QU’EST-CE QU’UN MIKVÉ ? par Rav Aaron Ohnona et Mr Yankel Bensimhon
par: Rav Aaron Ohnona, Rav Yankel Bensimhon,QU’EST-CE QU’UN MIKVÉ ? par Rav Aaron Ohnona et Mr Yankel Bensimhon
Marcel ! Tourne la page, cet article ne nous apprendra rien de nouveau….
Chacun est persuadé de connaître la réponse à cette question si simple, si évidente….
Découvrons ensemble la « machine à purifier » le peuple juif, grâce aux enseignements du ‘’Or Méïr’’, étudié dans le cadre du Collel Avreh’im de Ohaley Yaakov, dirigé avec sagesse et bienveillance par Rav Eliahou ABDELHAK שליט״א qui guide notre étude au quotidien.
Avant de commencer :
– Saviez-vous que d’après la Torah, la contenance minimale d’un mikvé est de 8,1 cL[1] ?
– Saviez-vous que dans la quasi-totalité des cas, vous NE vous trempez PAS directement dans de l’eau de pluie ?
1) Qu’est-ce qu’un Mikvé ?
L’expression « mikvé » vient du verset 9 du premier chapitre de Béréchit « יִקָּווּ הַמַּיִם », qu’on traduit par « que les eaux se rassemblent ». Mikvé signifie donc « rassemblement d’eau ».
Dans la halakha l’eau peut avoir différents statuts. La Michna en dénombre six[2], nous n’en citerons que 3 : l’eau puisée, l’eau de pluie, l’eau de source.
On peut définir un mikvé comme un bassin fermé (אשבורן / achborèn), naturel ou creusé dans le sol, dont la contenance minimale est de 40 séa[3] rempli d’eau non puisée sans intervention directe de la main de l’homme[4].
En pratique aujourd’hui, la contenance standard d’un mikvé est beaucoup plus importante, puisque ce volume minimal de 40 séa est atteint, même pour les avis les plus stricts, avec un bassin dont les dimensions sont d’environ 50cm x50cm x1,5m de haut (ce qui est étroit, même pour une personne de faible corpulence)
2) Comment remplir le mikvé ?
L’idéal est de le remplir à 100% d’eau casher, of course.
Mais il existe des possibilités de mélanger de l’eau de pluie avec de l’eau puisée en cas de besoin, par exemple en faisant couler de l’eau du robinet sur une distance de 3 tefah’im (env. 25cm) avant qu’elle ne tombe dans le mikvé. C’est ce qu’on appelle la « המשכה». Cette « combine » est autorisée dès lors que le mikvé contient 21 séa d’eau casher[5].
Mais le plus souvent, pour des raisons d’hygiène et de confort,
on va remplir le bassin avec 100% d’eau du robinet cashérisée ! (attention à bien lire la suite)[6]
En effet, comme le tranche le Choulh’an Aroukh[7], avant que le mikvé n’atteigne le volume de 40 séa, il peut être rendu passoul par l’ajout de 3 lougin d’eau puisée (1 log vaut environ 35cL, donc 3 log valent environ 1,02L – voir note 11)
Encore pire, si 3 lougin d’eau puisée se trouvent déjà dans le bassin et qu’on rajoute dessus de l’eau casher, toute cette eau casher est rendue invalide par la présence préalable de ces 3 lougin (un peu comme faire techouva en gardant ses mauvaises midot – allez lire le super article de Rav Hausman !).
Par contre, une fois que le mikvé contient 40 séa, on peut lui ajouter toute l’eau puisée du monde, elle deviendra pure ![8]
On comprend à présent qu’il est possible de renouveler l’eau du mikvé en versant de l’eau du robinet dans un bassin qui contient déjà 40 séa. Le problème est que cette méthode n’est pas vraiment efficace niveau hygiène. D’ailleurs les Gdolim du Maroc ont tranché à l’unanimité qu’elle était trop chère ! (je plaisante, uniquement ceux de Meknès).
3) « Zeriyah » ou « Hachaka » ?
On a donc réfléchi à deux autres systèmes, nommés זריעה (zeriyah) et השקה (hachaka) pour garantir les meilleures conditions possibles pour la tevila.
La zeriyah consiste à utiliser deux bassins. Le premier fait office de réservoir d’un volume de 40 séa constitué à 100% d’eau de pluie. Ce bassin qu’on appelle « bor zeriyah » est relié à un autre bassin qui, pour l’instant, est vide. C’est dans ce 2ème bassin que vont se tremper les personnes (une fois qu’il sera rempli).
Pour remplir ce deuxième bassin, on applique la règle énoncée plus haut que toute eau puisée versée sur un mikvé casher devient elle-même casher. On fait donc couler de l’eau du robinet dans le « bor zeriyah » et on laisse s’écouler ce mélange d’eaux, via un conduit disposé à cet effet, dans le bassin vide juste à côté.
