PESSA’H, une nouvelle vision du TEMPS
Adapté d’un enseignement de Rav Moshé Shapira זצ »ל
par Mr Yves Doraï
A la mémoire de notre cher père et maître Mr Roger Doraï לעילוי נשמת החבר חיים בן משה ז »ל
רש »י בראשית פרשת בראשית פרק א פסוק א
בְּרֵאשִׁית. אָמַר רַבִּי יִצְחָק לֹא הָיָה צָרִיךְ לְהַתְחִיל אֶת הַתּוֹרָה אֶלָּא מֵהַחֹדֶשׁ הַזֶּה לָכֶם שֶׁהִיא מִצְוָה רִאשׁוֹנָה שֶׁנִּצְטַוּוּ יִשְׂרָאֵל. וּמַה טַּעַם פָּתַח בִּבְרֵאשִׁית? מִשּׁוּם (תְּהִלִּים קי »א) כֹּחַ מַעֲשָׂיו הִגִּיד לְעַמּוֹ לָתֵת לָהֶם נַחֲלַת גּוֹיִם, שֶׁאִם יֹאמְרוּ אוּמוֹת הָעוֹלָם לְיִשְׂרָאֵל לִסְטִים אַתֶּם שֶׁכְּבַשְׁתֶּם אֲרָצוֹת שִׁבְעָה גּוֹיִם, הֵם אוֹמְרִים לָהֶם כָּל הָאָרֶץ שֶׁל הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא הִיא, הוּא בְּרָאָהּ וּנְתָנָהּ לַאֲשֶׁר יָשַׁר בְּעֵינָיו, בִּרְצוֹנוֹ נְתָנָהּ לָהֶם וּבִרְצוֹנוֹ נְטָלָהּ מֵהֶם וּנְתָנָהּ לָנוּ:
Ce premier commentaire de Rachi sur la Torah est très connu :
« La Torah aurait dû commencer par : Ce mois (de Nissan) sera pour vous le début des mois, il sera le premier pour vous des mois de l’année, qui est la première Mitsva ordonnée à Israël.
Quelle est la raison pour laquelle la Torah commence par:Beréchit (c’est-à-dire par la création du monde)? (La réponse se trouve dans Téhilim) : Hachem raconte à son peuple, la puissance de Ses œuvres pour lui donner l’héritage des nations. Si les nations du monde disent à Israël : Vous êtes des voleurs car vous avez conquis les terres des sept peuples, alors Israël leurs répondra : Toute la terre appartient à Hachem, c’est Lui qui l’a créé et l’a donné à celui qui était droit à ses yeux ; selon Sa volonté Il a donné cette terre à ces peuples et selon Sa volonté Il leur a reprise et nous l’a donnée. »
Nous apprenons ainsi que pour Rachi, le seul commencement est celui qui m’enseigne une Mitsva, un commandement, puisque le mot « Torah » vient de la racine « enseignement », la Torah nous enseigne les actions à réaliser.
Dans ces conditions, il apparaît que le véritable commencement de la Torah doit être l’énoncé de la première Mitsva : la fixation des mois sur le cycle lunaire, (Le mois de Nissan étant le premier mois).
Le récit de la création du monde ne contenant pas de Mitsva, ne devrait pas être le début du livre de la Torah.
Néanmoins, si on s’en tient au raisonnement de Rachi, La Torah commence par le récit de la création, qui est un pseudo-commencement du Livre uniquement placé ici, pour répondre à l’accusation des nations, d’appropriation illégitime de territoires.
Or l’Auteur de la Torah n’a pas jugé utile de produire deux livres séparés : Le livre de la création et le livre des Mitsvot. Cela implique qu’il y a un lien organique fort entre ces deux points de départ : la Mitsva de fixation du calendrier, et la création du monde qui doit nécessairement le précéder.
- 1. Quel est le lien entre ces deux commencements ? Celui des commandements qui est la fixation du calendrier et celui du livre de la Torah qui traite du récit de la création du monde pour répondre à l’accusation des nations?
C’est ce problème que nous allons essayer de résoudre.
Nous savons que Rambam a fixé au nombre de treize les fondements de notre Torah (עִקְּרֵי תּוֹרָתֵנוּ). Un homme qui mettrait en cause l’un de ces fondements s’exclut de la communauté (des croyants), renierait l’essentiel et est appelé hérétique.
