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Ekev : la marche du monde

par: Stéphanie Allali-Klein

Publié le 4 Aout 2022

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Dans cette paracha, Moche rappelle l’importance que l’on doit donner aux mitsvot. L’accomplissement de celles-ci permettra au bene Israël de connaître une terre prospère, promesse faite aux patriarches.

Il rappelle également leurs manquements : la faute du veau d’or, la rébellion de Korah, la faute des meraglim, l’accès de colère du peuple contre D. à Taveirah, Massah et Kivroth hataava.

Il souligne la bienveillance divine, le pardon de leurs fautes, et les secondes tables de la loi.

Cette paracha porte le nom de ekev qui signifie le talon.

Le midrach explique que ce mot est utilisé pour parler des mitsvot que l’on a tendance à négliger, que l’on risque de « fouler du talon ».

« Pour prix de votre obéissance à ces lois (ve haya ekev tishmeoun et hamichpatim haele) et de votre fidélité à les accomplir, l’Éternel, votre Dieu, sera fidèle aussi au pacte de bienveillance qu’il a juré à vos pères. » (ekev, 7, 12)

Rachi ajoute que si on ne les néglige pas, D. nous récompensera en maintenant avec nous son alliance et sa bonté.

Quel est ce lien entre cette symbolique du talon et notre relation à D. ?

Devons nous appréhender les mitsvot comme étant des bons points pour recevoir des récompenses ?

1-Ekev/ Yaakov

La première fois qu’il est question du mot ekev, le talon ; c’est à la naissance de Yaakov et Essav.

« Ensuite naquit son frère tenant de la main le talon d’Essav et on le nomma Yaakov. » (Toledot, 25, 26)

Selon Rachi, Yaakov a été nommé ainsi car c’est « signe que l’un, en l’occurrence Essav n’aura pas terminé sa période de domination que l’autre, à savoir Yaakov, se dressera pour lui reprendre le pouvoir »

Le midrach rappelle que Yaakov a été conçu le premier et que c’est aussi pour cela qu’il attrape le talon de son frère.

Pourquoi Yaakov cherche-t-il à reprendre le pouvoir ? Et pourquoi devrait-il être le premier ?

Parce que : lorsque Israël souffre, le monde entier souffre.

Dans la souffrance et les épreuves, Israël est le premier.

Voyons ce qui est dit dans cette paracha à propos de l’épreuve :

« Tu te rappelleras cette traversée de quarante ans que l’Eternel ton D. t’a fait subir dans le désert, afin de t’éprouver dans l’adversité, afin de connaitre le fond de ton cœur, si tu resterais fidèle à ses lois ou non » (ibid, 8, 2)

Que D. attend -il de nous lorsque nous sommes éprouvés ? De voir que nous lui sommes fidèles ? Est-ce suffisant pour s’attacher à lui ? Est-ce en cela que nous devons nous sentir les premiers ?

Tentons de comprendre à travers l’image de Yaakov attrapant le talon de son frère, quel sens pouvons-nous tirer de tout cela ?

2-Comment utilisons-nous nos talons ?

Lorsque nous nous trouvons derrière des gens et que nous les voyons marcher, nous remarquons quel est l’usage que nous faisons de nos talons. Nous les soulevons en premier. Ils portent aussi en eux cette notion de premier. Ils font un mouvement du bas vers le haut, de la terre vers le ciel. Mais ils peuvent aussi écraser, ils feront un mouvement du haut vers le bas.

Soulever les talons afin d’avancer montre une forme d’humilité car on avance avec tout le monde. Il est intéressant de noter ainsi qu’il y a une forme d’humilité dans l’élévation.

Le talon est le point de tangence du corps et de la terre. Il porte en lui notre élévation comme au moment de la kedoucha lorsque nous faisons la amida et que nous soulevons trois fois nos talons en disant : kadoch, kadoch, kadoch.

Il est mentionné dans le traité Meguila 31a que D. a un attachement envers son peuple et un attachement envers les humbles.

Selon Rachi les mitsvot que l’on foulerait aux talons sont celles qui doivent nous rattacher aux autres.

Celles qui sont nommées ben adam lahavero.

Il est facile d’utiliser son talon pour écraser les autres mais plus difficile de l’utiliser pour suivre la marche commune du respect de l’autre, pourtant cela nous élève.

Dans notre paracha, Moche accuse les bene Israël d’être un peuple à la nuque raide.

La rigidité de la nuque empêche de se tourner en arrière afin de retenir les leçons du passé et opacifie ainsi la juste vision de l’avenir.

Moche les met en garde sur le fait qu’en prenant possession de la terre, ils ne peuvent oublier qui ils sont et d’où ils viennent ; ils ne peuvent omettre que les malheurs ont été causés à cause de la haine gratuite, de leur manque d’humilité et de leur rivalité.

