Pideyon Chevouyim / Libération des otages
par: A. GrauzamÉtude dédiée pour la libération de tous les otages et leur retour sains et saufs en Israël.
Publié le 28 Novembre 2023
La Yéchiva des Etudiants remercie vivement Mr Arnaud Grauzam pour sa magnifique contribution.
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Introduction
Depuis les évènements dramatiques de Chemini Atseret / Simhat Torah, chacun d’entre-nous à travers le monde est préoccupé par la situation en Israël. Nous ressentons en particulier la tristesse des familles endeuillées et la détresse des plus de deux cents otages, dont la vie est en danger et la détention une souffrance quotidienne. Leurs familles (sur)vivent entre l’angoisse de savoir leurs chers et tendres aux mains d’ennemis cruels et l’espoir de les retrouver sains et saufs. Les ravisseurs appartiennent à un groupe terroriste qui ne réclame pas de rançon financière mais (1) la libération de près de six mille prisonniers sécuritaires incarcérés car menaçant la sécurité d’Israël dont un grand nombre condamné à des peines de réclusion à perpétuité pour des meurtres commis contre des Israéliens, et initialement (2) la livraison d’essence, utilisée pour faire fonctionner l’aération, l’éclairage des tunnels ainsi que le lancement de roquettes. « Qui sauve une vie, sauve l’humanité entière ». Jusqu’où peut-on aller d’après la Thorah pour sauver une vie ? Et comment arbitrer le court-terme et le moyen-terme – si sauver une vie implique de mettre en danger d’autres vies? Au-delà de cette réflexion Halahique (quelles sont les options recommandées par la loi Juive ?), la question que nous avons tous – est : que puis-je faire personnellement pour hâter la libération des otages ? Comment se rendre utile et contribuer ?
Je propose deux actions :
1/ Se plonger dans l’étude de la Thorah sur le sujet de la libération des otages et les nombreux dilemmes associés.
Voilà pourquoi je pense que cela peut hâter la libération des otages : Chacun connaît le miracle que nous avons vécu en 1976, lors de l’opération Entebbe et le sauvetage miraculeux de 100 otages par Tsahal dans des conditions surnaturelles. Ce qui est moins connu est l’envers du décor de cette opération. Ce que nous connaissons : en 1976, un avion français est détourné vers Entebbe en Ouganda par un groupe terroriste palestinien du FPLP et Action Rouge. Les preneurs d’otages libèrent 258 passagers non juifs et non israéliens. 103 passagers juifs ou israéliens sont gardés en otages. Une demande d’échange contre 53 terroristes palestiniens détenus en Israël et à travers le monde est demandée. Ce qui est moins connu : immédiatement après la prise d’otage, le premier ministre Itshak Rabin et son gouvernement ont demandé au Rav Ovadia Yossef, alors Grand Rabbin Sépharade d’Israël de se réunir avec les plus grands Sages de la génération pour définir les contours halahiques d’une négociation avec les terroristes. Peut-on négocier ? Sur quelles bases ?
Le Rav Ovadia Yossef a écrit une longue Responsa sur la question et au moment de conclure, il écrit avoir reçu un appel téléphonique d’Itshak Rabin l’informant que la négociation ne sera pas nécessaire car 100 otages viennent d’être libérés, et tous les ravisseurs et leurs complices ont été neutralisés, par un commando de Tsahal tandis que quatre pertes israéliennes sont à déplorer – Yoni Netanyahou (le petit-frère de l’actuel premier ministre) et trois passagers.
Quel miracle au grand jour, le Tout Puissant a-t-il révélé, aux yeux du Monde ! Le Rav Ovadia Yossef a également débattu de savoir si l’opération pouvait avoir lieu Shabbath (les avions israéliens du commando ont décolé pendant shabbath et ont reçu l’ordre de lancer l’assaut à l’issue de shabbath). Un des membres du commando de sauvetage de Tsahal raconte avoir fait la prière de Havdala et la bénédiction sur le feu (« boré méoré haech ») sur les flammes d’un avion de chasse MIG ougandais détruit par Tsahal…Quel mélange spirituel et militaire !
A la lumière de l’Opération miraculeuse d’Entebbe – il m’apparait que peut-être ce qui a donné autant de succès à Tsahal est précisément le fait qu’il a été débattu des lois de la Thorah dans le cas d’une prise d’otage et d’essayer d’agir conformément à la volonté du Créateur. En conséquence – ma première suggestion pour que chacun de nous hâte la libération des plus de 230 otages …est qu’on étudie la vision de la Thorah sur Pidyone Chevouine / le rachat des captifs.
2/ Participer financièrement indirectement au rachat des captifs en s’engageant de donner une somme d’argent à la Tsedaka à une association caritative pour chaque otage qui sera libéré sain et sauf, par le Créateur. Par exemple, 50 euros par otage libéré, 10 euros ou n’importe quel montant. S’associer au Créateur pour faire le bien.
« La Tsedaka sauve de la mort » (Roi Salomon, Michlé 10,2 et 11,4)
וְחֵיְ אָחִיךְ עִמָּךְ
« Que ton frère vive avec toi » (Béhar, 25, 36) Puissions-nous voir rapidement de grands miracles et assister à la libération de tous les otages « Béni soit le Tout-Puissant qui libère les captifs »
A.G.
