Le Pshvorsker Rebbe, Rav Yaacov Leizer zts »l
brève biographie par Mr F.Avrohom, traduit de l’anglais par Mr Emmanuel Vaniche.
Avant la Seconde Guerre Mondiale, des dizaines de grandes dynasties hassidiques fleurissaient en Europe. Chacune avait établi son beth hamidrash, où les hassidim affluaient pour voir leur Rebbe et lui confier leurs problèmes et leurs chagrins.
Avec le déclenchement de la guerre, toutes ces cours hassidiques furent détruites, le bruit de l’étude la Torah et de la tefila ne résonnerait plus jamais dans leurs murs. Les quelques Rebbes qui avaient survécu partirent pour Eretz Israël et les Etats-Unis, loin du continent européen où tant de sang avait été versé.
Une unique dynastie resta pourtant en Europe – la dynastie de Pshvorsk, dirigée par Rav Yitzhak Gwirzman, plus connu sous le nom de Reb Itzikel.
Sa mission dans le monde
Reb Itzikel ouvrit son beth hamidrash sur Mercatorstraat, à Anvers, et devint très vite un point d’attraction pour les nombreux Yidden dispersés à travers l’Europe, qui avaient perdu toute leur famille et tous leurs biens pendant la guerre.
Lorsque l’on demandait à Reb Itzikel pourquoi il n’avait pas cherché à créer des yeshivot ou d’autres mosdot, il répondait : « chacun vient dans ce bas monde avec un but bien précis, certains tzaddikim ont pour mission d’améliorer la rouhaniyout, d’autres sont envoyés pour la gashmiyout. Ma tâche porte sur la gashmiyout. »
Reb Itzikel tint parole, et grâce à ses conseils et à ses nombreuses berakhot, beaucoup purent établir de nouveaux foyers et marier leurs enfants comme il convient. On raconte de nombreuses histoires au sujet de miracles dont les gens furent témoins comme conséquence directe des berakhot du Rebbe.
Le jour de Kippour 5737 (1976), alors que Reb Itzikel était dans sa quatre-vingt quinzième année, sa sainte neshama rejoignit la Yeshiva Shel Ma’la. Il ne laissait pas de fils, et c’est son unique gendre, Reb Yankele, qui fut investi en tant que nouveau Rebbe de Pshvorsk.
Comme son beau-père avant lui, Reb Yankele ne chercha pas à élargir ni à ouvrir un réseau de mosdot de Pshvorsk. Malgré cela, la renommée de Reb Yankele se répandit à travers l’Europe et dans le monde entier, au point qu’il devint une légende de son vivant. L’afflux régulier de hassidim qui faisaient le voyage jusqu’au Rebbe devint un flot ininterrompu.
Des avions spécialement affrétés amenaient des centaines de hassidim qui convergeaient à Anvers à chaque Yom Tov ou occasion particulière. De nombreux visiteurs venaient rechercher une yeshou’a quelle qu’elle soit, et Reb Yankele ne les laissait pas en peine. Les histoires à propos de son rouah hakodesh et des miracles qu’il a réalisés se comptent par centaines.
Reb Yankele racontait souvent des histoires de miracles réalisés par les tzaddikim d’antan pour évoquer leur mérite. Par la suite, il refusait de reconnaître le miracle qui s’était produit comme étant le sien, et attribuait ce qu’il avait dit ou fait au tzaddik cité dans l’histoire.
Il arriva une fois qu’une kalla s’évanouisse tout d’un coup et plonge dans un coma profond quelques jours avant son mariage. Toutes les tentatives de ranimer la jeune fille ne donnaient aucun résultat. Prise de panique, la famille se précipita auprès de Reb Yankele et lui demanda de l’aide. Reb Yankele réfléchit une minute puis dit : « Hier soir, après avoir prié, j’ai raconté une histoire au sujet du Tchortkover Rebbe, Rav David Moshe zts »l. Le Tchortkover Rebbe dit à un Yid dont tous les enfants étaient décédés très jeunes qu’il devrait nommer son prochain enfant du nom d’un personnage mentionné dans la haftara de la semaine de sa naissance.
