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Le Maasser Ksafim, la dîme liée à l’argent.

par: Rav Moshe Turetsky

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Cours de Rav Moshé Touretsky à la Yechiva des Etudiants, le 4 juillet 2001

Thème : le ma’asser, la Dîme.
Etude retranscrite par Mr Emmanuel Vaniche.

 

עשר בשביל שתתעשר, il y a une mitsva de prélever un dixième de ses revenus pour les עניי בני תורה ou les עניים. C’est l’unique mitsva pour laquelle on peut tester Hashem (la règle générale est de ne pas mettre Hashem à l’épreuve : לא תנסו את ה׳ אלוקיכם).

D’après le Gaon, en donnant 1/10, on ne subit pas de perte ; et en donnant deux fois 1/10, on s’enrichit.

Il y a trois opinions :

  1. Le ma’asser est une mitsva de la Torah : de même que pour les récoltes, cela s’applique à l’argent (c’est l’avis de Tossfot sur Ta’anit 9a) ;
  2. Le ma’asser est une mitsva דרבנן (d’après la plupart des poskim) ;
  3. Le ma’asser est un מנהג.

Le Shoul’han Aroukh (Yoré De’ah סימן רמ״ט) explique comment procéder: on prend 1/10 du capital de la première année, que l’on verse aux עניי בני תורה ou aux עניים. Puis, chaque année, on prélève 1/10 du revenu de ce capital.

Pourquoi-on peut-on tester Hashem sur cette mitsva ? Hashem sacrifie Son כבוד pour la פרנסה de ceux qui étudient la Torah, mais ne peut le sacrifier pour les autres mitsvot.

Qui doit donner 1/10, et qui doit donner deux fois 1/10 ?

Le Rema précise (Yoré De’ah סימן רנ״א, § ג׳) : פרנסת עצמו קודמת לכל אדם.

On distingue trois cas de figure :

  1. S’il a juste assez pour vivre dans le milieu où il se trouve, pour que sa famille ne soit pas gênée vis-à-vis de son entourage[1], et qu’après toutes les dépenses nécessaires à חיים בינוניים il ne lui reste plus rien, il n’a pas d’obligation de ma’asser.
  2. S’il gagne 10 000 F et en dépense 9 000 pour חיים בינוניים, il doit verser 1 000 F au ma’asser.
  3. S’il gagne 10 000 F et en dépense 8 000 pour חיים בינוניים, il doit verser 2 000 F au ma’asser.

Même s’il gagne énormément, au point que le ma’asser ne fasse aucune différence, il ne convient pas de donner plus que 1/5 (אל יבזבז יותר מחומש). Mais rares sont les personnes qui donnent autant…

 

Il y a deux façons de calculer le ma’asser :

–      On additionne tous les revenus, et on prélève 10% (ou 20%) ;

–      On soustrait aux revenus les dépenses nécessaires à חיים בינוניים, et on prélève 10% (ou 20%). C’est notamment l’opinion du כנסת הגדולה (סימן רמ״ט).

Donc si en se conformant à la première opinion, on n’a pas assez pour חיים בינוניים, on calcule alors le ma’asser suivant la deuxième opinion (si l’épouse a honte de ne pas partir en vacances, ou d’aller à un mariage sans acheter une nouvelle robe… ces dépenses entrent dans חיים בינוניים).

On voit dans les אגרות משה que pour déterminer l’assiette du ma’asser, on soustrait l’impôt sur le revenu, mais pas la TVA.

De manière générale, toute dépense obligatoire ne peut être considérée comme מעות מעשר : acheter des tefillin, manger kasher, envoyer ses enfants à l’école…

En ce qui concerne les écolages, on peut déduire des מעות מעשר la part qui dépasse le coût de revient de l’enfant scolarisé

Il y a une obligation de nourrir les enfants jusqu’à six ans si la rue est pure.

Mais aujourd’hui, où même les enfants élevés dans des institutions de confiance peuvent « mal tourner », il est nécessaire de les suivre sans limite.

