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LE CHANT DE LA FEMME JUIVE, PREPARATION A SHAVOUOT, par Mme Caty Zyzek

par: Caty Zyzek

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LA שירה, la Chira, le Cantique

LE CHANT DE LA FEMME JUIVE, PREPARATION A SHAVOUOT. par Mme Caty Zyzek

Ce cours est dédié à la mémoire de Mikhal David Bat Sarah

 

Shavouot :

– Matan Tora : Don de la Tora. D. nous donne la Tora

– Kabalat Hatora : réception de la Tora. Nous recevons la Tora.

Les hommes ont une Mitsva formelle d’étudier la Tora, les femmes n’ont pas cette Mitsva. Pourtant le verset משלי א, ח (Proverbes, 1.8) dit :  « שמע בני מוסר אביך ואל תטוש תורת אמך » » : « Ecoute mon fils la remontrance de ton père, et n’abandonne pas la « Tora » de ta mère ».

Ce verset est paradoxal. On s’attendrait à la Tora de son père qui a l’obligation de l’enseigner à son fils. Et aux remontrances de sa mère, qui est plus dans le domaine quotidien de l’éducation. Quelle est donc cette « Tora maternelle », féminine plus particulièrement ?

La Tora nous a été transmise par Moshé Rabbénou, secondé par son frère Aharon. Au moment de la traversée de la Mer Rouge, un personnage féminin apparaît, c’est Myriam, la prophétesse, qui va entraîner les autres femmes à reprendre la שירה de Moshé Rabbénou. Or, la Tora, comme nous le verrons au cours de cette étude, est souvent nommée שירה, cantique. Peut-être avons-nous la une piste à suivre pour découvrir cette Tora féminine, qui est si fondamentale que la Tora en est qualifiée ?

 

Le Rav Ittamar Schwartz, auteur des livres Bilvavi Mishkan Ebané, propose une étude, une réflexion et un enseignement, en préparation à Shavouot, sur la notion de « שירה, le chant, ou le cantique ». Son exposé, essentiellement basé sur la שירה de la prophétesse Myriam à la traversée de la Mer Rouge, est un enseignement sur ce que peut être la Avoda spécifique des femmes juives, et plus particulièrement par rapport au don de la Tora et à Shavouot.

Il pose plusieurs questions et relève plusieurs idées centrales :

– Quelle est la Avoda de la femme en regard de celle de l’homme qui est l’étude de la Tora ? Il ne remet en aucune façon en question l’étude des femmes, mais s’interroge sur ce qui les fait mériter le monde futur, et les relie au don de la Tora, qui n’est pas identique à ce qui fait mériter les hommes et ce qui relie les hommes au don de la Tora (Traditionnellement, les hommes méritent le monde futur par leur étude de la Tora, les femmes peuvent et doivent étudier, mais ce n’est pas ce qu’on considère qui leur fait mériter le monde futur).

– Dans toute la période qui précède le don de la Tora jusqu’au don lui-même à Shavouot, on ne voit qu’un seul personnage féminin influent, c’est Myriam la sœur de Moshé Rabbénou. C’est elle qui va entraîner les femmes après la traversée de la Mer Rouge. On peut affirmer qu’elle a eu un rôle d’enseignante pour les femmes, reste à exprimer de quel enseignement il s’agit. Et qu’a-t-elle fait d’exceptionnel qui lui a fait mériter d’être la femme qui a enseigné aux autres à la sortie d’Egypte ?

Verset Exode 15.20 :

וַתִּקַּח מִרְיָם הַנְּבִיאָה אֲחוֹת אַהֲרֹן אֶת-הַתֹּף בְּיָדָהּ, וַתֵּצֶאןָ כָל-הַנָּשִׁים אַחֲרֶיהָ בְּתֻפִּים וּבִמְחֹלֹת

Et Myriam la prophétesse a pris le tambourin dans sa main ; et toutes les femmes sont sorties après elle avec des tambourins et des danses.

Rav Shimshon Raphaël Hirsch enseigne : Nous voyons dans ce verset l’expression « la sœur d’Aharon » ; sa position dans le peuple parmi les femmes était identique à la position d’Aharon parmi les hommes. De même qu’Aharon a répandu les paroles de Moshé Rabbénou parmi les hommes, ainsi Myriam l’a fait parmi les femmes.

– Quelle est donc cette notion de שירה, mot féminin, en opposition à שיר, mot masculin ? Et qu’est-ce donc qu’une שירה, nous avons l’enseignement qui dit que le roi ‘Hizkyahou aurait pu être le Machia’h, et la Guemara dit que c’est le fait qu’il n’ait pas chanté de שירה qui l’a disqualifié.

Quel rapport ont eu les femmes à l’événement du Mont Sinaï ?

Comme on le sait, à l’événement du Mont Sinaï se sont tenus aussi bien les hommes que les femmes. Tous ont entendu les 10 Paroles, la parole de D. Tous ont accepté la Tora au Mont Sinaï.

Et donc, la tradition essentielle qui est restée pour les hommes après l’événement du Mont Sinaï, c’est l’étude de la Tora. Quelles sont les choses que les femmes peuvent mettre en œuvre pour se relier à cet événement exceptionnel qui n’a pas eu d’équivalent dans toute l’Histoire ?

Et aussi, lorsqu’arrive la fête de Shavouot chaque année, quel est le point d’insertion des femmes dans cette fête de la Tora ?

L’activité des femmes dans le Gan Eden

Avant de répondre à ces questions fondamentales, arrêtons-nous pour réfléchir à une question différente mais dont la base est identique. Nous avons tous la croyance ferme et savons qu’un homme qui accomplit les Mitsvot dans ce monde-ci, lorsqu’il quitte ce monde, arrive au Gan Eden. Et que fait l’homme lorsqu’il est arrivé au Gan Eden ? Evidemment, les hommes qui ont étudié la Tora dans ce monde-ci et qui ont le mérite de résider au Gan Eden, de la même façon qu’ils ont étudié la Tora dans ce monde-ci, ainsi ils mériteront de l’étudier au Gan Eden. Cependant nous devons nous interroger, que font les femmes qui sont méritantes et qui arrivent au Gan Eden, pendant tellement d’années ?