On obtient donc un bassin rempli d’eau casher parfaitement propre dans lequel on peut se tremper d’après tous les avis. Ce concept figure d’ailleurs explicitement dans la michna[9].
La hachaka à présent consiste à nouveau à construire deux mikvé l’un à côté de l’autre. L’un contient 40 séa et est rempli à 100% d’eau de pluie. On l’appelle « bor hachaka ». L’autre contient 40 séa et est rempli à 100% d’eau du robinet.
Entre ces deux bassins existe un canal dont la circonférence est d’environ 5cm « kechefoferet hanod », soit l’espace nécessaire pour faire un tour complet de la main avec l’index et le majeur collés et tendus.
Le simple fait de mettre en relation l’un avec l’autre suffit pour que le bassin rempli d’eau du robinet devienne un mikvé casher[10] et qu’on puisse s’y tremper. (Regardez votre voisin : lui aussi va essayer de tourner ses doigts en l’air)
4) Est-ce vraiment si simple ?
Le Or Méïr (Rav Posen Chlita) soulève de nombreux problèmes dans l’utilisation du bor zeriyah et du bor hachaka[11].
Le problème principal du bor zeriyah vient du fait qu’on va verser de l’eau dans un bassin vide. Or, si le bassin n’est pas PARFAITEMENT vide et sec, on arrive facilement à ce qu’il contienne 3 log avant même qu’on ait commencé à verser l’eau. Et il s’agit alors d’un psoul déoraïta[12].
On va donc se trouver dans une situation où toute l’eau, bien qu’elle a été casherisée par zeriyah dans le bor zeriyah, va être invalidée par la présence antérieure de ces 3 lougin d’eau puisée. La tevila dans ce mikvé serait donc invalide.
Il est donc impératif que dans un tel mikvé le remplissage du bassin soit effectué non pas par une femme de ménage mais par un mashgiah’ rempli de crainte d’Hashem et qui connait les lois du mikvé[13].
Le problème du bor hachaka à présent est que le conduit qui relie les deux bassins doit être rempli dans tout son diamètre.
Certains esprits vifs ont déjà pensé que la solution idéale serait donc de relier les deux bassins en plaçant le conduit le plus bas possible au fond du mikvé, pour être sûr qu’il soit toujours rempli. Cette option est envisageable mais elle présente l’inconvénient majeur que chaque fois qu’on videra le mikvé, ce sera non pas un seul mais deux bassins qui se videront, ce qui inclut le bor hachaka lui-même.
On sera donc obligé d’attendre les nouvelles pluies… (quand je vide un bassin lui-même relié par le bas à un autre bassin, la gravité fait que tout ce qui est au-dessus du trou va se vider…). Il n’y a donc pas d’autre solution en pratique que de placer ce conduit en haut, presque à la limite du niveau de l’eau, pour ne pas perdre inutilement l’eau de pluie du bor hachaka.
De fait, avec le nombre de personnes qui se trempent et à force de passage, les gens emportent un peu d’eau avec eux, et le mikvé se vide peu à peu.
Il est donc hautement probable qu’avec le temps le conduit censé relier les deux bassins ne soit plus intégralement rempli. Non seulement cela pose le problème du chiour de « chefoferet hanod » (mais nous nous « reposerions » alors sur le meh’aber qui tolère un contact minime entre les deux bassins), mais surtout cela pose le problème de zoh’alin !
En effet comme cela a été dit plus haut, seule une « eau de source » a la force de purifier sous la forme de « zoh’alin », sans même être contenue dans un bassin. L’eau de pluie, elle, n’a aucun pouvoir de purification avant d’atteindre le volume de 40 séa réunis en un seul bassin. Un mikvé doit donc impérativement être un espace clos.
Mais pour pouvoir dire halah’iquement que les deux bassins (le bor hachaka et le bassin dans lequel on se trempe) sont considérés comme un seul et même bassin, le conduit qui les relie doit être entièrement immergé.
Or, même si globalement les deux bassins sont clos et qu’il n’y a pas d’écoulement à l’extérieur de ces bassins, le fait qu’il existe un conduit de la taille de chefoferet hanod entre ces deux bassins et que ce conduit ne soit pas entièrement rempli revient à considérer qu’il s’agit de deux bassins distincts et que de l’eau s’écoule de l’un à l’autre.
Il y a donc deux bassins « zoh’alin », non-clos, et aucun n’a alors le statut de mikvé ni la force de purifier[14] !
Barouh’ Hashem aujourd’hui nos mikvaot sont laméhadrin min haméhadrin et combinent souvent zeriyah et hachaka (et même parfois un 3ème bor selon les opinions).
