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Le Cohen et le Sorcier

par: Jaqui Ackermann

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Nous nous proposons d’étudier un des rôles des Cohanim (les prêtres) à travers un fait historique retenu par le midrach.

Il y a un lien entre le début de notre paracha et la fin de la paracha précédente, Kédochim.
Le début d’Emor aborde les lois des cohanim et en particulier ce qu’il ne peuvent pas faire parce qu’il sont des êtres saints et consacrés au service de D.
La fin de Kédochim énonce la grave sanction de personnes pratiquant certaines sorcelleries, en particulier une forme de nécromancie et d’appel aux esprits.

Le midrach dit que le peuple juif, jouissant de prêtres pouvant rentrer en contact avec D., n’a pas de raison de se rapprocher de ces médiums. Nous possédons les « ourim vétoumim ». Ceci consiste en un parchemin sur lequel était inscrit un nom divin, et qui est introduit dans le pectoral du grand prêtre. Les « ourim vétoumim » (sans rentrer dans le détail de leur fonctionnement) étaient le moyen que possédait le grand prêtre pour obtenir une réponse de D. à une question provenant des responsables du peuple. Nous n’avons donc pas besoin et ne devons pas faire appel aux sorciers.
Nous pourrions objecter que cette consultation ne s’adresse qu’au grand prêtre, que cela n’est autorisé qu’aux grands du peuple, alors que n’importe qui peut voir un sorcier pour n’importe quoi. Néanmoins, la leçon n’en est pas moins vraie : le peuple juif a des moyens de s’adresser à D., que ce soit par les « ourim vétoumim », par l’intermédiaire des prophètes ou d’autres personnages doués de ce contact direct.

Un fait historique illustre cette relation. Le roi Chaoul, roi considéré par ailleurs comme un tsadik (un juste), a consulté une nécromancienne à la fin de sa vie. Le texte le lui reproche : il aurait dû consulter D. à travers les « ourim vétoumim » du grand prêtre.

Et le midrach approfondit cet épisode pour terminer sur une autre aventure de Chaoul. Ce dernier poursuivait David. Chaoul considérait David comme un ennemi public visant à prendre la couronne. David avait trouvé refuge à un moment dans la ville de Nov, entièrement peuplée de cohanim. Suite à une délation, Chaoul accuse les habitants de Nov de trahison et les fait tous mourir. C’est là aussi une des fautes de Chaoul. La boucle semble bouclée : Chaoul se retrouve « acculé » par le début de notre paracha qui traite des cohanim, comme il l’est par la fin de la paracha précédente qui traite des sorciers.

C’est joli, mais cela semble être un pur concours de circonstance : Chaoul a commis ces deux fautes à un certain temps de distance. Il y a certes une relation de cause à effet : à cause de la tuerie de Nov, D. n’a pas répondu à Chaoul par les « ourim vétoumim », et il s’est vu alors contraint de consulter la nécromancienne. Une faute en entraîne une autre ! Mais le midrach semble faire un lien plus fort entre ces deux fautes par le fait que la Thora rapproche ces deux thèmes.

Une des différences entre l’homme et l’animal est qu’un être humain (en général) ne supporte pas la routine. Il y a en l’homme une force qui le pousse vers l’avant, à chercher de nouveaux défis, à se laisser impressionner, voire attirer, par la nouveauté. Une force qui le rend insatisfait des gains d’hier, par rapport à ce qu’il pourrait gagner aujourd’hui. Une recherche qui le pousse à de nouvelles sensations, de nouveaux plaisirs, de nouveaux pouvoirs, de nouvelles connaissances, des nouveaux mondes.
Pour nous, le peuple juif croyant en la dimension supérieure de l’homme, cela peut-être interprété (en partie) par le côté spirituel de l’être humain, qui ne tient pas en place dans une coquille de matière, et qui en est tout à fait insatisfait. Cette force spirituelle cherche à aller toujours plus haut.[[Voir Pa’had Yits’hak, Pessa’h, à propos du Midrach : l’âme ne se « remplit » pas, ne se suffit pas des apports terrestres, car elle vient d’En-haut]]

Nous pourrions formuler ceci en disant que l’homme cherche à aller au-delà de lui-même.
Les sorciers en étaient des spécialistes : ils ouvraient le champ de l’action humaine au domaine surnaturel, et le champ de l’information aux données venant des esprits de l’au-delà.