Quelques temps après, sa femme mit au monde une petite fille ; l’homme chercha dans la haftara de la semaine, Nasso, mais ne trouva aucune mention d’un prénom féminin. Toutefois, la haftara, qui parle de Shimshon, mentionne sa mère sans la nommer explicitement. La guemara dans Baba Bathra nous enseigne que son nom était Sallfonis, et le Maharshal dans son commentaire signale que ce nom est une seguoula pour empêcher le mauvais œil de faire du mal à quelqu’un ! Inutile de le dire, la petite fille vécut jusqu’à un âge avancé. »
Reb Yankele se tourna vers la famille de la kalla et leur dit : « Après avoir raconté cette histoire, je me suis demandé soudain pour quelle raison je l’avais fait. Ce n’est pas la semaine de parashat Nasso, ni le yahrzeit du Tchortkover Rebbe. Il apparaît donc qu’il s’agit d’un message, pour nous indiquer que nous devons ajouter le nom Sallfonis à la kalla. »
A peine le Rebbe avait-il ajouté le nouveau nom que la kalla se réveilla d’un coup, et le mariage eut lieu comme prévu !
Les premières années
Reb Yankele est né le 6 Teveth 5667 (1907), dans le petit village de Roig, près de Riminov, en Galicie. Enfant, il reçut l’éducation de son père Rav David Yitzhak, qui était l’un des plus importants hassidim de Shiniv dans la région.
Dédicaçant l’un de ses sefarim à la mémoire de ses parents, Reb Yankele écrivit : « Chacun a le devoir d’honorer son père et sa mère. J’ai un devoir particulier d’honorer mes parents, qui m’ont également servi de maîtres. Ma mère m’a enseigné jusqu’à ce que je débute l’étude du houmash, et j’ai ensuite appris le houmash et plusieurs centaines de pages de guemara avec mon père jusqu’à l’âge de douze ans. »
Bien après leur décès, Reb Yankele continuait à honorer leur mémoire et était makpid de donner de la tzedaka tous les jours pour l’élévation de leur âme.
Après sa bar mitzva, Reb Yankele rejoignit la yeshiva dans la ville de Dukla. Cette yeshiva était destinée aux élèves les plus doués, parmi eux se trouvaient Rav Yekoutiel Halbertstam zts »l, qui deviendrait célèbre en tant que Rebbe de Klausenburg, et Rav Pinhas Hirshprung zts »l, qui fut plus tard Rav de Montréal.
La yeshiva était dirigée par le grand gaon Rav David Tevli Dukla, qui était l’un des hassidim importants du Tchortkover Rebbe, et auteur de plusieurs sefarim devenus des classiques. Reb Yankele avoua une fois que lorsqu’il quitta Dukla, il était à l’aise avec chaque Peri Megadim des Hilkhot Treifot, et effectivement, à son départ, le Rosh Yeshiva lui accorda sa semikha.
Son Rebbe
Reb Yankele partit de Dukla à la yeshiva Zera’ Kodesh, située dans la ville de Koloshitz. Cette yeshiva était dirigée par le Rav de la ville, Rav Huna Halberstam zts »l, un descendant des Rebbes de Shinive et de Tzanz. A Koloshitz, Reb Yankele trouva son foyer et son Rebbe, et jusqu’à la fin de sa vie, Reb Yankele considéra le Rav de Koloshitz comme son Rebbe et mentor, comme il l’écrivit lui-même.
« En l’année 5684 (1924), j’ai eu le mérite de d’être reçu par mon maître et enseignant le Rav de tout le Klal Israël, Rav Huna de Koloshitz, le petit-fils du Rebbe de Shinive. J’ai eu le mérite de bénéficier un peu de sa lumière, de sa Torah, de sa avoda et de sa guemilout hassadim, qui étaient toutes à un niveau très élevé. Je suis resté sous sa tutelle jusqu’à Shavouot 5699 (1939). Ceux qui ont eu le mérite de voir son visage lorsqu’il étudiait avec ses élèves ou tout seul, comment ses traits passaient du rouge vif à la pâleur la plus marquée, peuvent comprendre et apprécier les paroles de nos Sages : ‘Hashem, le Klal Israël et la Torah ne font qu’un.’ »
La dévotion de Reb Yankele à son Rebbe ne connaissait pas de limites. Un jour, Rav Huna demanda à son fidèle disciple s’il avait des économies à lui donner pour qu’il les distribue à la tzedaka. Le seul argent dont disposait alors Reb Yankele était la dot qu’il avait reçue à son mariage. Sans hésitation, Reb Yankele retira la somme toute entière de la banque et la présenta à son Rebbe.
