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Ekev, Les Sept Fruits de La Terre

par: David Gerst

Publié le Jeudi 29 Juillet 2021

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Qui ne connaît pas les Sept fruits d’Israël ?
 Ce que l’on nomme communément  » les sept Fruits d’Erets Israël » peut être considéré comme une « appellation contrôlée » (AOC), une notion connue de tous.
Nous savons par ailleurs que cette appellation ne désigne pas l’origine géographique de ces fruits.
En effet, quelles sont ces sept espèces ?
Le blé, l’orge, la vigne, la figue, la grenade, l’olive, la datte.
Une orange venant d’Israël ne fait pas partie des sept fruits, même si son origine aura des implications pour les lois de Teroumot et Maasrot(prélèvements).
A contrario, une datte provenant d’Afrique fait partie des sept espèces , les « sept fruits d’Israël ».
Que représente cette appellation ? A quoi fait-elle référence ? Les sept fruits d’Israël sont-ils sacrés ?
Pour répondre à ces interrogations, revenons à la Source et lisons ensemble les versets du Livre de Devarim (Deutéronome) où les sept espèces sont citées (Parashat Ekev chapitre 8 , versets 6-10):
וְשָׁ֣מַרְתָּ֔ אֶת־מִצְוֺ֖ת ה’ אֱלֹקיךָ לָלֶ֥כֶת בִּדְרָכָ֖יו וּלְיִרְאָ֥ה אֹתֽוֹ כִּ֚י ה’ אֱלֹקיךָ מְבִֽיאֲךָ֖ אֶל־אֶ֣רֶץ טוֹבָ֑ה אֶ֚רֶץ נַ֣חֲלֵי מָ֔יִם עֲיָנֹת֙ וּתְהֹמֹ֔ת יֹצְאִ֥ים בַּבִּקְעָ֖ה וּבָהָֽר אֶ֤רֶץ חִטָּה֙ וּשְׂעֹרָ֔ה וְגֶ֥פֶן וּתְאֵנָ֖ה וְרִמּ֑וֹן אֶֽרֶץ־זֵ֥ית שֶׁ֖מֶן וּדְבָֽשׁ אֶ֗רֶץ אֲשֶׁ֨ר לֹ֤א בְמִסְכֵּנֻת֙ תֹּֽאכַל־בָּ֣הּ לֶ֔חֶם לֹֽא־תֶחְסַ֥ר כֹּ֖ל בָּ֑הּ אֶ֚רֶץ אֲשֶׁ֣ר אֲבָנֶ֣יהָ בַרְזֶ֔ל וּמֵהֲרָרֶ֖יהָ תַּחְצֹ֥ב נְחֹֽשֶׁת
וְאָכַלְתָּ֖ וְשָׂבָ֑עְתָּ וּבֵֽרַכְתָּ֙ אֶת ה’ אֱלֹקיךָ עַל־הָאָ֥רֶץ הַטֹּבָ֖ה אֲשֶׁ֥ר נָֽתַן־לָֽךְ
« Et tu observeras les Commandements de l’Éternel ton Dieu, en marchant dans ses voies et en le révérant.
Car l’Éternel te conduit dans un pays fortuné (une bonne terre), un pays plein de cours d’eau, de sources et de torrents, qui s’épandent dans la vallée ou sur la montagne.
Un pays qui produit le blé(froment) et l’orge, la vigne(le raisin) la figue et la grenade, un pays d’olive huileuse et de miel (de datte).
Un pays où tu ne mangeras pas ton pain avec parcimonie, où tu ne manqueras de rien, les cailloux y sont du fer, et de ses montagnes tu extrairas du cuivre.
Tu mangeras (jouiras de cette consommation) et t’en rassasieras, et tu rendras grâce à l’Éternel ton D’ pour le bon pays qu’il t’aura donné. »
Ces sept espèces ont donc cela en commun, elles sont toutes associées aux louanges que le verset fait de la Terre.
Le verset fait l’éloge des qualités de la Terre d’Israël, en faisant notamment la liste des qualités diverses et de la richesse de cette dernière : terre remarquable par sa richesse topographique et par la diversité des espèces de fruits et céréales qui y poussent.
Ces fruits sont caractéristiques dans le verset de l’éloge de la terre.
Dans le verset cité, ces sept espèces sont réparties en deux catégories spécifiques : la première , »une terre de blé et d’orge, de vigne
-raisin-, de figue et de grenade, et la deuxième, une terre d’olive huileuse et de miel (de datte).