1. Sources dans la Thorah de l’obligation de sauver un captif
Il y a plusieurs commandements « positifs » de la Thorah nous enjoignant de payer la rançon d’un otage – notamment :
– Paracha Behar (25,36) : « Que ton frère vive avec toi. »
וְחֵיְ אָחִיךְ עִמָּךְ
– Paracha Kedochim (19,18) : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »
וְאָּהַבְתְָּ לְרֵעֲך כָּמוֹךְ
Il y a plusieurs commandements « négatifs» de la Thorah nous interdisant de nous détourner de la possibilité de payer la rançon d’un otage- notamment :
– Paracha Kedochim (19-16) : « Ne sois pas indifférent au danger de ton prochain. »
לאֹ תַעֲמֹד עַל דַם רֵעֶך
– Paracha Ree (15,7) : « n’endurcissez pas votre coeur et ne fermez pas votre main à votre parent nécessiteux. »
כִִּֽי־יִהְיֶהְ בְךְ אֶבְי֜וֹן מֵאַחַַ֤ד אַחֶֶ֙יךְֶ֙ בְאַחַַ֣ד שְעָּרֶֶ֔יך בְאַרְצְךְֶ֔ אֲשֶר־ה’ אֱלֹהֶֶ֖יך נֹתְֵןְ לָָּ֑ךְ לֹ֧א תְאַמֵּ֣ץ אֶת־לְבָבְךָ֗ וְלֹ֤א תִקְפץָ֗ אֶת־יֵָּדָ֣ךָ֗ מֵאָּחִֶיך הָּאֶבְיִּֽוֹן׃ְ
– Paracha Bear (25,53) : « l’autre ne règnera pas impitoyablement à tes yeux »
כִשְכִִ֥יר שָּנָָּ֛ה בְשָּנֶָּה יִהְיֶַהְ עִמָ֑וֹ לֹֽא־יִרְדֶֶּ֥נֹֽוּ בְפֶֶ֖רֶךָ֗ לְעֵינִֶּיך׃
2. Une mitsva primordiale
Tossefot (XI-XIVième siècle) dans la Guemara Baba Batra soulève une contradiction apparente : la gemara nous enseigne que le rachat d’un otage est un commandement d’une importance capitale…et pourtant dans la Guemara Meguila, Rabbi Méir enseigne qu’un Sefer Thorah ne peut pas être vendu si ce n’est pour soit payer des cours pour apprendre la Thorah ou se marier si on n’a pas d’autres moyens financiers…mais rien n’est dit sur la possibilité de vendre un rouleau de thorah pour payer la rançon d’un otage !
Tossefot, Baba Batra 8b
Réponse de Tossefot : inutile de le préciser, car c’est une évidence !
Voici trois enseignements du Choulhane Harouh (Yoré Déah 252) concernant l’importance primordiale du rachat des otages :
1
דין פָ֗דיון שָ֗בויים וָ֗כיצד פָ֗ודין אָ֗ותם. וָ֗בו יָ֗ »ב סָ֗עיפים
פדיון שְבויים קְודם לְפרנסת עְניים וְלכסותן וְאין מְצוה גְדולה כְפדיון שְבויים הְילכך לְכל דְבר מְצוה ְ שגבו מְעות בְשבילו יְכולים לְשנותן לְפדיון שְבויים וְאפי’ אְם גְבו לְצורך בְנין בְ »ה וְאפי’ אְם קְנו הְעצים ְוהאבנים וְהקצום לְצורך הְבנין שְאסור לְמכרם בְשביל מְצוה אְחרת מְותר לְמכרם לְצורך פְדיון שְבויים ְאבל אְם בְנאוהו כְבר לְא יְמכרו אְותו (ומ »מ הְנודר סְלע לְצדקה אְין פְדיון שְבויים בְכלל וְאין לְפדות בְסלע זְו רְק מְדעת ְבני הְעיר (מהרי »ק שְורש זְ’) כְדלקמן סְי’ רְנ »ו סְעיף דְְ ‘)
« La rançon des captifs vient avant de nourrir ou d’habiller les pauvres. Il n’y a pas d’acte de charité plus méritoire que la rançon des captifs ; par conséquent, l’argent collecté à quelque fin louable que ce soit peut être utilisé comme rançon, même s’il a été collecté à l’origine pour l’édification d’une synagogue. Et plus loin : même si les matériaux de construction ont déjà été achetés (ce qui constitue un grave délit de les vendre à toute autre fin), il est néanmoins permis de les vendre pour payer la rançon d’un captif. Toutefois, si la structure est déjà construite, elle ne doit pas être vendue. »
2
המעלים עְיניו מְפדיון שְבויים עְובר עְל לְא תְאמץ אְת לְבבך וְעל לְא תְקפוץ אְת יְדך וְעל לְא תְעמוד עְל ְ דם רְעך וְעל לְא יְרדנו בְפרך לְעיניך וְבטל מְצות פְתוח תְפתח אְת יְדך לְו וְמצות וְחי אְחיך עְמך וְאהבת ְ לרעך כְמוך וְהצל לְקוחים לְמות וְהרבה דְברים כְאלו
« Celui qui ferme les yeux sur la rançon des captifs transgresse les préceptes négatifs (« ne sois pas indifférent au danger de ton prochain, n’endurcissez pas votre coeur ; ne fermez pas votre main à votre parent nécessiteux, l’autre ne règnera pas impitoyablement à tes yeux » et néglige les préceptes positifs énoncés ci-dessus parmi d’autres (« que ton frère vive avec toi ; tu aimeras ton prochain comme toi-même»)
3
כל רְגע שְמאחר לְפדות הְשבויים הְיכא דְאפשר לְהקדים הְוי כְאילו שְופך דְמיםְ
« Chaque instant où l’on retarde inutilement la rançon d’un captif, c’est comme si on versait du sang. »
3. Quel prix peut-on payer pour obtenir la libération d’un otage ?
Nous allons voir trois passages de la Guemara Guittin légiférant sur les limites du commandement primordiale de libération d’un otage.