פֵּרוּשׁ הַמְּשַׁנֶּה לָרַמְבָּ »ם מַסֶּכֶת סַנְהֶדְרִין פָּרַק י מְשַׁנָּה א.
וּמִמָּה שֶׁרָאוּי שֶׁאַזְכִּיר כָּאן וְזֶהוּ הַמָּקוֹם הַיּוֹתֵר רָאוּי לְהַזְכִּירָם בּוֹ, שֶׁעִקְּרֵי תּוֹרָתֵנוּ הַטָּהֳרָה וִיסוּדוֹתֶיהָ שְׁלֹשׁ עֶשְׂרֵה יְסוֹדוֹת…
וְכַאֲשֶׁר יְפַקְפֵּק אָדָם בִּיסוֹד מֵאִלּוּ הַיְּסוֹדוֹת הֲרֵי זֶה יָצָא מִן הַכְּלָל וְכָפַר בָּעִקָּר, וְנִקְרָא מִין וְאֶפִּיקוֹרוֹס וְקוֹצֵץ בַּנְּטִיעוֹת…
- 2. Ce texte du Rambam est problématique. En effet, les commentateurs se demandent quelles sont les sources qui lui permettent de définir ces treize principes, alors que Le Talmud n’en parle absolument pas, ni de la notion elle-même, ni du nombre treize ? Pourtant, tous nos maîtres ont repris ce principe de « fondement de notre Torah » עִקְּרֵי תּוֹרָתֵנוּ et le peuple juif dans son ensemble reconnaît l’existence de ces treize articles de foi ; quelle est donc l’origine de ces treize fondements de notre Torah ?
Nous trouvons une seule chose que la Torah elle-même a fixée comme « principe de base » servant d’origine à toute la Torah, telles des branches d’un arbre issues de ses racines ; c’est la sortie d’Égypte, יְצִיאַת מִצְרַיִם
Essayons de démontrer cela :
- Dans les dix commandements de la Paracha de Vaèt’hanan, nous découvrons que la raison de la Mitsva de Chabbat est le souvenir de la sortie d’Egypte :
דברים פרק ה פסוק טו
וְזָכַרְתָּ֗֞ כִּ֣י־עֶ֥בֶד הָיִ֣֨יתָ֙׀ בְּאֶ֣רֶץ מִצְרַ֗֔יִם וַיֹּצִ֨אֲךָ֩֜ יְקֹוָ֤֨ק אֱ-לֹהֶ֤֨יךָ֙ מִשָּׁ֔ם֙ בְּיָד חֲזָקָ֖ה֙ וּבִזְרֹ֣עַ נְטוּיָ֑֔ה עַל־כֵּ֗ן צִוְּךָ֙ יְקֹוָ֣ק אֱ-לֹהֶ֔יךָ לַעֲשׂ֖וֹת אֶת־י֥וֹם הַשַּׁבָּֽת:
Et tu te souviendras que tu étais esclave dans le pays d’Égypte et que Hachem ton D. t’a fait sortir de là-bas, d’une main puissante et d’un bras étendu, c’est pour cela que Hachem ton D. t’a ordonné de faire le jour du Chabbat.
- Toutes les fêtes sont en souvenir de la sortie d’Égypte, זֵכֶר לִיצִיאַת מִצְרַיִם.
- La Mitsva de Téfiline.
- La Kedoucha des premiers nés.
- L’interdiction de faire des prêts à intérêt.
- L’interdiction de tricher dans les poids et mesures.
- La Mitsva de Tsitsit est aussi en souvenir de la sortie d’Égypte.
Or dans cette liste il y a des Mitsvot comme le Chabbat et les Tsitsit sur lesquelles nos Sages disent qu’elles incluent toutes les autres Mitsvot : Respecter le Chabbat, équivaut à respecter toutes les Mitsvot et le Passouk dit explicitement sur les Tsitsit : « Et vous vous souviendrez de toutes les Mitsvot ».
Nous voyons donc que la Torah elle-même a fixé que les Mitsvot découlent de la sortie d’Égypte.
