Petits aperçus sur la transmission de la Torah Orale. Par Rav Gérard Zyzek
Lorsque nous étudions la Torah, on a l’habitude de citer un nombre important de Maîtres. Il n’est pas toujours aisé de situer ces Maîtres et auteurs les uns par rapport aux autres. C’est pour éclairer un peu les étudiants en Talmud que j’ai rédigé ce petit aperçu sur la transmission de la Torah Orale. Dans une étude traditionnelle de Talmud, on sollicite des Maîtres de différentes générations à dialoguer entre eux. En effet le Talmud a été travaillé au fil de près de deux millénaires et lorsque nous l’étudions nous discutons avec Rashi, avec Tossefot, Rambam, le Gaon de Vilna et le Mishna Beroura. Les siècles et les continents s’entrechoquent dans un brouhaha vivant et sympathique. Un maître d’Irak du septième siècle répond à une question d’un maître d’Allemagne du seizième siècle. Un maître de Pologne du dix-neuvième siècle répond à une question d’un maître du Maroc du dix-septième siècle. Nous allons donner quelques éléments pour visualiser la manière dont la Tradition Orale s’est transmise[1]. Il n’y a dans le petit texte suivant aucune prétention d’exhaustivité. Nous ne recherchons qu’à situer un certain nombre de Maîtres souvent étudiés dans les cours que j’ai l’honneur et la joie de donner à l’intérieur du déroulement global de la transmission de la Torah Orale.
Le Talmud fut terminé d’être rédigé par Ravina et Rav Ashé (Baba Métsia 86a) au cinquième siècle de l’ère commune à Babel. A cette époque le gros de la communauté juive se trouvait à Babel qui est l’Irak actuelle. Ravina, dernier rédacteur du Talmud, mourut en 499. D’après la lettre de Rav Shrira Gaon, il y eut après deux générations de maîtres qui peaufinèrent l’ensemble du Talmud. On appelle communément les maîtres de ces deux générations ‘les Savoraïm’.
Ensuite commence une longue période, principalement à Babel, mais aussi en terre d’Israël, ‘la période des Guéonim’, de 589 à la mort de Rav Haï Gaon en 1038 à Poumbadita (la Fallujah actuelle).
Ces maîtres de Babylone étaient les références juridiques pour l’ensemble du peuple juif de cette période. Leurs conclusions légales faisaient autorité. Dans la seconde moitié de cette période les Guéonim commencèrent à rédiger des livres systématiques de conclusions légales, comme le Shééltot de Rav A’haï, le Halakhot Guedolot de Rav Shimon Kaïra.
Parallèlement à cela commencent à se former les centres de Torah de la vallée du Rhin. La tradition rapporte que Charlemagne, dans son désir de faire venir des savants à sa cour, fit venir la famille Kalonymus à Spire et à Mayence. Cette famille de grands maîtres en Torah venait de Lucques en Toscane.
Nous ne recherchons pas à rendre compte de l’histoire de notre peuple en quelques lignes. Notre propos est d’indiquer quelques lignes directrices relatives à la transmission de l’étude talmudique.
Rabbi Avraham ibn Daoud (1110-1180) dans son Séfèr HaKabbala rapporte un événement crucial. Vers 990, quatre grands Guéonim partirent en bateau de Bari dans les Pouilles en Italie. Le nom de trois d’entre eux nous est resté : Rabbi ‘Houshiel, Rabbi Moshé ben ‘Hanokh, Rabbi Shmaria ben El’hanan. Ils furent pris en captivité et leur ravisseur, ayant conscience de leur valeur, exigea des sommes importantes pour leurs rachats. Quatre communautés juives les rachetèrent. Rabbi Shmaria fut racheté par la communauté juive d’Egypte. Rabbi ‘Houshiel fut racheté par la communauté juive de Kairouan (actuelle Tunisie). Rabbi Moshé ben ‘Hanokh fut racheté avec son fils ‘Hanokh par la communauté de Cordoue en Espagne. Nous ne savons pas quelle communauté racheta le quatrième maître. Cet événement providentiel participa à la diffusion de l’étude du Talmud auprès de ces communautés.
Rabbi ‘Houshiel fut le père de Rabbénou ‘Hananel qui fut à son tour le maître de Rabbi Its’hak Elfassi, maître de Rabbi Yossef ibn MiGash, maître de Rambam, et de Rabbi Nathan de Rome, auteur du Aroukh. Rabbi ‘Haïm Yossef David Azoulay (1724-1806), le ‘Hida, dans son livre Shem HaGuedolim, dit que Rabbénou Guershom Maor HaGola, personnalité majeure du judaïsme ashkenaze, maître des maîtres de Rashi, apprit aussi auprès de Rabbénou ‘Hananel. Si l’affirmation du ‘Hida est vraie, Rabbénou ‘Hananel fut la plaque tournante de la tradition orale, tant pour le monde séfarade, espagnol, que pour le monde ashkenaze, allemand.
A partir de Rabbénou ‘Hananel, du Rif et de Rabbénou Guershom, commence la période que nous appelons traditionnellement celle des ‘Rishonim’, des Maîtres Premiers.
Deux univers d’étude se mettent en place, celui d’Espagne et celui d’Allemagne et de France.
I. L’Espagne des Rishonim, les commentateurs premiers du Talmud.
Rav Its’hak Elfassi (1013-1103), appelé ‘le Rif’, comme nous l’avons déjà mentionné, a longuement étudié auprès des ‘Hakhamim de Kairouan dont Rabbénou ‘Hananel. Il alla ensuite en Espagne où il fonda une Yéchiva à Lucena. Le Rif rédigea le premier livre systématique de décisions légales au fil des traités talmudiques. Le Ramban l’appelle Rabbénou HaGadol, ‘notre grand Maître’, sans autre forme d’attribut. En effet ses décisions seront la base de travail pour la plupart des maîtres espagnols dont le Rambam. Cette école transmet la tradition décisionnaire des Guéonim de Babel.
Rabbi Yossef Ibn Migash (1077-1141), appelé ‘le Ri Migash’, est considéré comme étant l’élève principal du Rif et lui succèdera à la tête de la Yéchiva de Lucena. Rambam le considèrera comme étant son maître en Talmud, quoi qu’il ne l’ait pas fréquenté physiquement[2]. Rambam qui d’ordinaire s’enthousiasme peu sur le niveau de ses congénères dit au sujet du Ri Migash :
לב האיש ההוא בתלמוד מבעית למי שיסתכל בדבריו.
‘Le cœur de cet homme dans le Talmud est terrifiant pour celui qui médite sur ses dires.’
Rabbi Moshé bar Maïmon, Rambam (1138-1204).