 La première catégorie représente les fruits importants qui y poussent: la récolte, les céréales (blé et orge, l’orge pouvant également être consommé en alcool), la vigne représentant la boisson par excellence, le vin, suivis de la figue et la grenade, fruits mêlant capacités nutritives et douceur.
La deuxième catégorie désigne des aliments venant accompagner d’autres aliments , l’huile (d’olive) et le miel (de datte) ayant la capacité d’agrémenter et d’améliorer le goût d’un autre aliment.
C’est en cela que la bénédiction accordée à cette Terre est remarquable, mêlant les meilleurs aliments, les plus importantes boissons , ainsi que tous les ingrédients nécessaires pour les enrichir et les améliorer.
Une discussion entre les Sages de la Mishna opposent Hachamim et Rabbi Yehouda concernant l’attitude à adopter dans le cas où un homme se tiendrait à table, avec différentes sortes de fruits à consommer.
הָיוּ לְפָנָיו מִינִין הַרְבֵּה, רבי יהודה אוֹמֵר: אִם יֵשׁ בֵּינֵיהֶן מִין שִׁבְעָה — עָלָיו הוּא מְבָרֵךְ. וַחֲכָמִים אוֹמְרִים: מְבָרֵךְ עַל אֵיזֶה מֵהֶן שֶׁיִּרְצֶה.
 Parmi ces fruits, se trouvent ceux des sept espèces, et d’autres ayant sa préférence. Sur quel fruit prononcer la bénédiction préalable à la consommation ? Lequel consommer en premier ?
 Selon ‘Ha’hamim, l’on prononce la bénédiction sur le fruit que l’on désire manger, celui que l’on préfère.
Selon Rabbi Yehouda, l’on fera la bénédiction et l’on consommera en premier le fruit faisant partie des sept espèces de la Terre d’Israël, du fait de son importance. (Discussion à expliquer plus amplement…)
Qu’en est-il en ce qui concerne les sept fruits de la Terre entre eux ? Y’aurait t-il un ordre à respecter ?
Un enseignement dans la Gmara Brahot(41a) rapporté au nom de R’ Yossef, d’autres le citent au nom de R’ Yitshak, voit dans l’ordre des sept fruits cités dans le verset une source d’enseignement :
דְּאָמַר רב יוסף וְאִיתֵּימָא רבי יצחק: כׇּל הַמּוּקְדָּם בְּפָסוּק זֶה, מוּקְדָּם לִבְרָכָה, שֶׁנֶּאֱמַר: ״אֶרֶץ חִטָּה וּשְׂעֹרָה וְגֶפֶן וּתְאֵנָה וְרִמּוֹן ,אֶרֶץ זֵית שֶׁמֶן וּדְבָשׁ״
« Tout fruit cité en premier dans ce verset est prioritaire pour la bénédiction, car il est dit « une Terre de blé et d’orge, de vigne, de figue et de grenade,une Terre d’olive huileuse et de miel(de datte).
Les Sages tirent de ces versets la préséance d’un fruit des sept espèces sur un autre pour la bénédiction.
Ainsi, le raisin passerait avant la figue. Pour quelle raison ? Du fait qu’il est cité plus tôt dans le verset faisant l’éloge de la Terre d’Israël.
 Ce n’est pas la plus grande noblesse conférée à un fruit par rapport à un autre qui est mise ici en avant, importance somme toute subjective, mais son importance due au fait qu’il soit cité plus tôt lors de l’éloge de la Terre, importance d’ordre objectif, car c’est le lien à l’éloge de la Terre d’Israël qui lui attribue son importance.
Nous aurions pu croire, selon cet enseignement, que tout fruit cité avant l’autre dans ce verset lui est prioritaire car cité plus tôt. C’est alors que la Guemara rapporte l’histoire de deux célèbres Amoraïm -Sages de la Guemara- Rav Hisda et Rav Hamnouna qui partageaient un repas.

