img-book
Catégories : ,

LA TEFILA, UNE ENTREPRISE VIVANTE ! par Mme Caty Zyzek

par: Caty Zyzek

Revenir au début
Print Friendly, PDF & Email

Ce texte est une traduction du premier chapitre d’introduction au livre Haarat Hatefila, הארת התפילה, de Rav Ouri Weissblum, de la Yechiva Na’halat Haleviim de Haïfa.

Deux hommes ont ouvert, chacun séparément, un magasin pour vendre du tissu. Chacun des deux a acheté la même quantité de marchandises pour son magasin. L’un d’eux vient chaque jour dans son magasin, passe en revue d’un simple regard toute sa marchandise qui y est entreposée, mentionne verbalement chaque sorte de tissu, du début à la fin, après cela il verrouille son magasin et rentre chez lui. C’est ainsi qu’il se comporte jour après jour.

L’autre vient lui aussi chaque jour dans sa boutique, mais s’efforce de vendre les tissus. Et réellement, le magasin bourdonne des nombreux clients. Un client qui entre, l’autre qui sort. Les marchandises sont vendues et il en rachète de nouvelles et vend à nouveau et son commerce grandit de jour en jour.

 

Si nous voulons définir la situation de ces deux magasins, comment allons-nous les définir ? L’un est une entreprise vivante, l’autre est une entreprise morte ! La même marchandise, en qualité et en quantité, était entreposée dans les deux magasins, et malgré cela, dans l’un est menée une affaire vivante et dans l’autre une affaire morte.

 

Cette description est donnée par le Saba de Kelm, que sa mémoire soit bénie, (Hochma Oumoussar, Partie 2, article 25) au sujet de la Tefila.

Deux personnes se tiennent debout et prient chaque jour trois Tefilot, trois prières. Les deux portent même leur intention pour le sens des mots. Malgré cela, auprès de l’un d’eux est menée une entreprise vivante, et auprès du deuxième, une entreprise morte ! L’un d’eux traduit dans sa pensée les mots de la Tefila dans la langue qu’il parle, une traduction mot-à-mot. Il est comme un homme qui passe en revue du regard jour après jour, les marchandises qui sont déposées dans son magasin, et énumère avec sa bouche ce qu’il a dans son magasin. Cela est une entreprise morte, car en fait il ne pourra pas grandir et s’enrichir de la marchandise déposée dans son magasin sans échange. De même un homme qui ne fait que transcrire et traduire dans sa pensée la Tefila dans sa langue, en fait, la Tefila revient sur elle-même tous les jours. Lorsqu’il traduit un mot précis du texte de la Tefila dans sa langue, il n’y a pas là de remplacement, mais seulement une traduction (une copie) du mot et ne se rajoute aucun sentiment, aucune méditation nouvelle ; c’est cela une entreprise morte.

En vérité, Le Saint-béni-soit-Il ne prive aucune créature de son juste salaire. Mais se développer à partir de cette entreprise, il n’y a aucune chance. De la manière dont il a prié dans son enfance, ainsi il priera toute sa vie, comme il est venu, ainsi il s’en ira !

Mais par contre un homme qui essaye de saisir le contenu de chaque mot, qui essaye de se représenter devant ses yeux d’une façon sensible ce qui est caché dans ce mot là, ses pensées se renouvelleront chaque jour. Vont naître en lui jour après jour des sentiments nouveaux et de nouvelles pensées : voilà une entreprise vivante grâce à laquelle l’homme croît de jour en jour.

 

Et à première vue, il se trouve que l’homme dit à chaque Tefila le même texte ; comment est-ce possible que ce même texte fasse surgir toujours des sentiments nouveaux ?

