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TOU BICHEVAT, ou la montée de sève

par: Rav Yehiel Klein

Publié le 10 Février 2025

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I – Que fête-t-on exactement à Tou biChevat ?

La coutume est bien installée, au sein de la Halakha même, de consommer en cette soirée des fruits – en particulier les sept fruits d’Israël (selon Deutéronome VIII, 8) – avec éventuellement un Séder très précis, composé de prières et de louanges. Mais se demande-t-on à quoi tout ceci correspond ?

Précisons notre interrogation : certes, le Quinze Chévat est le ‘’Nouvel An des arbres’’ (Michna Roch haChana I, 1), mais pourquoi cela a-t-il pris de telles proportions ? En d’autres termes, en quoi le statut des arbres concerne-t-il les êtres humains ?

II – Une réponse se trouve dans le calendrier :

Il n’aura échappé à personne que le 15 Chévat, c’est un mois avant Pourim, qui est lui-même un mois avant Pessah’. C’est ce qu’ont également remarqué les Commentateurs – essentiellement le maître du H’assidisme – et on peut l’interpréter ainsi (Rabbi Tsaddok haCohen, Péri Tsaddik, Tou biChevat §1) :

La raison pour laquelle le Nouvel An des arbres est fixé au mois de Chévat est, selon le Talmud (Roch haChana 14a), due au fait que ‘’la majorité des pluies de l’année sont déjà tombées’’, ce que Rachi explique ainsi : dès lors qu’il est tombé suffisamment de pluie, la sève monte dans les arbres et, à partir de ce moment, on peut les greffer ; ce qui a des incidences sur les lois agricoles (dîmes, prélèvements, etc.).

Autrement dit, c’est en ce mois que les arbres retrouvent une nouvelle vigueur, après les rigueurs du vilain hiver.

Pour la Torah, à bien des égards, l’homme est comparable à l’arbre (‘’Car l’homme est-il un arbre des champs ?’’ – Deutéronome XX, 19), et, partant, si Tou biChevat a pris cette importance, c’est parce que nos Sages ont jugé nécessaire d’insister sur cette identité, parce qu’elle peut être pour nous riche d’enseignements.

On doit alors comprendre que le phénomène à l’origine de la fixation de la date du Nouvel An des arbres est également présent chez l’être humain, d’une certaine manière.

De quoi s’agit-il ? Rabbi Tsaddok haCohen explique ainsi : le printemps est cette période de l’année où la nature se renouvelle, après les duretés et le repli sur soi de l’automne et de l’hiver. Ce n’est pas seulement le cas pour les végétaux, mais aussi biologiquement pour les hommes. Mais quelle forme cela peut-il prendre ? Physiquement, nous ne perdons pas nos feuilles ni ne nous couvrons à nouveau de verdure, pas plus que nous connaissons de montée de sève (quoique… Tou biChevat s’inscrit aussi en plein dans la période des Chovavims – והמבין יבין…). Cela se joue alors forcément à un autre niveau, moins visible mais tout aussi naturel…

La Tradition (Cf. Maïmonide, Traité des Huit chapitres ; Maharal, Nér Mitsva, première partie) considère que la personne humaine est composée de trois parties : notre vitalité (Néfech), notre corps (Gouf) et notre âme (Néchama). La troisième est propre à l’homme, mais elle ne peut se développer harmonieusement et efficacement que si les deux premières fonctionnent correctement, c’est-à-dire sainement.

III – C’est pourquoi Tou biChevat doit se situer avant Pourim, et Pourim avant Pessah’ :

Le Maître de Lublin exprime ceci en termes de Guéoula, de libération : de même qu’à Pessah’ on a tous conscience de célébrer la libération de l’esclavage en sortant d’Égypte, le Quinze Chévat et Pourim correspondent à d’autres dimensions de libération.

Ainsi, si à Pourim on célèbre la libération du corps en tant que tel (par le fait d’être sorti vainqueur de la confrontation avec Haman/’Amalek en se voyant sauvé de l’extermination), il fallait auparavant, en amont, être libéré de nos instincts les plus primitifs, parce que les plus vitaux. C’est cela, la guéoula (exprimée aussi en termes de Tikkoun) de Tou biChevat. Parce que dans ce contexte, Guéoula signifie maîtrise.

À Pessah’, les ‘’quatre expressions de libération’’ nous permettent de nous mettre entièrement au service de D. – et c’est le rôle de la Néchama. À Pourim, notre corps, c’est-à-dire ici notre psychisme, est pleinement d’accord pour se mettre au service du Créateur et ne s’y oppose plus. Mais cela n’est rendu possible que parce qu’à Tou biChevat nos instincts les plus bas ont pu être contrôlés, par notre attention portée à leur regard et par nos efforts les concernant.

Pour le Péri Tsaddik, cela passe précisément par l’Ah’ila, par l’alimentation (d’où le Séder de Tou biChevat), parce que celle-ci est la base de la civilisation, de la civilité : c’est à sa manière de manger que l’on reconnaît la qualité de la personne.

IV – Le Nouvel An des arbres nous concerne donc directement,

parce que c’est le moment où nos forces se renouvellent, et où, comme la sève pour les arbres, nos instincts se réveillent. Il nous incombe alors d’entreprendre immédiatement de les maîtriser…


(1) Halakha : Loi juive régissant la vie quotidienne.

(2) Bneï Issah’ar, Chem miChmouel, etc.

(3) Comparaison essentielle, qu’il faut approfondir.

(4) Quoique… Tou BiChevat s’inscrit aussi en plein dans la période des Chovavims – והמבין יבין…

(5) Livre d’Esther.

(6) Réparation.

(7) Cf. Exode 6:6-7.

(8) Cf. Chabbat 88a.

(9) Cf. Maïmonide, Dé’ot ch. V.

 

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