L’homme et l’acte
par: Rav Gerard ZyzekIntroduction à la fête de Hoshana Rabba. Sur la base du Sod Yesharim de Rabbi Guershon Heinikh de Radzyn.
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Le Rabbi de Radzyn dans le Sod Yesharim sur Hoshana Rabba §3 fait, en quelques lignes, une synthèse sublime sur les fêtes de Tishri et la fête de Hoshana Rabba en particulier. Nous en rapportons ici notre traduction agrémentée de quelques remarques et notes. Ce passage, comme tous les textes de Hassidout, utilise une terminologie qui nous est difficile d’accès. Nous essaierons dans la suite de décrypter ces paroles qui nous paraissent fondatrices.
« « Et Moi jour jour ils me recherchent[ Le verset fait effectivement cette répétition de termes : Yom Yom. ] » (Yeshayahou 58). Le Talmud de Jérusalem explique que ce verset fait allusion au jour de soufflerie du Shofar (Rosh HaShana) et au jour de la Arava[ Le Yérouchalmi veut dire par cela qu’il y a deux jours où pratiquement tout le monde va à la Synagogue, le jour de Rosh HaShana et Hoshana Rabba, le jour où l’on secoue les branches de saule, de Arava. ] (du saule, jour de Hoshana Rabba). Mon père, l’auteur du Beth Yaakov, a expliqué que D. scelle en ces deux jours que toutes les actions d’Israël sont clarifiées d’une volonté parfaite[ C’est-à-dire que par ces deux jours se trouve mis à jour que toutes les actions d’Israël ne sont porteuses que d’une seule volonté parfaite : faire la Volonté de D. . ]. Le contenu du jour de la soufflerie (du Shofar) est expliqué dans le Zohar (Parashat Emor 99b) « Alors s’éveille un autre Shofar, le Shofar supérieur ». C’est-à-dire que par le biais de cette voix simple[ Nous traduisons le mot פשוט, Pashout, par ‘simple’. Ce terme est à comprendre ici comme le sens de ‘corps simple’ en chimie, opposé à ’corps complexe’. ] du Shofar s’éveille la voix de la parole primordiale de Béréchit. [En effet bien que nos Maîtres aient dit que le monde ait été créé par dix paroles, si l’on compte le nombre de fois où apparaît l’expression « D. a dit » dans le premier chapitre de la Torah on ne trouve que neuf occurrences. Nos Maîtres disent que le mot Béréchit est aussi une parole, ce qui amène au compte de dix.]
Que veulent dire nos Maîtres en disant que Béréchit est aussi une parole, et la première des dix paroles par lesquelles le monde a été créé ?
Avant tous les habits[ Les notions d’habit et d’habillement sont des notions difficiles à cerner. Il nous semble que cela va s’éclaircir dans la suite. ], avant qu’il ne soit possible d’écrire « Il a dit », car c’est une voix simple, primordiale, sans aucun habit, bien au-dessus de la dimension de parole. Cette voix primordiale fait allusion à la profondeur toute intérieure de la notion d’Israël qui est montée dans la pensée supérieure [de D.] avant qu’elle ne descende dans l’habillement du tangible de ce monde. Du point de vue de ce regard profond, la notion d’Israël est dans une clarté parfaite. Une fois qu’elle descend dans les habits de ce monde il est possible que s’y emmêlent des défaillances en s’habillant dans les multiples habits[ En se perdant quelque peu dans la complexité et les labyrinthes du monde. ], mais tant que la notion d’Israël était dégagée de tout habit il n’y a aucune déficience en elle. Et c’est cette mise à jour, cet éclairage qu’opère le jour de soufflerie[ La Mitsva spécifique au jour de Rosh HaShana est d’écouter la voix du Shofar. En écoutant la voix primordiale, non articulée, Pashout, du son du Shofar, l’âme juive retrouve sa dimension première, de perfection, qui est montée à la pensée du Très Haut avant toute concrétisation dans la complexité du monde. ].
Ensuite, le jour de Kippour commence le service de D. par la parole, comme l’explique le Zohar.
[En effet la Mitsva spécifique du jour de Kippour est le Vidouï, c’est-à-dire de prononcer par des mots précis sa volonté de se repentir de ses fautes]
Et dans les jours de la fête de Soukkot commence le service de D. par des actes, comme le dit le Zohar (Tsav 31b).
La vérité est que la puissance du service de D. est lorsqu’il se concrétise par des actes comme le dit le Midrach Tanhouma (Parachat Ki Tavo §1) : « viens voir combien sont chéris et ont de mérites ceux qui font des Mitsvot (…) »[ Effectivement, car celui qui est investi par des actes de Mitsva dans ce monde complexe de l’acte (où la vérité s’habille dans de multiples habits et quelque part n’est pas visible en tant que telle) et agit en tant qu’enjoint par la Mitsva, introduit dans le monde de l’acte et de la complexité un dévoilement de la pensée supérieure. ]. Mais une fois que la lumière vient dans l’acte et s’habille par rapport à l’homme dans des actions, alors il peut s’entremêler de ce fait chez l’homme des actions qui n’ont aucune autre fonction que les pulsions et les intérêts du corps[ La jalousie, les désirs physiques et les honneurs. Pirké Avot, chapitre quatre, Mishna 21. ]. C’est pourquoi nos Maîtres ont-ils institué le jour du saule (Hoshana Rabba) une action qui n’a aucune lumière, comme dit la Guemara (Traité Soucca 44b) : « il a secoué le saule (le jour de Hoshana Rabba) mais n’a pas fait de bénédiction ». Le fait que dans le service spécifique de Hoshana Rabba, qui est de secouer les branches de saule, n’a pas été institué que l’on fasse de bénédiction nous renseigne que l’homme ne reconnaît aucune lumière dans cette action. Mais par ce fait même que l’homme d’Israël recherche tellement la volonté de D. d’appliquer Sa volonté même dans des actions qui ne sont pas claires, dans lesquelles on ne peut distinguer par l’intellect ou la compréhension aucune lumière explicite, s’éclaircit justement que toutes les actions qu’ont agies les enfants d’Israël durant toute l’année, actions qui apparemment dénotaient d’une recherche d’intérêt du corps, qu’en fait le point investi dans toutes ces actions n’étaient que se dévoile par leur fait la gloire du Ciel.
