Quelques paroles sur Parashat HaHodesh 5780. Par Rav Gérard Zyzek 20/03/2020
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Nous sommes témoins de bouleversements majeurs. Ces événements ont commencé peu avant Pourim de cette année et se prolongent dans ces semaines qui précèdent la fête de Pessah. Souvent à Pessah nous rappelons les plaies d’Égypte, mais souvent nous ne pouvons nous empêcher de penser que tout cela quelque part est de la vieille histoire. Mais cette année indéniablement nous vivons ces Makot, ces plaies, dans notre chair.
Depuis des mois, des années, il n’était question que de dérèglement climatique. Notre société hypertechnologisée n’a voulu y voir que des dérèglements qui se résorberont avec des changements dans nos modes de productions d’énergie ou autres. Et là arrivent des bouleversements qu’aucun indicateur ne prévoyait. Où l’orgueil des super Datas s’effondre. Des bouleversements et des dangers impalpables, où nul n’est à l’abri d’éléments destructeurs invisibles, ne sommes-nous pas en face de nouvelles plaies d’Egypte ? Aujourd’hui l’état des États Unis d’Amérique le plus avancé technologiquement, la Californie, est en confinement total. Ne ressentons-nous pas que si les enfants d’Israël sont allés dans le désert en suivant HaKadosh Barouh Hou en ayant confiance en Lui-même s’ils ne savaient pas concrètement où ils allaient, actuellement c’est toute l’humanité qui avance sans savoir où nous allons concrètement. Quelle opportunité extraordinaire ! Quelle remise en question radicale !
Ce Shabbat doit être lue la Parashat HaHodesh, c’est-à-dire le passage qui nous enseigne le premier commandement qui s’est adressé à l’ensemble du peuple d’Israël : la sanctification du nouveau mois. Cet enseignement introduit tous les événements de la sortie d’Egypte et la constitution du peuple d’Israël.
Quelle en est la portée et pourquoi ce commandement est-il le commandement fondateur de la constitution du peuple d’Israël ?
Rav Shimshon Raphaël Hirsch dans son commentaire sublime sur ce passage de la Torah (Shemot 12,1 et 2) explique (en substance):
La sanctification du nouveau mois, premier commandement qui s’adresse au peuple d’Israël, consiste en ce que le tribunal rabbinique, instance centrale représentante du peuple, décide quand le mois lunaire va commencer. Le calendrier suit le cycle des astres, du soleil, de la lune. D., par ce commandement, demande à ce que cycliquement le peuple d’Israël et lui-même se retrouvent, fixent un rendez-vous. Lorsque nous fixons un rendez-vous, une rencontre, chacun des deux côtés donne ses dates, et ses horaires, car sinon ce n’est pas un rendez-vous mais une assignation. Rosh Hodesh, le premier jour du mois juif est un Moèd, une fête, une retrouvaille entre le Créateur et Ses créatures. C’est pourquoi il donne à ses créatures, en l’occurrence le tribunal rabbinique central, la latitude d’intervenir et de décider quand le mois juif commencera, mais à l’intérieur d’une fourchette de moments définis par le Créateur. La fête de Rosh Hodesh exprime que l’on n’est pas soumis au rythme des cycles astronomiques mais que l’on peut avoir une marge de manœuvre à l’intérieur de ce vaste monde, une marge où l’on peut se retrouver et tisser un relationnel. Et c’est sur ce point précis que se constitue le peuple d’Israël, qui justement sortira d’Egypte, civilisation qui adorait les forces de la nature qui leur paraissaient implacables.
Et c’est ce que nous vivons aujourd’hui. Nous avons voulu discerner des lois implacables de la nature, les modéliser, les prévoir, tout gérer. Même les signaux d’alarme des dérèglements du climat ont été mis au compte d’erreurs technologiques mais que nous allons y remédier, bien évidemment, sans nous questionner sur nos actes, sur le sens intime de notre existence.
Ici les plaies passent à la vitesse supérieure, nous ne savons pas où nous allons. Quelle chance !
Et que, bien que nous ne sachions radicalement pas où nous allons, ayons confiance que la délivrance d’Hashem est comme un clin d’œil, et que de la même manière que nos aïeux sont sortis d’Egypte soudainement, de la même manière ces événements terribles et redoutables que nous vivons ne sont pas une plaie implacable mais sont une possibilité donnée à toute l’humanité de sortir d’Egypte à la liberté.
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