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La terrible histoire du charpentier. Introduction au deuil du 9 Av. Par Rav Yehiel Klein.

par: Rav Yehiel Klein

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LA TERRIBLE HISTOIRE DU CHARPENTIER. Etude relative au deuil du 9 Av. Par Rav Yehiel Klein

1 – Le Talmud, dans le cinquième chapitre du traité Guittin, entreprend de nous raconter en détails les divers événements et enseignements ayant trait à la Destruction du Second Temple.

Tout nous y est conté presque chronologiquement : comment la haine gratuite déchirant deux hommes hostiles l’un à l’autre entraîna le soulèvement de Jérusalem contre les Romains, comment Rabbi Yoh’anan ben Zaccaï obtint de l’Empereur la survie de la Torah, quel fut le comportement ignoble de Titus et quelle fut sa punition, etc…

Or cette longue incise dans l’océan législatif du Talmud se termine par l’histoire suivante[1], qui n’est pas forcément très connue, mais semble cependant d’une grande importance pour notre Tradition :

« […]Rav Yéhouda enseigne au nom de Rav : à quoi [à quel événement à venir] correspond le verset (Michée II, 2) : « Ils usent de violence envers les hommes, envers les propriétaires et leurs demeures » ? Il était une fois un homme qui se mit à désirer la femme de son maître – il était apprenti charpentier. Un jour, le maître eut besoin d’emprunter de l’argent. Son élève lui dit : envoie-moi ta femme, et je lui confierais la somme. C’est ce qu’il fit. L’apprenti resta avec elle trois jours durant… le maître finit par se rendre chez son élève, et lui demanda : ma femme que j’ai envoyée chez toi, où est-elle à présent ? Il lui répondit : Je l’ai pourtant renvoyée immédiatement [après lui avoir donné l’argent] ! Mais j’ai entendu que des jeunes voyous l’auraient tourmentée[2] sur le chemin du retour…  Le charpentier dit alors : mais que dois-je faire ? L’élève lui suggéra : si tu suis mon conseil, divorce-la ! Le maître s’en défendit : [je ne peux pas, par ce que] le montant de sa Kétouva[3] est trop élevé. L’apprenti lui proposa:[qu’à cela ne tienne,] je vais te prêter la somme correspondante !

Celui-ci la divorça. Et celui-là l’épousa.

Quand vint le moment de rembourser sa dette, le charpentier n’avait pas de quoi payer son créancier. Celui-ci trouva une solution : viens travailler chez moi, et cela t’acquitteras de la somme que tu me dois ! Il se trouva alors que l’ [ex-]apprenti et sa nouvelle épouse mangeaient et buvaient pendant que le pauvre homme les servait, ses larmes tombant de ses yeux et remplissant leurs verres…

C’est à ce moment-là que fut scellé le décret de Destruction du Temple.

Certains disent [que le décret fut arrêté plutôt] à cause de la débauche et de l’adultère[4] [qui accompagnaient cet épisode] »

2 – Ce texte étonnant demande à être expliqué.

En quoi cette histoire, si choquante soit-elle, mérite-t-elle de clore la longue liste des malheureux événements ayant aboutis à la Destruction du Temple, et d’être présentée comme celle qui scella le destin du Peuple Juif[5] ?

3 – Il semble que l’on doive envisager la gravité exceptionnelle de cette histoire à l’aune de deux éléments qui illustrent la situation désespérée à laquelle était arrivé le peuple à l’époque, et qui justifierait alors la finalisation du décret de destruction du Temple.

Cet épisode serait ainsi mis en exergue par les Sages car son particularisme serait le témoin symptomatique d’un mal profond et incurable qui touchait toute la Société.

Ces deux éléments seraient d’une part le fait qu’aucune infraction légale n’ait été ici constatable bien que l’acte réalisé fut effroyable moralement, et, d’autre part, que cette histoire conduit à une totale inversion des valeurs, qui, tous deux sont le symbole de la chute d’une civilisation.