- Dans la Hagada de Péssa’h, nous trouvons même le mot « עִקָּר », à propos de la réponse que l’on donne au mauvais fils :
וּלְפִי שֶׁהוצִיא אֶת עַצְמו מִן הַכְּלָל כָּפַר בְּעִקָּר
Puisqu’il s’est exclu lui-même de la communauté, il a renié l’essentiel.
Celui-ci s’est exclu de l’ensemble de ceux qui sortent d’Égypte, de ceux pour qui la sortie d’Égypte a un sens pour l’existence. Un tel homme renie l’essentiel.
Nous apprenons une nouvelle fois que la sortie d’Égypte est un principe fondamental écrit dans la Torah elle-même !
Maintenant il nous reste à savoir quel est l’enseignement que la Torah elle-même a fixé dans la sortie d’Égypte ?
Là aussi, les Pessoukim sont clairs dans la Paracha de Vaéra à propos des dix plaies :
שמות פרק ח,ו: וַיֹּ֖אמֶר לְמָחָ֑ר וַיֹּ֙אמֶר֙ כִּדְבָ֣רְךָ֔ לְמַ֣עַן תֵּדַ֔ע כִּי־אֵ֖ין כַּיקֹוָ֥ק אֱ-לֹהֵֽינוּ:
שמות פרק ח,יח: …לְמַ֣עַן תֵּדַ֔ע כִּ֛י אֲנִ֥י יְקֹוָ֖ק בְּקֶ֥רֶב הָאָֽרֶץ:
שמות פרק ט,יד: …בַּעֲב֣וּר תֵּדַ֔ע כִּ֛י אֵ֥ין כָּמֹ֖נִי בְּכָל־הָאָֽרֶץ:
שמות פרק ט,כט:…לְמַ֣עַן תֵּדַ֔ע כִּ֥י לַיקֹוָ֖ק הָאָֽרֶץ:
…Afin que tu saches que nul n’est comme Hachem notre D.
…Afin que tu saches que Je suis Hachem au sein de la terre.
…Afin que tu saches que nul ne M’égale sur toute la terre.
…Afin que tu saches que la terre est à Hachem.
La sortie d’Égypte est par excellence l’école de la croyance, de la confiance en D. et en Ses pouvoirs ; C’est ce qu’on nomme Emouna, אֱמוּנָה .
Ainsi la Emouna apparait comme le fondement, le Ikar de toutes les Mitsvot, telles que l’explicite clairement la Torah dans les Pessoukim énoncés ci-dessus.
Il n’est donc pas étonnant que Rambam ait repris ces deux mots de « Ikaré Haémouna », pour nommer ces « treize principes de foi » de la Torah !
Ramban reprend cette même idée de la centralité de la sortie d’Égypte, à la fin de la Parachat Bo.
Il nous faut maintenant entrer dans les détails de ces treize principes établis par Rambam, pour démontrer comment chacun de ces principes découle de la sortie d’Égypte ?
Six principes sur treize traitent du Créateur. Deux principes traitent de la prophétie, deux de la Torah, un de la rétribution des actions, un de la délivrance et le dernier traite de la résurrection des Morts.
- On comprend bien que les principes se référant directement à Hachem découlent de cette croyance, comme nous l’avons vu dans les Pessoukim de la Paracha de Vaéra à propos des dix plaies.
- La notion de prophétie peut aussi trouver un lien avec cette délivrance.
- Les deux principes de base liés à la Torah qui sont, son intemporalité et son origine céleste, découlent aussi de la sortie d’Égypte, comme on le voit dans le Passouk suivant :
שמות פרק ג,יב וַיֹּ֙אמֶר֙…וְזֶה־לְּךָ֣ הָא֔וֹת כִּ֥י אָנֹכִ֖י שְׁלַחְתִּ֑יךָ בְּהוֹצִֽיאֲךָ֤ אֶת־הָעָם֙ מִמִּצְרַ֔יִם תַּֽעַבְדוּן֙ אֶת־הָ֣אֱ-לֹהִ֔ים עַ֖ל הָהָ֥ר הַזֶּֽה:
…Quand tu feras sortir le peuple de l’Égypte, vous servirez D. sur cette montagne.
