וַיֹּאמֶר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר. וַיֹּאמֶר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר. לח דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם, וְעָשׂוּ לָהֶם צִיצִת עַל-כַּנְפֵי בִגְדֵיהֶם, לְדֹרֹתָם; וְנָתְנוּ עַל-צִיצִת הַכָּנָף, פְּתִיל תְּכֵלֶת. לט וְהָיָה לָכֶם, לְצִיצִת, וּרְאִיתֶם אֹתוֹ וּזְכַרְתֶּם אֶת-כָּל-מִצְוֹת יְהוָה, וַעֲשִׂיתֶם אֹתָם; וְלֹא-תָתוּרוּ אַחֲרֵי לְבַבְכֶם, וְאַחֲרֵי עֵינֵיכֶם, אֲשֶׁר-אַתֶּם זֹנִים, אַחֲרֵיהֶם. מ לְמַעַן תִּזְכְּרוּ, וַעֲשִׂיתֶם אֶת-כָּל-מִצְוֹתָי; וִהְיִיתֶם קְדֹשִׁים, לֵאלֹהֵיכֶם מא אֲנִי יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם, אֲשֶׁר הוֹצֵאתִי אֶתְכֶם מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם, לִהְיוֹת לָכֶם, לֵאלֹהִים: אֲנִי, יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם
37 L’Éternel parla à Moïse en ces termes:
38 « Parle aux enfants d’Israël, et dis-leur de se faire des franges aux coins de leurs vêtements, dans toutes leurs générations, et d’ajouter à la frange de chaque coin un cordon d’azur.
39 Cela formera pour vous des franges dont la vue vous rappellera tous les commandements de l’Éternel, afin que vous les exécutiez et ne vous égariez pas à la suite de votre coeur et de vos yeux, qui vous entraînent à l’infidélité.
40 Vous vous rappellerez ainsi et vous accomplirez tous mes commandements, et vous serez saints pour votre Dieu.
41 Je suis l’Éternel votre Dieu, qui vous ai fait sortir du pays d’Égypte pour devenir votre Dieu, moi,l’Éternel votre Dieu!
La Paracha de Chela’h Lekha se termine sur le troisième paragraphe du Chema’ que nous lisons au moins deux fois par jour. Il explicite la Mitswa des Tsitsit. Comme l’explique entre autres le Sefer Ha’Hinoukh (C. 386) il s’agit d’une Mitswa Kioumi’t, i.e. un commandement qui n’est pas un ordre absolu mais plutôt qui a un champ d’application restreint. En effet fondamentalement, seuls certains vêtements d’après la Torah doivent comporter des franges, ceux qui ont quatre coins. Qui n’a pas de vêtement à quatre coins n’est donc pas tenu de par ce commandement. (Il y a aussi discussion entre les Richonim sur la nature des tissus sur lesquels nous sommes tenus d’après la Torah de mettre des Tsitsit, néanmoins, nous ne traiterons pas ce sujet dans le cadre de cet article.)
Pourtant nous constatons qu’au quotidien, pour tous les offices de Cha’hrit, (et pour certaines communautés pour le Chalia’h Tsibour pour les autres offices) les hommes ont coutume de se revêtir du Talit (vêtement à quatre coins), et même du Talit Katane qui lui se porte en dessous des vêtements.
De l’évolution de l’usage :
Il semble que la première source écrite (assez succincte et allusive) de l’importance de se forcer à porter un vêtement à quatre coins soit dans Ména’hot (41a), qui précise qu’en temps de crise il faut contraindre les gens à mettre les Tsitsit (sans expliciter en quoi consiste cette contrainte.)
D’après Tosfot, on ne parle ici que d’un cas où le vêtement est à quatre coins : Chabath (32b):
דוקא בימיהם שהיו מלבושיהם כך בארבע כנפות היו נענשים מי שלא היה להם ציצית כדמוכח (מנחות מא.)י
« Exclusivement de leur temps (du temps de la Guemara), où leurs vêtements étaient pourvus de quatre coins […], mais de nos jours où les gens ne portent pas de vêtements à quatre coins il semblerait que ça ne soit pas une obligation… »
Il semblerait que Rabeinou Yona dans le Chaaré Tchouva (3ème porte) soit de la même opinion que Tosfot, d’un point de vue strictement formel, il n’y a pas d’obligation à se forcer à porter un vêtement à quatre coins. Il est à noter que Tosfot conclut en disant qu’il est bien de se procurer un vêtement à quatre coins pour pouvoir accomplir la Mitswa tous les jours des Tsitsits mais qu’il ne s’agit pas d’une obligation.
Le Rambam est plus exigeant:(H.Tsitsits Ch.3-H.10)
אע »פ שאין אדם מחוייב לקנות לו טלית ולהתעטף בה כדי שיעשה בה ציצית אין ראוי לאדם חסיד שיפטור עצמו ממצוה זו. אלא לעולם ישתדל להיות עטוף בכסות המחוייבת בציצית כדי שיקיים מצוה זו. ובשעת התפלה צריך להזהר ביותר . גנאי גדול הוא לתלמידי חכמים שיתפללו והם אינם עטופים:
«Bien qu’un homme ne soit pas tenu de s’acheter un Talit pour pouvoir accomplir le commandement des Tsitsits, il n’est pas convenable qu’un homme pieux ne s’acquitte pas de ce commandement, pour cela il essaiera de se vêtir d’un vêtement éligible au commandement pour pouvoir l’accomplir. Et particulièrement pendant la prière, c’est une honte pour des hommes réputés pour être sages de prier sans être vêtus (de Talits).»
