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Hanouka, Un miracle inutile?

par: Rav Yehiel Klein

publié le 11 Décembre 2020

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A – Le Talmud dans le traité Chabbat 21b entreprend de nous raconter l’origine de la fête de Hanouka.
Elle fut instituée en souvenir du retour victorieux des Asmonéens dans le Temple de Jérusalem, qu’ils trouvèrent à leur grand dam en triste état, parce que les Grecs y avaient sciemment rendu impures toutes les huiles d’allumage. Les Maccabees firent l’effort d’en chercher qui ne soit pas souillée, et n’en trouvèrent [miraculeusement] qu’une seule fiole, intacte avec le sceau du Grand Prêtre. Elle ne contenait la quantité suffisante que pour brûler un seul jour, mais un miracle se produisit, et elle brûla pendant huit jours.

Cet épisode glorieux pose cependant un problème technique.
Le Pneï Yéochoua est le premier à soulever ce spectre halakhique qui hante le miracle de Hanouka :
Pourquoi avoir fourni tous ces efforts pour obtenir de l’huile rituellement pure, alors qu’au niveau légal, on aurait tout à fait pu allumer avec de l’huile impure, en vertu du principe selon lequel ‘’טומאה הותרה בציבור’’- « l’impureté rituelle est abolie lorsqu’il s’agit d’une défaillance collective » ?
Expliquons-nous : les sacrifices et les cultes du Temple de Jérusalem peuvent être classés en deux catégories principales, les offrandes des particuliers, et les services et les offrandes publiques.
Rien ne semble plus public que l’obligation quotidienne et perpétuelle d’allumer le Candélabre (cf. Nombres VIII, 1-4).
Or, de divers versets, on apprend (cf. Pessahim 66b et 77a, Yoma 6b) que le culte public a vocation à se maintenir dans toutes les conditions, même si la majorité du peuple se trouve en état d’impureté. Et ce, parce que ‘’l’impureté rituelle est abolie lorsqu’il s’agit d’une défaillance collective’’.
Les Asmonéens, s’appuyant sur ce principe, et au vu de la situation tragique dans laquelle se trouvait le Temple lorsqu’ils parvinrent à le reconquérir, auraient pu pragmatiquement faire fi des exigences rituelles ayant cours en temps normal, et allumer avec la seule huile disponible, même si elle avait été souillée par l’ennemi.

B – Plusieurs réponses – plus ou moins techniques – ont été proposées pour faire face à cette question ;
Deux d’entre elles retiendront particulièrement notre attention.

C – Le Pneï Yehoshoua lui-même répond qu’en effet, ils auraient pu se contenter de la solution légale, et allumer avec de l’huile impure. Mais c’est la Providence qui, pour ainsi dire, guida alors leurs pas vers cette fiole rescapée du vandalisme hellène, afin de « leur témoigner Son affection », et ensuite provoquer le miracle encore plus impressionnant de la combustion ininterrompue huit jours durant.
En d’autres termes, le fait de ne pas avoir à se reposer sur la permissivité offerte par la loi fait partie intégrante du Miracle de Hanouka.
Mais il est indubitable que cela n’aurait pas pu avoir lieu si par ailleurs de leur côté les Asmonéens n’avaient pas à un moment donné cherché (‘’בדקו’’, dit la Béraïta) dans ce Temple sens dessus dessous une improbable fiole non souillée.
Dès lors, se pose la question de savoir pourquoi ces derniers ne se sont en effet pas contentés de ce dont ils disposaient, et d’où leur vient cette aspiration à agir au-delà de ce qui peut être légalement toléré.
D – De fait le Guilyoneï haChass et le Hakham Tsvi considèrent pour leur part qu’il y avait effectivement de la part des Asmonéens une volonté consciente, une aspiration militante de ne pas se satisfaire d’huile qui ne soit pas pure.
Et cela est de nature à nous éclairer sur la nature profonde de la Fête de Hanouka.
Nous savons en effet que le nom même de la fête – Hanouka – se réfère à l’Inauguration nouvelle que firent alors les Juifs lorsqu’ils récupérèrent ce Temple saccagé.
Il s’agit d’un nouveau départ.
Dans ce cadre, nous expliquent les Commentateurs, on ne peut pas se satisfaire de ce que tolère la loi, parce que l’enjeu n’est pas simplement rituel.
Si l’on désire profondément pouvoir repartir à nouveau, en effaçant les déplorables conséquences des persécutions grecques, de l’assimilation et de l’affaiblissement spirituel et identitaire qu’elles entraînèrent, alors il ne faut pas construire cela sur de l’huile impure.
Il faut faire son maximum pour obtenir les bases les plus solides possibles, en l’occurrence un allumage effectué avec de l’huile pure, même si cela demande des efforts, et qu’en fin de compte cela n’a pu être résolu que par une intervention de la Providence.
D’autant qu’il apparaît clairement que cette intervention divine pu avoir lieu parce que les Hasmonéens l’ont provoquée, parce qu’ils l’ont bien cherché (c’est le cas de le dire), en examinant tous les recoins du Temple pour voir s’il n’y avait pas une fiole rescapée.
(Remarquons au passage que cette démarche participe de l’idée de Messirout Nefesh, le ‘’don de soi’’ qui par ailleurs – révolte militaire, fiole qui brûle plus que sa capacité… – est au centre de la Fête de Hanouka, comme nous l’avions exposé il y a quelques années)

E – Et c’est là que la notion particulière de Touma, (impureté) revêt toute son importance.
L’ impureté, puisque son prototype est celle contractée par un être humain lorsqu’il passe de vie à trépas, peut être perçu comme un arrêt, une coupure nette, qui barre à l’entité affectée l’accès à toute évolution spirituelle.
Car, nous l’avons déjà vu, tout objet ou tout être a vocation à atteindre éventuellement la Sainteté ( »Kedoucha »), c’est-à -dire être d’une certaine manière séparé du monde parce qu’entièrement investi au service du Créateur.
Pureté et impureté sont alors des critères légaux qui nous renseignent sur la capacité de chaque élément à pouvoir ou non se projeter spirituellement plus loin.
Dans ce cadre, le fait que le Temple de Jérusalem était souillé dans son intégralité représente plus qu’une contrainte technique à gérer, que l’on pourrait en effet régler à travers les subtilités de la loi.
Se reposer sur le principe selon lequel ‘’l’impureté rituelle est abolie lorsqu’il s’agit d’une défaillance collective’’, signifierait qu’on inaugure le Temple à nouveau, certes, mais sans en avoir évacué les traces du saccage précédent – celui-là même contre lequel on s’est révoltés.
Pour ne pas dire qu’on l’inaugurerait sur un cadavre, sur celui de l’idole immonde installée par les Grecs et sur celui des persécutions instaurées par ces mêmes séleucides.
Il fallait donc que l’inespérée nouvelle Inauguration du Temple puisse se dérouler a priori dans les meilleures conditions possibles, c’est à dire avec de l’huile pure – et cela ne le fut que par l’intervention de la Providence – afin que ce nouveau départ que représente toute inauguration puisse pleinement remplir sa fonction : préparer l’avenir sans être obéré (ni obsédé) par le passé.
Hanouka Sameah’

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