A – Guittin 45a
La Michna Guittin 45a établit la règle suivante : « Les captifs ne sont pas rachetés pour plus que leur valeur monétaire réelle [valeur appréciable à l’époque, selon le marché des esclaves, la valeur variant en fonction de l’âge, la force physique, la santé de la personne], pour le bien du monde / de la communauté. » La Guemara s’interroge sur la signification de l’expression : « Pour le bien du monde ». Deux options sont évoquées :
1. Est-ce dû à la pression financière de la communauté ? Faut-il craindre l’appauvrissement de la communauté si elle doit prendre en charge un prix sans limite pour libérer tout otage ?
2. Ou peut-être est-ce parce que cela motiverait les preneurs d’otages à cibler er capturer davantage d’otages juifs? En sauvant en otage maintenant, on met en danger un grand nombre d’autres personnes
La conséquence pratique est si le parent de l’otage est très riche. Si on suit l’option 1 – il pourra payer un montant illimité sans risquer d’appauvrir la communauté. Si on suit l’option 2 – la communauté devrait lui interdire de payer un montant exagéré pour ne pas mettre en danger toutes les familles.
La Guemara tente de répondre: « on raconte qu’un certain Lévi bar Darga [très fortuné] dont la fille a été prise en otage, a payé une rançon de treize mille dinars d’or [une somme colossale]. Cela indique que les citoyens privés peuvent payer des sommes excessives pour racheter une captive s’ils le souhaitent. Il faut donc conclure que le but de l’ordonnance est d’éviter qu’une charge excessive ne soit imposée à la communauté (option 1). Si l’ordonnance avait été instituée pour supprimer l’incitation des ravisseurs à capturer d’autres personnes de la Communauté, un simple citoyen n’aurait pas été autorisé à payer une somme excessive. Abaye répond à cette proposition: « Et qui nous prouve qu’il avait agi conformément aux voeux des Sages ? Peut-être a-t-il agi contre la volonté des Sages, et cette anecdote ne peut servir de preuve ! »
B – La Michna dans Guittin 46b énonce une règle concernant le captif qui s’est lui-même mis en détresse – soit parce qu’il a emprunté de l’argent à un groupe mafieux et n’a pas les moyens de rembourser (il est séquestré par la « mafia » dans l’attente de paiement) ou il s’est vendu en esclave contre de l’argent à des païens dangereux qui le détiennent désormais en captivité avec ses enfants. Faut-il payer la rançon pour libérer cet homme – que sa vie soit en danger ou non ?
Guittin 46b-47a
Michna : « Celui qui se vend lui-même et ses enfants comme esclaves à des païens n’est pas racheté, mais les enfants le sont après la mort de leur père, [car ils ne sont plus sous la protection de leur père et vont devenir païens]. » Guemara : « Rav Asi dit : Et cette halakha, selon laquelle il n’est pas racheté, s’applique uniquement lorsqu’il s’est vendu pour la première fois et a été racheté, et a répété son action en se vendant une seconde fois et a été racheté, et a répété son action en se vendant un troisième fois. Puisqu’il s’est vendu à plusieurs reprises, les Sages l’ont pénalisé en instituant qu’il ne puisse pas être racheté plus de deux fois. La Guemara raconte : Il y avait des habitants de la ville de Bei Mikhsi qui empruntaient de l’argent à des païens [mafieux], et ils n’avaient pas suffisamment de fonds pour les rembourser. En conséquence, les païens [mafieux] sont venus les capturer comme esclaves. Ces habitants de la ville se présentèrent devant Rav Huna et lui demandèrent d’ordonner à la Communauté Juive de les racheter. Rav Huna leur dit : Que puis-je faire pour vous, comme nous l’avons appris dans une Mishna : « Celui qui se vend lui-même et ses enfants comme esclaves à des païens n’est pas racheté. » Rabbi Abba dit à Rav Huna : Notre maître m’a appris : Et cette halakha ne s’applique que lorsqu’il s’est vendu, et a répété une deuxième fois, et a répété une troisième fois, ce qui n’était pas le cas dans cet incident. Rav Huna lui dit : Ces gens font cela habituellement, et c’est donc comme s’ils se vendaient une troisième fois.
En conclusion : même celui qui se met lui-même en détresse, et se retrouve en captivité (par exemple pour un prêt non remboursé à un groupe mafieux), la communauté est dans l’obligation de payer sa rançon (jusqu’à sa valeur monétaire – pas un montant illimité !), une première fois, puis une deuxième fois (s’il recommence). Mais pas plus ! Donc s’il se met en danger et est en captivité à trois reprises – la Communauté ne peut pas payer sa rançon et il finira ses jours en captivité…(On notera qu’on paie marginalement plus que la valeur de la personne, puisqu’on la paie deux fois pour deux situations répétées de mises en danger et prises en captivité.)
Qu’en est-il de celui qui se met lui-même en détresse plus que deux fois …et est en danger de mort si on ne paie pas sa rançon ? Est-ce la même règle ?
La Guemara poursuit et traite de ce cas. La Guemara raconte : « Un certain homme s’est vendu à une tribu cannibale [a priori pour au moins la troisième fois]. Il se présenta devant Rabbi Ami et lui dit : Rachète-moi. Rabbi Ami lui dit : Nous avons appris dans une mishna : « Celui qui se vend lui-même et ses enfants comme esclaves à des païens n’est pas racheté. Cependant, ses enfants sont rachetés » en raison du préjudice causé par leur assimilation parmi les païens [donc le risque de mort spirituel], et j’en déduis d’autant plus ici, où l’on craint que le laisser en esclavage puisse conduire à sa mort [physique], il devrait donc être racheté [même s’il s’agit d’une troisième ou quatrième fois]! Les Sages dirent à Rabbi Ami : Cet homme est un juif apostat, puisqu’il a été vu en train de manger de la viande non cachère (il mangeait des carcasses d’animaux non abattus rituellement et des animaux présentant une blessure mortelle, donc impropres à la consommation cachère [tereifot]. Il leur dit : Dites qu’il les mangeait à cause de son appétit, non pas parce qu’il est apostat, mais parce qu’il a été vaincu par la tentation. Ils lui dirent : [il mangeait de la viande non cachère ni par appétit, ni par tentation, ni par ignorance, ni par intérêt mais parce qu’il voulait sciemment s’exclure de la communauté juive, s’opposer au judaïsme par conviction] la preuve est que devant de la viande cachère et non cachère devant lui [avec le même goût, le même coût], il met de côté la nourriture autorisée et mange la nourriture interdite sciemment, indiquant que ce n’est pas la tentation seule qui le pousse à transgresser. Après avoir entendu cela, Rabbi Ami dit à cet homme : Va, car ils ne me permettent pas de te racheter [malgré ma volonté].