- Le principe de rétribution-châtiment vient aussi de là :
בראשית פרק טו,יד: וְגַ֧ם אֶת־הַגּ֛וֹי אֲשֶׁ֥ר יַעֲבֹ֖דוּ דָּ֣ן אָנֹ֑כִי וְאַחֲרֵי־כֵ֥ן יֵצְא֖וּ בִּרְכֻ֥שׁ גָּדֽוֹל:
Et aussi le peuple qu’ils serviront, Je le jugerais et après cela ils sortiront avec de grandes richesses.
- De même, la notion de messianisme procède de la sortie d’Égypte ; en effet la délivrance d’Égypte inclus toutes les promesses sur les futures délivrances, comme on le voit dans la Kedoucha du Kéter de Moussaf :
הוּא יוֹשִׁיעֵנוּ וְיִגְאָלֵנוּ שֵׁנִית, וְיַשְׁמִיעֵנוּ בְּרַחֲמָיו לְעֵינֵי כָּל חַי לֵאמֹר, הֵן גָּאַלְתִּי אֶתְכֶם אַחֲרִית כְּרֵאשִׁית לִהְיוֹת לָכֶם
לֵא-לֹהִים, אֲנִי יְקוָק אֱ-לֹהֵיכֶם:
Voici Je vous délivrerais à la fin comme au début pour être D. pour vous.
- 3. Le seul principe qui semble sans lien avec la Sortie d’Egypte est celui de la croyance en la résurrection des morts.
Où donc se joue le lien entre résurrection des morts et sortie d’Égypte ?
סַנְהֶדְרִין צ.
מִשְׁנָה. כָּל יִשְׂרָאֵל יֵשׁ לָהֶם חֵלֶק לָעוֹלָם הַבָּא, שֶׁנֶּאֱמַר: וְעַמֵּךְ֙ כֻּלָּ֣ם צַדִּיקִ֔ים לְעוֹלָ֖ם יִ֣ירְשׁוּ אָ֑רֶץ נֵ֧צֶר מטעו מַטָּעַ֛י מַעֲשֵׂ֥ה יָדַ֖י לְהִתְפָּאֵֽר: וְאֵלּוּ שֶׁאֵין לָהֶם חֵלֶק לָעוֹלָם הַבָּא: הָאוֹמֵר אֵין תְּחִיַּת הַמֵּתִים מִן הַתּוֹרָה, וְאֵין תּוֹרָה מִן הַשָּׁמַיִם, וְאֶפִּיקוֹרוֹס…
גְּמָרָא. וְכָל כָּךְ לָמָּה? תָּנָא: הוּא כָּפַר בִּתְחִיַּת הַמֵּתִים – לְפִיכָךְ לֹא יִהְיֶה לוֹ חֵלֶק בִּתְחִיַּת הַמֵּתִים, שֶׁכָּל מִדּוֹתָיו שֶׁל הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא מִדָּה כְּנֶגֶד מִדָּה.
רָשִׁ »י :
הָכִי גָּרְסִינַן הָאוֹמֵר אֵין תְּחִיַּת הַמֵּתִים מִן הַתּוֹרָה – שֶׁכּוֹפֵר בְּמִדְרָשִׁים דְּדַרְשִׁינָן בַּגְּמָרָא לְקָמָן: מִנְייָן לִתְחִיַּת הַמֵּתִים מִן הַתּוֹרָה, וְאַפִּילוֹ יְהֵא מוֹדֶה וּמַאֲמִין שֶׁיִּחְיוּ הַמֵּתִים אֶלָּא דְּלָא רְמִיזָא בְּאוֹרָיְתָא – כּוֹפֵר הוּא, הוֹאִיל וְעוֹקֵר שֶׁיֵּשׁ תְּחִיַּת הַמֵּתִים
מִןהַתּוֹרָה – מַה לָּנוּ וְלֶאֱמוּנָתוֹ, וְכִי מֵהֵיכָן הוּא יוֹדֵעַ שֶׁכֵּן הוּא – הִלְכָּךְ כּוֹפֵר גָּמוּר הוּא.
Michna : Tout Israël a part au monde à venir… et voici ceux qui n’ont pas part au monde à venir : celui qui dit qu’il n’y a pas de résurrection des morts dans la Torah, et celui qui dit que la Torah ne vient pas du Ciel et l’Apikoros.
