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Berechit, texte prophétique !

par: Joël Gozlan

Publié le 12 Octobre 2023

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Berechit, 1, 1-2.
Berechit Bara EloqimAu commencement, Eloqim créa le ciel et la terre.
La terre était informe et vide, les ténèbres sur la face de labîme et le souffle de Eloqim planait sur la face des eaux.

Ces deux versets inaugurent toute la Torah, et c’est peu de dire qu’ils intimident. Comme impressionne son premier mot Berechit, riche en mystères et significations.

Berechit est tout d’abord un « Hapax », c’est-à-dire qu’il n’apparaît qu’une seule fois dans toute la Torah écrite. C’est donc un mot précédé de rien, et répété nulle part… Ce qui rend encore plus ardue sa compréhension !

Il convient pourtant de s’y atteler, comme le recommande Rachi dans son deuxième commentaire : Ce texte ne dit rien dautre que « Interprète-moi ».

A la fin de ce commentaire fondamental, Rachi nous délivre un Hiddoush incroyable, qui remet en cause l’ordre chronologique qui serait indiqué dans cette première phrase, et par conséquent dans la Torah toute entière :

Rachi : Tu devrais être étonné, car les eaux ont précédé la terre, puisquil est écrit : « et le souffle de Eloqim planait sur la face des eaux » (Bereshit 1, 2) alors que le texte ne nous a pas encore révélé quand les eaux ont été créées. De là tu apprends que les eaux ont existé avant la terre. En outre, les cieux (Chamayim) ont été formés à partir du feu (Ech) et de leau (Mayim). Force est donc dadmettre que le texte ne nous enseigne absolument pas lordre chronologique de la création!

Juste avant cette puissante assertion, Rachi avait fait surgir une troublante prophétie d’Isaïe : Dès le début, jannonce la fin » (Yechaya 46, 10)

Cette prophétie illustre au mieux ce qui est rapporté dans le midrash nom de Resh Laqich (Berechit Raba 2, 4), selon lequel les 4 exils sont annoncés dans le deuxième verset de la Torah : Le mot Tohou désigne lexil de Babylone, ainsi quil est écrit : « Jai regardé la terre et voici, elle était désolation (tohou) et vide…» (Jérémie 4, 23). Le mot Wavohou désigne lexil de Perse, ainsi quil est écrit : « … les eunuques du roi sapprochèrent et se hâtèrent (wayavhilou) de conduire Haman au festin quEsther avait préparé » (Esther 6, 14).  Le mot ‘Hochèkh désigne lexil de Grèce, car ils ont obscurci les yeux dIsraël par leurs décrets. Le mot Téhom désigne lexil actuel, celui de Rome et de Edom, dont linfluence na pas de fond, tout comme le Téhom na pas de fond. « Et le souffle de Eloqim planait sur la face des eaux », cest le Roi-Mashiach.

Loin d’être un simple récit chronologique, la Torah irai ainsi à l’essentiel, annonçant dès ses premiers versets les exils et les temps messianiques!

La préséance de la Torah sur le temps que nous enseigne Rachi, revêt autant d’importance que la croyance en une création ex-nihilo, à partir de rien d’autre que la parole divine, c’est à dire la Torah elle-même!

C’est pourquoi l’ordre du premier verset a été modifié, une inversion qui fait partie des 14 « altérations » apportées de façon miraculeuses, car sans se concerter, par les 72 sages chargés par le roi Ptolémée II de traduire la Torah en Grec (Meguila, 9B) lors de leur rédaction des Septantes.

« Berechit bara Eloqim » devient « Eloqim  bara berechit : D. a créé, au commencement », afin que le monde impie ne puisse imaginer que ce commencement-là ait pu précéder le créateur !

Ces notions sont essentielles car si la matière et le temps n’avaient pas été créés, mais juste modifiés par HaChem (ce que pensaient à l’époque du roi Ptolémée les philosophes grecs), Il ne pourrait pas les plier à sa volonté, comme cela a été apparent lors de la sortie d’Egypte. Et l’idée du libre-arbitre disparaîtrait du coup du champ des possibles de l’homme/Adam créé à son image, par un « Kal VaHomer » (raisonnement à fortiori) implacable!

Le tout premier commentaire de Rachi sur la Torah n’est ni moins fondamental, ni moins surprenant… Relisons le :

Au commencement. Rabbi Yitshaq a dit : La Torah aurait dû commencer par : « Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois » (Chemoth, 12, 2), puisque cest le premier commandement prescrit à Israël.

La Torah est avant tout un texte de Loi, alors pourquoi s’embarrasser de toutes ses histoires!  En une phrase, Rachi (à la suite de Rabbi Yitshaq Nafha, un Tana du 3ème siècle) remet en question rien de moins que l’ensemble du livre Bérechit (et le début du livre Chémot), puisque la première loi édictée au peuple (qui, comme par hasard, est celle de se constituer un calendrier, donc de se rendre maître de son temps), n’apparait qu’ensuite.

Alors… Exit, la création du monde, la faute d’Adam Ha’Rishon, le meurtre de Caïn, le déluge ?  Adieu, la tour de Babel, les trois patriarches, l’exil et la sortie d’Egypte?  Toutes ces « histoires juives », à quoi peuvent-elles servir en prélude du texte législatif fondamental que serait la Torah ?? 

La réponse, notre maître champenois nous la donne dans la foulée, et elle est saisissante d’acuité géopolitique :

Pourquoi la Torah débute-t-elle avec Beréchit ? Lorsque les nations du monde diront à Israël : « Vous êtes des voleurs, vous avez conquis les terres des sept nations ! », ils leurs diront : « Toute la terre appartient au Saint béni soit-Il. Cest Lui qui la créée et Il la donnée à qui bon lui a semblé. (Cf. Yirmeya 27, 5). Cest par Sa volonté quIl les a données à qui est droit à Ses yeux, et cest par Sa volonté quIl les leur a reprises et quIl nous les a données ! » (Yalqout chimoni, Bo 187) ; 

Incroyable ! Le récit de la Genèse viendrait non seulement nous faire connaitre la fin des temps, mais aussi nous prémunir de cette accusation –annoncée dès le début- faite au peuple juif par l’ensemble des Nations, d’avoir volé la terre d’Israël. Cette accusation est au coeur d’une actualité brulante et douloureuse.

Ce Hiddoush inouï du midrash Yalkout rapporté par Rashi nous fait comprendre que le « Au commencement, Eloqim créa le ciel et la terre », pourrait aussi se lire « Au commencement, Eloqim créa le ciel et la terre dIsraël ! »

Puisse Ha’Chem protéger cette terre, son armée et ses habitants !

Sources : Le commentaire de Rashi sur le Houmash, le livre de Pierre-Henri Salfati : Le premier mot : « au commencement » et un texte du Rav Gabriel Ittah dans Yeerav Alav Sihi

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