Rabbi ‘Haïm MiVolozin, que sa mémoire soit bénie, écrit (Néfesh Ha’haïm 2, ch. 13) que toute personne qui réfléchit comprendra, qu’il n’y a pas d’homme dans le monde, qui aurait la capacité de fixer un texte de Tefila, dans lequel seront incluses toutes les réparations, Tikounim, de tous les mondes, et que pendant des milliers d’années ce même texte de Tefila pourra réparer toujours de nouvelles réparations jusqu’à la venue du Libérateur. C’est uniquement les membres de la Grande Assemblée, qui étaient 120 Anciens et parmi eux quelques prophètes, au moment où ils ont fixé le texte de la Tefila ; le Souffle Sacré est apparu sur eux et a placé dans leur bouche les mots de la Tefila, comptés, mesurés et pesés. En fait,  nous ne cherchons pas à nous investir dans les secrets de la Tora, mais nous voyons de ses paroles quel univers est enfoui dans chacun des mots de la Tefila, et ce n’est déjà plus étonnant, que ce même mot soit capable de faire émerger toujours des sentiments nouveaux. Ce même passage est dit par tout le peuple juif, Sages de la Tora et simples du peuple ; femmes et enfants, dans tout ce que la vie leur réserve comme situations, malgré cela, chacun pourra ressentir, s’il prie en portant son attention, que le passage correspond précisément à la situation dans laquelle il se trouve à ce moment-là.

 

Nous disons dans le Kriat Chema : וְהָיוּ הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם עַל לְבָבֶךָ, « Et elles seront ces paroles-là que je t’ordonne aujourd’hui sur ton cœur » (Deut. 6,6) et nos Sages, que leur mémoire soit bénie, expliquent qu’elles soient sur vous nouvelles comme si elles avaient été données aujourd’hui (voir Rashi sur Deut. 11,13). Apparemment, leur intention serait : du fait de l’affection envers les paroles de la Tora ; c’est-à-dire que nous devons nous rattacher aux paroles de la Tora avec une affection tellement puissante comme si elles étaient nouvelles parce que nous les avons reçues aujourd’hui.

Mais le Saba de Kelm, que son mérite nous protège (‘Hochma oumoussar chap. 1 p. 232) explique que les paroles de la Tora sont vraiment nouvelles toujours, car toujours on y trouve des choses nouvelles qui ne s’étaient pas dévoilées à nous les fois précédentes, comme le dit la Guemara dans Erouvin 54 : נמשלו דברי תורה כדד מה דד זה כל זמן שהתינוק ממשמש בו מוצא בו חלב אף דברי תורה כל זמן שאדם הוגה בהן מוצא בהן טעם, « Pourquoi les paroles de Tora ont été comparées au sein ? De même que ce sein, tout le temps que le nourrisson le sollicite, il y trouve du lait, de même les paroles de Tora, tout le temps que l’homme les médite, il y trouve du goût ». Et en fait le nourrisson tête à chaque fois un autre lait ; automatiquement ces paroles de Tora sont à chaque fois effectivement nouvelles.

 

La Tefila en cela est égale aux paroles de Tora. Celui qui prie avec attention trouve dans ces mêmes mots, chaque jour, des sentiments nouveaux et des pensées nouvelles, qu’il n’a jamais ressentis ni pensés ! Comme ce qu’a écrit Rabbi Moshé ‘Haïm Luzzato, que sa mémoire soit une bénédiction, dans Derekh Ets ‘Haïm, que « la Tora est comme une braise qui lorsque l’homme souffle dessus, elle se transforme en flamme, dans laquelle il y a de nombreuses nuances (teintes), et toutes étaient latentes et enfermées dans la braise, et plus il s’y investit (dans le fait de souffler) plus vont se dévoiler à lui des lumières encore et encore. Chaque lumière éclaire de 600 000 façons, en correspondance avec les âmes juives. Il en est de même pour la Tefila ». ודבריו חיים, « Et Ses paroles sont vivantes », disons-nous dans la Tefila de « Emeth Veyatsiv ». Le rituel de la Tefila, ce ne sont pas des mots imprimés sur du papier, mais un conduit à travers lequel coulent sans cesse des eaux vivantes, dans lesquelles on trouve toujours du goût.