Guemara : Pourquoi tant que ça ? (une telle punition) On enseigne : Il a renié la résurrection des morts, pour cela il n’aura pas de part dans la résurrection des morts, car toutes les mesures de Hachem sont, « mesure pour mesure ».
Rachi : Celui qui dit qu’il n’y a pas de résurrection des morts dans la Torah : Il renie les Midrashim que l’on fait dans la Guemara : « D’où déduit-on la résurrection des morts dans la Torah ». Et même s’il est d’accord et qu’il croit que les morts revivront, mais s’il pense qu’il n’y a pas d’allusion de cela dans la Torah, il renie, puisqu’il déracine le fait qu’on parle de la résurrection des morts dans la Torah, qu’a donc à voir sa croyance avec la notre ?! car d’où sait-il que c’est ainsi ! c’est pourquoi il est considéré comme un renégat complet.
- 4. Les paroles de Rachi nécessitent une explication ; Pourquoi au sujet de la résurrection des morts, la croyance ne suffit pas, il faut en plus le savoir à partir des déductions de la Guemara, de la Torah, alors que dans toutes les autres Mitsvot, comme par exemple la couleur noire des Téfilines, la croyance suffit ! Quelle est la gravité de sa faute ? pourquoi le considérer comme « un renégat complet » alors qu’il y croit ??
Quelle est la question de Rachi, quand il dit : « d’où sait-il que c’est ainsi ! », mais il le sait du même endroit que les Téfilines sont noirs, car il l’a reçu de ses maîtres et sa croyance est entière, בֶּאֱמוּנָה שְׁלֵמָה ?!
סַנְהֶדְרִין צא.
אָמַר לֵיהּ הַהוּא מִינָא לִגְבִיהָא בֵּן פְּסִיסָא: וָוי לְכוֹן חַיָּיבַיָּא דְּאָמְרִיתוּן מֵתֵי חַיִּין, דְּחָיִין מֵתֵי -דְמֵיתֵי חַיִּין?
אָמַר לֵיהּ: וָוי לְכוֹן חַיָּיבַיָּא דְּאַמְרִיתוּן מֵתֵי לֹא חַיִּין, דְּלָא הַוּוּ – חַיֵּי, דְּהָוֵי חַיֵּי, לֹא כָּל שֶׁכֵּן?
Cet hérétique a dit à Guéviya ben Pessissa : « Malheur à vous coupables, qui dites que les morts revivront, car si les vivants meurent, les morts peuvent-ils revivre ? »
Il lui a dit : « Malheur à vous coupables, qui dites que les morts ne revivront pas, car si déjà ceux qui n’étaient pas vivants, vivent, à plus forte raison ceux qui étaient vivants revivront (dans le futur) ? »
רָשִׁ »י:דְּחַיֵּי מֵתִים – אוֹתָן שֶׁהֵן חַיִּין, רוֹאִין אָנוּ שֶׁמֵּתִין,וְהֵיאַךְ יַעֲלֶה עַל דַּעְתֵּנוּ שֶׁהַמֵּתִים חוֹזְרִין וְחַיִּים.
דְּלָא הַוּוּ – אוֹתָן שֶׁלֹּא הָיוּ מֵעוֹלָם נוֹצְרִין וְנוֹלָדִין וְחַיִּין, אוֹתָן שֶׁהָיוּ כְּבָר לֹא כָּל שֶׁכֵּן שֶׁחוֹזְרִין וְחַיִּין.
Rachi explique l’argument de l’hérétique : « Nous voyons bien que ceux qui vivaient meurent, comment pouvez-vous penser que les morts recommenceront à vivre ? ! »
Rachi explique ensuite l’argument de Guéviya ben Pessissa : « Ceux qui n’étaient jamais là, sont créés, naissent et vivent, à plus forte raison ceux qui étaient déjà là recommenceront à vivre !! »
Chacun des deux apporte une preuve en faveur de sa conception de la conduite du monde par Hachem, chacun apporte une preuve de son vécu, en considérant le second « coupable » de se rebeller contre les lois de Hachem ! (« coupable » mais pas fou)
Le débat se situe dans le fait d’être coupable de croire en une chose qui est l’inverse de ce que le Créateur veut nous enseigner dans l’observation des lois du monde ; ici le débat n’est pas de savoir si les morts vont revivre ou s’ils ne vont pas revivre, Hachem réalisera cela en son temps par Ses pouvoirs infinis, mais la discussion est de savoir comment lire, quel regard porter sur le déroulement de l’existence.