Lorsque nous comprendrons et apprendrons des paroles de nos maîtres ce que font les femmes au Gan Eden, nous comprendrons également comment les femmes se relient au Mont Sinaï, et quelle est la préparation de chaque femme pour la fête du don de la Tora.

L’unicité de la prophétesse Myriam

Dans toute la période de la Sortie d’Egypte, la Traversée de la Mer Rouge et le Don de la Tora, le principal personnage féminin que l’on rencontre dans le ‘Houmash, c’est Myriam la prophétesse.

Après avoir traversé la Mer Rouge, les Enfants d’Israël voient leurs ennemis morts au bord de la mer. Ils se rendent compte de la puissance de D. Leur crainte de D. est renforcée ainsi que leur confiance dans « Son serviteur Moshé ». Et transportés d’une émotion intense, ils entonnent la שירה.

Et c’est alors que la Tora dit au sujet de Myriam :

וַתִּקַּח מִרְיָם הַנְּבִיאָה אֲחוֹת אַהֲרֹן אֶת-הַתֹּף בְּיָדָהּ, וַתֵּצֶאןָ כָל-הַנָּשִׁים אַחֲרֶיהָ בְּתֻפִּים וּבִמְחֹלֹת. וַתַּעַן לָהֶם מִרְיָם: שִׁירוּ לַ-ה׳ כִּי-גָאֹה גָּאָה, סוּס וְרֹכְבוֹ רָמָה בַיָּם

C’est la première occurrence de la Tora où une femme est appelée prophétesse (on voit au sujet d’Avraham Avinou « car il est prophète » Genèse 20.7).

Rachi nous explique : où voit-on qu’elle a prophétisé ? (Voir מסכת מגילה י״ד עמוד א׳) Alors qu’elle n’était que « sœur d’Aharon comme l’expression que nous voyons dans le verset ci-dessus, et qu’elle a dit ma mère va enfanter un garçon » lorsqu’elle s’adresse à son père Amram et l’entraîne à se remarier avec leur mère Yocheved, ce qui aura comme conséquence la naissance de Moshé Rabbénou.

On a donc déjà vu son esprit d’entreprise alors qu’elle n’était qu’une enfant, et après avoir traversé la Mer Rouge son caractère entreprenant s’exprime à nouveau, elle enflamme les autres femmes et les entraîne à chanter une שירה.  C’est elle qui prend le tambourin, et le Midrach a coutume de dire : כל המתחיל בדבר הוא העיקר, « celui qui commence une chose, c’est lui le principal » (לקח טוב). Et les femmes se laissent entraîner par son enthousiasme et vont après elle avec des tambourins et des danses. Comment se fait-il qu’elles avaient des tambourins ?

Rachi : Les femmes vertueuses de cette génération avaient confiance qu’Hakadosh Baroukh Hou, Le Saint, Béni-soit-Il, leur ferait des miracles, et c’est donc pour cela qu’elles ont sorti des tambourins d’Egypte.

Le texte de la Tora met en relief la grande influence de Myriam en faisant remarquer que « toutes » les femmes l’ont suivie (bien que וַתֵּצֶאןָ, elles sont sorties, est incomplet et laisse sous-entendre qu’en réalité elles n’ont pas toutes effectivement chanté et dansé.) L’expression de reconnaissance à D. par Myriam et les autres femmes trouve une innovation créatrice, et cela crée dans le camp des femmes une expérience de foi profonde et multidirectionnelle.

Le texte choisi par Myriam est également différent de celui de Moshé Rabbénou. On pourrait penser a priori que Myriam reprend l’expression de son frère, mais en y regardant de près, ce n’est pas le cas ; il y a une différence significative entre les paroles de Moshé et celles de Myriam. Moshé commence la שירה à la première personne du singulier : אשירה לה׳ כי גאה גאה, alors que Myriam se tourne vers l’assemblée des femmes qui l’entoure et l’associe à cette expérience de foi en prononçant : שירו לה׳ כי גאה גאה. Myriam est la première personnalité féminine qui s’adresse à la collectivité, et d’ailleurs sa vie de famille est passée sous silence dans le texte de la Tora. Et en cela elle est bien « la sœur d’Aharon » qui lui aussi se dévoue entièrement pour la collectivité, qui est proche des gens et se soucie de leur vie, alors que sa vie familiale est cachée. (Yeshiva.org.il)

Nous allons être amenés à réfléchir sur cette notion de שירה. Quel est cet enseignement, cette direction que la prophétesse Myriam va transmettre aux femmes ?

La Tora est qualifiée de שירה

Dans le ‘Houmash, nous trouvons souvent le mot « שירה », et en général, ce terme est utilisé pour qualifier la Tora elle-même. Il y a donc un abord de la Tora qui correspond à cette notion.

Par exemple :

– Avant שׁירת האזינו : Deutéronome 31.18 : Et maintenant écrivez ce cantique

La Voix de La Tora : Rachi explique qu’il s’agit du Cantique de האזינו. Cependant la tradition juive s’est conformée aux paroles de Maïmonide qui a adopté la formulation suivante : Il est un devoir pour chaque Juif d’écrire un Séfer Tora pour soi-même. Car il est dit : « Ecrivez-vous ce Cantique » : cela veut dire « écrivez-vous la Tora dans laquelle se trouve ce Cantique », vu qu’on n’écrit pas la Tora en chapitres découpés.

– Deutéronome 31. 21 :  וְעָנְתָה הַשִּׁירָה הַזֹּאת לְפָנָיו לְעֵד

« Cette שירה là portera témoignage en face de Lui éternellement car elle ne sera pas oubliée de la bouche sa descendance » (et la Guemara explique que ce verset est dit au sujet de la Tora Kedosha.)