Enfin, si l’on regarde les décisionnaires contemporains, nous constatons que l’usage s’est étendu et que la chose est devenue quasi-obligatoire, comme par exemple dans Igrot Moshé (חלק או״ח ד׳ סימן ד) ou le Rav Moshé Feisntein écrit à son fils que si formellement il n’existe pas d’obligation à se vêtir d’un Talit, puisque l’usage s’est répandu et un usage admis ayant force de loi, nous serions donc tenus de nous contraindre à porter un Talit pour nous mettre en situation d’être obligé de s’acquitter du commandement.
En ce qui concerne le Talith Katane il semblerait que l’usage date du Sire Moshé de Coucy (le BAG),qui en des temps difficiles pour Israël a voulu renforcer la pratique de cette Mitswa.
Comment se contraindre à être contraint sans y être contraint?
Suite du Tosfot Chabath 32B:
כדאמר בסוף פרק קמא דסוטה (דף יד.) וכי לאכול מפריה היה רוצה משה אלא אמר משה מצוה שאוכל לקיים יתקיים על יד
« comme il est dit dans le premier chapitre du traité Sota,(14a) , Moshé voulait-il [entrer en Terre d’Israël pour] manger de ses fruits? Non, Moshé s’est dit que tout commandement que je puisse accomplir soit accompli par ma main. »
Pour expliquer la démarche incitant à se forcer à mettre un Talit, il ramène un Midrash célèbre dans Sota (14a). Moshé face au refus de Dieu de le laisser entrer en Terre d’Israël insiste jusqu’à l’extrême et se voit opposer un refus catégorique. Moshé désirait-il manger des fruit de la Terre d’Israël ? (la Torah vante la Terre d’Israël sur ses fruit notamment dans le Deutéronome Ch.8 v.8)
Absolument pas ! Moshé désirait ardemment accomplir les commandements qui sont liés à la Terre d’Israël. Il apparaît donc de son comportement qu’il faut tenter de se rendre redevable des Mitswot.
Brakhot 35.B.
ואמר רבה בר בר חנה אר »י משום ר »י בר’ אלעאי בא וראה שלא כדורות הראשונים דורות האחרונים דורות הראשונים היו מכניסין פירותיהן דרך טרקסמון כדי לחייבן במעשר דורות האחרונים מכניסין פירותיהן דרך גגות דרך חצרות דרך קרפיפות כדי לפטרן מן המעשר
«Rabbah fils du fils de ‘Hannah a dit au nom de Rabbi Yokhanan qui a dit au nom de Rabbi Yehouda fils de ‘Ilaïe: viens et vois combien les premières générations ne sont pas comparables aux dernières générations ; les premières générations faisaient entrer leurs fruits par la porte de la maison pour se rendre redevable du Maasser, tandis que les dernières générations faisaient rentrer leurs fruits par leurs toits et leurs cours [ ouvertes] pour s’exempter du Maasser.»
Précisons que la Torah ne demande de ne prélever le Ma’asser que sur les fruits qui sont passés par l’entrée principale (il y a d’autres lois qui obligent à prélever le Maasser exemple: le Chabath mais nous nous bornerons à un aspect des lois du Ma’asser).
La Guemara ici brosse une différence fondamentale entre les anciens et les gens de son époque, celle d’un comportement par rapport au commandement. Spontanément on peut se dire que les dernières générations sont bien plus méritantes, elles ont bien étudié les lois du Ma’asser et ont ainsi réussi à économiser !
J’ai l’impression que ce passage nous communique un aspect central de notre rapport aux Mitswots : Il y a des situations (disons la majorité…) où Dieu ne nous contraint pas à accomplir sa volonté, et il y a des moyens plus ou moins détournés pour ne pas accomplir sa volonté mais sans pour autant la transgresser. Dans ce genre de situation, les anciens qui avaient (d’après ce passage) un rapport sain aux commandements, faisaient entrer Dieu dans leur vie en se rendant redevable du commandement même si celui-ci pouvait être facilement contourné.
Alors pourquoi particulièrement les Tsitsits ?
Notre Parasha s’achève sur le verset suivant :
אֲנִי יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם, אֲשֶׁר הוֹצֵאתִי אֶתְכֶם מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם, לִהְיוֹת לָכֶם, לֵאלֹהִים: אֲנִי, יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם
«Je suis l’Éternel votre Dieu, qui vous ai fait sortir du pays d’Égypte pour devenir votre Dieu, moi,l’Éternel votre Dieu.»
Sur ce verset le Talmud commente (Mena’hot):
אני ה’ אלהיכם שתי פעמים אני הוא שעתיד ליפרע ואני הוא שעתיד לשלם
«Je suis l’Éternel est écrit deux fois dans ce verset l’une pour dire je suis celui qui va faire payer (celui qui ne met pas les Tsitsits) et celui qui rétribue (celui qui les porte).»
Le Torah Témima sur cette Drasha pose la question, pourquoi a-t-on besoin de nous préciser que Dieu va punir celui qui ne va pas porter les Tsitsit ? Ne sait-on pas que Dieu punit ceux qui n’accomplissent pas les commandements quels qu’ils soient? Il y voit une allusion au fait qu’on oblige les gens à acheter un Talit alors qu’ils n’y sont pas tenus, alors en toute logique on récompense celui qui n’était à la base pas tenu mais qui se l’impose.
Les Tsitisit étant souvent comparé à l’ensemble des Mitswot (par exemple dans les versets de notre parasha), peut-être en nous imposant de porter un vêtement qui nous oblige à mettre des Tsitsits nos sages ont-ils voulu nous donner une optique générale sur notre rapport aux Mitswots.
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