Rambam est né à Cordoue en Andalousie. Il reçoit son enseignement de Torah principalement de son père Rabbi Maïmon, Dayan, juge rabbinique à Cordoue. Rabbi Maïmon avait été élève du Ri Migash. Les Almohades conquirent l’Andalousie en 1148 et forcèrent les non-musulmans à la conversion. La famille de Rabbi Maïmon fuit Cordoue et se réfugia à Fez au Maroc où ils restèrent quelques années. Face à de nouvelles persécutions ils partirent du Maroc et arrivèrent en terre d’Israël où ils se trouvèrent en face d’autres persécutions. En effet les croisés chrétiens arrivaient avec Richard Cœur de Lion, antijuif fanatique. De nouveau la famille fuit et arriva en Egypte en 1168. Rambam était déjà une immense personnalité et avait déjà rédigé sa première œuvre majeure, le commentaire sur la Mishna (Rambam témoigne qu’il commença cette œuvre à l’âge de vingt-trois ans et la termina à l’âge de trente ans). Il est à remarquer que cette œuvre majeure fut rédigée au fil de toutes ces terribles pérégrinations. Arrivé en Egypte Rambam reçu le titre de Naguid, c’est-à-dire de responsable politique de la communauté juive en Egypte. Il devint médecin de Saladin. C’est dans ce contexte qu’il rédigea son grand œuvre, le Séfèr Hamitsvot et le Mishné Torah. La Guemara dans le Traité Makot affirme qu’il y a six-cent treize Mitsvot, commandements dans la Torah. Mais comment définir ce qu’est un commandement et ce qui ne l’est pas ? Rambam mit au clair dans le Séfèr Hamitsvot ces grandes questions et fit le dénombrement précis de ces six-cent treize commandements. Une fois ceci défini, il donna les détails des lois de tous ces commandements dans le Mishné Torah. Le Mishné Torah n’est pas seulement un ouvrage majeur de la législation juive mais encore, dans la manière dont Rambam tranche la loi, nous pouvons voir et apprendre comment lui-même lisait la Guemara de laquelle il tirait ses conclusions. En effet nous avons un principe d’étude dans le Mishné Torah : jamais Rambam ne prend une décision s’il n’a pas une source textuelle dans le Talmud (de Babylone, mais aussi dans le Talmud de Jérusalem). Et là commence l’art du talmudiste : comment Rambam a-t-il lu les passages du Talmud ? Ce qui fait que Rambam, outre le fait qu’il est un pilier de la Halakha, est aussi, et surtout, un immense talmudiste. Le Rogatshover, Rabbi Yossef Rozin (1858 à Rogatschov en Biélorussie-1936 à Vienne en Autriche), maître du vingtième siècle en Lettonie, peu généreux en compliments pour ses congénères, disait de Rambam : il sait lernen ! Ce qui signifie : il sait étudier (le Talmud) ! en Yiddish.
Bien évidemment Rambam est l’auteur du Moré Nevokhim, traduit par ‘Guide des Egarés’. Cet ouvrage a une aura et un impact universels.
Nous aimerions dire un mot sur ce que représentait la philosophie en Espagne sous domination arabo-musulmane et plus tard lors de la reconquête chrétienne. Il nous semble que la philosophie était la culture dominante de l’époque. La philosophie ne comportait pas seulement ce que l’on appelle ‘philosophie’ de nos jours. La philosophie réunissait en son sein la recherche générale sur la connaissance de toute réalité. Les juifs vivants dans cette sphère culturelle étaient complètement immergés dans cet univers mental. C’est pourquoi la confrontation de la tradition juive à ce monde culturel était nécessaire et vitale. Les juifs vivants à cette époque dans la sphère culturelle chrétienne du Nord n’avaient aucune idée de ce contexte culturel. De même, nous à notre époque avons du mal à nous imaginer dans quel univers mental vivaient les juifs en terre musulmane à cette époque. Une chose est claire, tous les grands maîtres de notre tradition, même les plus proches de la tradition intime appelée Kabbala, connaissaient par cœur tous les écrits d’Aristote et de ses commentateurs. A tel point que le Maharal qui vivra au seizième siècle à Prague en particulier a en background culturel toute la littérature aristotélicienne par le fait qu’il a appris la Kabbala par des maîtres expulsés d’Espagne[3]. De nos jours, une certaine connaissance de ces auteurs est nécessaire pour pouvoir apprécier leurs enseignements.
Rabbi Moshé bar Na’hman. Ramban (1194-1270).
Ramban est né à Gérone en Catalogne. Nous mentionnons Ramban bien qu’il y ait eu d’innombrables maîtres d’envergure en Espagne pour sa dimension qui nous semble particulièrement centrale. Premièrement par l’importance de ses élèves. En effet le Rashba et Rabbi Aaron HaLévy, le Rao, furent ses élèves. Deuxièmement, le Ramban comme son grand ami et cousin Rabbénou Yona de Gérone, fut à la fois élève de l’école espagnole et à la fois des Baalé Tossefot de France. En effet Rabbi Yéhouda ben Yakar était un des maîtres de Ramban. Rabbi Yéhouda ben Yakar était élève de Rabbi Its’hak ben Avraham, le Ritsva, de Dampierre dans l’Aube (près de Troyes en Champagne). Le Ritsva était avec son frère Rabbi Shimshon de Sens un des grands représentants de la tradition des Baalé Tossefot. Troisièmement le Ramban est à la fois un des talmudistes les plus productifs et novateurs et à la fois un maillon dans la transmission de la Kabbala.
Ramban, comme nous venons de le dire fut le maître de Rabbi Shlomo ben Adérèt de Barcelone (1235-1310), dit le Rashba, de Rabbi Aaron Halévy de Barcelone (1235-1303), dit ‘le Rao’. Le Rao fut le maître de Rabbi Yom Tov ben Avshili, le Rithva (1250-1330).
Rabbénou Nissim de Gérone le Ran (1320-1380).
Rabbénou Nissim Gérondi a appris auprès de Rabbi David Bonfid, élève du Ramban, de son père Rabbi Réouven, et de Rabbi Perets HaCohen. Son commentaire sur le Rif innove en cela que, contrairement aux maîtres qui l’ont précédé, il développe largement ses argumentations et nous fait participer de son étude comme si nous étions à son cours. A l’époque du Ran la situation des juifs en Espagne commence à changer et le Ran a été fait prisonnier plusieurs mois avec ses deux importants élèves Rabbi Ist’hak bar Shéshèt (1326-1408), dit ‘le Rivash’, et Rabbi ‘Hassdaï Crescas (1340-1410). Peu après le décès du Ran commença la première vague de terribles persécutions en Espagne (1391). Suite à ces persécutions, le Rivash quitta l’Espagne et se réfugia à Alger. Le Rivash eut à statuer sur les cas nouveaux qui se présentaient à son époque, en particulier sur le statut juridique des juifs qui s’étaient convertis au christianisme sous la contrainte.
Il est à remarquer que le Ramban et le Ran furent eux-aussi médecins.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, parallèlement au développement de l’étude talmudique, l’Espagne a été aussi le creuset de l’étude de la Kabbala, la science intime de notre tradition. Ramban en a été un des éléments-clef de la transmission. Nous citerons aussi Rabbi Yossef Gikatilia (1248-1325), l’auteur du Shaaré Ora. Peu après se dévoilera le Zohar par l’intermédiaire de Rabbi Moshé de Léon (1240 à Guadalajara 1240-1305 à Arevalo).
Nous citons souvent dans nos différents ouvrages Rabbi Avraham Sebbah (1440 en Espagne-1508 à Vérone en Italie). Il écrivit son livre principal, le Tsror HaMor, en Castille. Lors de l’expulsion, il alla avec sa famille au Portugal où en 1497 les persécutions furent encore plus terribles qu’en Espagne. Il enterra ses ouvrages à Lisbonne sous un olivier. Plusieurs de ses enfants lui furent arrachés par les persécuteurs et il n’en eut plus jamais de nouvelles. Il fuit au Maroc et ensuite en Turquie à Andrinople et réécrit les livres qu’il avait rédigés la première fois en Castille. Rabbi Avraham Sebbah innove dans son ouvrage Tsror HaMor en cela qu’il lit les versets de la Torah dans leur plus grande simplicité grâce à ses citations du Zohar. Nous retrouverons plus tard cette approche dans les livres de Rav Shimshon Raphaël Hirsch[4] ou dans certains livres de ‘Hassidout.
