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La joie

par: Rav Gerard Zyzek

Publié le 27 Aout 2007

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Parachat Ki Tavo. Devarim 28, 47.

תחת אשר לא עבדת את ה’ אלקיך בשמחה ובטוב לבב. Parachat Ki Tavo. Devarim 28, 47.

תחת אשר לא עבדת את ה’ אלקיך בשמחה ובטוב לבב. פרשת כי תבוא,כ »ח,מ »ז.
‘Parce que tu n’as pas servi l’Eternel ton D. avec joie et bon cœur’

Une partie importante de la Parachat Ki Tavo est ce que l’on appelle les Klallot, les Malédictions. La Torah nous expose avec force détails terribles ce qui arrive si les enfants d’Israël ne suivent pas l’alliance qu’ils ont contractée avec le Boré Olam, le Créateur.

La Torah nous dit dans notre verset qu’une des causes de ces malheurs est le fait de ne pas avoir servi D. avec joie et bon cœur.

Le verset ne dit pas : parce que tu n’as pas servi D., non !
Le verset dit : parce que tu n’as pas servi dans la joie.
En quoi servir D. dans la joie peut être une chose tellement importante et tellement fondamentale ? Et si je ne suis pas d’un caractère joyeux, que vais-je devenir ? Et qu’y a-t-il à se réjouir dans notre vie avec tous les malheurs desquels l’humanité est percluse ?

Tristes, soyons tristes ! Pourquoi pas ? Vive la tristesse !

Où y a-t-il place à la joie dans notre vie ?

Le Talmud pose cette question dans le second chapitre du traité Chabbat (30b) :

‘ il y a contradiction entre les versets, d’un côté le verset dit « je complimente la joie » et un autre verset dit « et qu’apporte donc la joie » ?’

le Talmud répond : ‘le premier verset qui complimente la joie parle de la joie de Mitsva, le verset qui regarde de manière désabusée la joie parle de la joie qui n’est pas de Mitsva’.

Une Mitsva est un commandement de la Torah. Le Talmud nous dit donc qu’une joie qui n’est pas liée à l’accomplissement d’un commandement de la Torah n’a aucun intérêt. Evidemment que pouvions-nous attendre que les Rabbins disent ? Ils défendent leur fond de commerce ! Les commandements de D. !

Regardons la suite du passage du Talmud.
‘le verset qui complimente la joie parle de la joie de Mitsva, ce qui t’enseigne que la présence divine ne réside ni du cœur de la tristesse, ni du cœur de la paresse, ni du cœur du rire, ni du cœur de la légèreté, ni du cœur du bavardage, ni du cœur des occupations vaines mais du cœur de la joie de Mitsva, comme dit le verset (Mela’him II,3) : et maintenant amenez moi un musicien, et lorsque le musicien joua ,la Main de D. fut sur lui (la prophétie fut sur le prophète Elicha)’. [[Situons le verset de Mela’him : le prophète Elicha sur le coup de la colère perdit le souffle prophétique, il demande que joue un musicien pour retrouver la prophétie.]]

Plusieurs questions.
– La phrase ‘ce qui t’enseigne’ n’a aucun rapport avec ce dont il vient d’être question.
– Deuxièmement, nos Maîtres nous enseignent que la présence divine ne vient pas de la paresse, ni de l’oisiveté etc.., que veulent-ils dire par là ? cela paraît évident ! Quelle hypothèse veulent-ils exclure ?
– Troisièmement, où voyons-nous une notion de Joie de Mitsva dans l’exemple d’Elicha ?

Rachi dans son commentaire sur ce passage du talmud répond à la troisième question :

‘amenez moi un musicien. c’est une Mitsva de faire en sorte que la présence divine réside sur soi.’

Ce commentaire est stupéfiant ! Où y a-t-il un tel commandement de la Torah ‘de faire en sorte que la présence divine réside sur soi’ ? Quelle est cette invention ?

Il nous semble répondre ainsi.

Rachi nous enseigne ici ce que sont les commandements de la Torah. Les commandements de la Torah sont là pour que réside sur nous la présence divine. Dans le mot Mitsva il y a certes le sens d’ordre, de commandement mais, et c’est ce que nos Maîtres nous enseignent ici, il y a aussi le sens de lien, de proximité, d’être en compagnie de, comme nous le trouvons dans l’expression araméenne ליהוי צוותא לחבריה ‘qu’il soit en compagnie de ses camarades’ (traité Baba Batra, 21a), Tsavta Lé’havré.