– Deutéronome 31.19 : וְעַתָּה, כִּתְבוּ לָכֶם אֶת-הַשִּׁירָה הַזֹּאת « et maintenant écrivez pour vous cette שירה là »

A propos de ce verset, Rachbam commente : «la mise en ordre des paroles s’appelle שירה. »

La Voix de la Tora : Deutéronome 31.24. : il est à remarquer que la Tora elle-même est parfois comprise comme un cantique, שירה. Nous avons expliqué Exode 15.1 combien l’homme a besoin de s’élever à un concept supérieur de l’Histoire, pour voir en elle non pas le résultat de simples facteurs matériels, mais l’action concertée de la Providence divine. « Il doit s’inspirer à la source qui anime l’esprit des prophètes pour avoir la vision de D.  passant au-dessus des Nations et présidant à leur destinée. Cette vision quasi prophétique est empreinte d’un caractère exaltant, qui s’exprime non pas dans la prose ordinaire, mais dans la poésie et les symphonies musicales » (Rav J. L. Bloch, שׁעורי דעת, ב׳ : ט׳׳ו)

– Dans la Parachat ‘Houkat, avant la שׁירת הבּאר, le Cantique du puits, בּמדבּר כּ״א י״ז, Nombres 21.17, nous trouvons le verset : אָז יָשִׁיר יִשְׂרָאֵל, אֶת-הַשִּׁירָה הַזֹּאת  עֲלִי בְאֵר, עֱנוּ-לָהּ « c’est alors qu’Israël chantera ce cantique : « Jaillis, ô puits ! Acclamez-le ! »

Daat Zekenim : lorsque Les Enfants d’Israël ont eu le Puits, ils ont chanté de joie, car ils s’attendaient à mourir de soif là-bas, eux et leurs troupeaux.

Ohr Ha’hayim : de quoi s’agit-il dans cette שירה ? Et pourquoi n’ont-ils pas chanté une שירה pour la manne comme ils en ont chanté sur l’eau ? Il est possible que cette שירה porte sur la Tora, qui est appelée בּאר מים, puits d’eau parce que la Tora est comparée à l’eau.

Il est possible que Moshé Rabbénou ne soit pas mentionné dans ce verset, parce qu’ils ont chanté au sujet de Moshé car le puits est revenu par son mérite, alors qu’il avait cessé depuis la mort de Myriam. Et c’est pour cette raison que Myriam n’est pas mentionnée dans cette שירה. (Voir aussi le Kli Yakar sur ce verset).

La Voix de la Tora, Rabbin Munk : d’après le Zohar, ce cantique comme d’ailleurs les autres qui se trouvent dans le Pentateuque, est consacré à l’union des sphères d’en bas et des sphères d’en haut ; aussi ce cantique est l’expression la plus fervente du vœu à réaliser cette harmonie suprême. Aussi ce cantique s’annonce-t-il au futur אָז יָשִׁיר, alors chantera, tout comme celui de la Mer Rouge, qui commence par les mêmes mots. Le temps prévu pour ces cantiques est le futur permanent : ils retentissent, à toutes les époques, de l’harmonie de D. et d’Israël.

Acclamez-le : signifie littéralement : répondez-lui en chœur, c’est de là que s’est répandu le bruit que le puits avait chanté, et que les paroles des Princes et du peuple n’ont été que la réponse au chant du puits.

En fait, la שירה de Moshé Rabbénou à la Traversée de la Mer Rouge portait sur le fait que les Enfants d’Israël qui avaient été asservis de longues années en Egypte ont eu le mérite après cela d’être délivrés grâce aux 10 plaies, de sortir d’Egypte, de traverser la Mer Rouge et d’être délivrés de leurs ennemis.

Et il est clair que les miracles qui sont arrivés à l’assemblée d’Israël ne se sont pas conclus avec la Traversée de la Mer Rouge, mais que cela a été le début de l’origine des miracles au cours des générations.

La notion de שירה

Commençons par méditer. En général quand des hommes veulent composer des chants, certains prennent des versets et leurs composent une mélodie, et d’autres composent les paroles du chant sur la base de toutes sortes de pensées et réflexions.

Dans le verset de Deutéronome 31.19 (Haazinou), Ramban commente « pour qu’Israël la répète toujours en la chantant et psalmodiant ».

Mais si on approfondit la réflexion, en fait le véritable chant juif, sa racine est du langage שרשרת, chaîne. Et c’est pour cela que le sujet du chant juif fondamental est une composition de maillons, c’est-à-dire la réunion d’événements et de situations qui au départ ont l’air de n’avoir aucun rapport entre eux, mais lorsque l’on voit leur but final merveilleux, se crée par là une שירה et un remerciement qui jaillit des profondeurs du cœur.

Le pouvoir de la שירה véritable et fondamentale a pour fonction de relier les choses étapes après étapes pour arriver à un jaillissement de reconnaissance au Créateur des mondes sur Sa conduite extraordinaire de Son univers.

Prenons comme exemple le sujet de Yossef qui a été emmené en Egypte. Evidemment, lorsqu’au départ on entend le déroulement des événements, et tout ce qui lui arrive alors qu’il est à l’étranger, qui inclut qu’il a été jeté dans la fosse, sa vente d’un maître à l’autre, l’abus de la femme de son maître qui l’a finalement conduit en prison, etc., tout cela entraîne pleurs et souffrance.

Mais lorsque l’on découvre la fin positive, et que l’on voit comment 600 000 enfants d’Israël sont sortis d’Egypte avec de grandes richesses, la שירה et la reconnaissance du fond du cœur jaillissent spontanément.

Quelqu’un qui ne médite pas, voit chaque détail de sa vie comme des éléments disparates et isolés ; par contre lorsque l’on réfléchit plus profondément sur la vie, et que l’on relie en une seule chaîne tous les événements qui nous arrivent, on distingue comment chaque maillon de cette chaîne-là a un but et une fonction claire et ainsi se dévoile une merveilleuse שירה.

La Tora de ta mère

Il est écrit dans le verset שמע בני מוסר אביך ואל תטוש תורת אמך » : משלי א, ח  » (Proverbes 10.8)

« Ecoute mon fils la remontrance de ton père, et n’abandonne pas la « Tora » de ta mère ».

Ce verset exprimé d’une façon inattendue nous éveille l’intuition qu’il y a une Tora qui est plus particulièrement transmise par l’intermédiaire des femmes.
Par exemple, on voit que Léa a été la première à exprimer sa reconnaissance à D.

Hanna a été la première à faire la prière à voix basse. Et nous suivons quotidiennement son exemple.