La Thora considère que cette ouverture éloigne de D., c’est un dépassement de soi dans le mauvais sens. L’homme est en droit, et peut-être il doit, de s’investir pour un devenir supérieur. Mais tous les moyens ne sont pas équivalents. Là aussi D. a laissé l’être humain libre. Il peut chercher les moyens de se rapprocher du Créateur. Et il peut s’arrêter aux créatures. Il peut utiliser des moyens qui fonctionnent relativement bien sans faire appel à D., parce qu’il ne veut pas se soumettre totalement au Créateur. Nous croyons que toutes les forces liées aux pratiques de sorcelleries ne se relient pas à D. c’est pour cela qu’elles sont dangereuses, même si elles peuvent être efficaces.

Il existe donc un autre moyen de progresser que ces appels aux esprits. Les Cohanim le symbolisent. Ce sont des hommes qui se distinguent du peuple parce qu’ils sont assignés à être en contact avec le Créateur. Ces hommes sont censés baigner dans une certaine kédoucha. Sans définir rigoureusement ce terme, on peut dire que la kédoucha est ce moyen de transformer des actes quotidiens en des actions qui portent l’homme en avant. C’est une dimension qui l’élève toujours plus par rapport à ce qu’il était, et surtout qui pourra satisfaire ses aspirations intérieures.

Parce que les comportements que préconise la kédoucha garantissent un rapprochement à D., les cohanim ont une certaine kédoucha de naissance différente des autres juifs. Mais ces autres juifs ont aussi un devoir de kédoucha exprimé globalement (« vous serez saints ») et réalisable par certains comportements[[Voir les commentaires sur le verset cité]]. Progresser incombe à tous, et les cohanim servent de repère. Nos maîtres prennent souvent comme référence les actes des cohanim pour exprimer que l’homme dont ils parlent se comporte selon la dimension de la kédoucha.
Par exemple, ils disent que la consommation d’aliments du talmid ‘ha’ham, est comparable à une consommation de sacrifices. On pourrait alors dire : tu veux voir ce qu’est manger dans la kédoucha ? Va voir les cohanim manger un morceau de sacrifice. Tu veux savoir comment on s’habille de kédoucha ? Va observer la vestimentation des cohanim au Temple. Tu veux savoir comment on se prépare à une mitsva ? Va voir les cohanim se préparer à leur service au Temple.

Il semble que le midrach veuille montrer, à travers l’exemple de Chaoul, que le rapprochement avec une pratique nécromancienne ne se fait pas tout seul. Cela est lié à une certaine réalité de la kédoucha. Le fait d’éliminer les cohanim, même si cela est justifié suite à une trahison, crée un manque d’exemple de kédoucha, et crée alors une disposition à se tourner vers ailleurs. Lorsque l’exemple de personnes qui ouvrent les champs de l’élévation, qui vivent l’aller-retour au Temple, qui consomment des sacrifices, disparaît, alors on se tourne instinctivement vers d’autres moyens de dépassement.

Ainsi les cohanim ne sont pas une caste à vénérer, ni des êtres supérieurs inatteignables. Ils ont certes un mode de vie un peu différent des autres à cause des devoirs que la Thora leur impose. Mais ce sont surtout des personnes qui font profiter le peuple d’une image d’une vie élevant l’être humain. Et en retour ils sont stimulés par le peuple qui exige constamment d’eux cet exemple.[[Il est remarquable que notre paracha aborde la mitsva de « Kidouch hachém » (sanctification du nom divin). Cette dernière consiste entre autres à sacrifier sa vie dans certaines conditions pour ne pas transgresser certains interdits de la thora. Car nous croyons à une éternité de l’âme qui doit « profiter » de la vie terrestre pour devenir encore plus forte, mais pas au prix de perdre son intégrité. Il s’agit ici de montrer que la vie terrestre passe après les valeurs divines, et donc qu’on porte la vie terrestre toujours vers le haut]]

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“Le Cohen et le Sorcier”

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