L’hérétique s’en tient aux données de sa perception du monde où tout apparait comme voué vers la mort qu’il interprète comme une illustration de la volonté divine. Guéviya ben Pessissa va souligner l’erreur fondamentale de cette fausse évidence en proclamant l’inverse, tout en restant dans le registre de la raison : le mouvement naturel du monde va vers la vie, ce qui se dévoile devant nous est un recommencement de la vie, donc le rapport au monde que tout humain doit avoir est un rapport de recommencement permanent, c’est cela la résurrection des morts qu’il faut lire comme une résurrection des mortels.
Nous apprenons de cette Guémara que la résurrection des morts doit être une réalité dans notre esprit, que nous expliquons du surgissement de la vie à partir de presque rien, comme la naissance d’un enfant. Notre croyance que la résurrection se réduit à un phénomène surnaturel (qui va tomber du ciel), par les pouvoirs infinis d’Hachem, alors que nous vivons le contraire dans notre quotidien, que nous ressentons plutôt la direction des choses vers la mort, est contrée par Rachi qui nous révèle : « qu’a donc à voir sa croyance avec la notre ? » Bien sûr j’y crois, mais où vois-je cela chez moi ? Je dois voir cela dans le monde dans lequel je vis, mon existence doit porter l’expérience la résurrection des morts !
En d’autres termes, la croyance en la résurrection des morts doit venir d’une croyance dans un processus du monde qui va vers la vie.
Notre Michna disait : « Celui qui dit qu’il n’y a pas de résurrection des morts dans la Torah… »
Et le Maharal dans le premier chapitre de Netiv haTorah nous dit que la Torah est l’ordre du monde, le plan dans lequel Hachem a regardé pour créer ce monde ; c’est pourquoi, ce qui est explicite dans la Torah doit être explicite dans la création.
Doncsi ce treizième principe nécessite de trouver sa source dans la Torah מִן הַתּוֹרָה, il nécessite aussi de trouver sa source dans la création.
Nous apprenons là que ce principe de résurrection n’est pas seulement une exigence de croire que quelque chose va se passer, c’est une exigence de conviction que le monde va vers la vie, comme la Guemara le dit :
« Ceux qui n’étaient jamais là, sont créés, naissent et vivent, à plus forte raison ceux qui étaient déjà là recommenceront à vivre !! »
Cela explique pourquoi Rachi ne se contente pas d’un acte de foi, mais il exige qu’on vive dans un système, une grille de lecture qui exprime que les morts revivront, sinon « Il est considéré comme un renégat complet » !
Cela nous permet de répondre à la question du lien entre résurrection des morts et sortie d’Égypte, de trouver la raison pour laquelle Rambam ajoute un treizième fondement qui avait l’air déconnecté de la libération de l’esclavage :
En effet, la sortie d’Egypte a innové un nouvel ordre du monde, une vie dans laquelle le temps porte en lui la nouveauté חִדּוּשׁ, qui est inscrit dans la première Mitsvaordonnée à Israël :
שמות יב,ב: הַחֹ֧דֶשׁ הַזֶּ֛ה לָכֶ֖ם רֹ֣אשׁ חֳדָשִׁ֑ים רִאשׁ֥וֹן הוּא֙ לָכֶ֔ם לְחָדְשֵׁ֖י הַשָּׁנָֽה:
L’importance de cette première Mitsva de la fixation des mois sur le cycle lunaire, réside dans la perception d’un temps porteur de « nouveauté » ; חִדּוּשׁ et חֹדֶשׁ, le mois et le renouveau sont de la même racine !
Jusqu’à maintenant nous vivions dans un temps synonyme de « continuation » du passé, sans aucun bouleversement fondamental, non porteur de « nouveauté ».
Dans le même sens, la langue sacrée, l’hébreu, est différente de toutes les autres langues, le temps, זְמַן est de la même racine que הַזְמָנָה invitation, destination, préparation ! Le temps est synonyme de « préparation », je prépare quelque chose à un certain futur, à un certain processus dans le futur. Dans les autres cultures, le temps est un espace vide dans lequel vont s’ajouter différents évènements, ils vont s’empiler pour remplir cet espace, « pour tuer ce temps » !