                                                    ***********************

4 – Une des plus célèbres explications de notre histoire nous est donnée par le H’ah’am Ya’avets[6], dans ses annotations à la fin du traité Guittin.

Voici selon lui la raison pour laquelle elle revêt  une telle importance :

« Et il me semble clair, de [cet épisode,] qu’il existe des fautes qui ne sont ni écrites ni explicitées nulle part, mais qui sont gravissimes et exécrées par D. bien plus que celles qui apparaissent clairement dans la Torah. Elles entraînent une punition collective touchant toute la communauté, si celle-ci ne réagit pas. Tout ceci car ces fautes [même si elles n’enfreignent pas les lois de la Torah] vont à l’encontre et pervertissent le simple bon sens (« mitnagdim laséh’el »). Cela car cette histoire fut préméditée, et se déroula au vu et au su de tout le monde[7], et s’apparente [ainsi] au principe qui veut que  »ce qui t’es détestable, ne le fais pas à ton prochain » »

5 – Ainsi pour le Ya’avets la Destruction du Deuxième Temple fut plus causée par des actes tellement immoraux qu’ils ne figurent même pas explicitement dans la Torah, plus que par le non respect effectif de celle-ci[8].

Et il est vrai que dans cette histoire, on ne trouve pas de réel infraction à la Loi, pas d’ « avéra », si ce n’est celles qui sont liées aux sentiments et qui, par définition, ne peuvent être sanctionnée par le Beit Din, la justice des hommes.

Certes, tout commence par la convoitise, qui n’est rien moins que le Dixième Commandement (Exode XX, 13). Mais c’est le seul d’entre les Commandements concernant les relations humaines[9] qui ne s’enfreint pas en actes mais avec le cœur.

Le reste du plan machiavélique ourdi par ce sinistre apprenti ne comporte en effet aucun péché constatable, mais uniquement une manipulation des êtres – et de la Torah.

Il profite de la faille que représentent les difficultés financières de son maître pour petit à petit prendre sa place et l’éliminer.

Il attire l’épouse chez lui pour une opération tout à fait honnête bien qu’elle puisse prêter à confusion[10], et en effet, il reste avec celle-ci plus que de raison[11].

Ensuite, il ment[12] éhontément, mais qu’est-ce en rapport au vol et à l’adultère ?

Puis il prodigue une série de conseils mortels à ce pauvre charpentier qui n’a pas compris [?] à qui il avait affaire, en feignant d’être son ami, et d’agir pour son bien.

Abuser son prochain de telle manière ne se trouve pas clairement dénoncé dans la Torah[13], mais c’est une grande malhonnêteté, d’autant plus qu’elle est indétectable – si ce n’est par Celui qui sonde les cœurs !

Le scélérat finit par obtenir ce qu’il voulait, mais cela ne lui suffit visiblement pas, et lorsqu’il voit que son maître (mais l’est-il encore ? on peut en douter) est au fond du trou, il s’arrange pour l’y enfoncer encore plus : c’est une mitsva de rembourser ses dettes, n’est-ce pas ? Et à plus forte raison de permettre à un indigent de le faire, si soi-même on en a les moyens. Alors viens travailler chez moi…

On observe alors le summum de cette « indicible immoralité » dont parle le Ya’avets, puisque le charpentier est quotidiennement témoin de sa déchéance qu’on dirait mise en scène par son bourreau (avec son ex-femme qui y participe impassiblement sans qu’on sache bien ce qu’elle pense ou ressent). Il est sans arrêt humilié et spolié, mais il ne peut plus rien faire[14], car légalement il n’a pas de recours.

6 – C’est donc cette manière inique de commettre les actes les plus moralement répréhensibles, tout en gardant les mains plus ou moins propres sur le plan strictement légal[15], qui fut selon le Talmud la cause de la Destruction du Temple.

Qu’une telle histoire fut possible témoigne de l’atteinte d’un point de non-retour par une société capable d’engendrer de tels individus.