A noter, (1) que celui qui s’exclut de la Communauté, la Communauté n’est plus soumise à l’obligation de racheter un captif (le commandement « Que ton frère vive avec toi » notamment ne s’applique plus – puisqu’il ne veut plus être mon frère…), (2) qu’il n’existe guère de nos jours de juifs apostats – et ceux qui transgressent les commandements de la Thorah le font soit par intérêt, tentation ou ignorance et ne s’excluent donc pas de la communauté.
En conclusion – en cas de danger de mort, Rabbi Ami tranche qu’on peut racheter (à sa valeur) une personne qui s’est elle-même mise en danger et est désormais en captivité, un nombre illimité de fois…Commentaire personnel : cette guemara suggère que c’est l’option 2 qui est retenue (cf ci-dessus). A savoir, que l’interdiction de payer une rançon démesurée pour libérer un otage ne serait pas liée au risque d’appauvrissement de la communauté (la preuve, la communauté doit payer de manière répétitive une rançon raisonnable pour un « fou » qui se mettrait de multiples fois en danger de mort auprès de groupes mafieux) mais au risque de motiver des ravisseurs, pirates, bandits à prendre de nombreux otages dans le futur car c’est une activité très rentable (ce qui n’est pas le cas, lorsque c’est la personne elle-même qui s’est mise en danger en empruntant à la mafia …)
C- La Guemata Guittin 58a établit une exception à la règle nous imposant de ne pas payer une rançon qui dépasse la valeur monétaire de la personne captive. [Nous verrons par la suite comment évaluer « la valeur d’une personne » concernant la valorisation de sa rançon dans la société actuelle, sans marché d’esclave…]
Cette histoire se passe à l’époque de la Destruction du Beth Hamikdache.
Guemara : « Il y a eu un incident impliquant Rabbi Yehoshua ben Ḥananya qui s’est rendu un jour dans la grande ville de Rome, où des personnes de la Communauté lui ont dit : Il y a un enfant juif en prison avec de beaux yeux et une apparence attrayante, et ses cheveux bouclés sont disposés en mèches. Rabbi Yehoshua alla se tenir à l’entrée de la prison. Il dit, comme s’il se parlait à lui-même, un verset extrait du Prophète Ésaïe (que nous avons lu dans la Haftara de la Paracha Béréchit il y a quelques semaines…) « Qui a livré Jacob en butin et Israël aux voleurs ? (Ésaïe 42 :24). Cet enfant répondit en récitant la suite du verset : « Le Tout-Puissant, Lui contre qui nous avons péché et dans les voies duquel Israël n’a pas voulu marcher, et n’a pas non plus obéi à sa loi » Rabbi Yehoshua a dit : Je suis certain que, si on lui en donne l’occasion, cet enfant [deviendra un grand leader du Peuple Juif], rendra des décisions halakhiques importantes en Israël, car il est déjà extrêmement sage. Il a dit : Je jure sur le service du Temple que je ne bougerai pas d’ici jusqu’à ce que je l’ai racheté pour la somme d’argent qu’ils lui ont fixée – quelle quelle soit. On raconte qu’il n’avait effectivement pas bougé de là jusqu’à ce qu’il l’ait racheté pour une grosse somme d’argent, et peu de temps s’est écoulé avant que cet enfant ne devienne effectivement un grand leader et autorité halahique en Israël. Et qui était cet enfant ? C’était Rabbi Yishmael ben Elisha. »
On déduit de cette histoire que la Communauté peut payer un montant qui dépasse la « valeur monétaire de la personne » pour une personne avec un potentiel de devenir un Grand Sage dans la Thorah, Leader du Peuple Juif…ou pour un Leader actuel.