Moche rajoute :
« En observant les préceptes et les lois de D ; que je t’impose aujourd’hui, pour devenir heureux (letov lev, pour avoir un cœur bon) » (ibid, 10, 13)

La seule manière d’être heureux est de respecter ces mitsvot qui nous enjoignent à faire attention à l’autre.

Le second chapitre du shema énoncé ici va dans ce sens.

3-le Shéma

Le premier émis dans la paracha vaet’hanane s’en tient au cadre :

« Tu aimeras l’Eternel ton D. de tout ton cœur et de toute ton âme avec tout ton pouvoir. Que les paroles que je t’adresse aujourd’hui soient sur ton cœur. Tu les enseigneras à tes fils, tu en parleras assis dans ta maison, en marchant sur ton chemin, à ton coucher et à ton lever. Tu les attacheras en signe sur ta main et elles seront comme des fronteaux entre tes yeux. Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et à tes portes ».

Le cadre permet une cohérence entre nos engagements et notre conduite.

Ici, il ne s’agit pas de s’en tenir au cadre mais de le comprendre, de le dépasser et d’y rajouter quelque chose.

C’est pour cela que Moche leur dit :

« Si vous écoutez bien », « Im chamoa tichmeou ».

Yaakov suit le cadre, il s’en tient au cadre en toute humilité. Mais on attend d’Israël de dépasser la première compréhension/ écoute du cadre pour aller vers autre chose : im chamoa tichmeou.

« Et ce sera si vous écoutez bien mes commandements que je vous ordonne aujourd’hui, d’aimer l’Eternel votre D. et le servir de tout votre cœur et de toute votre âme. […] Mettez ces paroles que je vous énonce dans votre cœur et dans votre âme. Attachez-les comme signe à votre main et qu’elles soient en fronteau entre vos yeux. Vous les enseignerez à vos fils, pour vous en entretenir assis dans votre maison, en marchant sur le chemin, en se couchant et en se levant. »

4-l’amour et la crainte :

Rachi souligne que ekev signifie ici : « im » (si)

Il exprime ainsi une action de cause à effet. Nos actes entraînent des conséquences, ekev exprime notre responsabilité.

Les bene Israël au moment de franchir le Jourdain, doivent se sentir les acteurs principaux de leur avenir.

Les mêmes lettres que ekev, aïn, kouf et vav donnent bakoua, fissuré et kava, réparé.

L’élévation du talon répare les fissures et engendre des lois d’équilibre qui sont des choix de vie qui se résument ainsi : « tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Ce lien n’est ni affectif ni passionnel comme l’auraient souhaité les bene Israël avec D. et entre eux ; celui-ci n’est pas seulement social ou juridique mais sanctifiant. Il élève parce qu’il répond à notre relation à D. et à ses limites.

Dans le traité Berahot 33b, il est écrit « Tout est entre les mains du ciel sauf la crainte du ciel »

Aimer son prochain comme soi-même, c’est tenter d’intégrer la crainte de D. Aimer D. ou l’autre est un ressenti personnel mais qu’en est-il de l’aimer comme soi- même ?

Cet amour est une conviction profonde que l’autre porte en lui la même vitalité que moi et qu’il est possible d’avancer avec lui pour ne pas écraser sa vitalité. Pour cela, il faut craindre celle de D. car elle est notre matrice qui relie toutes les vitalités. Si elle se rompt, nous mourrons. Si je n’avance pas avec D., avec sa vitalité suprême qui me fait avoir un regard sans cesse nouveau sur ce qui m’entoure ; je m’enlise et enlise les autres. La crainte de D. est stratégique. Elle est un curseur qui m’alerte sur mes avancées. Elle n’est pas peur car elle permet d’avancer avec l’autre et non de le rejeter ou de s’en éloigner.

Mais il est vrai que la crainte de D. est aussi vertigineuse car elle fait prendre conscience de la grandeur immense de D. dans notre vie. Elle nous enjoint de mesurer aussi notre avancée de manière verticale, du bas vers le haut, comme une rencontre à chercher sans cesse.

Le talon d’Essav attrapé par Yaakov est une première étape : celle du dépassement. Mais Yaakov en devenant Israël permet une relation sanctifiante que nous devons chercher sans cesse dans nos vies.

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Stéphanie Allali Klein est enseignante au primaire et au secondaire. Elle est aussi formatrice de l’enseignement de la Shoah à l’école. Elle enseigne depuis de nombreuses années les personnages féminins et différents textes de notre tradition. Elle est également maman de 3 filles.

“Ekev : la marche du monde”

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