Le comportement de ces monstres suffit alors à condamner la civilisation qui les a créé, comme nous l’avons vu expliquer par le Ya’avets et par le Maharcha.

7 – Nous pouvons à présent mieux comprendre le message du Ya’avets[16] et voir en quoi une telle attitude est bien d’une gravité extrême.

Le message de la Guémara ici n’est pas tant que les « midots », les « qualités d’âme » éthiques et morales prévaudraient sur les mitsvots, les actes à accomplir[17], que d’affirmer qu’une société, qu’une civilisation est condamnée lorsque ses membres ne sont plus guidés par autre chose que par leur propre désir.

Quand ce fourbe apprenti décide de s’emparer de la femme de son maître parce que tel est son bon plaisir, et qu’il s’y consacre complètement jusqu’à détruire un couple pour assouvir ses passions, mais que d’autre part, il fait bien attention à ne pas enfreindre trop visiblement les règles de la Torah, cela montre qu’il est arrivé au point de destruction de sa civilisation.

 Il voudrait que celle-ci se maintienne (il n’a rien transgressé. L’honneur est sauf), mais sans lui !

Une telle société, composée de tels individus n’existe en réalité déjà plus[18], et il ne reste plus qu’à entériner le processus de destruction.

C’est le sens du « scellement » du décret dont parle notre texte.

Ce serait cela le « bon sens », le séh’el, auquel se réfère le Ya’avets : dans une société humaine, certains actes ne doivent pas être accomplis tant ils portent un préjudice évident à mes semblables et à la collectivité. Cela, c’est ma raison qui me le dicte, au-delà de toute exigence morale, et ce, même si mes appétits instinctifs voudraient ma voir faire le contraire.

Ce n’est rien d’autre que ceci la réponse d’ Hillel l’Ancien au païen qui vint le voir, désirant apprendre la Thorah sur un pied (Chabbat 3Oa) : « ce qui t’es détestable, ne l’inflige pas à ton prochain »

Au-delà de la Loi issue de la Révélation, qui visiblement ne convenait pas à ce gentil, etc…, il est une autre loi plus universelle qu’illustre l’adage d’ Hillel, et qui consiste ainsi, comme préalable à toute société, à ne pas se détruire mutuellement en suivant nos désirs les plus primaires, de manière à ce que nous puissions commencer à vivre ensemble[19].

Que d’une civilisation naissent de tels monstres d’insensibilité (et là on ne parle pas seulement de l’apprenti mais aussi de l’épouse…) révèle dans quel déplorable état se trouvaient les contemporains : au-delà de toute préoccupation morale ou éthique, leur simple humanité semblait avoir disparue.

Un tel état de délabrement dans un groupe humain montre que le mal est très profond, puisqu’il modifie peut-être sans retour possible les fondements de la société : « [D.] a créé les hommes droits, et ce sont eux qui ont recherché la perversion » (Ecclésiaste VII, 29)

8 – Si il en est ainsi, alors on comprend pourquoi c’est cette histoire qui a mise en œuvre la destruction du Temple.

Elle est bien, selon l’expression consacrée, la « goutte d’eau qui a fait déborder le vase[20], en ce que le dérèglement des individus illustre de manière tragique que toute la société était atteinte, surtout si on rajoute comme le Maharcha et le Ya’avets que nos Maîtres reprochent aux autorités de ne pas être intervenus, etc…

On peut alors mieux saisir la raison pour laquelle nos Sages nous livrent ce qu’il semble être plusieurs raisons différentes ayant entraînées le Destruction du Deuxième Temple (voir note 5) : notre histoire n’est que l’illustration des erreurs plus théoriques que stigmatisaient les autres enseignements, comme, par excellence, la « haine gratuite [21]»

9 – Il est temps de revenir au verset qu’a évoqué le Talmud en préambule de notre histoire : « Ils usent de violence envers les hommes, envers les propriétaires et leurs demeures » (Michée II, 2)[22]

En effet, bien que l’apprenti ait tout fait pour rester plus ou moins dans le cadre de la loi, le prophète ne se trompe pas et nous apprend que la véritable intention de ce sinistre personnage était bien de déposséder totalement son maître de tous ses biens[23] ;

Ce n’est pas parce que il n’y a pas d’ « infraction » qu’il n’y’ a pas vol.