Enfin – Tossefot (XI-XIVième siècle) développe 5 exclusions à la règle générale nous imposant de ne pas payer une rançon qui dépasse la valeur monétaire de la personne – au travers de deux commentaires, l’un sur Guittin 45a et l’autre sur Guittin 58a [Tossefot Guittin 45a] [Tossefot Guittin 58a]
Selon Tossefot, les 5 cas pour lesquels le montant de la rançon n’est pas plafonné / est sans limite :
1. L’otage lui-même peut payer un montant illimité pour se libérer. Les Sages ne peuvent pas interdire à une personne de sauver sa vie en dépensant son argent. Et même si cela peut mettre en danger d’autres personnes fortunées qui risquent d’être prises en otage (si on tient l’option 2 – l’interdiction serait liée au risque de motiver les preneurs d’otages à d’autres prises d’otages. D’après l’option 1, évidemment il n’y a pas de risque d’appauvrissement de la collectivité dans ce cas précis) – Ketoubot 52a
2. Un homme marié doit payer un montant illimité pour sa femme prise en captivité. La femme est considérée comme une extension du « corps » de l’homme donc s’il n’y a pas de limite pour un homme lui-même, il n’y en n’a pas pour sa femme. Tout homme s’engage dans le Contrat de Mariage (Ketouba) à payer toute rançon dans la limite de ses biens pour libérer sa femme – Ketoubot 52a
3. Pour un Grand Sage dans la Thorah ou un Grand Sage en devenir, la communauté peut payer une rançon non plafonnée – Guittin 58a
4. Dans une période de chaos (exemple la période de la Destruction du Temple), pendant laquelle il n’y a plus de logique sur le montant des rançons demandées, on peut payer le montant demandé (au-delà de la valeur monétaire de la personne captive) sans risquer de motiver d’autres prises d’otages – Guittin 58a [Puisque le rachat de l’enfant qui deviendra Rabbi Yishmael ben Elisha s’est produite pendant la Destruction du Temple, Tossefot en déduit une exclusion générale, indépendante du fait que ce soit un Grand Sage / Leader en devenir]
5. En cas de danger de mort, Tossefot soutient que la rançon n’est pas plafonnée…
a. Il considère cette exclusion comme règle générale – en disant que c’est peut-être la raison pour laquelle l’enfant qui deviendra Rabbi Yishmael ben Elisha a été libéré pour
une très grosse somme d’argent – sans besoin de dire que c’est parce que c’est un Grand Sage en devenir (Guittin 58a)
b. Il déduit cette règle du fait que Rabbi Ami (cf ci-dessus) souhaitait racheter (à sa valeur, a priori) celui qui s’est vendu en esclave à une tribu cannibale (a priori pour la troisième fois et a déjà été racheté à deux reprises par la Communauté)…et aurait dit la même chose à la quatrième ou cinquième fois etc
c. Remarque personnelle : si on tient l’option 2 – à savoir que la limite imposée par la Michna a pour but de ne pas motiver les preneurs d’otages à cibler de nouvelles personnes pour obtenir une rançon illimitée – on comprend pourquoi cette règle ne s’applique pas à celui qui se met volontairement en situation de captivité …Mais cette exception ne devrait pas s’appliquer au cas général (prise d’otage) !
En conséquence, on ne comprend pas comment Tossefot peut faire du « cas de danger de mort » pour celui qui s’est proactivement mis en danger (en se vendant à des cannibales) une exception générale s’appliquant à toute prise d’otage …puisque payer un nombre illimité de fois la valeur d’une personne qui se met volontairement en danger …ne risque pas de motiver des prises d’otages au sein de la Communauté…mais par contre, payer un montant illimité pour tout otage pris en captivité motiverait à davantage de prises d’otages !? Sauf à dire que Tossefot soutient l’option 1 – risque d’appauvrissement de la Communauté – et que cette précaution ne tiendrait pas face au danger de mort…
Halaha / Choulhane Harouh / Yore Deah 252 4-6
Le Rambam et le Choulhane Harouh retiennent l’idée selon laquelle le prix d’une rançon est plafonné à la valeur monétaire de la personne est pour ne pas inciter les preneurs d’otages à prendre davantage de personnes en otage (option 2) et c’est cela le bien de la Communauté en conséquence duquel, un parent fortuné n’aurait pas le droit de payer un montant démesuré pour libérer son enfant ( !)…et seules trois exceptions sont retenues (les exclusions 1,2,3 ci-dessus: « Soi-même », « un Grand Sage » et probablement « Sa femme » (pas 4-5, « Danger de mort », « Chaos ») :
אין פודין השבויים יותר מכדי דמיהם מפני תיקון העולם שלא יהיו האויבים מוסרים עצמם עליהם לשבותם אבל אדם יכול לפדות את עצמו בכל מה שירצה וכן לת » ח או אפי ‘ אינו ת » ח אלא שהוא תלמידְ חריף ואפשר שיהיה אדם גדול פודים אותו בדמים מרובים ( ואם אשתו כאחר דמי או לא עייןְ בטור אבן העזר סי ‘ ע » ח)
« Les captifs ne doivent pas être rachetés à un coût déraisonnable, pour la sécurité de la société ; sinon, les ennemis déploieraient tous leurs efforts pour capturer leurs victimes. Mais un homme peut se racheter à tout prix. De même, un érudit devrait être racheté à un prix plus élevé, ou même un étudiant qui promet de devenir un grand érudit. (Quant à savoir si sa femme est considérée comme « une autre » ou « soi-même », voir Eben Ha-Ezer, 78.) »
Le Choulhane Harouh retient tout de même l’idée de ne pas appauvrir la Communauté démesurément, lorsqu’un captif s’est mis lui-même en danger (et donc que nous sommes en l’absence de l’autre risque : incitation à la prise d’otage) – sans danger de mort :
מי שְמכר עְצמו לְעובד כְוכבים אְו שְלוה מְהם וְשבו אְותו בְהלואתו פְעם רְאשונה וְשניה פְודים אְותו ְ ושלישית אְין פְודים אְותו אְבל פְודים אְת הְבנים לְאחר מְיתת אְביהם וְאם בְקשו לְהרגו פְודין אְותו מְיד ְאפילו אְחר כְמה פְעמיםְ
« Celui qui se vend aux païens, ou qui leur a emprunté et est retenu par eux pour non-paiement, doit être racheté une première et une deuxième fois, mais pas si cela se produit une troisième fois. Mais ses enfants devraient être rachetés après la mort du père. Cependant, si la vie de l’otage qui s’est lui-même mis dans cette situation est en danger, il doit être racheté immédiatement, peu importe le nombre de fois où cela s’est produit auparavant. »
En conclusion – payer la rançon d’un otage est une Mitsva primordiale…mais qui a ses limites pour éviter d’inciter les preneurs d’otages à mettre d’autres vie en danger. On ne pourra donc pas payer une rançon qui dépasse la « valeur monétaire » de la personne – sauf celui qui est lui-même otage peut dépenser sa fortune pour se libérer, celui qui libère sa « moitié », ou pour un grand érudit ou un futur Grand Sage de la Thorah.
