roi n’est pas donnée dans le Michné Torah où sont indiquées les lois, mais dans le Séfer Hamitsvot [26] : « le commandement de nommer un roi d’Israël qui rassemblera tout le peuple et le dirigera » ; le roi n’est pas fondamentalement un chef militaire, c’est avant tout une personne qui doit fédérer le peuple. Il fait la guerre pour assurer l’intégrité du pays afin que tous ses sujets puissent y vivre ensemble, il conquiert des territoires pour permettre une meilleure vie à l’ensemble de son peuple. Cette fonction est plus fondamentale que celle de la prophétie : Maïmonide rappelle [27] que l’on doit choisir le roi avant le prophète si leurs vies sont mises en balance. D’où la pertinence de parler du roi Moïse lorsqu’il s’agit de dire les bénédictions à la totalité des tribus : en affirmant que le prophète-législateur Moïse était aussi roi, il ne s’agissait pas de fédérer le peuple ou de rendre possible l’existence sociale, mais d’en faire un enjeu de la promulgation de la Torah.

Concluons par le Maharal : en commentant le texte où il est montré que d’emblée la royauté est refusée à Moïse, celui-ci commence par écrire « en obtenant la royauté, Moïse pouvait obtenir un degré supérieur ». Pour le Maharal l’aventure de la royauté est avant tout personnelle, l’occasion d’accéder à une dignité particulière ; il cite en cela l’exemple de Salomon qui est supérieur à Moïse en prophétie parce qu’il était roi. La royauté permet donc de conquérir un degré particulier. Contrairement à Maïmonide pour qui la cohésion sociale est une aventure de l’espèce humaine, pour le Maharal elle n’en n’est pas une.


Référence :

Zévahim 102a

עולא בקש משה מלכות ולא נתנו לו דכתיב (שמות ג, ה) אל תקרב הלום ואין הלום אלא מלכות שנאמר (שמואל ב ז, יח) מי אנכי ה’ אלהים [וגו’] כי הביאתני עד הלום

Suite Zévahim

טומתיב רבא רבי ישמעאל אומר יבמה מלך אמר רבא לו ולזרעו קאמר

Michna Chvouot

טו. אחד הנכנס לעזרה ואחד הנכנס לתוספת העזרה שאין מוסיפין על העיר ועל העזרות אלא במלך ונביא ואורים ותומים וסנהדרין של שבעים ואחד

Gmara Chvouot 14

יחאחד הנכנס לעזרה וכו’: מנא הני מילי אמר רב שימי בר חייא דאמר קרא (שמות כה, ט) ככל אשר אני מראה אותך את תבנית המשכן ואת תבנית כל כליו וכן תעשו לדורות

Rachi

וכן תעשו – קרא יתירא למידרש לדורות ובימי משה דהוא מלך ונביא ואחיו כהן גדול ואורים ותומים ושבעים זקנים:

Tossefot

(לעיל יד.) שאין מוסיפין על העיר ועל העזרות. ואם תאמר דבפ »ק דסנהדרין (דף ב.) לא חשיב אלא ע »א וי »ל דהתם לא חשיב אלא מילי דסנהדרין ותדע דתנן נמי התם אין מוציאין למלחמת הרשות אלא בב »ד של ע »א ולא תני מלך ויועץ ואורים ותומים אע »ג דבעינן להו כדמסיק התם בגמרא (דף טז.) מקרא


[1] Zva’him 102a. Nous avons rassemblé certaines sources en fin de texte.

[2] Chémot 3.5.

[3] Samuel II 7.18.

[4] Voir Haketav véhakabala sur chémot 3.5.

[5] Commentaire sur Zva’him 102a.

[6] Nous renvoyons le lecteur érudit au Séder Olam §7, qui est la source de l’extrait rapporté par Rabba ; il y est indiqué que « il se trouve donc que le jour de l’érection du michkan », montrant qu’il n’est pas nécessaire d’admettre que Moïse accéda à la fonction royale ce jour-là, mais qu’il était déjà roi lorsque le Michkane fut érigé.  

[7] Michna en Chvouot 14a. Gmara en 14b, et Rachi sur place. Commentaire de Tossefot déporté en 15a (Chééne).

[8] Chémot 25.8. Chronologiquement, il s’agit du début des chapitres relatifs à la réalisation du Michkane, verset concluant l’énonciation des différents matériaux utilisés pour sa fabrication.

[9] Reprenant en réalité le Talmud de Jérusalem Sanhédrine §1 hala’ha 3. Voir aussi Pirouch Hamichanyot Rambam sur Chvouot §2.

[10] En réalité, voir le Maré Hapanim sur ce texte qui débrouille ceci. Même si son interprétation nous parait plausible, nous pouvons signaler qu’au chapitre 24 de chémot, donc juste avant, on faisait référence à soixante-dix anciens. L’affaire se complique par le renvoie par le Talmud à l’épisode de kivrot Hataava, Bamidbar

11. L’enjeu serait selon nous de la commensurabilité des dimensions de sanhédrine (justice, sagesse) et prophétique.

[11] Sanhédrine 16a.

[12] Sur Dvarim 17.

[13] Le conditionnel pour rappeler que l’obligation de nommer un roi est parfois remise en question.

[14] C’est aussi la démarche de Ralbag.

[15] J’emploie ce terme à Léo Strauss dans son article à propos de Maïmonide sur la science politique, p.159, dans l’édition PUF Quadriges.

[16] Choftim 1.3.

[17] Commentaire sur Dvarim 17.15, lois sur le roi.

[18] Bamidbar 27.21.

[19] Or Hachem. Lumière de l’éternel. Traduite par E.Smilévitch, Hermann. P.1093-1095.

[20] Dvarim 33.4-5.Traduction Rabbinat.

[21] Il fait référence à certaines aggadot de Béréchit Rabba, mais aussi à Maïmonide dans son commentaire sur la michna Chvouot 2.1. Ou Ibn Ezra dans son commentaire sur Béréchit 36.31.

[22] Nous reviendrons plus tard sur ce point autour de la confrontation entre Maïmonide et Ramban.

[23] Commentaire sur Chémot 18.1. (fin)

[24] Mais selon nous, il ne suffit pas de le dire, car nous avons montré que le Talmud que Moïse était considéré comme roi un peu plus tard dans l’histoire du peuple juif. Mais le Ramban est plus explicite dans son commentaire sur Béréchit 49.10 : David fut le premier roi qui possédait le sceptre de la royauté. Difficile de dire que Moïse ne le possédait pas !

[25] Dans son commentaire sur la michna de Chvouot §2.

[26] N° 173.

[27] Il renvoie à Horayot 13a. Inutile de dire que la vie du sage est prévalente devant le roi ou le prophète.

Voir l'auteur

“Moïse roi ?”

Il n'y a pas encore de commentaire.