Bamidbar, Les dénombrements et la Providence divine
par: D. ScetbonPublié le 18 Mai 2028
Sur la base des cours et enseignements de Mme Penina Bitton
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Le livre de Bamidbar traite en grande partie des lois relatives au Michkan ( Tabernacle ) et du séjour des Bné Israel dans le désert.
Nous apprenons aussi de ce livre les lois concernant la disposition des tribus autour de cet axe central.
Mais alors pour quelle raison ce livre est-il appelé dans la Michna (traité Yoma chapitre 7, traité Sota) le « livre des recensements » alors qu’il n’en compte que deux ?
Dans son commentaire « haemek davar », le Natsiv de Volojine nous explique que pour nos Sages ces « dénombrements » étaient plus importants à leurs yeux que les autres faits rapportés, comme par exemple : la faute des explorateurs ou la bénédiction de Bila’am ou d’autres encore.
Quelle idée les Sages, veulent-ils véhiculer par ce nom ?
Dans Parashat Bamidbar Les Bné Israel sont dans le désert de Sinaï, nous sommes à la deuxième année de la sortie d’Egypte, les explorateurs n’ont pas encore été envoyés, il reste encore à faire la guerre pour conquérir la terre,
Au chapitre 19 du livre nous sommes à la 40ème année, ceux qui avaient 20 ans à la sortie d’Egypte sont progressivement morts, Ils auront passé 40 ans dans le désert, 40 ans d’une vie miraculeuse, nourris par la manne, libérés de toute contingence naturelle, de cette vie de miracle, leurs enfants vont retourner à un mode de vie « naturel », la royauté divine devient cachée dans le monde.
Les guerres menées contre les cananéens et Sihone sont des guerres naturelles, Le Netsiv nous rapporte à cet effet que le caractère miraculeux devra être décrypté par la comparaison des effectifs du peuple avant et après les guerres, ce qu’ils feront lorsqu’ils constateront que leur nombre n’a pas bougé (pas de blessés, pas de morts !), comme cela est mentionné après la guerre de Midian Bamidbar 31, 49). Il y a eu gel de la population pendant 40 ans. Le dénombrement nous renseigne sur la relation particulière qu’Hashem entretient avec le peuple d’Israël.
L’expérience du Désert est un passage obligé permettant l’éducation des Bné Israël et la remise de la Torah.
D’après le Ramban, sans la faute des explorateurs, le peuple se serait rendu directement en Erets Israel, le dénombrement s’imposait pour préparer la campagne militaire et pour connaître le nombre d’ayants droit à la terre.
La Paracha de Bamidbar dresse ensuite une organisation du campement des Bené Israël autour du Mishkan qui occupe une position centrale. Les 12 tribus doivent s’organiser en 4 formations de 3 tribus chacune, elles sont appelées bannières (degalim). Mais que cherche à refléter cette répartition ?
Rabbi Shlomo Alkabets, commentateur de Salonique au XVI siècle, explique la répartition du camp et l’affectation des bannières comme une organisation de classes sociales. Selon lui chaque état devrait comporter cinq classes :
– Les agriculteurs sont représentés par le camp d’Ephraïm, symbolisé par le taureau destiné pour les travaux de la terre.
– Les commerçants/les philanthropes/les dirigeants/ les agents de police ; représentés par le camp de Reouven
– Les artisans, représentés par le camp de Dan et dont la bannière est l’aigle. Au sujet de ce camp Rabbi Shlomo dit : « La bannière du camp de Dan porte l’image d’un aigle qui correspond à la classe des artisans car il est connu que les oiseaux sont très stratèges dans la lutte pour la vie et en particulier l’aigle. »
– Les combattants : représentés par le camp de Yehouda représenté par le lion,
– Les savants/ les conseillers/ les Sages de la Thora : représentés par les Cohanim et les Leviim installés au centre.
Cette structure de classe couvre tous les besoins de l’état et du peuple. Le Rav Alkabets retrouve cette configuration dans la répartition des tribus en camps et drapeaux. C’est donc l’aspect organisationnel qui est ici mis en exergue.
Rabbi Moshé Elbilada (Turquie au 16ème siècle), compare dans son commentaire sur Bamidbar (Olat Tamid Venitia 361) les campements des Bené Israël au char de la vision de Yehezkel, entouré de 4 Haïot, 4 Bêtes Sauvages « chacune avaient figure humaine. Chacune avait quatre visages et chacune quatre ailes. Leurs pieds étaient des pieds droits ; la plante de leurs pieds était comme celle d’un veau et ils étincelaient comme de l’airain poli. Et des mains d’hommes apparaissaient sous leurs ailes. »
De même pour Israël, chaque camp s’orientait vers un point cardinal différent attirant dans cette direction le flux divin émanant du centre vers l’extérieur. Les drapeaux brandis à la tête de chacun des 4 campements renfermaient une des 4 formes apparaissant sur le char céleste de Yehezkel :Réouven : face d’homme, Yehouda: face de lion, Ephraïm : face de taureau, Dan : face d’aigle.
Ce commentaire met l’accent sur la mission spirituelle d’Israël en insistant sur la centralité du michkan dans la vie du peuple juif. En voyant dans le campement des Bené Israël « le char terrestre de D » leur mission étant de servir d’intermédiaire entre le monde terrestre et le monde céleste. Israël devient celui qui doit montrer la lumière, et la perfection du peuple s’exprime par son leadership. L’installation des Bené Israël doit se faire dans cet esprit ; le respect de la classification sociale où chacun est à sa place, répartis entre les 4 points cardinaux et au centre le kodesh hakodachim où personne ne peut entrer à l’exception du cohen gadol à Kippour pour demander pardon,
Rachi explique (Chemot chap19 verset 2) à propos du départ des Bené Israël de Refidim, ils arrivèrent au désert de Sinaï et campèrent dans le désert, Israël campa en face de la montagne. Ils étaient pluriels, « ils campèrent » puis singulier « il campa », mais ils se sont unis pas uniformisés, chacun doit avoir sa place en fonction de sa spécificité, au centre de cette diversité le kodesh hakodachim, chacun peut émerger dans sa dimension qui lui est propre, d’où la notion de recensement. Chacun s’inscrit dans sa caste de prédilection, Hachem est seul à connaître la spécificité des tribus et à pouvoir les affecter au poste le plus adéquat. Si Bamidbar est un lieu de parole [de la racine daber]. C’est aux Bené Israël de traduire ces paroles dans ses actes, il n’y a pas de dichotomie, c’est ce que Rashi nous rapporte lorsque nous commençons le livre du désert (Bamidbar). Bamidbar veut dire littéralement « le lieu de la parole », mais ce que Hashem nous demande, c’est de savoir sortir de ce lieu de la parole pour rentrer dans le monde de l’action, rentrer en terre d’Israël.
Rav Shimshon Raphael Hirsh rapporte le Talmud (Menahot 95a Zevahim 61b, 116b) qui enseigne que les camps conservaient leurs degrés respectifs de sainteté même durant les déplacements, de sorte que les offrandes consommées exclusivement à l’intérieur du camp des Bené Israël pouvaient l’être pendant le voyage, ceci nous importe puisque cela nous montre que la Torah ne se limite pas à la maison, à la synagogue ou aux activités quotidiennes, Elle conserve sa sainteté hors de chez soi ou en voyage.
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