En hébreu, le concept de temps exprime que nous vivons sans cesse dans une préparation à un futur et non dans la continuation d’un passé ; le peuple juif est toujours en préparation d’une fête, d’un Chabbat, d’une Mitsva… Cette acquisition, ce programme va se retrouver dans la majorité des Mitsvot, en souvenir de la sortie d’Égypte, זֵכֶר לִיצִיאַת מִצְרַיִם.
Donnons un exemple de cette idée : Quelle est notre perception du temps ?
Le Pelé Yoèts ramène: Le passé n’est plus, le futur n’est pas encore הֶעָבָר אַיִן, הֶעָתִיד עֲדַיִן.
Notre perception de la vie n’est que dans le présent, car le passé n’est qu’un souvenir et le futur n’existe que dans l’espoir.
Or, quelle est notre perception de ce seul moment « présent » que nous vivons ?
Comment sortir de la perception que chaque moment présent qui passe se consume, disparait, avec tout le pessimisme qui l’accompagne ?
Ce qui nous est proposé dans cette nouvelle perception des choses, c’est que nous ne vivons pas quelque chose de terminé où il n’y a rien à espérer, nous vivons vers quelque chose ; nous invitons, dans ce moment présent, le futur !
Notre conscience véritable de la vie n’est pas dans le présent, le temps n’est pas le présent, notre conscience de la vie est de préparer le futur, d’aller à la rencontre de…
Les secondes qui passent ne se consument pas, elles nous amènent vers…elles nous rapprochent de ce futur attendu ; nous avons reçu une autre horloge à la sortie d’Égypte !
Dans ces conditions, nous comprenons en quoi la fixation des mois sur le cycle lunaire, la première Mitsva de la Torah est si importante ; il s’agit de la grande nouveauté innovée à la sortie d’Égypte qui est un bouleversement dans la perception du temps ! En quoi cette Mitsva de la fixation du calendrier exprime la libération de la sortie d’Égypte, en quoi est-elle si fondamentale, pourquoi c’est cette Mitsva qui a été choisi pour commencer ?
C’est justement ce que nous avons développé, cette Mitsva du calendrier nous fait passer d’un temps qui revient sur lui-même, contenu dans la notion d’« année » שָׁנָה, qui contient le sens de « répétition », à un temps qui se renouvelle, contenu dans la notion de « mois » חֹדֶשׁ qui contient le sens de « renouveau ».
Nous pouvons finalement répondre à notre première question sur le premier Rachi de la Torah, à propos du lien entre les deux débuts, les deux points de départ :
En effet, le Gaon de Vilna et Sforno expliquent que dans les dix paroles de la création du monde, ce qui a été créé dans le mot « Beréchit » c’est le « temps » זְמַן ! C’est-à-dire un temps qui passe de manière continue, sans nouveauté ; nous voyons que les deux débuts sont liés par le fait qu’ils traitent les deux du même sujet, la notion du TEMPS. Bien sûr que nous devons commencer par la création du temps dans les deux cas, mais Rachi se demande pourquoi n’avons-nous pas commencé par notre notion du temps, celle qui nous a été donnée dans la fixation du calendrier, הַחֹ֧דֶשׁ הַזֶּ֛ה לָכֶ֖ם רֹ֣אשׁ חֳדָשִׁ֑ים ?
Rachi avait donné la raison pour laquelle la Torah commence par le « Beréchit » de la création du monde en disant : « Hachem raconte à son peuple, la puissance de Ses œuvres pour lui donner l’héritage des nations ».
L’explication plus profonde de « l’héritage des nations » est la notion de temps donnée au monde ; le don de cet héritage au peuple juif vient nous dire que même « le temps du monde » conduit au futur du peuple juif, car finalement, le temps qui a été innové à la sortie d’Égypte sera le temps du monde entier, le monde entier arrivera à notre notion du temps. Péssa’h va opérer un transfert vers un nouveau concept de temps !
Adapté d’un enseignement de Rav Moshé Shapira זצ »ל
Yves Doraï
A la mémoire de notre cher père et maître Mr Roger Doraï לעילוי נשמת החבר חיים בן משה ז »ל
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