Rachi nous enseigne que la base des Mitsvot, leur réalité intérieure, est de nous donner la possibilité d’être en ‘compagnie’, Tsavta, de la présence divine.

Qu’est-ce que l’homme, que sommes nous ?
D’un côté, êtres de chair et de sang, pétris de folies et de bassesse, et d’un autre coté nous voyons que dès que D. crée l’homme, Il s’adresse à lui comme à un interlocuteur valable. [[Voir Béréchit chapitre 1 verset 28.]] Dès sa création l’homme est prophète, il est dans la proximité intime du Très Haut. Hakadoch Barou’h Hou, D., nous a donné les Mitsvot pour retrouver cette intimité, cette proximité. C’est ce que Rachi nous enseigne dans son étonnant commentaire. Et par cela répond-il à la troisième question que nous avions posée.

Toutefois il nous semble que Rachi du même coup nous a répondu aussi aux deux premières.

Qu’apprenons-nous du verset du prophète Elicha ? Nous apprenons de là que le liant, ce qui va conférer la dimension prophétique à la Mitsva c’est la joie. Le souffle prophétique s’est échappé d’Elicha, il demande : jouez-moi de la musique ! et la Main de D. fut sur lui.

Quelle était l’hypothèse de dire que la présence divine viendrait du cœur des bêtises ? Nous aimerions dire qu’il n’y a jamais eu une telle hypothèse mais ce que nos Maîtres veulent dire ici c’est que l’homme sans joie de Mitsva n’est que tristesse, paresse, rire, légèreté, bavardage, occupations vaines et que sans la joie dans son accomplissement la Mitsva laisse l’homme dans son absurde et sa vacuité et c’est ce que le verset de notre Paracha nous enseigne. Quand bien même servirions-nous D. mais sans joie et bon cœur, nous resterions exilés de nous-mêmes. D’où les malédictions, que D. nous en préserve !

Mais pourquoi ?

Si la Mitsva est la possibilité d’un lien avec la présence divine, la Che’hina, la joie dans l’accomplissement de cette Mitsva est la capacité d’être réceptif à cette Che’hina. la joie est essentiellement réceptivité. Sans joie je suis ‘gros Jean comme devant’, je suis être limité, enfermé, ligoté dans mes frustrations, mes manques, et cela même si j’accomplis les Mitsvot puisque je reste cloîtré en moi-même, non réceptif.
Le traité Taanit (22a) nous enseigne une bien drôle d’histoire :

‘Rabbi Broka ‘Hozaa allait souvent au marché de Léfett. Le prophète Elie venait l’y rencontrer fréquemment. Rabbi Broka lui demanda : y a-t-il dans ce marché quelqu’un qui pourrait accéder au Monde Futur ? Et voici que vinrent deux frères. Le prophète lui dit : ces deux hommes pourraient très bien accéder au Monde Futur. Rabbi Broka alla les voir et leur dit : que faites-vous (pour avoir un tel mérite) ? Ils lui dirent : nous sommes des marrants et nous faisons rire les gens tristes’

Rachi commente : ‘des gens drôles, joyeux et qui rendent joyeux les gens’.

Nous pouvons nous demander, en quoi y a-t-il un si grand mérite ?

Il nous semble pouvoir expliquer sur la base d’un commentaire du Maharal de Prague[[Nétsa’h Israël ch.29]]. L’individu est de l’ordre du matériel. Le Monde Futur est radicalement non-matériel. La joie est la capacité d’être réceptif à autre chose que soi-même, à s’ouvrir à autre chose que soi-même, à un souffle prophétique. La joie introduit de l’illimité au sein du limité.

Le texte du traité Taanit rajoute encore un point important :

‘Ils lui dirent : nous sommes des marrants et nous faisons rire les gens tristes et de plus lorsque nous voyons deux personnes qui sont en conflit on met toute notre énergie pour les faire rigoler entre eux et après ils font la paix’.

Nos Maîtres disent ici que essentiellement la tristesse est source de conflit car l’homme triste est perclus par ses désirs inassouvis et ses délires brisés. Un rire et il supporte déjà ses comparses.

Qu’Hakadoch Barou’h Hou nous aide à Le servir dans la joie et le bon cœur !

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Directeur de la Yéchiva des Etudiants

“La joie”

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