II. La France et l’Allemagne des Rishonim.
Rabbénou Guershon (né en 960 à Metz-décédé à Mayence en 1028) sera considéré comme faisant partie de la première génération des maîtres appelés ‘les Rishonim’ en Rhénanie. Nous avons mentionné plus haut l’avis du ‘Hida comme quoi il aurait appris auprès de Rabbénou ‘Hananel. Le Maharshal, Rabbi Shlomo Louria, rapporte une tradition comme quoi Rabbénou Guershon serait allé à Babel et aurait appris auprès du dernier des Guéonim de Babel, Rav ‘Haï Gaon. Il est le maître des maîtres de Rashi : Rabbi Yaakov ben Yakar, Rabbi Its’hak ben Yéhouda et Rabbi Shimon le frère de la mère de Rashi.
Rashi, Rabbi Shlomo Its’haki (1040-1105), ira étudier chez ces grands maîtres à Mayence et à Worms dans la vallée du Rhin. De retour dans sa ville natale Troyes en Champagne, il structurera tout le judaïsme français, par ses ouvrages (commentaire sur tous les écrits saints, sur l’ensemble du Talmud), par son enseignement (ses élèves seront à la base de ce que l’on appellera ‘les Tossefot’), et sa place centrale comme décisionnaire.
Nous n’avons pas de mots pour exprimer la centralité des commentaires de Rashi tant sur les versets que sur le Talmud. Nous avons coutume de dire lors de nos cours que le commentaire de Rashi sur la Torah transforme la Bible en Torah.
Les communautés de Mayence, Worms et Spire sont massacrées lors des premières croisades en 1096. La plupart des maîtres de Rashi sont tués dans ces massacres.
I. Les Baalé Tossefot.
Rashi fut un enseignant par excellence. Ses petits-fils fondèrent ce que l’on appelle ‘les Tossefot’, les ajouts. Trois frères furent à l’origine de ce que nous appellerions ‘la révolution talmudique’ :
Rabbi Shmouel ben Méïr (décédé en 1160), appelé ‘le Rashbam’, Rabbi Yaakov ben Méïr (1100-1171), appelé ‘Rabbénou Tam’, et Rabbi Its’hak ben Méïr (1095-1135), appelé ‘Rivam’.
Lorsque j’étais jeune homme et que j’étudiais à Bné Brak, je suais sang et eau et n’arrivais pas à entrer dans l’univers du Talmud. Je suis allé voir le grand maître de l’époque Rav Elazar Mena’hem Shakh. Et je lui ai demandé conseil : pouvez-vous m’indiquer ce qu’il faut faire pour entrer dans cet univers ? Il m’a répondu du tac au tac : investis-toi dans Tossefot. C’est l’entrée au Talmud.
Et effectivement, ces grands maîtres, et leurs écrits, nous montrent que le Talmud n’est pas un livre mais un univers de débats et une tradition orale, et que c’est à nous de nous investir à notre tour et à faire ressortir par nos propres débats les enjeux sous-jacents à ces discussions.
Il est à remarquer que les premières générations des Tossefot ont été presque exclusivement présentes dans le royaume de France., ou d’Angleterre puisqu’Orléans et la Normandie faisaient partie de l’Angleterre à cette époque.
Deux générations après ces maîtres fondateurs, Paris et la région parisienne devinrent un centre mondial de l’étude du Talmud. Rabbénou Yona de Gérone, ami intime et cousin du Ramban, alla à Evreux étudier avec des Tossefot, Rabbi Moshé et Rabbi Shmouel, tous deux fils de Rabbi Shnéor d’Evreux.
Jacques Le Goff écrit dans son grand livre sur le roi Louis IX (1214-1270) :
‘Il y avait une importante communauté juive à Paris. Sur une population qui pouvait être d’environ 150000 habitants (de loin la plus nombreuse de la Chrétienté), il y avait, sans doute, selon des estimations sérieuses, trois à cinq pour cent de juifs, c’est-à-dire de 4500 à 7500 personnes, avec une forte concentration dans l’île de la Cité, probablement vingt pour cent de la population de l’île. De son palais, le roi peut donc avoir l’impression d’une forte infiltration juive, sinon dans son royaume, du moins dans sa capitale.’
Mais ce que Le Goff ne dit pas c’est que parmi ces juifs résidants dans l’île de la Cité ou à son alentour se trouvaient parmi les plus grands talmudistes de l’époque :
Rabbi Eliahou ben Yéhouda de Paris, Rabbi Yéhouda de Paris, appelé Sire Léon[5], et Rabbi Yehiel de Paris, appelé Sire Vive Dieu, qui faisaient partie des Baalé Tossefot.
II. Rabbi Méïr de Rottenbourg (1215 à Worms-1293), le Maharam de Rottenbourg.
Rabbi Méïr de Rottenbourg est, si nous pouvons nous exprimer ainsi, le dernier des Tossefot. Outre que Rabbi Méïr a étudié auprès de son père, il étudia à Paris auprès des Baalé Tossefot de Paris, dont Rabbi Yehiel. Il fut présent lors de la brûlerie du Talmud par Louis IX en 1242. Il apprit aussi auprès de Rabbi Shmouel de Falaise en Normandie.
Il forma les grands maîtres de cette époque : le Rosh Rabbi Asher ben Yehiel (1250-1327), appelé ‘le Rosh’, Rabbi Méïr ben Yékoutiel HaCohen 1260-1298), auteur du Hagaaot Maïmoniot, et Rabbi Mordekhaï ben Hillel HaCohen (1250,1298), appelé ‘le Mordekhi’.
L’auteur des Hagaaot Maïmoniot et le Mordekhi étaient tous deux des gendres de Rabbi Yehiel de Paris. Rabbi Méïr ben Yékoutiel fut assassiné avec toute sa famille sur le bûcher ainsi que le Mordekhi (à Nuremberg) lors des persécutions de l’année 1298.
Ces trois maîtres sont les piliers de la Halakha dans les communautés ashkenazes. Le livre de Rabbi Mordekhaï ben Hillel, le Mordekhi, faisait office de référence légale jusqu’à la rédaction du Shoul’han Aroukh. Nous ne pouvons qu’être interpelés par, d’un côté l’envergure de leur enseignement, et d’un autre côté du tragique de leur destin. Mon élève Yoran Ben Cimon m’a fait remarquer que le contexte d’oppression dans lequel ils vivaient leur faisait sûrement sentir l’urgence de transmettre et d’écrire des ouvrages qui construiraient les générations à venir. Mon épouse relève qu’il est important de se rendre compte que si nous sommes juifs aujourd’hui, c’est que dans les générations précédentes nos ancêtres ont donné leur vie pour le rester. De même si nous étudions aujourd’hui ces ouvrages c’est que leurs auteurs étaient prêts à sanctifier le Nom de D. .
Le Rosh, grand maître du monde ashkénaze dut s’enfuir d’Allemagne devant les persécutions et trouva refuge en Espagne, où il fut reçu par le Rashba et devint rav à Tolède. Le grand livre d’Halakha du Rosh, les Piské HaRosh, est une synthèse des démarches des Baalé Tossefot et des Maîtres Séfarades.
Un fils du Rosh, Rabbi Yaakov, a rédigé en Espagne son ouvrage majeur ‘le Tour’. Ce livre est structuré en quatre parties : le Ora’h ‘Haïm, le Even HaEzer, le Yoré Déah et le ‘Hoshen Mishpat. Cet ouvrage est tellement essentiel que c’est sur sa base que Rabbi Yossef Caro rédigera plus tard le Shoul’han Aroukh.