רב חסדא ורב המנונא הֲווֹ יָתְבִי בִּסְעוֹדְתָּא. אַיְיתוֹ לְקַמַּיְיהוּ תַּמְרֵי וְרִמּוֹנֵי

. שְׁקַל רַב הַמְנוּנָא, בָּרֵיךְ אַתַּמְרֵי בְּרֵישָׁא. אֲמַר לֵיהּ רַב חִסְדָּא: לָא סָבַר לַהּ מָר לְהָא דְּאָמַר רַב יוֹסֵף, וְאִיתֵּימָא רַבִּי יִצְחָק: כׇּל הַמּוּקְדָּם בְּפָסוּק זֶה קוֹדֵם לִבְרָכָה? האֲמַר לֵיהּ: זֶה שֵׁנִי לְ״אֶרֶץ״, וְזֶה חֲמִישִׁי לְ״אֶרֶץ״. אֲמַר לֵיהּ: מַאן יָהֵיב לַן נִגְרֵי דְפַרְזְלָא וּנְשַׁמְּעִינָּךְ.
On leur apporta des dates et des grenades. Rav Hamnouna se servit et prononça la bénédiction sur les dates en premier. Rav Hisda l’interpella alors et lui demanda : « ne penses-tu donc pas comme cet enseignement que tout fruit cité en premier dans le verset passe avant en ce qui concerne la bénédiction ? (« Tu aurais du te servir des grenades et prononcer la bénédiction dessus, la grenade étant citée en cinquième, tandis que la datte est citée en tout dernier, en septième position »! ) ».
Rav Hamnouna lui répondit alors, la datte est citée en deuxième après le mot « Terre »(« Terre d’olive huileuse et de miel « ), tandis que la grenade est citée seulement en cinquième après le mot » Terre »(« Terre de blé et d’orge,de vigne, de figue et de grenade »).
Rav ‘Hisda accepta chaleureusement l’explication de Rav Hamnouna (« qui nous donnera des pieds en fer pour que l’on puisse toujours te suivre ? »).
Quel est cet argument ?
D’après Rav ‘Hisda, il est vrai que la liste des sept fruits énoncés dans le verset établit une certaine importance. Mais ce n’est pas la plus grande noblesse d’un fruit sur un autre qui lui confère son caractère prioritaire: c’est son lien avec l’éloge de la Terre. Ce lien est marqué par la proximité avec le mot »Terre ».
La Terre d’Israël est encore plus une « Terre de blé », qu’une terre d’orge, et plus une terre de vigne qu’une terre de figue… Nous aurions pu penser qu’il en est de même pour le reste des fruits cités en fin de verset et que l’on respecte la même logique, selon l’ordre des fruits énoncés!
Or, le mot « Terre » est re-employé une seconde fois dans le verset pour faire l’éloge des qualités de cette dernière. C’est ainsi une Terre encore plus louable de par le fait qu’elle est Terre d’olive huileuse et Terre de miel de datte. Ainsi le Raisin qui symbolise la boisson par excellence, le Vin, n’est pas prioritaire face à l’Olive symbolisant l’Huile, même si cette dernière n’est pas un aliment majeur-mais seulement un aliment accompagnant rajoutant de la saveur-. Et la Datte symbolisant le miel devient prioritaire face à la Grenade, parce que plus étroitement lié à la louange de la Terre d’Israël.
Plus il y a de distance entre le mot « Terre » et le nom du fruit dans le verset du Texte de la Thora, moins l’on lie les qualités et la richesse de cette Terre avec ce dernier. L’olive et son huile, la datte et son miel, simples compléments, deviennent prioritaires pour la bénédiction face au raisin et son vin(voir cependant l’avis de Rabeinou Perets rapporté par le Tour concernant le Vin lui même), face à la figue et à la grenade.
L’occasion de prononcer une bénédiction devant un fruit des sept espèces avant de le consommer plutôt qu’un autre dépendra de l’image forte à laquelle ce fruit renvoie: la célébration et le souvenir par sa consommation de la bonne terre qu’Hachem nous donne: une occasion d’accorder de l’importance à la Terre d’Israël à travers le fruit consommé et de se souvenir que l’importance accordée à la Terre d’Israël est avant tout celle qui lui est conférée par le texte de la Thora, et non seule celle que nous lui accordons.

Notre lien à la terre, à la Terre d’Israël, est avant tout celui qui passe par le lien au texte de la Thora et qui nous en rapproche, qui est mis en avant lors de la consommation de ses fruits.

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