Myriam, comme nous l’avons vu, a repris la שירה de Moshé Rabbénou, mais sur un mode et même des paroles renouvelées.

C’est cela la véritable force qui est transmise aux femmes, que toute mère juive doit transmettre à ses enfants, ce regard particulier sur les événements personnels de la vie, et plus que cela, le regard global qui entrelace l’enchaînement de l’histoire génération après génération.

A première vue, il faut comprendre quelle Tora enseigne la mère, on n’a jamais entendu que la mère enseigne la Michna ou la Guemara à ses fils ; pourquoi le verset attribue-t-il l’étude et l’enseignement de la Tora à la mère ?

En fait, à la lumière de ce qui a été dit précédemment, les mots du verset sont parfaitement compréhensibles, car étant donné que la part que les femmes ont dans la Tora, c’est un regard de שירה, alors c’est cela la Tora que la mère enseigne à ses enfants, un regard juste sur les événements de la vie, et une compréhension précise que chaque situation a sa logique dans la longue chaîne de la vie.

Chaque mère élève ses enfants depuis le moment de leur naissance, puis elle continue et les accompagne dans toutes les étapes de leur croissance jusqu’au jour où le garçon devient Bar-Mitsva, et la fille Bat-Mitsva, et avec l’aide d’Hakadosh Baroukh Hou méritent de se marier.

C’est pour cela que nos Sages ont expliqué (Sanhédrin 22a) au sujet du verset « il fait sortir les prisonniers de leurs entraves (בכושרות) (Psaumes 68. 7) que le mot בכושרות est un Notarikon (contraction de mots) de בכי ושירות, avec pleurs et chants, c’est-à-dire que lorsque l’enfant naît, il sort du ventre de sa mère en pleurant, mais lorsque l’on mérite de l’introduire dans l’étape du mariage, là c’est le moment de la שירה, et l’on reconnait et loue Hakadosh Baroukh Hou qui nous a fait vivre et nous a maintenus et nous a fait atteindre ce moment-là.

Quel est donc le sujet de cette שירה, pourquoi jaillit-elle justement à cette étape-là ?

Lorsqu’on arrive à une étape significative dans la vie, d’une façon naturelle on s’arrête un instant, on repense à tout ce qui s’est passé depuis l’instant où l’enfant est né, combien d’investissement a nécessité son éducation, on scrute tous les événements qu’il a traversés jusqu’à son mariage, et, à partir de là, la שירה jaillit d’elle-même.

C’est cela la véritable Tora que toute mère juive doit transmettre à ses enfants : « תורת אמך », la Tora du regard global sur la vie, étape après étape, ces maillons-là qui composent la chaîne qui crée la שירה.

La partie de la Tora qui s’appelle שירה, c’est la partie qui appartient aux femmes, c’est à partir de là qu’elles se connectent à l’événement du Mont Sinaï, au don de la Tora, et à la fête de Shavouot, année après année.

Maintenant que nous avons défini que la part qui revient aux femmes dans l’événement du Mont Sinaï c’est la שירה, nous allons nous efforcer d’éclaircir ces propos, et de comprendre cette שירה de Tora qui appartient aux femmes.

La place centrale de Myriam dans la Sortie d’Egypte

Nous devons comprendre que la force de la שירה qui a été transmise aux femmes est un point central et très important chez le Peuple juif, et comme nous pourrons l’apprendre de la prophétesse Myriam elle-même.

Premièrement, les Sages nous ont enseigné (Sota 12b) que le grand mérite de la naissance de Moshé Rabbénou est attribué à la prophétesse Myriam.

Comme on sait, lorsque Pharaon a imposé son décret mécréant sur le Peuple juif « tout garçon qui naîtra vous le jetterez au fleuve » (Exode 1.22), Amram, père de Myriam avait pris la décision de divorcer. Et c’est alors que Myriam est allée vers lui et l’a fait changer d’avis et renoncer à ce comportement, en disant : « ton décret est plus sévère que celui de Pharaon, car Pharaon n’a décrété que sur les garçons, ton décret concerne aussi bien les filles que les garçons. » Et son père a accepté sa revendication justifiée, il a repris sa vie de couple avec son épouse et c’est ce qui a entraîné la naissance de Moshé Rabbénou.

Après cela, lorsqu’ils ont été contraints de déposer Moshé dans un berceau et de le jeter dans le fleuve, c’est Myriam qui l’a accompagné et s’est souciée d’une nourrice pour lui, qui n’était autre que sa propre mère.

Et ainsi, il se trouve que toute la sortie d’Egypte, qui s’est produite par l’intermédiaire de Moshé Rabbénou, peut être attribuée à Myriam.

Plus que cela encore, après la Sortie d’Egypte, lorsque les Enfants d’Israël ont vécu dans le désert, ils avaient trois « פרנסים » Parnassim (nourriciers) Myriam, Aharon et Moshé, et selon les paroles connues des Sages (Taanit 9a) le puits qui les a accompagnés dans le désert était par le mérite de Myriam, les nuées de gloire qui les entouraient étaient par le mérite d’Aharon et la manne qui tombait pour eux était par le mérite de Moshé. (Nombres 20.2 : or, la communauté manqua d’eau, et ils s’ameutèrent contre Moshé et Aharon. Rachi : « Par-là, nous apprenons que, durant les 40 années passées dans le désert, ils avaient eu l’usage du puits grâce aux mérites de Myriam. »

Les Sages ont enseigné aussi (Sota 11b) que c’est « par le mérite des femmes vertueuses que les Enfants d’Israël ont été délivrés d’Egypte ». Et à la lumière de ce qui a été dit, il se trouve donc que la première femme par le mérite de laquelle ils ont été délivrés, c’est Myriam la prophétesse.

La signification de son nom, disent les Sages (Chemot Rabba 26) vient du mot מרירות amertume. C’est-à-dire que lorsque Myriam chantait la שירה, c’était au sujet de ce qui avait l’air au départ comme des pleurs et de l’amertume, et qui s’est transformé en fin de compte en שירה.

De même, nous trouvons le soir du Séder, qu’en même temps que nous mangeons les herbes amères, nous chantons le Hallel dans lequel nous louons et reconnaissons et chantons le miracle de la Sortie d’Egypte, et en cela il y a un dévoilement de l’essence de Myriam qui transforme l’amertume en שירה.