Rabbi Lévy ben Guershon, le Ralbag (1288 à Bagnols sur Cèze-1344 à Perpignan), petit fils de Ramban, grand commentateur de la Torah et des livres prophétiques, philosophe et savant astronome et mathématicien, est contemporain de la première expulsion des juifs de France par Philippe le Bel en 1306[6]. Il écrit dans son commentaire sur la Torah au verset (Vayikra 26,38) : ‘« Vous vous perdrez parmi les Nations, et le pays de vos ennemis vous dévorera », ceci nous enseigne sur les terribles malheurs qui viennent de s’abattre sur notre peuple où périrent un grand nombre d’entre eux, dont les massacres de plusieurs communautés lors de l’expulsion des juifs de France où moururent le double en nombre de ceux qui sont sortis d’Egypte soit de faim soit de peste’.
C’est en 1394 qu’eut lieu l’expulsion définitive des juifs du royaume de France.
Nous mentionnerons aussi Rabbi Israël Isserlin (1390-1460), l’auteur du Teroumat Hadeshèn. Ce maître fait partie de la dernière génération des Rishonim allemands. Son œuvre est une synthèse halakhique de l’école de Rabbi Méïr de Rottenbourg. Ses maîtres et sa mère ont (bien évidemment !) été assassinés dans des massacres en 1421. A la suite de ces massacres, Rabbi Isserlin fuit l’Allemagne et devint Rav en Autriche. Ses décisions légales font souvent autorité jusqu’à aujourd’hui. Comme Rabbi Méïr de Rottenbourg, le maître du maître de son maître, Rabbi Isserlin fait preuve d’une très grande créativité dans ses lectures du Talmud.
III. L’expulsion d’Espagne. Le début des A’haronim.
L’expulsion d’Espagne de 1492 fut un cataclysme. Nous ne rentrerons pas plus dans ce que put être cet événement majeur. Ce cataclysme dépasse l’entendement : les juifs faisaient partie intégrante du pays, quels qu’ils soient, des plus intégrés aux plus attachés à la Tradition.
Mais une des conséquences fut la propagation de l’étude séfarade et sa diffusion aux autres communautés. Nous proposons de dire que ce que l’on appelle ‘l’étude moderne du Talmud’ ou ‘étude lituanienne’ a ses racines en Espagne.
De grands maîtres du Talmud firent partie de la foule des expulsés. Une partie fuit vers l’Afrique du Nord, une partie vers l’Empire Ottoman.
Nous mentionnerons quelques-uns de ces grands Maîtres.
Rabbi David ben Zimra (1474-1573) le Radbaz. Il avait donc dix-huit ans lors de l’expulsion. Sa famille alla tout d’abord à Fès au Maroc et ensuite en Egypte. Le Radbaz est une figure centrale tant de la Halakha, du droit juif, que de la Kabbala. Rabbi Betsalel Ashkenazi, auteur du Shita Mekoubetstet, maître de Rabbi Its’hak Louria, est un des nombreux élèves du Radbaz. A la fin de sa longue vie, le Radbaz s’installa à Tsfat.
Rabbi Yaakov Bérab (né à Tolède en Castille en 1474 – décédé à Tsfat en 1546). A appris en Espagne auprès d’un des derniers grands maîtres de Castille, Rabbi Its’hak Abouaf. Après s’être réfugié à Fès au Maroc, à Tlemsen en Algérie, Rabbi Yaakov Bérab s’installa à Tsfat où il eut des élèves prestigieux qui construisirent non seulement le peuple juif de leur époque mais encore les bases de la Torah contemporaine : Rabbi Yossef Caro, Rabbi Moshé Cordovero, Rabbi Moshé Metrani, le Mabith.
Rabbi Yossef Caro (né à Tolède en 1488 – décédé à Tsfat 1575). Rabbi Yossef Caro avait trois ans lors de l’expulsion. Sa famille fuit d’abord au Portugal, mais après l’expulsion des juifs du Portugal en 1496, ils fuirent en Turquie tout d’abord à Constantinople et ensuite à Andrinople où il commença à rédiger son œuvre monumentale ‘le Beit Yossef’, commentaire très développé sur le Tour. Le Shoul’han Aroukh est le condensé et la synthèse légale de cet ouvrage. Outre l’impact halakhique majeur du Beth Yossef, dans cet ouvrage Rabbi Yossef Caro nous explique de manière extrêmement pédagogique et humble comment lire et décortiquer les enseignements des Rishonim. Comme tous les grands décisionnaires, Rabbi Yossef Caro est aussi un grand cabbaliste[7]. A partir de Rabbi Yossef Caro, nous ne parlerons plus de Rishonim mais d’A’haronim, de ‘maîtres derniers’.
Rabbi Yossef Tétatsak (1465,1546). Maître important déjà en Espagne, il fuit à Salonique où il forma toute la génération d’enfants d’expulsés qui se retrouvèrent à Salonique, dont Rabbi Shlomo Elkabetz (1505 à Salonique,1584 à Tsfat), futur auteur du Lèkha Dodi. Rabbi Shlomo Elkabetz ira à Tsfat et sera le maître en Kabbala de Rabbi Moshé Cordovero (1522,1570).
Rabbi Lévy ben ‘Habib (1480 à Zamora en Espagne,1541 en terre d’Israël). Aussi appelé Maharalba’h. Fils de Rabbi Yaakov ben ‘Habib, l’auteur du Ayn Yaakov. La famille fuit en 1492 pour le Portugal qu’ils fuirent ensuite pour Salonique. Le Maharalba’h apprit tout d’abord avec Rabbi Its’hak Abouaf en Espagne, et avec son propre père, Rabbi Yaakov. Il alla ensuite en Israël où il devint le grand maître de Jérusalem et le contradicteur de Rabbi Yaakob Bérab.
Citons d’autres maîtres de cette école espagnole en terre ottomane :
Rabbi Yom Tov Métrani (fils du Mabith élève de Rabbi Yakov Bérab), appelé ‘le Maharith’.
Rabbi Shmouel Di Médina, appelé ‘le Maharasdam’. Né à Salonique, élève de Rabbi Yossef Tétatsak. Grand maître et décisionnaire de cette génération, auteur de Responsa importants.
Rabbi Yossef aben Ezra, auteur du Atsmot Yossef, livre majeur sur le Traité Kidoushin (imprimé à Salonique en 1601), maître à Sofia en Bulgarie, élève du Maharashdam.
Rabbi Avraham de Botton, auteur du Le’hem Mishné sur le Mishné Torah du Rambam, élève du Maharasdam à Salonique.
La génération suivante de maîtres séfarades de langue judéo-espagnol dans le monde ottoman rédigeront des œuvres majeures qui seront abondamment citées et travaillées par les maîtres-clef de l’étude contemporaine dans le monde ashkénaze comme Rabbi Akiva Eiger et Rabbi Arié Leib HaCohen, l’auteur du Ksot Ha’Hoshèn et du Avné Milouïm.
Citons quelques-uns de ces maîtres et quelques ouvrages-clef :
Rabbi Moshé Ben ‘Habib (1654 à Salonique-1696 à Jérusalem), auteur du Shamot BaArets. De la famille de Rabbi Lévy ben ‘Habib cité plus haut.
Rabbi Yéhouda Rozanes (né en 1657 à Istanbul, décédé en 1727 à Istanbul), auteur du Mishné LeMélèkh sur le Rambam et du Parashat Derakhim.
Rabbi Ephraïm Navon (né en 1677 à Istanbul- décédé en 1731), auteur du livre base de l’étude moderne ‘le Ma’hané Ephraïm’.