Le Seigneur sonde les cœurs[24], et dans notre cas, les esprits étaient tellement dévoyés qu’il a fallu détruire le Temple.

On remarquera qu’une telle manière de mal se comporter tout en voulant ménager la loi se trouve attribuée par nos Sages à d’autres groupes humains, malheureusement tout aussi peu fréquentables : il s’agit de la Génération du Déluge qui, nous dit-on (Midrach Beréchit Rabba XXXI, 5), s’arrangeait pour dépouiller entièrement l’ étalage d’un commerçant, mais chacun avait soin de ne jamais lui dérober une somme sur laquelle on soit légalement coupable de vol (chavé prouta), et des habitants de la ville de Sodome, qui allaient quelque part encore plus loin dans la perversion, car ils avaient échafaudés tout un système de lois iniques qui permettait sous couvert de légalité de donner libre cours et de justifier leurs instincts les plus bas (Sanhédrin 109b)

Il est par ailleurs remarquable de constater que lorsqu’on y réfléchit bien les méfaits de l’apprenti charpentier lui ont fait transgresser la plupart des Dix Commandements, même si c’est d’une manière indirecte, atténuée. Comme quoi, on peut en esprit commettre le pire tout en, dans les faits, avoir l’air de rien :

En s’en prenant ainsi à son maître, on peut considérer qu’il n’est pas fidèle au respect dû aux parents. En finissant par humilier sa victime d’une si cruelle façon, il a quelque part transgressé l’interdit du meurtre, car nos Sages (Babba Métsi’a 57b) nous apprennent qu’humilier son prochain c’est comme le tuer.

Nous avons vu que c’est l’objet d’une discussion dans le talmud, mais il est certain qu’il y eut ici un problème d’adultère, même si il ne fut pas effectif.

Pour ce qui est du vol, nous avons vu ce qu’il en est.

Quant à l’interdit de porter un faux témoignage, le fait d’avoir tant menti à son maître y est plus qu’assimilable.

Enfin, tout a commencé parce que cet affreux personnage a absolument «convoité la maison et la femme[25] de [s]on prochain»

(Cependant qui nous dit qu’à part cela cet apprenti charpentier n’avait pas les idolâtres en horreur, ne respectait pas le Chabbat, etc…?)

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10 – Il semble que l’on puisse appréhender la gravité exceptionnelle de cette histoire à travers un autre point de vue.

Il s’agit de l’inversion des valeurs.

En effet, la phrase centrale du récit que nous donne la Guémara pourrait être celle-ci, au mitan de l’histoire: «Celui-ci la divorça. Et celui-la l’épousa»

Car on y voit résumé en deux mots ce à quoi on a assisté : à travers un comportement inique, un membre de cette société pervertie est parvenu à renverser non seulement l’ordre social, mais aussi les valeurs humaines les plus élémentaires.

Au-delà de tous les aspects constatés précédemment, cela est d’une gravité extrême.

Rien ne témoigne mieux de l’état de déliquescence d’une société que lorsque toutes ses valeurs sont bafouées au point que ses normes n’apparaissent plus que comme des coquilles vides.

Or c’est bien le cas quand on assiste à un tel renversement de situation[26] : qu’inexorablement le maître se retrouve tout en bas de l’échelle, supplanté par son propre élève, comme dans une sorte de  »Roue de la Fortune » organisée par des cyniques, montre que les assises sont déjà bien secouées, qu’elles n’offrent plus qu’un aspect de façade. Le vrai pouvoir appartenant désormais dans ces situations à celui qui a les désirs les plus féroces et le moins de scrupules…

11 – Et il s’agit bien de vol comme le dit le Talmud en ouvrant son récit par le verset du prophète Michée: qu’est-ce que le vol si ce n’est le fait de s’approprier sans droit le bien de son prochain, de le déposséder de ce qu’il a pour le prendre moi-même?