Rav Huna fut très surpris par l’importance de la somme, et confia à Reb Yankele : « Sachez que cet argent est plus en sécurité chez moi qu’à la banque. » Peu de temps après, la banque fit faillite et tous ceux qui possédaient des comptes perdirent leur argent.
Dans son testament, Reb Yankele demanda qu’aucun éloge ni titre honorifique ne soit écrit sur sa matzeva, à l’exception des mots suivants : « Il fut un élève bien aimé de son Rebbe, le tzaddik de Koloshitz. »
Première charge rabbinique
Les années d’effort de Reb Yankele portèrent leurs fruits et en 1931, il fut nommé Rav de la ville de Yashlisk en Galicie, alors qu’il était encore bahour. Le Rav précédent de la ville, Rav Ephraïm Halberstam hy »d, avait quitté Yashlisk pour prendre un autre poste. Lorsque les habitants demandèrent au Rav Halberstam à qui il les confiait, il désigna Reb Yankele et dit : « Vous voyez ce bahour, il en sait déjà plus que moi… »
Reb Yankele voyagea pour obtenir l’accord du Rebbe de Sadigoura, Rav Mordekhaï Shalom Yossef Friedman zts »l, dont beaucoup de hassidim habitaient Yashlisk. Le Rebbe de Sadigoura lui donna sa berakha avec enthousiasme, et c’est ainsi qu’à l’âge de vingt-quatre ans, Reb Yankele assuma sa première charge rabbinique.
Reb Yankele était très exigeant avec lui-même et s’efforçait toujours d’aller de plus en plus haut, mais il était toutefois attentif à ne jamais exiger des autres qu’ils agissent au-delà de leur véritable niveau. Dans l’une des ses lettres, il écrit : « La guemara nous raconte que l’Amora Mar Ukva dit une fois qu’en comparaison de son père, il ressemblait à du vinaigre produit à partir de vin. Son père attendait vingt-quatre heures entre la viande et le lait, tandis que Mar Ukva n’attendait que six heures. Cette guemara est difficile à comprendre. Si Mar Ukva faisait l’éloge de son père qui attendait vingt-quatre heures, pourquoi n’agissait-il pas de même, suivant ainsi les traces de son père ? Nous apprenons de là qu’une houmra ne peut avoir de véritable signification que si elle est compatible avec le comportement général de la personne. Mar Ukva ne pensait pas être au même niveau que son père, il aurait donc été inapproprié pour lui d’imiter son père et d’adopter sa houmra. »
Tout au long de sa vie, Reb Yankele fuit la mahloket et la controverse, il disait souvent : « Si quelqu’un voit une mahloket, il n’y a qu’un seul conseil à lui donner : retrousser les pans de son habit, et fuir le plus vite possible ! » Il ajoutait que dans sa jeunesse à Yashlisk, il avait vu des Yidden qui se trouvèrent mêlés à une mahloket et que tous connurent une fin amère.
Dans une lettre, Reb Yankele écrivit une fois : « J’ai entendu au nom du Rebbe, Rav Shalom de Belz zts »l, qu’il vaut mieux agir faussement pour arriver au emet, que d’agir sincèrement pour finalement arriver au sheker. Je courbe humblement la tête devant chaque Yid du Klal Israël et parle à chacun sur un ton aimable, bien que parfois dans mon cœur j’aie des griefs vis-à-vis de lui… »
A ceux qui se sentaient incapables de rester silencieux devant les offenses, il répétait l’enseignement suivant au nom du Tchortkover Rebbe, Rav David Moshe zts »l : « La Mishna dit : siyag lahokhma shtika, le silence est une haie [protectrice] pour la sagesse. Si garder le silence n’est qu’une protection pour la sagesse, quelle est donc la sagesse proprement dite ? La véritable sagesse consiste à ne pas prendre à cœur les calomnies et à rester insensible aux accusations infondées. Telle est la vraie hokhma. »
Cinq ans avant la Seconde Guerre Mondiale, Reb Yankele épousa celle qui allait devenir son aide pour la vie, la Rebbetzin Alta Bina zts »l, fille de Reb Itzikel, le Rebbe de Pshvorsk. Pendant quarante ans, Reb Yankele vécut à l’ombre de son illustre beau-père et quittait rarement sa compagnie. Il témoignait à Reb Itzikel un profond respect : bien qu’il eût dépassé les soixante-dix ans lorsque son beau-père fut niftar, Reb Yankele refusa toujours jusque-là de faire son propre kiddoush le soir du Shabbat ou de conduire son propre repas de Shabbat, préférant s’asseoir à la table de son beau-père et écouter son kiddoush.
