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Miketz : décryptage

par: Jaqui Ackermann

Publié le 21 Décembre 2022

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Que voulait Yosséf ? Yosséf fait souffrir la famille avec son « jeu » d’accusation qui n’en finit pas. Expliquer sa démarche n’est pas chose aisée. Nous nous limiterons à dire (même si cela ne satisfait pas) qu’il veut réaliser ses rêves, qui sont pour lui non pas des élucubrations, loin de là, mais des prophéties. La tradition considère ces rêves de cette manière, et le texte va dans ce sens : Yaakov attend de voir ce qui va se passer, il sait que Yosséf n’est pas un « rêveur » mais une personnalité spirituelle de premier ordre. Quoiqu’il en soit, ce qui se passe est intéressant. La famille vit un traumatisme qui n’en est pas un. Le Mé Hachiloa’h dit (nous l’avons déjà rapporté ici) que cette histoire est la situation par excellence qui se vit à deux niveaux. D’un côté le lecteur voit la famille trembler, et de l’autre il sait très bien que cela n’est rien, que cette terreur est vaine, et sera bientôt vécue comme une réalité qui n’en a jamais été. Le Béth Yaakov ajoute à cela que Yosséf approfondit le drame. Il fait venir Binyamine, laissant Yaakov véritablement seul. Aucun des fils ne reste avec lui, et tout semble perdu quand Binyamine est accusé. Yosséf amène la famille au bord du gouffre et lui montre qu’il n’y a pas de gouffre. C’est cela préparer l’exil. Yosséf met en place, selon de nombreux commentaires, les moyens de vivre « au mieux » le futur exil, sans savoir exactement ce que sera cet exil. Il installe la famille à part en Gochéne. Il les exempte au maximum de charges, et les nourrit. D’après le midrach, il veille d’une certaine manière à ce que la mila soit respectée (ce qui ne sera pas le cas à l’avenir, pendant l’exil, malheureusement). Il fait même davantage : il fait vivre à sa famille cette absence d’espoir, alors qu’en vérité, absolument rien n’est perdu. Ainsi se prépare l’exil. Yosséf insuffle des forces en créant cette situation. Il montre qu’on peut vivre des choses terribles, mais qu’en vérité, par derrière, une réalité très forte se maintient depuis le début, celle qui mettra fin à ces choses désagréables. Un peu comme cette fiole d’huile de ‘hanouka. Ce qu’ils ont trouvé était toujours là et n’avait en vérité pas bougé depuis toujours. C’est cela qui les a sauvés, en quelque sorte.

Mais comment a-t-il fait ? Yosséf se retrouve marié. On ne sait pas comment il peut accepter cette épouse. C’est Pharaon qui lui dit d’épouser Osnath. On pourrait dire : raison d’état. Le midrach dit que ce n’était pas n’importe qui. L’histoire est bien cachée par le texte. D’ailleurs, l’origine des épouses de tous ses frères est tout aussi bien cachée par le texte. Nous nous retrouvons une fois de plus plongés dans l’ignorance, et laissés à notre imagination. A moins de consulter le midrach. Mais cela ne répondra pas à la question : pourquoi le texte reste-t-il obscur sur ce point ? Nous avons une règle que nous avons maintes fois évoquée au sujet de nombreuses questions de cet ordre : d’un côté, si le texte n’en parle pas au premier niveau, c’est que ce n’est pas un sujet qui devrait nous intéresser à ce premier niveau. Nous croyons que le texte est parfait. Et de l’autre côté, force est de dire que leur épouse était parfaite, quelles qu’elles soient. Sinon, nous ne serions pas là, nous leurs descendants, ainsi que tout notre peuple. Entre ces deux points, il nous manque des informations, que le texte ne veut pas nous délivrer car elles ne peuvent pas être comprises au premier degré (nous avons souvent fait cette démarche, par exemple, comment Avraham connaissait méarath hamakhpéla : le texte ne répond pas mais pratiquement, D. a entériné). Si Yosséf a épousé Osnath, c’est qu’il avait compris, car il était prophète, qu’elle correspondait à ses convictions. Sinon il aurait refusé. Il l’avait fait une fois, et cela l’avait amené en prison. Il n’en avait pas peur. Nous ne possédons pas les clés de son choix. Mais nous lui faisons confiance. Il faut comprendre que nous ne pouvons pas fonctionner comme Yosséf, nous avons les règles de la thora de Moché pour nous guider. Lui, comme les Patriarches, est guidé par ce qu’il ressent, par ce qu’il perçoit ce que D. lui fait comprendre. Cela suffit à notre niveau pour calmer notre interrogation.