 

Le roi David dit au Créateur du monde : בכל יום אברכך, « Tous les jours, je te bénirai », et il est expliqué dans le Nefesh Ha’haïm (Chaar 1) que « Bra’ha » (bénédiction), c’est du langage multitude et supplément. Pourtant le texte de la Bra’ha revient sur lui-même un nombre incalculable de fois, mais le contenu de la Bra’ha, c’est tous les jours un univers nouveau, une abondance et un supplément de קדושה (sainteté). ודבריו חיים וקיימים ונאמנים ונחמדים לעד ולעולמי עולמים  « Et Ses paroles sont vivantes et durables, de confiance et agréables pour toujours et pour les mondes des mondes ».

Et explique Rav Yts’hak Meltsen, que la mémoire du juste soit une bénédiction, dans son commentaire Sia’h Yits’hak sur le siddour du Gaon de Vilna, que c’est l’habitude des gens, lorsqu’ils se procurent une chose précieuse et très agréable, alors le premier jour, elle leur est agréable et leur joie est infinie. Lorsque quelques jours sont passés, le plaisir diminue. Et après de nombreux jours va complètement disparaître le sentiment de grâce. Mais les paroles du Créateur du monde, « sont agréables pour toujours ». Et pas seulement cela, « pour toujours et pour les mondes des mondes », ce qui signifie que la nature humaine, c’est qu’une chose qui est agréable pour un enfant d’un an ne le sera pas pour un enfant de six ans, et ce qu’un enfant de six ans désire, cette même chose sera en horreur dans le cœur d’un adulte, et ce qui sera agréable pour un adulte sera en horreur pour un vieillard ; et ce qui sera agréable pour un homme mortel sera dégoûtant pour un homme après sa mort. Mais les paroles du Créateur du monde sont agréables pour « toujours » dans toutes les périodes de l’homme sur la terre, et « pour les mondes des mondes » dans tous les mondes. « Sur nos ancêtres et sur nous, sur nos enfants et sur nos générations ». Le même texte de Tefila pour tout le peuple d’Israël, pour toutes les générations et dans toutes les situations dans le monde, et malgré cela, si quelqu’un a le mérite de prier avec méditation, il n’y a pas une Tefila qui ressemble à une autre. Chaque Tefila dévoile devant lui des points  qu’il ne concevait même pas.

 

Si on demande à quelqu’un : « est-ce que la journée d’aujourd’hui s’est passée comme celle d’hier ? » Evidemment qu’il va répondre par la négative. « Comme avant-hier ? » Il va encore répondre négativement. Il n’y a pas un jour de toutes les années de notre vie qui soit identique à un autre jour. Les situations sont différentes, aussi bien extérieures qu’intérieures, et la Tefila correspond avec une précision extraordinaire à la situation dans laquelle l’homme se trouve maintenant. Comment alors les Tefilot peuvent-elles être identiques ?

 

Nos Sages expliquent sur la Tefila (Bra’hot 6b) : דברים העומדים ברומו של עולם, ובני אדם מזלזלים בהם, « Des choses qui se trouvent au sommet du monde et que les gens méprisent ». Cette expression-là que nous employons au sujet du Créateur du monde ברום עולם מושביך « Au sommet du monde se trouve ta résidence », celle-là même nos Sages l’emploient pour la Tefila ! Si nos Sages disent que la Tefila se trouve au sommet du monde, l’explication de cette chose, c’est qu’elle est apte à élever l’homme jusqu’au sommet du monde ! Et l’homme, au lieu de s’élever grâce à la Tefila jusqu’au sommet du monde, tire la Tefila לבירא עמיקתא dans un puits profond et reste là-bas. Si nous savions ce que nous pouvons provoquer par notre Tefila, nous aurions une toute autre attitude envers elle.

