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HAAZINOU : le vide intérieur

par: D. Scetbon

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« Moshé acheva de dire toutes ces choses à tout Israël. Il leur dit : portez votre cœur [votre attention] sur toutes ces choses que je prends à témoin à votre égard aujourd’hui, que vous ordonnerez à vos enfants de garder et faire toutes les paroles de cette Torah. Car elle n’est pas une chose vide de vous, car elle est votre vie et en cette chose vous prolongerez vos jours sur la terre dont, traversant le Jourdain, vous allez prendre possession » (Devarim Chap. 32, V. 36 et 37).

L’expression « une chose vide de vous » constitue la traduction littérale du verset.

Cependant, ainsi lue, cette phrase apparaît très obscure. Elle semble vouloir nous détromper d’un présupposé, mais lequel ?

Celui-ci pourrait être exprimé ainsi : « nous aurions pu penser que la Torah était vide de nous, tel n’est pas le cas ». Qu’est ce que cela signifie ?

Le Talmud Yerouchalmi dans le traité Ketoubot (Chap. 8 in fine), relit le verset de manière inattendue. « La chose (la Torah), n’est pas vide de vous, mais si elle est vide, c’est de vous [ c’est à dire vous en êtes responsables] ».

Pour mieux comprendre, il faut se pencher sur le commentaire de Rachi sur notre verset. Celui-ci s’exprime, se fondant sur le Sifré, de la façon suivante : « tu n’as pas un élément de la Torah qui, expliqué, ne comporte une récompense ». Muni de ce commentaire nous pouvons mieux comprendre.

La Torah est un univers de sens. Par définition, chaque verset, chaque parole de Torah est riche, foisonnant d’enseignements. Mais si nous n’en percevons pas la richesse, la raison n’est pas à en rechercher dans un défaut du sens, mais bien dans un défaut de l’étudiant. « Si le texte est vide, c’est de vous qu’elle est vide. » et la guemara de poursuivre : « du fait que vous ne vous y efforcez pas. »

Il peut arriver que nous abordions certains textes de Torah, les regardant avec une certaine forme de condescendance. Nous sommes parfaitement conscients de faire face à un texte d’origine divine, mais il nous semble que les thèmes peuvent en être surannés, dépassés, vides de sens.

C’est ce que nous disent nos Maitres. Cette perte de sens n’est en rien imputable aux enseignements de Torah, nous en sommes seuls responsables, faute d’avoir insuffisamment œuvré, peiné dans l’étude pour en faire jaillir l’actualité. « C’est de vous qu’elle est vide », vous ne lui avez pas apporté de votre intériorité, condition nécessaire à la mise au jour de la profondeur des paroles de Torah. (Bien évidemment, il ne s’agit pas pour autant de ne lire ces paroles qu’à l’aune de nos propres problématiques, mais plutôt, de tenter d’y donner le meilleur de nous mêmes.)

Cela nous permet, de comprendre la suite du verset : « car elle est votre vie et le prolongement de vos jours. » La première Michna du traité Péa, nous dit que l’étude de la Torah est au nombre des Mitsvot dont : « on perçoit les fruits dans ce monde-ci et dont le capital est intact pour le monde à venir ».

D’après ce que nous avons vu, une étude assidue, acharnée, consiste ainsi à construire une intériorité. Celle-ci nous confère une certaine aptitude, à restituer l’intelligence du texte. Cette construction nous prépare à tirer profit des enseignements de Torah en ce monde, nous donnant une lecture riche de celui-ci. Dès lors la personnalité de l’homme n’est pas happée par ce monde-ci. Ce monde lui sert de tremplin. C’est peut être ce que la Michna appelle les fruits de l’étude que l’on perçoit en ce bas monde. L’Homme introduit alors en lui une dimension non contingente, une part d’éternité : « le capital en reste entier dans le monde futur. ».

Cela peut expliquer pourquoi Rachi a jugé nécessaire de faire mention d’une notion de récompense dans son commentaire sur notre verset.

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