• Comment évaluer la « valeur » d’une personne ?
A l’époque – la « valeur » d’une personne concernant le montant de la rançon maximale qu’il est possible de payer sans inciter les bandits à cibler la Communauté pour d’autres prises d’otages, est évaluée en fonction du marché aux esclaves (la valeur monétaire d’une personne dépend donc de son âge, sa capacité physique, sa santé, comme vu précédemment).
De nos jours – il faut regarder la moyenne standard payée dans le monde par les autres Nations pour des libération d’otages – pour satisfaire l’intention de la Thorah de ne pas libérer un captif en incitant à d’autres prises d’otages. Par exemple, les Etats-Unis vont échanger un prisonnier Russe contre un prisonnier Américain. En général, c’est en effet un contre un. Voilà l’opinion partagée par exemple par le Rav Asher Weiss (Décisionnaire actuel, en Israël).
• Etude de Responsa lors de demandes de rachat de captifs il y a 500-700 ans
Examinons des cas réels de Responsa de nos maîtres qui ont soit précédé (MaHaRaM de Rothenburg) ou vécu en même temps que la rédaction du Choulhane Harouh (XVI siècle)
o Maharam Lublin (1558 – 1616)
▪ Situation : un jeune juif a commis un crime dans un pays arabe. Il a été incarcéré et est en danger de mort. Une demande de rançon d’un montant exorbitant a été formulée pour sa libération.
▪ Le Maharam de Lublin a tranché conformément au Rambam et Choulhane Harouh qu’on ne peut pas payer un montant qui dépasse la norme / la valeur monétaire de la personne et ceci quand bien même la vie du captif est en danger.
▪ Le captif ne sera pas libéré
o MaHaRaM de Rothenburg (1215 – 1293)
▪ Le MaHaRaM (Morénou HaRav Méir) de Rothenburg est l’un des plus grands décisionnaires et Sages de la Thorah de son époque. Il étudia à Wurtzburg et à Mayence puis se rendit en France pour étudier dans la Yeshiva de Rabbi Yéhiel de Paris, Yeshiva de laquelle ont émergé nombre de Tossafistes
▪ Vendredi 17 juin 1244, Rabbi Méir fut le témoin oculaire de la crémation publique de vingt-quatre charrettes de manuscrits talmudiques, décidée sous le règne de Louis IX et il déplora cette tragédie dans sa célèbre « Kina » (élégie, poème de deuil) Chaali seroufah que nous disons le jour de Ticha beAv
▪ L’année suivante, Rabbi Méir retourna en Allemagne. Parmi ses disciples se trouvaient de nombreux érudits qui devinrent plus tard des codificateurs de premier plan, notamment le « Roch » et Rabbi Mordekhaï
▪ En ces temps-là, les Juifs d’Allemagne étaient persécutés. En 1286, Rabbi Méir prit toute sa famille et se mit en route pour la Terre d’Israël. Cependant, alors qu’ils traversaient la Lombardie, Rabbi Méir fut reconnu par un juif apostat qui accompagnait l’archevêque de Mayence. L’archevêque fit arrêter Rabbi Méir et le ramena en Allemagne. Là, sur ordre du roi Rodolphe, Rabbi Méir fut emprisonné dans la forteresse d’Ensisheim et soumis à une rançon. Le roi savait que les Juifs donneraient jusqu’à leur dernier mark pour racheter ce très grand Sage et, en effet, la somme de 20 000 marks fut réunie pour la libération de Rabbi Méir. Rabbi Méir, cependant, trancha que la Halaha interdit à ses amis et à ses disciples de payer la rançon!
▪ Pendant sept ans, Rabbi Méir demeura prisonnier dans cette forteresse jusqu’à sa mort en 1293. Pendant cette période, ses disciples étaient autorisés à le rencontrer, et il put même composer plusieurs de ses oeuvres entre les murs de la prison. Après sa mort, son corps ne fut rendu que 14 ans plus tard, lorsqu’une lourde rançon fut payée par un juif généreux, Alexander Suskind Wimpfen de Frankfort. En retour, Alexander Suskind demanda seulement qu’après sa propre mort, son corps repose aux côtés du saint Rabbi Méir. Son souhait fut exaucé lorsqu’il mourut un an plus tard, et dans l’ancien cimetière juif de Worms, deux pierres tombales furent érigées côte à côte.
▪ Pourquoi le MaHaRaM de Rothenburg n’a pas tranché la Halaha comme le fera le Choulhane Harouh quelques siècles plus tard, conformément à la Guemara Guittin 58a : pour un Grand Sage, il est autorisé de payer une rançon qui dépasse la norme ??
▪ Le Rav Asher Weiss explique que très certainement, le MaHaRaM a compris la Guemara de la manière suivante : on peut payer une rançon très élevée pour un Grand Sage ou un futur Grand Sage – uniquement si les preneurs d’otages n’ont pas conscience qu’il s’agit d’un Grand Sage…mais ici la raison pour laquelle il a été pris en otage est précisément car il était connu et reconnu comme l’un des plus Grands Sages de sa génération et s’il acceptait qu’on paie une somme colossale, tous les Sages de sa génération seront ciblés par des prises d’otages ! Voilà qui concorde bien avec le bien du monde et l’évitement d’une incitation à de nombreuses autres prises d’otages.
4. Peut-on libérer par la force des otages ?
Aussi surprenant que cela puisse paraître – la Michna Guittin 45a établit qu’on n’a pas le droit d’aider un captif à s’échapper de sa cellule pour le bien du monde ou le bien des autres captifs !