Meilleur à long terme
Dès la déclaration de guerre en 1939, la Pologne fut envahie par les Allemands yimah shemam. Le lendemain de leur arrivée à Pshvorsk, ils brûlèrent toutes les schuls dans la région et commencèrent à établir des restrictions à l’encontre des Yidden en promulguant des décrets sadiques. Reb Itzikel et Reb Yankele fuirent vers la quiétude relative de Lemberg, qui était sous contrôle soviétique.
Une fois à Lemberg, les réfugiés polonais se virent offrir la citoyenneté soviétique par les autorités. Personne ne savait s’il valait mieux accepter la proposition ou non. Qui pouvait savoir ce qui les attendait, dans un cas comme dans l’autre ? La plupart étaient toutefois disposés à accepter, pour ne pas risquer de mécontenter les Russes. Reb Itzikel n’était pas d’accord, et conseillait aux gens de refuser la proposition.
Le 23 Sivan 5701 (1941), le KGB fit une descente à Lemberg et arrêta tous ceux qui avaient refusé la citoyenneté soviétique. Ces Yidden furent emmenés à la gare et mis dans des trains pour la Sibérie. Certains d’entre eux en voulaient visiblement Reb Itzikel, c’était par son conseil qu’ils se retrouvaient maintenant exilés vers les étendues glacées de Sibérie.
Reb Itzikel les réconforta, leur assura qu’il ne les avait pas trompés, et ajouta : « Aujourd’hui est le 23 Sivan, le jour où Ahashverosh annula les lettres qu’il avait envoyées ordonnant la destruction des Juifs. Les Yidden furent alors sauvés un 23 Sivan, ce sera aussi le cas pour nous. »
Le caractère prophétique des paroles de Reb Itzikel apparut au grand jour lorsque les Allemands entrèrent à Lemberg peu de temps après et assassinèrent brutalement la presque totalité de la population juive. Les exilés de Sibérie étaient en fait les plus chanceux, leur refus d’accepter la citoyenneté soviétique leur permit également de quitter le pays après la guerre, un privilège qui n’était pas accordé à ceux qui avaient juré allégeance à la mère Russie.
Reb Yankele disait, au sujet de leur exil en Sibérie, qu’il constituait un exemple typique d’une situation où une personne pense qu’elle est abandonnée à son sort alors qu’en réalité, elle bénéficie d’un acte de rahamei Shamayim [de miséricorde céleste].
Reb Yankele ajoutait l’enseignement suivant. Nous disons dans le Shema’ : « Shema’ Israël Hashem Elokeinou Hashem Echad ». Le nom Elokim renvoie à la midat hadin, tandis que le nom Hashem est synonyme de miséricorde. Ceci nous montre que même si nous pensons assister à un acte de Elokim, nous devons savoir que Hashem Ehad, tout n’est en réalité que miséricorde, c’est à nous d’en prendre conscience !
Pendant la guerre, Reb Yankele perdit presque toute sa famille. Ses parents, tous ses frères et sœurs ainsi que leurs enfants furent brutalement assassinés. Il perdit également toute sa belle-famille, à l’exception de ses beaux-parents qui furent sauvés miraculeusement. Malgré tout, Reb Yankele ne mis jamais en doute les voies de Hashem, et accepta ces souffrances terribles avec amour.
Dans une lettre écrite plusieurs décennies plus tard, Reb Yankele écrivit : « Ce Shabbat est le yahrzeit de mon père et de mère, qui ont été tués par les resha’ïm allemands yimah shemam dans une forêt entre Yashlisk et Dukla. Au Gan Eden, et également lorsque viendra Mashiah, nous remercierons Hashem de tout notre cœur pour tous les malheurs que nous avons endurés. Malgré cela, nous demandons à Hashem qu’Il nous montre une bienveillance que nous sommes aussi capables d’apprécier, et que nous ne voyions que du bien. »
L’exil en Sibérie
En Sibérie, Reb Yankele fut affecté à un camp de travail où il survécut grâce à un régime de pain et de légumes crus. Il refusait de manger le reste de la nourriture du camp de peur qu’elle ne soit pas kasher. C’est dans ces conditions que Reb Yankele fut obligé de voler un morceau de pain pour assurer sa survie. Des années plus tard, il admit un jour que ce fut l’unique fois dans sa vie où il avait pris quelque chose de façon malhonnête.