Mais un vol aggravé: en se livrant à toutes sortes de manigances, plus cruelles et malhonnêtes les unes que les autres pour que son sombre dessein aboutisse, l’apprenti charpentier a montré par là une véritable volonté de détruire la société dans laquelle il se trouve[27], en la faisant ainsi petit à petit s’écrouler à travers cette totale inversion des valeurs.

Quelque part, c’eut été moins grave s’il s’était contenté de se livrer ouvertement à la rapine, en persuadant l’épouse de demander le divorce, ou en se ouvrant clairement une charpenterie concurrente, etc…[28]

Le Talmud ne dit pas le contraire lorsqu’il affirme (Yoma 9b) que les fautes des contemporains du Premier Temple (qui se livraient quand même effrontément à l’idolâtrie, à la débauche et au meurtre) furent moins grave que celles de ceux du Deuxième Temple qui se singularisaient par la haine gratuite[29] qu’ils se portaient l’un à l’autre.

On comprend alors sans peine qu’arrivé à ce point, la société du Second Temple fut condamnée…



[1]Guittin 58a.

[2]Selon le Maharcha, cette expression signifie que ces jeunes n’avaient pas la force physique pour la forcer à avoir avec eux des relations intimes, à moins qu’elle se soit laissé séduire. C’est donc une femme adultère et le charpentier doit la répudier (Deutéronome XXIV, 1)

[3]Il s’agit du contrat de mariage qui engage l’homme à payer une somme important à son épouse si il s’en sépare et qu’elle n’a pas commise de fautes grave. En l’occurrence, ici, le mari n’avait pas de preuves légales suffisantes pour la convaincre d’adultère.

[4]La Guémara illustre cette déviance par une expression que la décence nous interdit de traduire littéralement, mais qui signifie que ces trois personnages entretenaient de biens troubles relations… (Cf. cependant le commentaire du Maharal qui l’explique précisément)

[5]Nous trouvons d’autres passages du Talmud que tel événement ou telle attitude ont causé la Destruction du Temple : la haine gratuite (Yoma 9b), le fait qu’ils aient limité leurs décisions juridiques à la stricte lettre de la Loi sans tenter d’aller au delà (Babba Métsi’a 30a), etc…

      Résoudre ces contradictions, établir une nécessaire hiérarchie n’est pas ici notre propos, mais on peut toujours ramener l’explication généralement admise des Tossafistes (Babba Métsi’a 30b), qui considèrent que en effet ce sont tous ces événements conjugués qui entraînèrent l’issue fatale.

      Mais nous allons dans notre analyse déboucher peut-être sur une autre explication…

[6]Rabbi Ya’akov ben Tsvi Emden (1697 – 1776), une des principales autorités européennes du XVIIIème siècle.

[7]Le Maharcha fait ainsi remarquer que les autorités rabbiniques de la ville où eut lieu cette histoire ne réagirent pas… Pour ce commentateur, c’est cette impassibilité des représentants de la collectivité qui fut la cause de la mise en œuvre du décret fatal…

[8]Par opposition à la Destruction de Premier temple qui fut le résultat de la transgression des trois péchés les plus graves : idolâtrie,meurtre et débauche (Cf. Yoma 9b).

[9]C’est à dire les cinq derniers (symboliquement représenté sur la deuxième des Tables de la Loi). Les cinq premiers ayant trait aux relations de l’ homme avec D.

[10]Le fait que le mari et la femme aient été d’accord de contracter le prêt de cette manière doit aussi nous interroger : qu’en est il de ce couple ? Quelle est leur moralité et leur attitude vis à vis de cet apprenti ? Sont ils des gens très naïfs ou au contraire des individus trop avertis ? Cf. note suivante.