[Guittin 45a]
La Michna Guittin 45a rapporte deux opinions : l’Auteur de la Michna (probablement Rabbi Meir) VS Rabban Shimon ben Gamliel. L’auteur de la Michna tranche qu’ « on ne peut pas aider les captifs à s’échapper de leur cellule pour le bien du monde, [afin que les ravisseurs ne dégradent pas à l’avenir les conditions de détention de futurs éventuels captifs pour les empêcher de s’échapper, ce qui les ferait souffrir davantage]. Rabban Shimon ben Gamliel dit : Pour le bien des captifs [actuellement retenus avec le captif qu’on aurait aidé à s’échapper, afin que les ravisseurs ne vengent pas la fuite du captif en traitant les autres captifs, avec cruauté]. » La Guemara s’interroge sur la différence concrète entre l’opinion de l’Auteur de la Michna et celle de Rabban Shimon ben Gamliel.
La Guemara demande : « Quelle est la différence entre les deux raisons avancées ? La Guemara répond : Il y a une différence entre eux lorsqu’il n’y a qu’un seul captif. Si cette ordonnance a été instituée en faveur des autres captifs [retenus actuellement avec ce captif], afin que les ravisseurs ne vengent pas la fuite d’un captif en traitant les autres avec cruauté, alors s’il n’y a qu’un seul captif au départ, on peut l’aider à s’évader (opinion de Rabban Shimon ben Gamliel). Si elle avait été instituée pour que les ravisseurs ne dégradent pas à l’avenir les conditions de détention de futurs éventuels captifs, il serait également interdit d’aider un captif retenu seul à s’échapper].
Halaha / Choulhane Harouh / Yore Deah 252 – 5
La Halaha tranche selon l’option de l’Auteur de la Michna – donc de manière restrictive : même s’il y a un seul otage, on ne peut pas l’aider à s’échapper de ses ravisseurs !
אין מְבריחין הְשבויים מְפני תְיקון הְעולם שְלא יְהיו הְאויבים מְכבידים עְולם עְליהם וְמרבים בְשמירתםְ
« Les captifs ne doivent pas être aidés à s’échapper, pour le bien de la sécurité publique ; de peur que les ennemis ne traitent les captifs avec plus de sévérité et ne les enferment sous une garde plus étroite. »
A noter – qu’un otage peut s’échapper lui-même (personne ne peut interdire à un homme de sauver sa vie …même si cela risque de mettre en danger d’autres otages)
Il semblerait de manière étonnante qu’on n’aurait pas le droit de mener un commando militaire pour sauver des otages à la fois car les conditions de détention des prochains otages seront encore davantage dégradées et parce que cela mettrait directement en danger certains des otages si tous ne peuvent pas être libérés en même temps.
On notera tout de même que la Halaha et la Guemara ne parle pas d’attaquer et neutraliser les preneurs d’otages …mais d’aider l’otage à s’échapper. On peut aisément penser que précisément attaquer les preneurs d’otages dissuadera les futurs preneurs d’otages en herbe et conduira au bien du monde !
5. Quelles implications Halahiques sur les négociations avec des terroristes ?
Tout ce que nous avons vu précédemment concerne des paiements de rançon d’argent pour libérer des captifs, retenus en prison par des Gouvernements de pays non démocratiques en temps de paix. Quelles différences y a-t-il avec les négociations lors de prises d’otages par des terroristes, qui réclament rarement de l’argent mais des moyens pour poursuive le terrorisme et la guerre ?
Problématiques
• Peut-on payer des millions de dollars / essence à des terroristes contre un otage, en danger ?
• Peut-on échanger des centaines de terroristes contre quelques otages ?
• Peut-on attaquer militairement les preneurs d’otages pour libérer les otages avec le risque de pertes humaines (soldats et otages) ?
• Si on a le choix, est-il préférable de (1) payer de larges sommes / échanger des terroristes (avec risque éventuel futur de mise en danger) ou (2) attaquer militairement (avec risque immédiat de pertes humaines) ?
Analyses de Responsa de notre siècle liées à des négociations avec des terroristes :
A. Détournement du Vol TWA en Septembre 1970 et cas du Rav Yitzchak Hutner (Rosh Yechiva Haim Berlin) / Responsa du Rav Yaakov Kamenetsky
o En Septembre 1970, en l’espace de trois jours, des terroristes appartenant au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), l’aide radicale de l’OLP, détournèrent quatre avions de compagnies occidentales. Les appareils de la TWA et de Swissair furent contraints d’atterrir en Jordanie.
o Parmi les passages, se trouvait le Rav Yitzchak Hutner (Rosh Yechiva Haim Berlin), Grand Sage de la Thorah
o Ses élèves, conformément au Choulhane Harouh, rassemblèrent une forte somme d’argent qu’ils voulaient proposer au Gouvernement Américain pour négocier la libération de leur Rav
o Rav Yaakov Kamenetsky (1891 – 1986), Grand Décisionnaire de la Thorah aux Etats-Unis trancha que cela leur était interdit ! Pourquoi cela ?
o Selon sa décision halahique, on ne peut pas comparer le rachat de captifs en situation de paix – tel quel légiféré par les Guemaroths que nous avons vus – et le fait de renforcer des terroristes qui, depuis 1948, ont lancé une guerre contre Israël (il considérait que la Guerre d’Indépendance démarrée en 1948 n’était pas terminée en 1970 …). Aider des terroristes – dont le but affiché est la destruction d’Israël – à augmenter leur pouvoir de terrorisme n’a rien à voir avec le rachat d’un captif à un Gouvernement non démocratique en temps de paix…
B. Entebbe 1976 / Responsa du Rav Ovadia Yossef, Rav Shach et Rav Kanievsky (le Steipler) –à la demande d’Itshak Rabbin
o En 1976, un avion français est détourné vers Entebbe en Ouganda par un groupe terroriste palestinien du FPLP et Action Rouge. 258 passagers non juifs et non israéliens sont rapidement libérés. 103 otages juifs ou israéliens sont gardés en otages. Une demande d’échange contre 53 terroristes palestiniens détenus en Israël et à travers le monde a été demandée.