Rabbi Its’hak ben Moshé Nunes Belmonti (décédé en 1774 à Izmir), auteur du Shaar HaMélèkh, sur le Mishné Torah du Rambam.
Rabbi Yom Tov Elgazi (né en 1727 à Izmir – décédé à Jérusalem en 1802), auteur du Maharith sur les livres halakhiques de Ramban relatifs aux traités ‘Hala et Berokhot.
C’est le fait que des grands maîtres comme Rabbi Akiva Eiger et Rabbi Arié Leib HaCohen citent et discutent systématiquement ces ouvrages qui me fait réaliser qu’il y a une continuité précise entre l’étude espagnole et l’étude telle qu’elle est étudiée dans les Yéshivot dites de tradition lituanienne aujourd’hui.
IV. Les A’haronim et le développement de l’étude en Pologne et en Europe de l’Est.
La Pologne, comme l’Empire Ottoman, ouvre ses portes aux exilés d’Espagne ainsi qu’aux juifs persécutés de manière systématique en Allemagne. C’est ainsi que, petit à petit, à partir du seizième siècle, la Pologne, la Bohème et la Lituanie deviennent des nouveaux centres de l’étude du Talmud.
I. Rabbi Yéhouda Lévaï ben Betsalel, le Maharal de Prague (1512 à Poznan en Pologne-1609 à Prague en Bohème).
La famille du Maharal venait de Worms en Allemagne qu’elle fuit pour s’installer à Poznan, Posen en Yiddish. Selon Rabbi Yossef Its’hak Schneerson dans son livre de souvenirs, le Maharal a étudié chez Rabbi Yaakov Pollack (1460 en Allemagne – 1558 à Lublin en Pologne) à Premichle en Pologne, lui-même élève de Rabbi Yaakov Margolin de Nuremberg. Il alla ensuite étudier à Posen auprès de Rabbi Its’hak Clover de Worms. Selon cette source, Rabbi Shlomo Louria, le Maharshal était son compagnon d’étude de prédilection à la Yéchiva de Rabbi Yaakov Clover. A la mort de celui-ci ils allèrent tous deux à Cracovie où Rabbi Moshé Isserless, le futur Rama, devint son compagnon d’étude.
Une partie importante de sa vie, le Maharal fit des allers-retours entre Prague et Posen. Il ne devint le Rav de toute la communauté de Prague qu’en 1597, c’est-à-dire à un âge avancé.
Le Maharal représente bien le maître de l’époque de la Renaissance, période de grands bouleversements spirituels. En effet, certains de ses contemporains commençaient à aller dans les universités, en particulier en Italie, et ils trouvaient que notre tradition était bien poussiéreuse, dépassée, en un mot moyenâgeuse. Le but de ses ouvrages est principalement de répondre aux interrogations de ses contemporains. Si nous pouvons nous exprimer ainsi, le Maharal est un des rares maîtres de notre tradition (avec Rambam et Rav Shimshon Raphaël Hirsch) qui aborde les grandes questions : qu’est-ce que le Talmud ? Pourquoi les Maîtres du Talmud s’expriment-ils de manière bizarre, et parfois de manière outrancière, invraisemblable ? Pourquoi souvent le Talmud a-t-il l’air de contredire les connaissances scientifiques ? Pourquoi le destin du peuple juif est-il si étrange et souvent si tragique ? Et par ce biais, quelle est le sens de l’histoire juive ? Etc.
Le Maharal ne répondra pas superficiellement à ces questions. Et là réside une de ses innovations majeures. On ne peut répondre à ces grandes questions qu’en se permettant de dévoiler le cœur même de notre tradition. La Tradition Talmudique a deux aspects : un aspect juridique, qui en constitue l’aspect dévoilé, et un aspect intérieur, secret, dissimulé dans les passages aggadiques du Talmud, qui en constitue l’aspect ésotérique. Le Maharal a estimé qu’à son époque où les fondements de notre peuple (expulsion d’Espagne, persécutions en tous genres) et de notre tradition (la Renaissance, l’humanisme et les découvertes scientifiques et technologiques) étaient ébranlés, il est obligatoire de faire connaitre le fond des sujets et de se permettre de dévoiler ce qui en temps de tranquillité se doit de rester dans l’intime de sa relation véritable à soi-même et à D.. Néanmoins l’étude des livres du Maharal est ardue car si les thématiques sont exposées de manière très claire dans ses livres, le fond de ce qu’il a à dire est souvent extrêmement difficile à saisir. Cela correspond à ce que nos Maîtres disent (Nédarim 20b) : ‘Il dévoile une paume[8] et en recouvre deux’.
II. Rabbi Moshé Isserless (1530-1572 à Cracovie), le Rama, et les premiers commentateurs du Shoul’han Aroukh.
En même temps que Rabbi Yossef Caro rédigeait le Beit Yossef et le Shoul’han Aroukh en terre d’Israël, Rabbi Moshé Isserless rédigeait lui-aussi un livre de synthèse de la Halakha incluant les coutumes ashkénazes et en particulier les coutumes de Cracovie, ainsi que les conclusions résultant de la tradition des Tossefot. Ayant pris connaissance du travail monumental de Rabbi Yossef Caro, Rabbi Moshé Isserless finalement se contenta de rédiger des gloses sur les décisions de Rabbi Yossef Caro. L’ensemble (décisions de Rabbi Yossef Caro et gloses de Rabbi Moshé Isserless) constitue le Shoul’han Aroukh tel que nous le connaissons.
Les grands talmudistes des générations suivantes se sont attachés à rédiger des commentaires systématiques pour ce travail bicéphale que constitue le Shoul’han Aroukh. En effet, si le Shoul’han Aroukh constitue une base incontournable, les décisions tant de Rabbi Yossef Caro que de Rabbi Moshé Isserless sont sujettes à débat, et les grands maîtres qui leur succèdent ne s’empêchent pas de se démarquer du Shoul’han Aroukh dans la mesure où ils apportent des preuves construites à leurs opinions. D’autre part de multiples cas n’ont pas été abordés par ces auteurs, et les ramifications qu’ils suggèrent sont infinies. D’autre part il n’est pas toujours aisé de comprendre l’intention de l’un comme de l’autre, et définir avec précision quelles sont véritablement leurs conclusions soulève débat.
Citons quelques-uns des grands commentateurs du Shoul’han Aroukh :
Rabbi Yéoshoua HaCohen Falk (1555 à Cracovie-1614 à Lvouv, Ukraine actuelle). Rédigea un commentaire systématique sur les quatre parties du Tour, le Drisha ouPrisha, et le Séfèr Méhirat Einaïm sur le Shoul’han Aroukh section ‘Hoshen Mishpath (droit civil). Le Séfèr Méhirat Einaïm est communément appelé sous son acrostiche ‘le Smah’. Elève de Rabbi Moshé Isserless.
Rabbi David HaLévy Ségal (1586 à Loudmir en Pologne-1667 Lvouv). Le Taz du nom de son commentaire le Touré Zaav sur les quatre parties du Shoul’han Aroukh.
Rabbi Moshé Lima (1604 en Pologne-1658 à Brisk, Brest-Litovsk, en Lituanie. Biélorussie actuelle). A étudié tout d’abord à Cracovie, avant d’aller à Vilna en Lituanie où il siégea au tribunal rabbinique. Rédacteur du ‘Helkak Me’hokèk, commentaire sur la section Even HaEzèr du Shoul’han Aroukh (droit matrimonial). A partir de ces générations, le judaïsme lituanien commence à se développer et la Lituanie deviendra un des centres majeurs de l’étude du Talmud jusqu’à la seconde guerre mondiale.