Sur le verset dans Parachat Toldot (Genèse 25, 21) ויעתר יצחק לה׳, « et Yts’hak a imploré H. », la Guemara dans Yevamot 64 explique que la Tefila des Tsadikim (des Justes) est comparée à une fourche (עתר) qui est l’ustensile avec lequel on retourne la récolte. Et pourquoi cela ? La Guemara dit : מה עתר זה מהפך את התבואה בגורן ממקום למקום, אף תפלתן של צדיקים מהפכת דעתו של הקדוש ברוך הוא ממידת אכזריות למדת רחמנות.  De même que cette fourche renverse la récolte d’un endroit à l’autre, de même la Tefila des Tsadikim renverse les attributs du Saint Béni soit-Il, de l’attribut d’irascibilité à l’attribut de compassion. Le Maharcha explique : la fourche renverse la récolte pour séparer la balle du grain ; de même, la Tefila des Tsadikim éloigne l’attribut de justice et laisse l’attribut de pitié.

 

Quand on médite à cela, en fait, c’est terrible. En étude, on progresse d’année en année. Lorsque l’homme peine dans l’étude et répète après quelques années le même sujet de débat, il est contraint de reconnaître qu‘il se rend compte que l’étude d’alors était superficielle. A chaque fois qu’il retourne à ce même sujet d’étude, se dévoilent à lui des choses nouvelles. Ce qui était un jour du « lomdess » (étude approfondie), aujourd’hui c’est du pchat (lecture simple). Imaginons-nous qu’un homme lise un passage de Guemara, trois fois par jour, et qu’il traduise les mots d’araméen dans sa langue, sans réflexion, alors c’est une activité, une entreprise morte ! Dans la Tefila, la même Tefila que nous avons priée dans notre enfance, nous la prions dans notre adolescence ; et jusqu’à la maturité et la vieillesse. Et en fait les Sages avec leur vision perçante, comparent la Tefila à une « fourche » qui renverse la récolte ; l’explication de cela : c’est qu’au moment où nous nous apprêtons à prier, les membres de la Grande assemblée ont placé dans nos mains une fourche, pour que nous renversions ! Renversions les malades en bien-portants, les fauteurs en repentis, que nous renversions ceux qui sont éloignés de la tradition en respectueux de la loi de la Tora, que nous amenions de la paix dans le monde ! Chacun d’entre nous, lorsqu’il se tient debout dans la Tefila, est un Chalia’h Tsibour, un ministre-officiant (littéralement un délégué de la communauté), même lorsque l’on prie tout seul ! Car le Gaon de Vilna écrit dans ses interprétations originales de la Tora (au début du cinquième chapitre de Bra’hot) que c’est pour cela qu’a été instituée la prière du Shmoné Esré au pluriel, car son essence c’est une Tefila sur la communauté, pour que le Saint Béni-soit-il ramène dans la Techouva tous ceux qui se trompent, et qu’il guérisse tous ceux qui gémissent dans leurs souffrances etc. Et nous nous tenons avec la « fourche » dans nos mains, et laissons toute la récolte dans le champ comme elle était, sans rien mettre en œuvre du tout !

 

Quelle est la raison pour laquelle nous dédaignons tellement la Tefila? Parce que nous y ressentons de la sécheresse. Comme une herbe sèche. Imaginons-nous : si  D. avait  créé la nourriture sans aucun goût, et que l’homme aurait dû manger seulement pour conserver le corps, il n’y a aucun doute qu’une grande partie de l’humanité se laisserait aller à mourir de faim ; le plaisir de la nourriture, c’est cela qui incite à manger. Nous ressentons de la sécheresse dans la Tefila, sans vitalité et sans goût ; nous la percevons à un niveau inférieur. Si nous réussissons à trouver du goût dans la Tefila, nous réussirons à nous élever avec elle ! Et quelle est la démarche ?

