Souvent, le texte nous montre, un peu, comment D. gère le monde. Nous devons chaque fois l’étudier.
D. promet à Avraham une grande descendance et la terre de Kénaan. Cela revient plusieurs fois, et une des promesses décisives est la fameuse alliance « entre les morceaux ». A ce moment, D. promet 400 années d’esclavage (il n’y en a pas eu exactement 400 ans, mais c’est une autre question). Cet asservissement n’est pas du tout justifié. Si au moins il y avait une raison officielle, on aurait pu peut-être y comprendre quelque chose. Mais annoncé de cette façon, il est stupéfiant. Le talmud, les commentaires, apportent leur explication, mais dans le fond, il est difficilement compréhensible d’admette qu’il faille commencer la vie d’un peuple de cette manière. Pourquoi ne pas reporter les souffrances à plus tard, et ne pas réaliser un début plus tranquille ? Après coup, on peut toujours trouver des avantages à cet esclavage, mais sur le moment même, il y a quelque chose de révoltant (même Moché se posait des questions) ! Pire : Avraham va prier pour les villes que D. veut détruire, pourquoi ne pas prier pour éviter la détresse à ses descendants ? Une des réponses est que cela est une épreuve pour lui. L’annonce même fait partie de ces épreuves qu’il traverse victorieusement. Si D. l’a décidé ainsi, il l’accepte. En revanche, la destruction de Sédom n’est pas une épreuve car D. simplement, l’en informe. Cela ne concerne pas Avraham directement. L’annonce de l’esclavage le concerne directement, l’accepter est une preuve de confiance en D., et non une marque de désespoir. C’est comme si D. lui disait que le peuple ne peut exister autrement. Il y a évidemment des raisons à cela, mais l’essentiel est de comprendre que ce peuple ne peut exister que s’il commence en dehors de la terre. Il faut que D. donne un droit sur cette terre. La raison profonde de l’esclavage n’est pas inscrite parce qu’elle dépasse effectivement l’entendement. C’est une épreuve. Nos ancêtres l’ont traversée. Et un des fruits de cette épreuve est que notre relation à cette terre est ce qu’on pourrait appeler une attache religieuse. Ce n’est pas simplement « il faut bien se trouver une terre pour y vivre ». C’est croire que D. donne à chaque nation sa place sur terre.
Les motivations
Le texte élude souvent les motivations. Soit, elles sont évidentes, soit elles sont obscures.
Avraham se sépare de son neveu, à la suite de la dispute entre leurs bergers. Pourtant Avraham est un homme bon, qui cherche le bien. Il ira par la suite réaliser ce qu’on appellerait aujourd’hui une véritable « opération commando », pour délivrer ce neveu. S’il est prêt à cela, pourquoi alors ne pas faire la paix, et rester ensemble ? Le texte semble répondre. Avraham dit : qu’il n’y ait pas de dispute entre nous et entre nos bergers, séparons-nous. Il ne parle pas que des bergers, cela aurait pu être résolu probablement, mais il dit « entre nous » ! La réponse semble être : c’est impossible, impossible de s’entendre. Avraham comprend que cette dispute entre des bergers n’est pas gérable, Loth n’éduquera pas ses bergers comme Avraham, lui, a éduqué les siens. C’est « entre nous ». La seule solution pour rester en bons termes, c’est de ne pas trop se fréquenter. Avraham connait son neveu, sait qu’il peut exercer une influence sur lui, jusqu’à un certain point. Pas plus. Cette dispute de bergers peut dégénérer. Si la situation est comme elle est c’est « entre nous ». Pourquoi Loth n’est pas un partenaire fiable ? Il ne le veut semble-t-il pas, c’est son choix. Il est attiré par d’autres horizons, comme le souligne le verset. Il ne refuse pas la séparation, il aurait pu rester en demandant à Avraham comment faire pour rester avec lui. Cela ne l’effleure pas, il doit sentir que s’associer avec Avraham est très exigeant. Il part. Finalement, Routh, provenant de Moav, fils incestueux de Loth, rejoindra notre peuple. Pourquoi cela se passe ainsi ? Cela fait partie des éléments les plus difficiles à comprendre, et peu accessible à notre niveau. Toujours est-il que cela signifie qu’Avraham ne s’est pas trompé : il y a du bon chez Loth, mais pas de manière apparente.
Le texte possède une dimension hors temps. Nous en retrouvons effectivement des traces bien plus tard.
Nous faisons mention d’Avraham plusieurs fois dans la prière. Il existe un texte que nous avons l’habitude de lire chaque matin (Néhémie 9) où nous disons que D. a choisi Avram, l’a fait sortir d’Our, et l’a nommé Avraham. Ce changement de nom, qui est souligné ici, s’est effectivement réalisé après le « choix » divin. C’est D. qui lui dit qu’il change de nom. C’est une manière de dire qu’il a profondément évolué (un des aspects du changement est que c’est au moment de sa circoncision que cela se passe). Yits’hak aussi est nommé en avance, Yichmaël, auparavant, a aussi été nommé par D. Mais pour Avraham, et pour Sarah, c’est un changement de nom. Cela est arrivé aussi à Yaakov. Mais, lui, il a gardé les deux noms. Cette différence entre Avraham et Yaakov est soulignée dans le talmud. D. dit à Avraham qu’il est nécessaire que son nom corresponde à ce qu’il est. Notre vision d’Avraham est donc celle d’un être qui a tellement bien compris la volonté divine, qu’en tant qu’humain, il mérite un nouveau nom. Aucun changement de cet ordre n’est apparu depuis l’erreur d’Adam. Ici s’opère un tournant.
De nombreuses règles sont méconnues ou oubliées, et méritent, voire nécessitent, des éclaircissements.
L’obligation de réaliser la circoncision est appelée « faire rentrer l’enfant dans l’alliance d’Avraham ». On risque quelques fois d’oublier que ce n’est qu’un début. La suite, c’est (entre autres) de lui enseigner la thora. D. dit à Avraham, au moment de la circoncision, qu’Il sera le D. de sa descendance. Cela se concrétisera au moment de la formation du peuple (sortie d’Egypte et don de la thora). La thora est le contenu de l’alliance d’Avraham. Nos Sages disent que, pour le père, le minimum est d’enseigner à son fils tout le Houmach. Pratiquement peu de pères le font. Que répondre à ce manquement ? La réponse officielle est que chaque père donne le moyen à l’enfant d’étudier seul, et l’enfant étudiera plus tard, avec ses moyens, tout le Houmach. Ainsi, rétroactivement, pour que chaque père ait fait son devoir, chaque fils (quand il devient adulte) doit étudier le Houmach. Ce serait aussi une manière de respecter son père, de faire en sorte que son père a fait son devoir. Connaître le Houmach c’est : connaitre les fondements du monde, de son histoire, la source des choses, les mitsvoth de base, ce qu’il faut croire, la base de ce qu’il faut appliquer. Cela donne le moyen de poser des questions, de s’interroger et d’interroger les maîtres. Puis, de manière quasi automatique, comprendre le texte oblige à s’approprier la tradition orale, notre seul outil de compréhension de la tradition écrite.
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