Lorsque l’on achète des livres, si l’on met en ex-libris קניתי במעות מעשר en précisant que chacun a le droit de les emprunter, cette dépense peut entrer dans le ma’asser. Mais à l’heure actuelle, les livres sont très facilement disponibles : il n’est plus nécessaire de les acheter avec מעות מעשר.

Rav ‘Haïm Kanievsky (dans son ouvrage דרך אמונה) n’autorise pas de les inclure dans le ma’asser, sauf si ce sont des livres rares que l’on prête[2].

De toutes manières, aujourd’hui, l’achat de livres est loin de la préoccupation centrale : עניי בני תורה.

 

D’après l’opinion selon laquelle le ma’asser est une mitsva דרבנן, si l’on a un doute (on ne sait plus si l’on a donné l’année dernière, par exemple), le principe général ספק דרבנן לקולא s’applique.

Mais si le ma’asser est un מנהג que l’on a accepté sans dire בלי נדר, l’obligation est plus contraignante que pour une mitsva דרבנן !

 

Rambam (הלכות מעשר, פרק א׳, § י״ד) rapporte la Mishna : המרבה במעשרות מעשרותיו מקולקלין. La mitsva est de prélever 1/10 exactement : il y a des règles précises pour tester Hashem ! Le surplus peut aller à la tsedaka si on le souhaite. צדקה תציל ממוות, la tsedaka bien sûr a son importance, mais il n’y a pas la promesse de עשירות.

La עשירות requiert un calcul exact du ma’asser (indépendant de ce que l’on donne si un pauvre frappe à la porte pour demander la tsedaka).

 

Les dons à des shuls ou à des mosdot n’entrent pas dans le ma’asser (on ne sait pas bien où va l’argent). Le principe est d’aller chercher quelqu’un qui étudie. Comment définir un בן תורה ? C’est quelqu’un dont la Torah est la préoccupation essentielle (même s’il n’étudie pas à plein temps).

Prenons le cas d’une synagogue qui a brûlé : il y a une obligation de donner pour construire une schul dans son entourage, donc si j’appartiens à cette communauté, je dois donner de toutes manières, et cela ne peut entrer dans le ma’asser. Mais s’il ne s’agit pas d’une schul de mon entourage, un don pour la reconstruire peut être déduit du ma’asser.

De même pour un mikvé, mais le ‘Hatam Sofer dit dans l’une de ses שו״ת que si l’on a déjà mis de côté de l’argent pour soutenir l’étude de la Torah, on ne peut pas l’investir dans la construction d’un mikvé !

Il n’y a pas lieu d’attendre trois ימים טובים pour donner : mis à part le risque de גנבה, on doit se rappeler que des personnes ont besoin de cet argent !

NB : pour la tsedaka, mieux vaut donner un peu à un grand nombre de pauvres (comme le dit la Mishna : הכל לפי רוב המעשה, et non לפי גודל המעשה).

La récompense du ma’asser est l’argent, pas la santé. Car pour encourager à donner, il faut promettre un bon retour sur investissement, qui permettra de donner à nouveau ! Or la santé ne se partage pas…

הכנסת אורחים et פדיון שבויים sont des obligations qui incombent à chacun, donc n’entrent pas dans le ma’asser. הלווית מתים et ביקור חולים incombent au ציבור, donc entrent dans le ma’asser.

Si un בן תורה est עני, mieux vaut qu’il reste pauvre et étudie, car s’il s’enrichissait, il n’est pas sûr qu’il continuerait son étude : c’est la raison pour laquelle on a la mitsva de le soutenir.

 

Le calcul du ma’asser se fait sur la globalité des pertes et des gains réalisés sur les différents capitaux investis, une fois par an. Les plus-values latentes n’entrent pas dans le ma’asser.

Le ‘Hafets ‘Haïm recommande de déclarer que l’on va donner le ma’asser בלי נדר.

 


[1] NB : la בושה d’une femme est souvent plus grande.

[2] Or justement, dans le cas de livres rares ou précieux, il est peu probable qu’on les prête à d’autres…

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“Le Maasser Ksafim, la dîme liée à l’argent.”

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