Dans le Choulh’an Aroukh HaRav, une autre idée est mentionnée : celle de mettre un bor sur un bor, soit de construire une citerne d’eau de pluie et de placer au-dessus un bassin qu’on remplira et qu’on videra en fonction des besoins. Le conduit reliant ces deux bassins sera nécessairement rempli en intégralité !
Le Divré Hayim s’est opposé à cette option pour plusieurs raisons[15], mais les mikvé Habad aujourd’hui sont tous construits selon ce modèle, à la nuance près qu’ils optent pour une double ‘houmra : non seulement ils ne font pas un trou de la taille de chefoferet hanod (5cm) mais de 1 téfah’ (entre 8cm et 9,6cm), et de peur qu’un des trous ne vienne à se boucher ils font un deuxième trou. Par cela il est certain que même le Divré Hayim aurait été d’accord avec cette idée.
Yehi ratson que nous puissions tous nous imprégner de Torah
Dédié à la réussite de tous les donateurs qui nous permettent d’étudier dans la Kedoucha et la Tahara
Qu’Hashem, Mikvé d’Israël, vous délivre de vos difficultés – Amen
[1] Pessah’im 17b le chiour déoraïta est d’un réviit pour la tevila des aiguilles
[2] Mikvaot Perek 1 les 6 premiers : les « flaques », le « ruissellement ininterrompu d’eau de pluie », « le mikvé de 40 séa », les « petites sources augmentées d’eau puisée », les « sources salées ou chaudes», les « sources d’eau vive ». Le 7ème « statut » est celui de mayim chéouvin, de l’eau puisée impropre en tant que telle à être utilisée pour faire un mikvé.
[3] « Quantité necessaire pour recouvrir intégralement le corps d’un homme moyen – Yoré Déa 201,1 – Entre 330L (Rav Naé) 570L (‘Hazon Ich)
[4] Traduction personnelle d’après les différentes explications du Torat Cohanim
[5] Masseh’et Temoura 12a en bas et 12b, d’après l’avis de Rabbi Eliezer ben Yaakov et Yoré Déa 201,45
[6] On m’a fait remarquer que cette expression « eau du robinet » pouvait induire en erreur et faire croire aux gens qu’il est permis de se tremper dans une baignoire. J’ai alors pensé à l’expression « Faisons l’homme » qu’emploie Hashem lui-même dans Béréchit. N’est-ce pas un risque encore plus grand que de croire qu’il y a plusieurs D… (H’as véchalom) que de penser qu’une baignoire purifie ? La réponse est simple : celui qui veut se tremper se trempera, et celui qui veut se tromper se trompera.
[7] Yoré Déa 201,22
[8] Rambam dans son pirouch hamichnayot sur le début du perek 6 de mikvaot « il peut ajouter toute l’eau puisée du monde »
[9] Mikvaot, 6, 8
[10] Yoré Déa 201,53 dans le Rama. (Le meh’aber semble n’exiger dans ce cas qu’un contact infinitésimal)
[11] Or Méïr, Madrikh Lébinyan Oulétikoun Hamikvaot, 1, Tosfot Or note 10
[12]Certains élèves du ‘Hazon Ich étaient mah’mirim de ne pas s’y tremper à cause du safek suivant : remplir le bassin sur un reliquat d’à peine 1/2mm d’épaisseur d’eau puisée le rend passoul d’après la torah ! Les mesures prises en compte sont standard (1,20m x 1,70m x 0,5 mm) ce qui donne un volume d’un peu plus de 1,02 L, soit 3 « lougin » d’après Rav Naé et Rambam (1 log = 35cL environ)
[13] Il existe un autre problème que soulevait déjà le ‘Hatam Sofer et que le ‘Hazon Ich reprends, celui de « natan séa vénatal séa » et qui conduit le ‘Hazon Ich à exiger que le remplissage du bassin se fasse par un trou situé bien au-dessus du niveau de l’eau. Mais le Or Méïr amène plusieurs raisons pour lesquelles cette crainte n’a pas lieu d’être dans nos mikvé, principalement grâce à l’utilisation de radiateurs plutôt que d’eau chaude versée dans le bassin.
[14]Hazon Ich Likoutim 6. Ceci est valable même pour les hommes qui se trempent en l’honneur du chabat (qui doivent se tremper dans un mikvé casher pour cela, car ce qui ne purifie pas ne sanctifie pas). Même pour les hommes qui ne se trempent que par mesure de piété pour accomplir la tevila instaurée par Ezra Hasofer, la koula n’est que d’autoriser de l’eau puisée, mais pas de l’eau puisée zoh’alin….
[15] Notamment, car il considère qu’il y a un problème de zeh’ila
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