Rabbi Shabtaï Cohen (1622 en Pologne-1663 à Holeshov en Tchéquie actuelle). Le Shakh du nom de son commentaire monumental sur les sections Yoré Déah (casherout) et ‘Hoshen Mishpath. La majeure partie de sa vie, le Shakh a été Rav en Lituanie, à Vilna où il siégeait au tribunal rabbinique avec Rabbi Moshé Lima. Ses maîtres sont des élèves du Smah.
Rabbi Avraham Abli Goumbiner (1637-1682 à Kalish en Pologne). Auteur du Maguen Avraham. Ce commentaire n’est que sur la partie du Shoul’han Aroukh relative au rythme du quotidien, le Ora’h ‘Haïm. Ce commentaire est stupéfiant par sa concision et sa profondeur. Le Maguen Avraham était Rav de la ville de Kalish en Pologne.
Rabbi Shmouel de Fürth (milieu du dix-septième siècle à Wodislaw en Pologne-1705). Après avoir étudié à Cracovie, il fut nommé Rav de la communauté de Fürth en Allemagne. Il rédigea le Beth Shmouel sur la section Evèn HaEzèr du Shoul’han Aroukh.
III. Le développement de l’étude de la Kabbala après l’expulsion d’Espagne.
Comme nous l’avons vu dans la troisième partie de ce texte, à la suite de l’expulsion d’Espagne, la ville de Tsfat en Galilée devint un centre majeur de l’étude de la Torah. Outre les grands décisionnaires que nous avons mentionnées plus haut, s’y retrouvèrent les Maîtres qui révolutionneront l’étude de la Kabbala pour les générations à venir : Rabbi Moshé Cordovero (1522-1570 à Tsfat), appelé ‘le Ramak’, et Rabbi Its’hak Louria (1534 à Jérusalem-1572 à Tsfat), appelé ‘le Ari Zal’, principalement. A la mort prématurée de Rabbi Moshé Cordovero, Rabbi Mena’hem Azaria de Fano (1548-1620 à Mantoue), appelé ‘le Rama MiFano’, en Italie acheta les manuscrits du Ramak à sa veuve et les publia. Il apprit aussi auprès de Rabbi Israël Sarouk, élève du Ari Zal, qui partit de Tsfat pour l’Italie. L’Italie devient la plaque tournante si nous pouvons nous exprimer ainsi de la transmission de la Kabbala. Une génération après le Rama MiFano, arrive en Italie Rabbi Moshé Zacuto (1625 à Amsterdam-1697 à Mantoue). Il y rencontra à Vérone Rabbi Biniamin HaLévy, un élève du grand élève du Ari Zal, Rabbi ‘Haïm Vital. Rabbi Moshé Zacuto édite et publie les écrits de Rav ‘Haïm Vital à Mantoue. Un de ses principaux élèves, Rabbi Yéoshoua Bassan (1673 à Vérone-1739 à Reggio Emilia en Lombardie), fut le maître principal de Rabbi Moshé ‘Haïm Luzzato, le Ram’hal (1707 à Padoue-1746 à Acco en terre d’Israël).
Il nous est impossible d’imaginer comment quelqu’un de l’envergure de Rabbi Moshé ‘Haïm Luzzato a pu apparaître dans l’Italie de cette époque. Entre autres, dès son plus jeune âge, un Malakh, un ange, venait lui enseigner des secrets de la Torah. La grandeur et la sainteté du Ram’hal dénote du niveau incommensurablement élevé qu’avait l’étude de la Torah en Italie à cette époque. Un des élèves principaux du Ram’hal, Rabbi Yékoutiel Gordon, natif de Vilna en Lituanie, participa à la diffusion de ses écrits en Lituanie et en particulier auprès du Gaon de Vilna. De cette manière, l’œuvre majeure et novatrice du Ram’hal devint une base de l’étude de la Kabbala dans sa version lituanienne jusqu’à aujourd’hui.
IV. Rabbi Eliahou de Vilna, le Gaon de Vilna (1720-1797).
Comme nous l’avons vu dans les paragraphes précédents, le judaïsme lituanien se développa au cours du dix-septième siècle, et des maîtres majeurs comme le Shakh et Rabbi Moshé Lima siégèrent au tribunal rabbinique de Vilna. Et c’est dans cette ville que naquit deux générations plus tard Rabbi Eliahou ben Shlomo Zalman, appelé ‘le Gaon de Vilna’, ‘le Géant de Vilna’, ou selon son acrostiche ‘le Gro’.
Nous n’avons pas les moyens d’essayer de rendre compte de la personnalité du Gro. Nous ne voulons qu’exposer la spécificité de son commentaire sur le Shoul’han Aroukh, le Biour HaGro. Nous pourrions résumer ce qui nous semble sa spécificité de la manière suivante : connaissons tout et reprenons tout à zéro !
C’est de la lecture la plus serrée du texte du Talmud que nous faisons ressortir la conclusion légale.
Cette approche la plus simple et la plus analytique est la base de l’étude contemporaine, qui sera reprise par les maîtres lituaniens contemporains comme le Mishna Beroura (Rabbi Israël Méïr Kagan HaCohen de Radin 1839-1933) ou le ‘Hazon Ish (Rabbi Avraham Yishayaou Karlitz 1878-1953 à Bené Brak en Eretz Israël).
V. Rabbi Israël Baal Shem Tov, le Baal Shem Tov (1698 à Okopie en Ukraine-1760 à Medzhybizh), le Besht, et le ‘Hassidisme.
Si notre époque est encore sous le coup des massacres de la seconde guerre mondiale, il faut savoir que l’époque dont nous parlons était sous le coup d’un traumatisme majeur : les massacres appelés Guezérot Ta’h-Tat, autour de l’année 1648 en Pologne, Ukraine et Lituanie. La plupart des communautés furent rayées de la carte presque du jour au lendemain par les cosaques. Ces massacres continuèrent encore entre 1654 et 1667. Certains détails de cette période terrible sont décrits dans le livre Yavèn Metsoula de Rabbi Nossen Nouté Hanover en 1653.
C’est dans ce contexte spécial que naquit une génération après en Ukraine celui qui devint le Baal Shem Tov. Qui était le Baal Shem Tov ? Quel était son projet ? Nous n’avons pas le niveau pour le définir. Les débats sont infinis pour définir ce qu’est le ‘Hassidisme. Est-ce un mouvement populaire ? Elitiste ? Nous ne rentrerons pas dans ces discussions.
Une chose est claire pour nous : le ‘Hassidisme a insufflé une créativité dans le peuple juif qui se déploie encore de nos jours. Nous enseignons souvent à nos enfants que, dans l’exil dans lequel nous sommes, nous nous devons d’être des ‘Hassidim, c’est-à-dire des juifs vibrants. Il n’est pas de mise d’être tiède dans notre service de D. .
Citons quelques Maîtres du ‘Hassidisme dont les œuvres sont pour nous des phares et des sources renouvelées de pensée et de recherche.
Rabbi Ouri Feivel de Doubranvka (décédé vers 1790). Un des élèves directs du Baal Shem Tov. Auteur du Ohr Ha’hokhma, livre d’une profondeur unique.