o Le Premier Ministre Itshak Rabbin sollicita le Rav Ovadia Yossef, Grand Rabbin Séfarade d’Israël pour qu’il se réunisse et tranche avec les autres Décisionnaires de le Génération si un échange de ce type était autorisé par la Loi Juive
o Au moment de rendre leur décision halahique – Itshak Rabbin informa qu’une opération militaire d’envergure – un commando militaire de Tshal a parcouru 4000 km, et a réussi miraculeusement à sauver une heure seulement après avoir atterri, 100 otages juifs!, à détruire 100 avions de chasse russes fournis par l’Union Soviétique au Gouvernement Ougandais. Un soldat est décédé (Yoni Netanyaou) ainsi que trois otages.
o Le Rav Ovadia Yossef dans sa Décision Halahique a mis en avant :
▪ Premièrement – la notion de Milhemet Mitsva, « Guerre juste obligatoire » qui est à prendre en compte. Cette notion transcende les limitations discutées plus haut sur le rachat des captifs et dépasse les individus et leur bien-être. Le Rambam définit plusieurs cas de Milhemet Mitsva, « Guerre juste obligatoire » et la défense du Peuple Juif lorsqu’il est menacé est l’un de ces cas. Le Rav Ovadia Yossef autorisa de négocier pour libérer les otages israéliens – et de procéder à un échange « terroristes contre otages ». De surcroît, ces terroristes représentent une possibilité de menace future, laquelle pourrait être neutralisée par la suite
▪ Deuxièmement – le fait qu’évidemment l’opération pouvait se dérouler Shabbath pour sauver des vies
▪ Troisièmement – qu’il est préférable d’attaquer militairement (malgré le risque quasi-certain de pertes humaines) que de céder aux demandes des terroristes et payer de larges sommes / échanger des terroristes (avec risque éventuel futur de mise en danger) si on a le choix…pour une question de Sanctification du Nom Du Tout-Puissant (Kiddush Hashem)
▪ Le Rav Ovadia Yossef, conclut sa Responsa, après avoir entendu le dénouement miraculeux – « combien doit être béni le Nom du Tout-Puissant pour avoir sauvé cent juifs en danger en opérant un si grand miracle aux yeux de toutes les nations par l’intermédiaire de Tsahal! Grand est celui qui bénit Son Nom en public»
C. Cas de Gilat Shalit 2006 / Responsa du Rav Yisrael Rosen
o Gilat Shalit a été pris en otage par le Hamas en 2006 via un tunnel offensif. Il a retenu 5 ans en captivité et a finalement été libéré en 2011 contre 1027 prisonniers – dont une des complices de l’attentat de 2001 du restaurant Sbarro pizza qui a tué 15 israéliens, et notamment contre Al-Sinwar, fondateur de la branche militaire du Hamas et dont le frère a organisé l’enlèvement de Gilat Shalit. Après sa libération Al-Sinwar a appelé à d’autres enlèvements…(source Wikipedia)
o Le Rav Yisrael Rosen a indiqué que la décision dans le cadre de Milhemet Mitsva appartenait au Gouvernement sur des considérations militaires, stratégiques et tactiques et ne relevaient pas des Halahoths de rachat des captifs
o Le fils du Rav Ovadia Yossef au nom de son père aurait indiqué que la Halaha autorise le Gouvernement à mener une opération militaire de sauvetage ou à échanger Gilat Shalit contre 1000 terroristes car le risque est seulement potentiel et qu’il serait possible de neutraliser par la suite le danger…
Considérations personnelles – cet avis ne fait évidemment pas autorité et a simplement pour but d’éveiller la réflexion sur le sujet – il me semble au vu de ce que nous avons dit précédemment que :
1/ la conduite d’une opération militaire de sauvetage est non seulement permise…mais participe d’une Milhemet Mitsva, de défense de juifs en danger et de la Sanctification du Nom du Tout-Puissant (Kiddoush Hashem)
– elle ne rentre pas dans l’interdit « d’aider un captif à s’échapper » – puisqu’il s’agit de neutraliser les preneurs d’otages et de dissuader les terroristes de futurs plans d’enlèvement et donc cela participe au bien du monde
– elle augmente le moral des soldats et de la populations (aucun israélien n’est abandonné)
2/ on ne peut pas échanger un otage contre des armes (qui accepterait de donner des avions de chasse à des terroristes contre la libération d’otages ?), ou du soutien au terrorisme (libérer un terroriste très dangereux qui menacerait des centaines ou milliers de vies)– je rejoins l’opinion du Rav Yaakov Kamenetsky. Il m’est difficile de penser qu’on soit autorisé à renforcer les ennemis du Peuple Juif
Point plus discutable – 3/ à mon avis, on ne peut pas – en général – échanger un otage contre des centaines ou millier de prisonniers non dangereux – et payer un prix si démesuré au vu des pratiques des autres Nations qu’on met tout le Peuple en danger…(même si on montre en même temps aux yeux du Monde combien on chérit la « vie » d’une seule personne…et on renforce le moral de tout le Peuple)
4/ On peut échanger 1 otage contre 1 prisonnier non dangereux (bien que cela revienne à céder aux demandes de preneurs d’otage)
Puissions-nous voir rapidement de grands miracles et assister à la libération de tous les otages « Béni soit le Tout-Puissant qui libère les captifs »
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