Et ainsi, la שירה de Myriam se prolonge tout le temps au cours des générations. Cela ne signifie pas que l’on chante le même chant tout le temps, mais tous les miracles qui se produisent au cours de toutes les générations, deviennent un enchaînement unique d’une longue שירה .

La mise en application de la שירה des femmes dans la vie concrète

Maintenant que nous avons expliqué que la part des femmes dans la Tora c’est la שירה, essayons d’éclaircir comment il est possible de mettre en œuvre les choses concrètement.

Toute femme doit consacrer de son temps chaque jour et essayer de réfléchir un peu à ce qui lui est arrivé depuis le jour de sa naissance jusqu’à présent, quels événements et étapes essentiels elle a traversé dans sa vie, et réfléchir et distinguer comment Hakadosh Baroukh Hou occasionne le déroulement de tous les détails.

Celle qui réfléchit à ses événements personnels va découvrir de nombreuses « coïncidences » qui lui sont arrivées dans sa vie qui peuvent s’assembler en une merveilleuse chaîne et qui peuvent provoquer de chanter une louange qui va jaillir du cœur et une action de grâce à son Créateur.

On raconte au sujet du Hafetz Hayim qu’il se réservait un temps chaque jour pour se remémorer les points essentiels qui lui étaient arrivés depuis sa naissance jusqu’à ce jour-là. Et ensuite il disait : « Maître du monde, je te suis reconnaissant sur tout ce que j’ai pu étudier dans la Tora, sur le fait que j’ai pu écrire le ‘Michna Broura’, que j’ai pu écrire le livre ‘Chmirat Halachone’, que tu m’as donné une épouse si bonne, que j’ai eu le mérite d’avoir un gendre si exceptionnel, etc.

Chaque personne qui va consacrer du temps pour cela et va méditer sur sa vie personnelle sera surprise de découvrir qu’elle aussi peut assembler une chaîne merveilleuse composée de tous ces miracles qui l’accompagnent par protection personnelle tous les jours de sa vie.

Au début cela vaut la peine d’essayer de créer ‘de petites chaînes’, d’associer et d’assembler peu d’événements, et petit à petit élargir l’amplitude de la chaîne, et en conséquence de cela les pierres précieuses qui la composent commenceront à briller plus, et aussi la mélodie deviendra plus harmonieuse.

Au sujet du Machia’h il est dit (Isaïe 51.4) : « La Tora, d’où sortira-t-elle ? », et les Sages ont expliqué (Lévitique Raba 13) une innovation de Tora sortira de moi. Et nos maîtres expliquent que de même que sont racontés dans la Tora les événements de la vie d’Avraham et Sarah, Yits’hak et Rivka et ceux qui viennent après eux, ainsi est-ce raconté dans cette « Tora nouvelle » toute l’histoire que tout le Peuple Juif a traversé pendant 6000 ans, et alors on pourra comprendre comment tous les événements avec toutes leurs ramifications s’additionnent pour une longue chaîne unique.

Et ainsi, pour arriver à une chaîne éternelle qui englobe toutes les générations, est nécessaire la « Tora ‘Hadasha » du Machia’h, cependant il y a la possibilité pour chacun d’atteindre une chaîne avec une portée restreinte qui inclut les événements de sa vie personnelle.

Pour atteindre la situation dans laquelle la שירה de la vie éclate du cœur, cela nécessite une réflexion profonde.

Lorsque l’on consacre du temps pour réfléchir aux combinaisons privées qu’Hakadosh Baroukh Hou a rajoutées pour chacun dans sa vie, et qu’on a une réflexion sincère et profonde, on perçoit la profondeur des bienfaits dont D. nous a gratifié, et de là on éveille les profondeurs du cœur qui ressent le besoin de remercier Hakadosh Baroukh Hou, et l’homme en arrive à une situation dans laquelle il commence à chanter des chants, selon le texte du Kouzari qui dit que le niveau qui s’appelle שירה, c’est lorsque le cœur est tellement rempli et débordant qu’il explose en chant..

C’est cela « la Tora de ta mère » qui incombe à toute mère juive d’enseigner à ses enfants. C’est elle qui les élève pendant toutes ces années, et c’est elle qui doit leur faire acquérir le regard qui relie tous les événements.

Lorsque la mère associe les événements dans sa vie personnelle, et qu’elle est reconnaissante à Hakadosh Baroukh Hou du plus profond de son cœur à tel point qu’elle entame un chant à Hakadosh Baroukh Hou, c’est cela la Tora qu’elle enseigne et transmet en héritage, et au lieu de chanter à côté du lit des enfants des berceuses qui n’ont pas toujours une origine pure, les enfants grandissent avec une שירה de louange et de reconnaissance qui éclate des profondeurs du cœur de leur maman.

La שירה des femmes : unique et différente d’une femme à l’autre

Cela doit être clair pour nous tous, que la Tora qui doit se dévoiler auprès des femmes, peut se dévoiler de l’âme de chacune d’entre elles.

A la différence de la Tora que les hommes étudient, tout au moins en partie, qui s’apprend d’un enseignant, que ce soit un Rav qui enseigne aux élèves, que ce soit ce qu’on étudie dans un beith hamidrach en ‘Havrouta, que ce soit ce qu’on a lu dans un livre, au contraire la Tora que les femmes doivent apprendre, n’est pas apprise d’une personne particulière, mais la Tora éclate du cœur de chacune sous la forme d’une שירה.

Une différence supplémentaire entre la Tora des hommes et celles des femmes, c’est que la Tora des hommes est une Tora collective, alors que la Tora des femmes est une Tora personnelle de chacune qui vient des profondeurs de son cœur, et qui a pour source les événements de la vie qui composent les maillons de la שירה, la chaîne de chacune.

C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de livre dans lequel on peut apprendre la notion « la Tora de ta mère », mais c’est sur quelque chose de similaire que porte le verset (Proverbes 3.3) : « écris-les sur la tablette de ton cœur », étant donné que la Tora des femmes est taillée de la perception personnelle du cœur de chacune.