Même dans les conditions terribles de la Sibérie, Reb Yankele ne diminua pas sa avoda. Tous les jours, il cassait ainsi la glace pour faire une tevila dans l’eau froide. Une fois, pendant qu’il se trouvait sous l’eau, il ne retrouva plus le trou dans la glace, et faillit se noyer. Depuis ce jour-là, il abandonna cette pratique.
Reb Yankele risquait aussi sa vie pour enseigner la Torah à ceux qui se trouvaient à son contact. Bien qu’il ne possédât pas de sefarim, il délivrait des shiourim réguliers de guemara et de halakha.
En Sibérie, il se trouva en contact avec un descendant de Rav Israël Salanter. A la moindre occasion, Reb Yankele demandait à sa nouvelle connaissance de lui enseigner le derekh et les enseignements du fondateur du mouvement du moussar. Reb Yankele se considérait comme un hassid de Tzanz et tout son mode de vie correspondait au derekh de Tzanz, mais ceci ne l’empêchait aucunement d’apprendre et de chérir les enseignements d’autres guedolim.
Dans une lettre en réponse à quelqu’un qui voulait connaître la voie de la Hassidout, Reb Yankele écrivit : « Je ne sais comment répondre de manière claire et tranchée, car les différentes périodes et les différents endroits ne sont pas équivalents. La guemara dans Baba Kama cite Rabbi Yehouda, d’après lequel si quelqu’un veut devenir un hassid, il doit être attentif à respecter les lois de Nezikim, de manière à ne pas causer de perte financière à autrui. Rava considère toutefois qu’il doit s’attacher à respecter les prescriptions du traité Avot, et réciter ses berakhot avec concentration. Le Maharal et le Maharsha expliquent tous les deux que pour atteindre une véritable shlemout, on doit remplir à la fois ses obligations vis-à-vis d’Hashem, vis-à-vis d’autrui et poursuivre sa propre ascension spirituelle en priant avec concentration et en devenant proche d’Hashem.
J’ai expliqué que bien que ces trois qualités soient nécessaires pour atteindre la shlemout, chaque Amora n’en a cité qu’une. Rabbi Yehouda vivait à Pumbedita, qui était infestée de voleurs (comme on l’apprend ailleurs dans le Talmud), il a donc mis donc l’accent sur la qualité qui manquait le plus dans sa ville. Rava, lui, vivait à Mehaza, qui était une ville prospère où il y avait peu de cambriolages. Mais là-bas, les obligations vis-à-vis de Hashem étaient négligées (voir Rosh Hashana 17a), c’est pourquoi Rava avait besoin d’insister sur ce point qui demandait à être amélioré.
De même trouve-t-on différentes voies au sujet du moussar. Le gaon et tzaddik Rav Israël Salanter mettait principalement l’accent sur les mitzvot bein adam lehavero [concernant les relations entre l’homme et son prochain], tandis que d’autres guedolim insistaient sur les mitzvot bein adam laMakom [concernant les relations entre l’homme et Hashem].
Nous trouvons également une autre divergence de vues concernant l’étude de la kabala. Les mekoubalim considéraient que tout un chacun avait l’obligation d’étudier la kabala, tandis que d’autres guedolim s’opposaient à eux et interdisaient l’étude de la kabala, si ce n’est en privé. »
Breslau, Paris, Anvers
Après la fin de la guerre, Reb Yankele occupa un poste de dayan dans la ville de Breslau. Pendant près de deux ans, il s’occupa des questions halakhiques complexes qui devaient être résolues. Des questions concernant les agounot, la halitza et le heter mea rabbanim se posaient quotidiennement.
On pourra quelque peu apprécier la grandeur de Reb Yankele à travers la réponse qu’il fit lui-même lorsqu’on lui demanda combien de fois il avait terminé le Shoulhan Aroukh Yoreh De’a : « quarante fois certainement » admit-il, « depuis, j’ai arrêté de compter ! »
De Breslau, Reb Yankele partit pour Paris, où habitait son beau-père, et ils s’installèrent finalement à Anvers en 1957.