Cette mise à jour a lieu le jour du saule. C’est ce que le Talmud de Jérusalem dit : « Et Moi jour jour ils me recherchent », c’est le jour de la soufflerie et le jour du saule. Car le jour de la soufflerie se met à jour le fond du cœur d’Israël, et le jour du saule se mettent à jour tous les habillements d’Israël qu’ils ne sont que pour la volonté de D. Source de bénédictions. ‘
En ces quelques phrases, le Sod Yesharim a synthétisé tout le cheminement progressif des fêtes du mois de Tishri.
Nous aimerions exprimer cet enseignement en d’autres termes. Les imbéciles disent : la théorie est bonne mais la mise en œuvre est défaillante [ Cette phrase est souvent dite et redite au sujet du communisme. ]. Nous sommes en opposition totale avec une telle affirmation. La base du problème de l’homme est son action. Le fin mot de toutes les fêtes de Tishri est le jour de Hoshana Rabba. Après trois semaines de fêtes, de Tefilot, de prières, de repentir, de Mitsvot, nous allons rentrer dans le quotidien de l’année et nous allons agir dans le vaste monde, chacun avec son projet, chacun avec ses lubies. En ce jour redoutable, nous prenons le saule en mains, nous l’agitons en ouvrant notre cœur devant notre Créateur en demandant que nos actes simples, comme ce saule est simple, soient liés à la volonté de D. et dévoilent Sa Gloire dans la réalité de notre monde. Nous ne savons pas comment nous pourrons réussir. Mais après nous être reliés à Rosh HaShana, au plus profond de nous-mêmes, à la volonté supérieure du début de la Création, après avoir introduit cet attachement dans nos paroles à Yom Kippour et investi nos actes dans les Mitsvot de la fête de Soukkot, nous sommes là, perplexes face à nos actes simples de la vie de tous les jours. Que va-t-il s’exprimer par ces actes ? Les actes sont ce que nos Maîtres appellent ‘des habits’. En effet, il y a une intention quelque part, mais l’acte lui-même est ce qu’il est, il en cache l’intention. Plus que cela, l’acte lui-même nous échappe. Par le fait qu’il s’exprime dans la complexité du monde, mon intention s’éparpille, et disparaît. Par l’accomplissement de cette coutume, qui n’est pas une Mitsva, de secouer les branches de saule, nous exprimons au plus profond de nous-mêmes le désir et demandons que nos actes soient mus par une volonté totale que s’y dévoile la Gloire du Ciel. Et là est le scellement du jugement.
Nos actes sont les garants de nos pensées.
Dans la culture occidentale on dit fréquemment : peu nous importe ses actes, ce qui importe c’est ce qu’il transmet. Dans notre tradition nous disons le contraire. La Guemara dans le Traité Moèd Katan nous enseigne (17a, nous en donnons notre traduction) :
‘Il y avait un érudit talmudiste qui avait mauvaise réputation (Tossefot דה »מ טרקיה explique qu’il était suspecté d’avoir des mœurs relâchées). Rav Yéhouda (le grand maître de la Yéshiva) se demandait comment faire : le mettre en Nidouï[ Le Nidouï est une procédure de mise au ban temporaire de la communauté pour que la personne réfléchisse à ses actes et s’amende. ] ? Mais ce monsieur est un grand érudit et on a besoin de son enseignement ! Ne pas le mettre en Nidouï, mais sa conduite profane le Nom de D. ! Rav Yéhouda demanda alors à Rabba Bar Bar ‘Hana [ Grand maître qui venait d’Erets Israël. L’épisode dont on parle se passe à Babel. ] : as-tu entendu comment on doit se comporter dans une telle situation ?
Il lui répondit. Ainsi nous a enseigné Rabbi Yo’hanan (en terre d’Israël) : que dit le verset (Malakhi 2,7) « Car les lèvres du Cohen conserveront la connaissance et la Torah ils demanderont à sa bouche car c’est un émissaire de D., un Malhakh de D. . » ? Si le maître ressemble à un émissaire, à un Malhakh[ C’est-à-dire qu’il accomplit par ses actes la volonté de D. . ] de D., c’est à lui que tu demandes la Torah, s’il ne ressemble pas à un émissaire de D., à un Malhakh de D., tu ne dois pas demander la Torah de sa bouche.
Suite à cela, Rav Yéhouda a mis ce monsieur en Nidouï. Finalement Rav Yéhouda est tombé gravement malade [ Est-ce lié ? Peut-être. Il est possible que cette décision était extrêmement éprouvante et ne laissait pas indemne, même si elle était justifiée. ]. Les maîtres et élèves de la Yéshiva sont venus s’enquérir de sa santé, et cet homme aussi est venu le visiter avec les autres. Quand Rav Yéhouda l’a vu, il a ri. Il a dit à Rav Yéhouda : non seulement vous me mettez en Nidouï et en plus vous vous moquez de moi !
Rav Yéhouda lui a dit : je ne ris pas par rapport à toi, mais je ris du fait que lorsque je vais aller dans l’autre monde, je m’amuserai bien car même à un homme comme toi[ A un homme de grande envergure comme toi. ] je n’ai pas fait de flatterie !’
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