Hanouka et la prophétie Il existe un midrach nommé Sédér Olam. Il contient la chronologie biblique, selon la tradition orale. Il décrit donc l’enchainement des événements jusqu’à Bar Kokhba. Ce texte dit : « la prophétie disparut, à partir de là, tends l’oreille aux paroles des Sages ». La fin de la prophétie correspond à la fin de la période appelée : Anché Knésséth Haguédola (les hommes de la grande assemble). Cette période se situe au début du deuxième temple, et cette assemblée était composée de nombreux sages et des prophètes. Ces prophètes étaient les derniers qui ont professé dans le peuple (avant que la prophétie ne revienne, à l’avenir, grâce au prophète Eliyahou). Cette assemblée de Sages a préparé le peuple à cette chute que constitua la perte de la prophétie, qui se profilait à cette époque. En quoi est-ce une chute ? Il serait puéril de penser que ce qui va manquer c’est « l’ordinateur » qui nous met en contact avec là-haut, dès qu’il y a un problème. La prophétie ne peut pas être réduite à un contact. Un monde avec la prophétie est tout simplement un autre monde. Le contact avec Là-Haut, correspond à une volonté divine de proximité. C’est cette proximité qui, pour nous, est fondamentale. Elle exprime d’abord, comme toute proximité, un amour de D. pour Son peuple. Puis elle signifie que le mode de fonctionnement est suffisamment clair pour qu’on comprenne les messages que D. envoie aux hommes. D. ne fait rien sans prévenir les prophètes (Amos 3,7). Ce n’est pas seulement que c’est pratique d’être prévenu, mais surtout c’est que la vie devient plus intense. C’est tout simplement la vie. C’est la différence entre quelqu’un d’éveillé et quelqu’un qui dort. Sans prophétie, nous sommes endormis. Hannouka est, par excellence, la fête instituée sans prophétie. Elle prouve que même « en dormant », nous avons encore des ressources, qui nous ferons tenir jusqu’à notre réveil.

Un plus un font un Le « jeune » Yossef (il a 30 ans) donne des leçons au pharaon et à sa clique de magiciens. Personne ne comprend les rêves, et lui se permet non seulement de les interpréter, mais aussi de prodiguer des conseils. Pratiquement, cela se passe bien. On a vu, dans les entourages royaux, plus d’une intrigue autour de ceux qui devenaient des favoris du roi. Mais ici, D. veille et Yosséf devient vice-roi en une heure, sans aucune protestation, semble-t-il. Yosséf interprète donc les rêves en insistant sur la rapidité avec laquelle l’événement prédit va arriver. Une des preuves à cela tient au fait qu’il y a eu deux rêves. Effectivement Yosséf insiste et dit : c’est un seul rêve. Comme si un des problèmes de l’interprétation était là. Le Sefath Emeth relève cela et explique que, comme dit le midrach, toutes les interprétations tendaient à prévoir deux événements. Mais Yosséf dit que l’unité prime : c’est un seul rêve. Les idolâtres ont du mal à concevoir que les choses soient unifiées par principe. Mais Yosséf s’oppose à eux en leur disant que leur erreur leur fait perdre la compréhension du monde, voire les met en danger. Finalement, Yosséf ne fait que cela. Il mobilise tout le pays contre le fléau, c’est une technique simple d’unification. Puis, lorsqu’il n’y a plus assez à manger, il transforme tout le pays en un bien du pharaon (dans la paracha prochaine). C’est également une manière d’unifier le pays. Le pouvoir central et nourricier devient le centre du pays et celui qui l’unifie. Mais par ailleurs, la famille qui s’installe en Gochéne se trouve complètement en dehors de ce système. C’est ce qui sera pris plus tard comme une menace. L’Egypte oubliera, encore, le sens de l’unité.

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