Sur l’essentiel du sujet de la Tefila, le Saba de Kelm, que le mérite du Tsadik nous protège, objecte (Ho’hma oumoussar 2ème partie, article 1) : en fait Le Saint Béni-Soit-Il a pitié sur l’homme, beaucoup, beaucoup plus que ce que l’homme a pitié sur lui-même, et ressent sa grande souffrance, mais alors si c’est ainsi pourquoi avons-nous donc besoin de faire la Tefila ? Il objecte encore : nos Sages, que leur mémoire soit une bénédiction, appellent la Tefila עבודה, service, travail, en disant : איזו היא עבודה שבלב-זו תפילה, quel est le service qui s’accomplit dans le cœur ? C’est la Tefila (Taanit 2a). Et a priori quelle « עבודה », quel service est-ce lorsque l’homme demande ses besoins personnels ? Et il dit : que tous les sujets dans le monde sont fondés sur une relation de cause à effet. Le médecin prescrit des médicaments, on les prend et on guérit ! On fait du commerce et on s’enrichit ; on sème des grains et cela pousse, on vend et on gagne. Cette notion est imprimée dans l’homme d’une façon effrayante. La Tefila doit faire exploser cette pensée-là. Comment ? Tout le sujet de la Tefila c’est de se représenter à soi-même, que la véritable cause de tout c’est le Créateur Béni-Soit-Il. Et cela c’est vraiment une grande עבודה, un grand travail, de faire vivre devant ses yeux, avec des représentations sensibles ou avec des représentations intellectuelles, que c’est le Créateur qui est la cause de tout. Et lorsqu’il demande la guérison, la subsistance et ses autres besoins, ce n’est en fait que pour se rappeler à lui-même qu’il est entre ses mains. Que le Créateur du monde accomplisse sa demande ou non, ce n’est  pas le sujet, car la vérité est que ce qui est vraiment bien pour lui, cela il ne le sait pas et il doit avoir la conviction que le Saint Béni-soit-Il fera ce qui est bien pour lui. Mais étant donné que pour un être de chair, le sauvetage du malheur, c’est la meilleure chose pour lui, donc il doit prier que le Créateur du monde le sauve du malheur, et que c’est Lui l’unique force dans le monde qui peut le sauver de ce malheur, mais ce qui est vraiment bien pour lui cela il ne le sait pas.

 

Rav Eliahou Lopian, que le souvenir du Tsadik soit une bénédiction, fait remarquer à propos de la demande que fait Moshé Rabbenou au Saint Béni-Soit-Il avant sa mort (Nombres 27, 16-17) « יִפְקֹד ה׳ אֱלֹהֵי הָרוּחֹת לְכָל בָּשָׂר אִישׁ עַל הָעֵדָה אֲשֶׁר יֵצֵא לִפְנֵיהֶם וַאֲשֶׁר יָבֹא לִפְנֵיהֶם וַאֲשֶׁר יוֹצִיאֵם וַאֲשֶׁר יְבִיאֵם וְלֹא תִהְיֶה עֲדַת ה׳ כַּצֹּאן אֲשֶׁר אֵין לָהֶם רֹעֶה  Que le D. des souffles de toute chair nomme un homme sur la communauté qui sorte devant eux et qui vienne devant eux et qui les fasse sortir et les ramène, et que ne soit pas l’assemblée de D. comme un troupeau qui n’a pas de berger. » A priori, lorsqu’un homme parle à son ami et qu’il craint que son ami n’estime pas l’importance du sujet et sa gravité, il lui donne une parabole, pour qu’à l’aide de cette parabole il réussisse à comprendre et atteindre le fond de sa pensée. Mais là c’est Moshé Rabbenou qui parle au Saint Béni-Soit-Il ; est-ce que D. a besoin ‘Halila d’une parabole, pour comprendre l’importance du sujet du chef ! Rav Eliahou Lopian que sa mémoire soit une bénédiction, a répondu que Moshé Rabbenou a donné la description pour lui-même : Créateur du monde ! Le peuple juif a besoin d’un chef ! Moshé Rabbenou voulait se représenter à lui-même combien terrible serait la situation si le chef adéquat n’était pas trouvé, et il a dit : le peuple juif sans chef c’est comme un troupeau sans berger ; afin que sa demande pour la nomination d’un chef sorte des profondeurs de son cœur !