Comme on l’a dit, pour pouvoir dévoiler cette Tora, chacune doit effectivement réserver du temps dans son quotidien pour méditer aux événements de sa vie, et pour que cette méditation se fasse de la bonne manière, il est recommandé d’étudier le « שער הבחינה », la Porte de l’introspection dans le livre ‘Hovot Halevavot (avec le commentaire clair Lev Tov), qui éveille et ouvre la réflexion de l’homme et permet de voir et dévoiler le bienfait dans les détails personnels de la vie de chacune.

Lorsqu’un homme veut acheter un collier à son épouse, il va dans une bijouterie, et choisit le meilleur collier qu’il peut y trouver. Sauf que d’une manière générale, le fabricant ne crée pas un seul collier de ce modèle, mais a priori il y en a d’autres identiques.

Par contre, un homme plus riche se rend chez l’orfèvre et lui commande de créer un collier unique pour être assuré qu’il ne s’en trouvera pas un autre identique dans le monde, et il exigera même une garantie sur l’exclusivité du collier, en spécifiant qu’au cas où sa femme découvrirait qu’il y a un autre collier identique, il rapporterait le collier à la bijouterie.

Etant donné qu’il n’existe pas une telle réalité de deux personnes qui ont une vie identique, et que les événements de la vie que traversent chacune ne se ressemblent pas, il ressort que la שירה, la chaîne dont nous avons parlé, est une chaîne unique qui appartient à chacune en privé, et on n’en trouvera nulle part une autre identique.

La שירה de la femme juive : préparation appropriée pour le Gan Eden

Nous connaissons le verset (Tehilim, 90, 10) : « ימי שנותינו בהם שבעים שנה ואם בגבורת שמונים שנה ורהבם עמל ואון כי גז חיש ונעפה ». Les jours de nos années dans les 70 ans, et si c’est dans les merveilles 80 ans et leur arrogance de l’effort et du faux. Loin vite et on s’envole (Traduction d’Henri Meschonnic)

Et comme chacun sait, aucun n’a d’assurance qu’il vivra éternellement.

Il y a un traité qui a pour objet le Gan Eden, qui mentionne la « section des femmes vertueuses », et cette section « appartient » à Myriam la prophétesse. Et que font là-bas les femmes vertueuses ? Elles continuent la שירה de Myriam la prophétesse qu’elles ont commencée à la Traversée de la Mer Rouge !

Et si nous nous posons la question : combien de temps peut-on chanter ce même chant ? La réponse est la suivante : c’est que le fondement de ce chant est la שירה de Myriam à la Traversée de la Mer Rouge, cependant en tout temps et à toute époque s’ajoutent de nouvelles strophes à ce chant, en conséquence des miracles et des prodiges qui se renouvellent tout le temps.

Et voilà, lorsqu’arrivera le moment de quitter ce monde, la majorité des mortels sortent de ce monde en pleurs et non pas avec eux de cantiques, de שירה. Et la raison de cela c’est qu’ils ne se sont pas habitués à assembler cette chaîne- שירה pendant leur vie, et c’est pour cela qu’ils viennent toujours en pleurs, et se séparent du monde en pleurs.

Réfléchissons maintenant à celle qui ne se sera pas habituée ici dans ce monde-ci à relier toutes les parties de sa vie pour atteindre cette שירה, et qui sort de ce monde en pleurs, comment pourra-t-elle entrer dans le palais de Myriam qui n’est que שירה ?

Au contraire, celle qui réfléchit à sa vie chaque jour relie ensemble les événements qui lui arrivent, perçoit la main de D. qui surveille pour prodiguer le bien. Elle connaît depuis les tréfonds de son cœur la grandeur des bienfaits qu’Hakadosh Baroukh Hou lui prodigue, et c’est de cette profondeur de son cœur qu’éclate de sa bouche שירה et louange en Son honneur. Alors lorsque sa vie atteint son terme, elle se sépare de ce monde avec שירה, et elle est préparée pour mériter d’entrer dans le palais de la שירה de Myriam la prophétesse.

Lorsque meurt un Tsadik ou une Tsadeket, on écrit un livre d’histoire sur le déroulement de toute sa vie, on assemble une chaîne de toute sa Tora et ses bonnes actions qu’il a traversées depuis le jour de la naissance jusqu’au jour de la mort, et de cette vie-là se dévoile une magnifique שירה.

Ainsi, celui pour qui on peut assembler toute sa vie, et admirer le cours de sa vie et sa grandeur, la conclusion de sa vie c’est une שירה. Par contre, celui qui n’exploite pas sa vie, que D. nous en préserve, il se peut que ses proches soient tristes qu’il quitte ce monde, mais cela ne sera pas possible d’exprimer une שירה de là.

Lorsque la nechama d’une femme tsadeket quitte ce monde, elle entre dans le palais de Myriam, et là-bas, on ne continue pas le chant qu’on chantait avant, mais toutes chantent avec elle la nouvelle שירה qu’elle a apportée avec elle.

C’est cela le but véritable de chaque femme dans le monde, de composer un chant nouveau et unique pour elle. Et si elle mérite que sa vie soit de l’ordre de la שירה, lorsqu’elle monte dans le palais de Myriam, son chant à elle s’associe au chant de toutes les Tsadkaniot, et toutes ensemble chantent sa שירה.

Nos maîtres enseignent que lorsqu’un Talmid Hakham monte dans le monde supérieur, on lui donne 40 jours pour réviser les ‘Hidoushé Tora (innovations dans l’étude) qu’il a innovés au courant de sa vie ici-bas.

De façon similaire, lorsqu’une femme Tsadeket accède au monde supérieur, on va lui donner la possibilité de dévoiler son chant unique qu’elle a innové au courant de sa vie.

C’est cela l’explication du texte que nous récitons le soir du Séder : « et nous chanterons un chant nouveau devant Lui », c’est-à-dire la שירה que chacun innove de lui-même.

Plus la femme est élevée, ainsi la שירה qui l’accompagne tout au long de sa vie est plus grande et plus vaste, étant donné que chaque jour elle mérite d’assembler un maillon supplémentaire de la chaîne unique qui lui est propre, et toute sa vie est une vie de שירה, une vie de délice une vie de joie.

