Le début du livre de Bamidbar nous rapporte le dénombrement des enfants d’Israël dans le désert. Les enfants de la tribu de Lévy ne sont pas recensés avec les autres tribus du fait de leur vocation exceptionnelle qui est d’enseigner la Torah et de s’occuper des besoins du Michkan, le Tabernacle.
Toutefois, étonnement, Hakadoch Barou’h Hou, D., demande de faire le compte de la famille de Kéhat fils de Lévy avant celui de la famille de son frère aîné Guerchon. Et c’est justement sur le dénombrement des enfants de la famille de Guerchon que commence la Paracha de Nasso.
‘Prends le compte des fils de Guerchon eux aussi selon leur maison paternelle selon leurs familles’.
Nous avons traduit dans un premier temps le mot Nasso par ‘prends le compte’, ce qui est exact mais le terme précis est plus exactement ‘élève’, c’est-à-dire que prendre le compte c’est porter son attention sur, c’est donner de l’importance à. Ici le verset nous dit donc : porte de l’attention aux fils de Guerchon à eux aussi.
Que signifie cette expression : ‘à eux aussi’ ? On dirait une certaine forme de condescendance !
Nous pourrions dire que le début de la Parachat Nasso ‘élève’ nous enseigne le chemin, la démarche qu’a à accomplir celui qui se vit comme rejeté. En effet le mot Guerchon signifie ‘jeté’ de la racine Garech, renvoyer, répudier, et c’est un fait que la position de la famille de Guerchon n’est pas aisée, particulièrement en cela que lui a été préféré dans une certaine mesure la famille de son frère cadet Kéhat [[Kéhat dont le nom signifie ‘assembler’ car effectivement Kéhat représente le Maître de Torah qui fait de grands rassemblements pour enseigner à ses frères]]. Et nous voyons souvent d’ailleurs dans la Torah que les aînés ont une difficulté particulière à se positionner. Guerchon n’a pas la flamme de son cadet, son idéalisme. Il est compté en second au mépris de sa position de fils aîné. Et malgré tout le verset dit à son sujet cette expression grandiose ‘Nasso’, ‘élève le compte’.
Le compte des fils de Guerchon est dans une certaine mesure la réparation de l’attitude de Caïn dans le livre de Béréchit.
Caïn fait une offrande à D. et D. n’y porte pas attention, bien au contraire c’est à l’offrande de son cadet Abel que D. porte son attention. Caïn est torturé. Il se vit comme rejeté, exclu.
Cela pourrait être l’attitude de Guerchon.
D. dit à Caïn : ‘si tu t’améliores, tu pourras t’élever (au dessus de ta faute. Onkelos)’. En fait il tua son frère.
Qu’a fait Guerchon pour sortir de cette malédiction de l’exclusion, du rejet ?
Le commentaire Béèr Moché répond que le verset nous indique deux éléments fondamentaux :
1°) Le verset nous dit ‘voici le service de la famille de Guerchon : de servir et de porter’ ; nous pouvons dire ‘de porter’ c’est à dire ‘de supporter’. Souvent nous nous vivons comme exclus, nous faisons des efforts, voire de grands efforts et nous ne voyons pas du tout comment nous sommes payés en retour. Nous nous sentons abandonnés, nous sommes pris d’un sentiment de révolte. Le verset dit ‘de servir et de porter’, Guerchon supporta sa situation, ‘porta’ sa situation et par cela dans une certaine mesure ‘s’éleva’ au dessus de sa faute, au dessus de ses imperfections.
2°) Le verset dit ‘eux aussi’. Nous trouvons cette expression justement à propos de Abel, comme dit le verset ‘Abel lui aussi amena des prémices de son troupeau et de son meilleur, ‘lui aussi’ ‘. Il y a une certaine humilité dans cette expression comme si Abel était vexé de ne pas avoir eu l’idée d’offrir en premier une offrande à D. et que malgré cette vexation il fait un effort et apporte du meilleur, le verset dit ‘lui aussi’, ‘lui’ comme si il s’offrait lui-même. C’est-à-dire qu’en supportant ce sentiment terrible d’exclusion il se découvrait ‘lui aussi’, c’est ce que dit le verset à propos des fils de Guerchon ‘eux aussi’ .
Ils méritent alors que ce soit par eux que commence notre Paracha par ce mot grandiose ‘Nasso’ : ‘élève’ .
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