Lorsqu’on médite à la Tefila d’Avraham Avinou sur Sodome (Genèse 18, 23-33) : on voit une chose extraordinaire, il est écrit là-bas : «  וַיִּגַּשׁ אַבְרָהָם וַיֹּאמַר הַאַף תִּסְפֶּה צַדִּיק עִם רָשָׁע אוּלַי יֵשׁ חֲמִשִּׁים צַדִּיקִם בְּתוֹךְ הָעִיר הַאַף תִּסְפֶּה וְלֹא תִשָּׂא לַמָּקוֹם לְמַעַן חֲמִשִּׁים הַצַּדִּיקִם אֲשֶׁר בְּקִרְבָהּּ חָלִלָה לְּךָ מֵעֲשֹׂת כַּדָּבָר הַזֶּה לְהָמִית צַדִּיק עִם רָשָׁע וְהָיָה כַצַּדִּיק כָּרָשָׁע חָלִלָה לָּךְ הֲשֹׁפֵט כָּל הָאָרֶץ לֹא יַעֲשֶׂה מִשְׁפָּט וַיֹּאמֶר ה׳ אִם אֶמְצָא בִסְדֹם חֲמִשִּׁים צַדִּיקִם בְּתוֹךְ הָעִיר וְנָשָׂאתִי לְכָל הַמָּקוֹם בַּעֲבוּרָם.  Et Avraham s’est avancé et a dit : et même feras-tu périr le juste avec le mécréant ? Peut-être y-a-t-il 50 justes dans la ville, feras-tu quand même périr et ne pardonneras-tu pas à ce lieu pour les 50 justes qui sont en elle ! ‘Halila sur toi de faire une chose pareille, de faire mourir le juste avec le mécréant, et que le Tsadik sera comme le Racha, ‘Halila sur toi, le juge de toute la terre ne ferait-t-il pas de jugement ?! Et D. a répondu, si je trouve à Sodome 50 justes dans la ville, je pardonnerai à tout ce lieu grâce à eux. » A priori qu’est-ce donc toute cette longueur ? A l’instant où Avraham a dit : Peut-être y-a-t-il 50 justes dans la ville, D. aurait dû l’interrompre et lui dire : « Il n’y a pas 50 justes », et pourquoi lui a-t-Il donné la permission de continuer et de dire « ‘Halila sur toi » etc. et plus encore que cela : pourquoi l’a-t-Il laissé demander : peut-être y en a-t-il 45 ? peut-être 40, peut-être 30 ? peut-être 20, peut-être 10? Dès qu’il a dit « Peut-être y a-t-il 50 justes dans la ville » D. aurait dû l’interrompre, au milieu de ses paroles et lui dire « il n’y en a même pas 10 » !

 

Comme dit, on voit là un sujet magnifique. Dans la Tefila, le point essentiel, ce n’est pas que la demande se réalise, mais la Tefila elle-même, c’est elle le but, car elle nous dévoile que la cause de tout c’est : le Créateur du monde, et cette Tefila nous élève au sommet du monde.

Le Créateur du monde a donné la possibilité à Avraham Avinou de demander dans sa Tefila, malgré le fait qu’elle n’était pas de mise, et lui a laissé terminer toutes ses paroles, parce que la Tefila est une grandeur extraordinaire pour le créé, que la demande soit réalisée ou qu’elle ne soit pas réalisée, et c’est pour cela que le Créateur du monde n’a pas voulu l’empêcher de prier ! Et sa Tefila en effet a été gravée à tout jamais ! « אשרי שא-ל יעקב בעזרו  Heureux celui dont le D. de Yaakov est son aide » ; heureux est l’homme car le D. de Yaakov l’aide, mais même s’il n’a pas le mérite de cette aide, et n’a pas le mérite que sa demande soit accomplie, de toute façon heureux est-il car son espoir est en Hashem son D.  « שִׂבְרוֹ עַל ה׳ אֱלֹהָיו Heureux est-il celui dont l’espérance est dans D. » (תהלים קמ׳׳ו ה׳). L’essentiel de l’espérance qui est en D. c’est cela le bonheur.