Rabbi Guershon ‘Hanokh Heinikh Leiner (1839-1890 en Galicie, sud de la Pologne). Troisième Rabbi de la ‘Hassidout Izbizce-Radzin. Auteur, entre autres, du Sod Yésharim. Mon maître Mr André Franckel ע »ה qui m’a fait découvrir ces auteurs, me disait que les maîtres de la ‘Hassidout de Radzin avait fait avec le Zohar ce que le Maharal trois cent ans auparavant avait fait avec les Agadot du Talmud et le Midrash: nous faire découvrir en quoi, sous leur langage ésotérique, les Maîtres de la Kabbala en fait ne parlent que de nous-mêmes et de nos préoccupations les plus intimes. Il est à remarquer que le petit-fils du Sod Yésharim, Rabbi Shmouel Shlomo Leiner (1909-1942), dernier Rabbi de Radzin en Pologne, ayant compris que leur destination n’était pas le travail mais l’extermination, encouragea ses disciples à prendre les armes et à se battre contre les nazis. Ce qu’il fit[9].
V. L’époque moderne[10].
A la fin du dix-huitième siècle les juifs de certains pays occidentaux reçurent la citoyenneté et purent entrer plus ou moins dans la vie civile. Ces changements eurent l’effet d’un cataclysme, et tous les critères connus depuis des siècles furent battus en brèche. Les communautés juives s’étaient construites sur une discrimination violente, presque du jour au lendemain ils furent accueillis et plus ou moins acceptés. Prenons un exemple. La communauté juive de Francfort sur le Main en Allemagne était jusqu’aux guerres napoléoniennes un phare du judaïsme et y enseignaient les plus grands maîtres du peuple juif, comme Rabbi Yaakov Yéoshoua Falk (1680 à Cracovie-1756 à Offenbach sur le Main), l’auteur du Pené Yéoshoua, Rabbi Nathan Adler HaCohen (1741-1800 à Francfort) le Maître du ‘Hatam Sofer, Rabbi Pin’has Horowitz HaLévy (1731 Tchorkov en Galicie-1805 à Francfort). En une génération le judaïsme traditionnel et l’étude de la Torah furent presque abandonnés. Lorsque Rav Shimshon Raphaël Hirsch y fut nommé Rav en 1851, il n’y avait pas de boucherie cachère ni de bain rituel, de Mikvé. Il dut tout reprendre à zéro, nonobstant le fait que la communauté de cette époque à Francfort était quantitativement très importante.
I. Le renouveau dans l’étude de la Torah, Rabbi Akiva Eiger et Rabbi Arié Leib HaCohen Heller.
Dans cette période de grands bouleversements et de remise en question identitaire majeure, rayonnèrent plusieurs grands maîtres talmudistes qui donnèrent un nouvel impulse à l’étude du Talmud et à son mode d’étude.
Nous nous limiterons ici à deux personnalités.
Rabbi Akiva Eiger (1761 à Eisenstadt en Autriche actuelle-1837 à Poznan, en Pologne actuelle, Prusse Orientale à l’époque).
Le mode d’étude initié par les écrits de Rabbi Akiva Eiger est une base de l’étude actuelle. Nous avons déjà mentionné plus haut que son mode d’analyse et de décorticage des concepts talmudiques rappelle l’étude espagnole dont il a étudié systématiquement les ouvrages.
Rabbi Arié Leib HaCohen Heller (1745 à Kalouch, Galicie Orientale, Ukraine actuelle-1813 à Stryj Galicie Orientale, Ukraine actuelle).
Dès son adolescence Rabbi Arié Leib rédigea un livre majeur de synthèse des sujets clefs du Talmud, le Shav Shmaatata (écrit autour de l’âge de quinze/dix-sept ans). Ensuite il rédigea son commentaire phare, le Ksot Ha’Hoshèn, appelé ‘Ksoïss’ dans les Yéchivot.
Le Ksot est un commentaire de la section ‘Hoshen Mishpat du Shoul’han Aroukh qui traite du droit civil. Le droit civil, Diné Mamonot, est la base de l’étude talmudique. Le Ksot est, si nous pouvons nous permettre une image, le tableau de Mendeleiev de l’analyse des concepts talmudiques. Les talmudistes qui lui succèderont n’auront de cesse de contester ses analyses, mais s’il n’avait pas fait ce travail de pionnier nous n’aurions rien eu à contester ! Le Ksot est le passage obligé de celui qui veut s’initier à la pensée talmudique.
Il rédigea ensuite le Avné Milouïm, commentaire de la section Evèn HaEzer du Shoul’han Aroukh qui traite du droit matrimonial. Là aussi on ne peut travailler les concepts talmudiques relatifs aux lois de mariage sans passer par cet ouvrage. Ne serait-ce que pour le contester et trouver d’autres directions.
Le Ksot Ha’Hoshèn a été une révolution dans le monde de l’étude de son époque (et encore de nos jours). Rabbi Arié Leib lui-même attribua l’impact exceptionnel qu’a eu son ouvrage au fait qu’il l’a écrit dans le dénuement le plus absolu.
II. Les grands décisionnaires. Rav Yé’hezkel Landau et le ‘Hatam Sofèr. Et la création des communautés orthodoxes.
Cette époque, outre les bouleversements identitaires qu’elle engendra, apporta avec elle des changements technologiques majeurs, que l’on appelle ‘la révolution industrielle’. Tout était nouveau. De nouvelles questions se posèrent que la génération précédente ne pouvait même pas imaginer. De grands décisionnaires, pénétrés de la profondeur de la pensée talmudique et de ses modes analytiques, s’attachèrent à trouver dans le Talmud les éléments légaux pour aborder ces questions nouvelles. Nous ne citerons que deux noms :
Rav Yé’hezkel Landau HaLévy (1713 à Opatow en Pologne-1793 à Prague en Tchéquie actuelle). Auteur du livre de responsa ‘le Noda Biyouda’.
Rabbi Moshé Sofer Schreiber (1762 à Francfort sur le Main-1837 à Bratislava, Slovaquie actuelle, Presbourg à l’époque, empire austro-hongrois). Rav Moshé Sofer, appelé au nom de son livre ‘le ‘Hatam Sofer’ fut élève des grands maîtres de Francfort Rabbi Nathan Adler et Rabbi Pin’has Horowitz. Il devint Rav en 1807 de la grande communauté de Presbourg, ville hongroise à l’époque, où il créa une grande Yéchiva et inventa, si nous pouvons nous exprimer ainsi, le concept de communauté orthodoxe, c’est-à-dire communauté structurée sur les bases de la loi juive, la Halakha, séparée des communautés juives libérales ou réformées. Les responsa du ‘Hatam Sofer abordent toutes les questions que la modernité pouvait soulever, et il trouve les solutions dans l’étude la plus serrée et approfondie du Talmud. Ce travail de repenser à fond tous les concepts talmudiques et d’en retirer l’essence même pour aborder les questions légales contemporaines se retrouvera dans les travaux des grands décisionnaires contemporains comme Rav Moshé Feinstein (1895 à Uzda près de Minsk en Bielorussie actuelle-1986 à New York), de Rav Ovadia Yossef (1920 à Bagdad en Irak-2013 à Jérusalem) ou bien Rav Yossef Shalom Elyachiv (1910 à Siauliai en Lituanie-2012 à Jérusalem) par exemple.
Comme nous venons de le dire, l’accès des juifs à la citoyenneté fut un cataclysme. En Allemagne, l’accès aux universités était possible, chose inimaginable peu de temps auparavant. Se convertir au protestantisme ouvrait encore plus d’autres portes ! Un juif qui n’était pas féru dans les disciplines universitaires et dans les humanités n’était absolument pas considéré. Quelle alternative pour le judaïsme traditionnel et pour l’étude de la Torah ?