[11]Selon le Maharcha, se joue ici une des clés de la compréhension de cette histoire. Nous avons vu qu’il y a deux « léchonots » (deux versions de l’enseignement) concernant la faute commise : si d’après le second lachon on peut comprendre que dès ces trois jours-là la femme et l’apprenti furent adultérins (ce qui donne à tout l’épisode une teneur bien plus scabreuse), selon le premier lachon rien n’oblige à penser qu’il y ait eu ici infraction réelle du Septième Commandement…

     Comme souvent dans le talmud, nul ne peut trancher entre ces deux versions, et on les gardera sans cesse présentes à l’esprit dans l’analyse.

      Et chacun choisira l’opinion qui lui parle le plus…

[12]C’est en effet un interdit de la Torah : cf. Lévitique XIX, 11 etc…

[13]Même si évidemment des versets nous disent que c’est interdit : « Tu ne placeras pas d’embûche sur le chemin d’un aveugle ; redoutes ton D. Je suis l’ Eternel  » (Lévitique XIX, 14), ce que le Midrach (Thorat Cohanim, sur place) interprète ainsi : « […] ne conseilles pas à ton prochain de prendre la route de nuit si c’est pour qu’il y soit dépouillé par des brigands, ne lui suggères pas de sortir par une grande chaleur quand tu sait qu’une tempête de sable menace, etc…. Peut-être argueras-tu : mais c’est un bon conseil que je lui donne! Sache que Je suis le Seigneur, qui sonde les cœurs, etc… »

[14]Les larmes symbolisent peut être cette impuissance : ne sont-elles pas la réaction naturelle de désespoir lorsqu’on est victime d’une injustice, mais qu’on ne peut agir ? cf. Babba Métsi’a 58a.

[15]On pourrait même dire qu’au contraire c’est peut-être le charpentier qui lui a causé légalement du tort : ses larmes ont gâchées mon verre, quel genre  de serviteur est-ce là ?

[16]On peut se permettre de penser que ce n’est pas un hasard si cette interprétation nous est offerte par le Ya’avets, grand érudit à l’existence  pourtant terrible, tant il eut à souffrir de persécutions et de malveillance dans ces temps troublés par le Sabbataïsme où il vivait…

[17]Quoique cela se défende : c’est tout le thème de la fameuse « haine gratuite », etc… (Yoma 9a)

[18]« Vous avez moulu du blé qui déjà était de la farine ! etc » (Midrach Eïh’a Rabba I, 43)

[19]Certains appellent cela «l’in-nocence»

[20]Et c’est ici littéralement le cas, puisque les larmes du charpentier coulaient dans le verre qu’il devait servir à son ancien apprenti et à son ex-femme…

[21]Comment expliquer autrement un tel acharnement?

[22]Pour le Maharal d’ailleurs toute notre histoire est à analyser sous l’angle du vol, mais ce n’est pas l’option que nous avons choisie d’étudier ici.

[23]Qui dit que les diverses difficultés financières du maître et l’apparent enrichissement de l’ élève n’est pas le résultat d’une escroquerie manigancée par ce dernier?

[24]Cf. Jérémie XVII,10, etc. Voir aussi Rachi sur Lévitique XIX, 14.

[25]En réalité on ne sait pas laquelle de ces deux convoitises a précédé l’autre chez ce mécréant…

[26]Cf. Deutéronome XXVIII, 43 : ce renversement là est une figure de la malédiction…

[27]Il y’ aurait là de la part de ce personnage une sorte de nihilisme, guidé par l’ égoïsme et les passions.

     On s’écarte ainsi de l’explication du Ya’avets : pour celui-ci, les contemporains, pour pervers qu’ils fussent tenaient à conserver sa tenue à leur société.

[28]Là aussi un parallèle est à opérer avec la Génération du Déluge et les Sodomites.

[29]Sentiment par définition indétectable…

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“La terrible histoire du charpentier. Introduction au deuil du 9 Av. Par Rav Yehiel Klein.”

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