Après la petira de Reb Itzikel, le jour de Kippour en 1976, Reb Yankele fut choisi comme successeur de son beau-père. Dans les dernières semaines avant sa petira, Reb Itzikel était très affaibli. Il appela Reb Yankele et lui dit : « Yankele, à partir de maintenant, tu vas t’asseoir à ma place et recevoir les kvitlech, parce que je n’en ai plus la force. »
Le Pshvorsker Rebbe
Malgré ces dernières instructions, sa nomination constitua un choc pour Reb Yankele, il commenta une fois innocemment : « J’aurai cru que les hassidim allaient chercher ailleurs un ehrlicher Yid pour en faire leur Rebbe… »
Ainsi, même après avoir pris sur lui la charge de Rebbe, Reb Yankele refusa de renoncer à certaines pratiques qu’il avait adoptées pendant plusieurs décennies. Il avait entre autres l’habitude de déchirer à l’avance le papier toilette dans le beth hamidrash chaque veille de Shabbat et de Yom Tov. Lorsqu’il remarquait que les toilettes devaient être nettoyées, il n’hésitait pas non plus à le faire lui-même.
Il fut une fois ‘surpris’ par l’un de ses hassidim, alors qu’il se trouvait debout sur une table en train de nettoyer le beth hamidrash. Remarquant le visage tout étonné du Yid, Reb Yankele s’excusa : « Oh ! Je suis désolé, j’avais oublié que j’étais un Rebbe… »
Malgré ses manières simples – ou peut-être à cause d’elles – il arrivait souvent que Reb Yankele dise tout haut ce qu’il pensait, sans même comprendre l’effet que pouvait produire ses paroles. Une fois, la veille de Yom Kippour, son beau-père lui demanda pourquoi il n’était pas occupé à faire teshouva, comme il convient ce jour-là. Reb Yankele répondit : « On ne doit faire teshouva que si l’on a péché, or je n’ai jamais péché. »
Lorsqu’on lui fit part du divorce d’un couple qui venait de se marier, il remarqua : « Je me demandais pourquoi je n’avais pas vu les neshamot de leurs grands-parents à la houpa. Maintenant, je comprends ! » (il est écrit dans le Zohar que les neshamot des défunts descendent dans ce monde pour être présentes lors des semahot de leur descendance).
Une autre fois, lorsque quelqu’un lui demanda une berakha pour avoir un enfant, il soupira et dit : « Dommage que vous ne soyez pas venus plus tôt. Il y avait tout un sac de neshamot, mais je les ai toutes distribuées. » Après un instant de réflexion, Reb Yankele ajouta : « Il reste en réalité une neshama. Elle a un petit défaut, mais si vous voulez, vous pouvez l’avoir. » Sans autre alternative, le Yid accepta l’offre. Peu après, sa femme donna naissance à un bébé avec un défaut aux jambes !
Trois fois par semaine, Reb Yankele délivrait un shiour dans son beth hamidrash. Il agrémentait ses shiourim des histoires édifiantes des tzaddikim d’antan. Reb Yankele accordait une grande importance à ces histoires, il disait : « Nos Sages enseignent : ‘si vous voulez reconnaître le Créateur du Monde, étudiez la aggada, et vous en viendrez à connaître Hashem et à marcher dans Ses voies’. »
Reb Yankele expliquait que ces paroles de nos Sages ne se réfèrent pas uniquement à la aggada mentionnée dans la guemara, mais aussi aux sefarim et aux histoires des tzaddikim, qui nous permettent de mieux connaître Hashem et la manière dont nous devons Le servir.
Dans sa modestie, Reb Yankele dit une fois qu’il avait peut-être été sauvé de la guerre précisément dans le but de raconter des histoires renforçant la emouna. En effet, il ne considérait pas les histoires des tzaddikim comme de simples anecdotes, mais comme des leçons de avodat Hashem.
Dans ses dernières années, Reb Yankele devint de plus en plus faible. Sept ans avant sa petira, il tomba malade et jusqu’à la fin de sa vie, il ne connut que douleur et souffrance. Il poursuit cependant sa avodat hakodesh et, lorsque ses forces le lui permettaient, conduisait brièvement un tish et accordait ses berakhot aux foules qui continuaient désespérément à frapper à sa porte.
Le dernier Shabbat, son état se détériora subitement. Deux jours plus tard, le 27 Heshvan 5759, il était niftar.
Zekhouto yagen aleinou.
Sa succession est assurée par son unique fils, HaRav Leibish Leizer shlita.
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