Comme on a dit, chacune peut concrétiser cela vraiment, à condition de réserver un moment défini chaque jour, de préférence avec stylo et papier, qu’elle commence à décrire par écrit le cours de sa vie à elle, pour voir la liaison entre les différents événements, pour méditer à la profondeur des bienfaits d’Hakadosh Baroukh Hou qui se trouvent en chaque chose, et à partir de là s’éveillera le sentiment jusqu’au plus profond du cœur, et la שירה dont on a parlé explosera d’elle-même.

Un puzzle de 1000 pièces

Il y a encore un énorme avantage à tirer de cette שירה de vie là.

Comme chacun sait, il y a des périodes d’épreuves dans la vie ; on ne comprend pas toujours pourquoi on doit les traverser et pourquoi Hakadosh Baroukh Hou nous fait vivre des épreuves aussi dures.

Une parabole à laquelle cela ressemble : un homme qui veut assembler un puzzle de 1000 pièces doit commencer par trier les pièces du cadre qu’il peut identifier. Une fois le cadre assemblé, on laisse de côté les pièces les plus difficiles à identifier, et on continue à remplir les pièces dont on peut trouver l’emplacement le plus facilement, et ainsi petit à petit on réussit à compléter toute une partie du puzzle, et même si par ci par là, il reste encore un trou et que cela ne forme pas encore une image complète, mais lentement, lentement on distingue une grande partie de l’image, et plus on avance, plus on arrive à compléter de morceaux supplémentaires jusqu’à obtenir l’image entière.

Et l’explication de la parabole, chacun et chacune ont des parties difficiles dans son être, qu’on ne sait pas à quoi les relier. Comme dans ce puzzle, nous devons savoir et intégrer dès le départ que ces pièces-là font partie intégrante de notre être. De même qu’il faut provisoirement laisser de côté les pièces difficiles du puzzle et commencer par assembler les parties faciles dont nous comprenons comment elles forment l’image, de même celui qui ne va pas se décourager va progresser lentement, lentement dans la construction de la mosaïque des morceaux compréhensibles. Et lentement, lentement l’image deviendra plus claire pour lui, et en conséquence la reconnaissance qui jaillira de son cœur sera plus profonde.

Plus que cela, de même que dans la parabole du puzzle plus on avance dans les étapes et que le travail d’assemblage devient dur, plus la satisfaction obtenue en retour devient plus importante ; de même dans la שירה de vie, plus la personne avance dans l’assemblage de la chaîne et réussit à comprendre comment s’entrelacent même les pièces les plus difficiles et a priori incompréhensibles de sa vie, plus elle éclatera dans une שירה profonde et fondamentale.

Plus la personne est parfaite dans sa Tsidkout, plus les pièces du puzzle qu’elle forme sont parfaites, et alors la שירה qui se construit est une שירה vraie et pure.

Un Juif qui n’a jamais entonné une שירה naturelle à Hakadosh Baroukh Hou, c’est une preuve que la forme de sa vie n’est pas conforme à la sainteté du judaïsme.

La שירה de vie du roi David

On dit au sujet du roi David qui a composé les 150 cantiques du livre des Psaumes, qu’ils sont tous pleins de chant et de louanges à Hakadosh Baroukh Hou :

« Il a placé un trône pour la mère de la Royauté » (Rois I 2.19), c’est-à-dire que toute sa royauté lui est venue de sa mère, et cela vient à son expression dans la שירה des cantiques des Psaumes qu’il a composée, et c’est cela la « Tora de ta mère » à lui.

Celui qui veut voir comment se dévoile la Tora des femmes doit scruter le livre des Psaumes. On peut y remarquer que le Roi David n’y décrit pas uniquement les miracles et les délivrances qui lui sont arrivés, mais également les malheurs qui les ont précédés.

Dans le livre des Psaumes se dévoilent comment le Roi David a réussi à réunir même les parties de sa vie qui au départ n’avaient pas l’air d’être aptes à la réunification, et en fait elles font partie intégrante des louanges du Roi David.

Lorsque le Roi David a composé une שירה, il l’a composée aussi bien des parties dures de sa vie que des parties faciles et agréables, et il n’a laissé même pas un seul morceau hors du puzzle, et c’est justement pour cela qu’il a eu le mérite de composer le livre des Psaumes.

Bien évidemment, le livre des Psaumes est une partie indissociable de la Tora, et ce n’est pas une שירה isolée, et c’est un exemple très clair de la Tora des femmes.

Celle qui dira les Tehilim, non pas d’une façon superficielle mais du fond de son cœur, va se relier dans les tréfonds de son âme aux louanges du Roi David, et va ressentir comment sa vie à elle lentement, lentement se transforme en une שירה.

L’aspiration et la finalité : la שירה de toute la Création

L’étape première et fondamentale pour transformer la שירה en une partie indissociable de notre personnalité, ce n’est pas quelque chose qui se construit en un seul jour, pour cela il faut à tout le moins quelques mois, et en général même quelques années.

Après avoir réussi cette première étape, on peut se projeter dans une étape plus élevée.

Comme on l’a dit, bien que la majorité des femmes ne se trouvent pas encore à ce niveau, mais au moins sont dans l’espoir d’y accéder, nous devons savoir d’où nous devons espérer, dans une démarche de « la fin de l’action dépend de l’intention première », afin que nous sachions quel est le but supérieur de notre שירה et ce qu’elle doit atteindre.
Nos maitres nous enseignent que lorsque le Roi David a composé les Tehilim, il a scruté tous les malheurs d’un côté et toutes les délivrances de l’autre de tous les Juifs de toutes les générations à venir.

En fait, la שירה et les louanges du Roi David n’ont pas été dites uniquement sur lui-même, mais il a intégré dans ses cantiques les miracles et les délivrances de toute l’assemblée d’Israël.

Nous apprenons ainsi qu’une personne qui a un niveau très élevé, sa שירה n’est pas composée uniquement de sa vie personnelle, car lorsqu’elle voit les combinaisons de la Providence supérieure de l’assemblée d’Israël (et en approfondissant même de toutes les créatures), elle compose avec cela une שירה qui englobe l’univers à grande échelle.