 

Nous ne connaissons pas suffisamment la grandeur de la Tefila, mais nous manque aussi la connaissance de la grandeur de l’âme. Il nous manque la confiance dans la grandeur de l’âme, que l’un d’entre nous soit capable de s’entretenir directement avec le Créateur du monde, que chacun d’entre nous puisse être le délégué de l’ensemble du peuple juif. Nos Sages, que leur mémoire soit une bénédiction, se sont préoccupés là-dessus et on dit (Bra’hot 28) : וכשאתה מתפלל-דע לפני מי אתה מתפלל et lorsque tu pries, sache devant qui tu pries. Et la signification, selon ce qu’écrit Rabbi Moshé ‘Haïm Luzzato, que sa mémoire soit une bénédiction, lorsqu’il explique les composants de la ‘hassidout (Chap. 19) « qu’il se tient debout vraiment devant le Créateur que Son Nom soit béni ». La Tefila, ce ne sont pas des « idées ». La Tefila c’est une réalité concrète, qu’il se tient debout vraiment devant le Créateur du monde. « Et il fait du commerce avec Lui ». Comme un vendeur et un client qui font du commerce ensemble, ainsi l’homme fait du commerce, si l’on peut dire avec Lui béni-soit-il. Il demande au Créateur du monde une requête particulière, et le Créateur du monde veut une compensation… Comme si D. disait : tu veux de moi le discernement, la guérison, la subsistance etc. Qu’es-tu prêt à investir comme prix en retour ?! Exactement comme la représentation du Saba de Kelm avec le marchand de tissus. « Bien que l’œil humain ne puisse pas le voir. Et tu verras que c’est cela le plus difficile, qu’il se représente dans le cœur de l’homme une image véritable, parce que les sens ne l’aident pas du tout pour cela. En vérité, celui qui possède une intelligence juste, avec un peu de méditation et d’attention, pourra fixer dans son cœur la vérité de la chose ; que cette chose soit fixée et plantée dans son cœur et pas une quelconque pensée changeante ;  comment peut-il venir faire du commerce vraiment avec le Créateur, et devant Lui il implore et de Lui il demande et Lui Béni-soi-Il l’écoute, prête son attention à ses paroles, comme un homme parlerait avec son prochain, et son ami écoute attentivement et  entend ce qu’il dit. » Cela c’est un monde nouveau ! Pas des « idées » et pas de « l’idéologie » et pas la traduction des mots, mais une discussion véritable avec le Créateur !

 

Le ‘Hazon Ish que la mémoire du Tsadik soit une bénédiction, dans une lettre adressée à un correspondant, pour qu’il continue à étudier dans la Yéchiva et à peiner dans la Tora, écrit (partie 1, 23) : « Le labeur fait une acquisition éternelle dans l’âme, comme on sait et l’essentiel : c’est de faire précéder la Tefila (pour la réussite de ce labeur). Le service de l’homme est sublimé par la Tefila. » Pas une Tefila vague, mais une Tefila noble (אצילות, « l’émanation » est le monde le plus élevé des quatre mondes spirituels) ; une Tefila qui  le fait monter au sommet du monde. « Se représenter comme vivant, comment Le Saint Béni Soit-Il écoute la conversation de nos lèvres et prête l’oreille aux pensées du cœur. » Le ‘Hazon Ish, que la mémoire du Tsadik soit une bénédiction, a dévoilé avec deux mots où est cachée la clef pour ressentir de la vitalité dans la Tefila : représentation ! matérialisation (concrétisation) : se représenter comme vivant ! Et grandeur de l’âme !

 

« Qu’est-ce qu’une grande maison ? » Nos Sages de mémoire bénie disent (Meguila 27a), « בית שמגדלים בו תורה ותפילה Une maison dans laquelle on élève Tora et Tefila », où l’on donne à la Tora et à la Tefila des dimensions de grandeur.

Voir l'auteur

“LA TEFILA, UNE ENTREPRISE VIVANTE ! par Mme Caty Zyzek”

Il n'y a pas encore de commentaire.