En 1851, fut nommé Rav Shimshon Raphaël Hirsch (1808 à Hambourg-1888 à Francfort sur le Main) comme Rav de la communauté orthodoxe Adath Yéshouroun de Francfort. Hirsch avait reçu une formation universitaire dans plusieurs universités ainsi qu’une formation de Talmud auprès de grands maîtres, en particulier Rabbi Yaakov Etlinger (1798 à Karlsruhe-1871 à Altona), auteur du commentaire Aroukh LaNer sur plusieurs traités du Talmud et les responsa Binian Tsion et le ‘Hakham Bernaïs de Hambourg, tous deux personnalités vibrantes du judaïsme traditionnel. Hirsch révolutionna l’abord de la tradition juive. Entre autres il créa ce que l’on peut appeler la première ‘école juive’, c’est-à-dire une école qui donne la possibilité d’avoir une formation académique d’excellence et une formation de Torah puissante. Il rédigea en allemand des livres sublimes, en particulier son commentaire sur la Torah. Comme Rambam et le Maharal à d’autres époques, cette confrontation violente avec les soubresauts de son temps le força à faire ressortir et dévoiler le souffle prophétique qui anime les textes de notre tradition. Ses livres ne sont pas des livres de vulgarisation du judaïsme mais ce sont des livres d’étude véritable en langue vernaculaire.
III. L’héritage du Gaon de Vilna : le monde des Yéshivot.
Bien que le concept de Yéshiva existât depuis la nuit des temps, c’est-à-dire un lieu fixe pour l’étude collégiale de la Tradition Orale où les jeunes, et moins jeunes, puissent grandir et se former, néanmoins il n’existait pas de lieu véritablement structuré, avec un programme, un protocole précis, un cadre attractif et une mobilisation des maîtres de l’époque pour que leurs jeunes aillent étudier dans un endroit précis stimulant. Rav ‘Haïm de Volojin (1749 à Volojin Lituanie, Biélorussie actuelle-1821 Volojin), l’élève principal du Gaon de Vilna, créa en 1803 la première Yéshiva de ce type dans sa ville, Volojin. Volojin devint ce que l’on appelle ‘la mère des Yéshivot’. Le mode d’étude suivait la tradition du Gaon : d’un côté une étude extensive, dans le but de connaitre tout le Talmud, et d’un autre côté, une étude précise et analytique des Rishonim, Rashi, Tossefot, Rambam.
Volojin forma des générations des maîtres qui construisirent tout le monde de l’étude tel que nous le connaissons aujourd’hui. Rav Yossef Dov Soloveitchik, le Beit HaLévy, et son fils Rav ‘Haïm grandirent et enseignèrent à Volojin. Le dernier Rosh Yéshiva de Volojin fut le Natsiv, Rabbi Naftali Tsvi Yéouda Berlin (1816 à Mir en Lituanie-1893 à Varsovie). Les autorités russes de l’époque imposant la Yéshiva d’y introduire un moment d’études profanes, le Natsiv décida sa fermeture car une Yéshiva ne doit être qu’un lieu d’étude de Torah. Cette décision ne signa pas la fin des Yéshivot, nous pourrions dire que bien au contraire, toutes les Yéshivot actuelles trouvent encore aujourd’hui leur impulse de la Yéshiva de Volojin.
IV. L’héritage du Gaon de Vilna : l’école du Moussar.
Rav ‘Haïm de Volojin, fondateur de la Yéshiva de Volojin, concomitamment à son enseignement du Talmud transmit aux élèves qu’il considérait avoir les qualités requises les chemins d’excellence du service de D. comme il l’avait appris auprès de son grand Maître. Contrairement au ‘Hassidisme la tradition lituanienne ne transmet l’étude de la Kabbala qu’aux élèves d’exception. Un des élèves de la première génération de Volojin, Rav Yossef Zoundel de Salant (1786-1865 à Jérusalem) transmit cette tradition à Rabbi Israël Salanter (1810 à Zagare en Lituanie-1883 à Koenigsberg, Kaliningrad actuelle). Rabbi Israël Salanter, comprenant la nécessité de revitaliser le judaïsme de son époque, décida d’insuffler, à côté de l’étude puissante du Talmud, un renouveau dans le service de D., dans la connaissance de soi et l’amélioration de soi. Cette école fut appelée ‘l’école du Moussar’. De grands Maîtres transmirent cette tradition jusqu’à nos jours. Rav Shlomo Wolbe (1914 à Berlin-2005 à Jérusalem) maître de nos maîtres Rav Eliahou Abitbol et Rav Ephraïm David Klapisch, est considéré comme un des maillons de cette tradition.
En conclusion de ce petit exposé sur la transmission de la Tradition Orale, nous aimerions rendre grâce à Notre Créateur qui nous a donné la possibilité de nous insérer à l’intérieur de cette chaine extraordinaire de la Tradition Orale. Et nous terminerons en priant que nos enfants, nos petits-enfants et les générations suivantes puissent à leur tour s’inscrire dans le déploiement de l’arbre de vie de la Tradition Orale, car les paroles de Torah sont notre vie et vitalisent nos jours, כי הם חיינו ואורך ימינו .
[1] Il ne nous parait pas pertinent de donner une vignette explicative pour chaque maître cité. En effet tout un chacun peut trouver aujourd’hui sur internet d’excellentes informations sur n’importe lequel des maîtres cités. Nous préférons les mettre en perspective. D’autre part chaque élément que nous apportons dans cet article est sujet à caution. En effet premièrement nous ne sommes pas historien, d’autre part, notre but dans ce texte n’est que de donner quelques repères. Et quand bien même serions-nous expert en histoire, comment pouvons-nous être garants des événements passés ?
[2] Ce point fait débat, mais pouvons-nous remonter dans le passé pour trancher la question ?
[3] Ainsi avons-nous entendu de Mr André Franckel ע »ה. On rapporte aussi que le Maharal a forgé ses concepts philosophiques à partir du livre Névé Shalom de Rabbi Avraham Shalom, grand kabbaliste espagnol de la génération précédant l’expulsion (אנציקלופדיא לחכמי ישראל, מוסד הרב קוק, ערך רבי אברהם שלום).
[4] Evidemment Rav Shimshon Raphaël Hirsch ne cite pas le Zohar. Toutefois nous trouvons cette même démarche de vouloir rendre compte du sens le plus simple des versets en proposant des lectures extrêmement profondes.
[5] Effectivement c’est sous ces noms français que ces grands Maîtres sont rapportés dans la littérature rabbinique. Nous mettons cela en relief pour nous rendre compte qu’à cette époque-clef de son étude, le Talmud était étudié en français.
[6] L’expulsion définitive étant en 1394.
[7] Le débat est ouvert pour savoir si Rambam, maître de tous les décisionnaires, était cabbaliste. Une tradition enseigne que le Zohar écrit par Rabbi Shimon bar Yo’ haï se transmettait de manière secrète de Gaon à Gaon à Babel, et ensuite était transmis uniquement au grand de chaque génération. De cette manière Rambam reçut le Zohar étant le grand maître de tout le Moyen-Orient lorsqu’il était en Egypte. Ainsi le Zohar se transmit-il jusqu’à la volonté et la décision d’ouvrir son enseignement en Espagne à la génération de Rabbi Moshé de Léon (Rabbi Its’hak Eizik Safrin, Rabbi de Komarno, Rabbi Guershon Einikh Leiner, Rabbi de Radzin).
[8] Unité de longueur.
[9] Peu d’élèves le suivirent dans cette décision.
[10] Nous désignons ainsi la période qui commence avec les guerres napoléoniennes. Bien évidemment cela ne correspond pas aux catégories des historiens et des sociologues.
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