Ainsi, ce niveau de perfection est un niveau qui n’appartient qu’au Roi David, cependant chacune peut approcher dans une certaine mesure ce niveau élevé-là.

Les femmes qui veulent se préparer comme il convient à la fête de Shavouot, fête du don de la Tora, il faut que ce soit clair pour elles où est leur part dans l’étude de la Tora, dont la source est profondément ancrée dans la part qu’elles ont reçues au moment de l’événement du Mont Sinaï, et à cela elles doivent s’y relier ici dans ce monde-ci, pour qu’elles puissent s’y relier également lorsqu’elles monteront dans le monde supérieur au Gan Eden.

Evidemment chacune désire une vie spirituelle éternelle ; mais celle qui ne dévoile pas le lieu de la שירה dans l’être dont on a parlé, comment va-t-elle s’unir à l’éternité quand elle va monter au monde supérieur et atteindra le Gan Eden ?

Une parabole à quoi cela ressemble : un homme arrive à un mariage, il veut danser et chanter avec tout le monde, mais malheureusement tous chantent dans une langue qu’il ne connaît pas du tout, et par conséquent il ressent une grande difficulté à se joindre à eux.

Si une femme n’a pas dévoilé le palais de la שירה en elle dans les profondeurs de son cœur, bien évidemment qu’au Gan Eden elle ne pourra pas s’associer à cette שירה.

Observer la Tora avec le miroir de la שירה

Pour qu’il y ait une véritable union au niveau de Tora dans le sens de שירה, indépendamment de la nécessité de réflexion sur la vie personnelle de chacune d’entre nous, il faut commencer à s’habituer à étudier les 5 livres de la Tora en méditant sur les paroles de Tora avec un regard vaste.

Par exemple : on connaît les paroles de Pirké Avot (5.2) « 10 générations depuis Adam jusqu’à Noa’h. » Avons-nous essayé ne serait-ce qu’une fois de penser et réfléchir à ce qui s’est passé depuis le premier jour de la Création jusqu’aux jours de Noa’h ? Si la Tora comporte des passages de « récits », comme dans la Genèse, la première partie de l’Exode, un peu dans les Nombres, et encore un peu dans le Deutéronome, il y a là une intention fondamentale qui doit nous interpeller. Nous savons qu’il y a un enseignement de « moussar », d’éthique, à tirer pour que nous-mêmes améliorions nos comportements. Mais il y a un enseignement bien plus profond encore qui peut influer sur toute notre perception de l’existence.

Réfléchissons. Hakadosh Baroukh Hou a créé le monde, et après 10 générations il l’a presque entièrement détruit. Si l’un d’entre nous construisait une maison, et qu’après 10 ans il soit contraint de la détruire de ses propres mains, c’est évident que ce serait une grande souffrance pour lui. Et le verset dit à ce sujet : « Il a été triste dans son cœur et D. a dit je vais effacer etc. » (Genèse 6.6-7).
Mais pourquoi alors, lorsqu’on lit le ‘Houmash Beréshit (La Genèse), et que l’on voit dans la section Noa’h la grande destruction causée à la génération du déluge, on n’est pas tellement triste pour la Création qui a été détruite ?

La réponse à cela est que nous nous sommes habitués à lire ces sections-là sans y réfléchir correctement ; depuis la Création jusqu’à l’époque de Noa’h, on a l’habitude de comprendre qu’à la génération du déluge tous étaient corrompus et fauteurs et que c’est pour cela qu’Hakadosh Baroukh Hou les a punis. Mais on ne réfléchit pas aux 10 générations entre Adam et Noa’h, et combien D. a été patient durant toutes ces nombreuses années pendant lesquelles il a attendu pour leur laisser la possibilité de faire Techouva.

La même chose s’est produite pour les 10 générations entre Noa’h et Avraham Avinou. Peu de gens seulement réfléchissent au déroulement de ces 10 générations entre Noa’h et Avraham, quel était l’ordre des générations, qu’a fait l’univers pendant ce temps, à quel endroit et à quelle époque Avraham Avinou est né, jusqu’à ce qu’arrive Avraham Avinou et prenne le salaire de tous.

Si on médite à tout le processus, on voit la vie d’Avraham Avinou comme une שירה et là on comprend pourquoi la Tora nous a raconté le déroulement de toutes ces générations-là, pour que nous réfléchissions et reconnaissions la שירה qui émerge de la vie d’Avraham Avinou.

Ce sont des exemples concrets pour celle qui veut étudier la Tora sous l’angle de la שירה, et à travers cela dévoiler la שירה dans sa propre vie personnelle, et après cela dévoiler la שירה générale de toute la Création.

Celle qui se comporte ainsi concrètement est apte à atteindre un niveau profond de remerciement et de reconnaissance à Hakadosh Baroukh Hou, et d’une façon naturelle ce remerciement-là viendra à son expression par le fait que sa bouche éclatera en chant.

C’est cela la Tora que toute femme peut dévoiler en elle-même, et après la transmettre en héritage à ses enfants, d’un point de vue de « n’abandonne pas la Tora de ta mère ».

Nous devons savoir et intégrer que les paroles qui viennent d’être enseignées ne sont pas sous la forme d’un « bon conseil, d’une bonne idée ». Mais on parle là de la forme de vie de toute celle qui exige de vivre une vie plus intime.

Il est possible qu’au départ ces propos semblent étrangers et lointains, et cela du fait que nous nous sommes habituées à vivre dans un monde matériel dans lequel on saisit la שירה d’un lieu très extérieur, et même si on a l’impression des fois de chanter du fond de son cœur, ce n’est pas encore la profondeur qui provient de la vie personnelle de chacune. Une telle שירה est très rare dans la Création.

Que ce soit la Volonté que nous méritions toutes de nous relier à notre part dans la Tora, et que nous ayons le mérite de dévoiler la שירה personnelle de chacune en nous-même, pas juste comme une idée, mais que la bouche arrive véritablement au lieu de la שירה, de telle sorte que toutes les שׁירות s’assemblent, et dévoilent la שׁירה parfaite qui est la שירה de toute la Création ensemble.

Voir l'auteur

“LE CHANT DE LA FEMME JUIVE, PREPARATION A SHAVOUOT, par Mme Caty Zyzek”

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