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Kora’h, Dans quel cas ne pas faire la paix ?

par: Jaqui Ackermann

Publié le 20 Juin 2023

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Dans quel cas ne pas faire la paix ?

Il existe des situations où la thora demande de ne pas chercher à faire la paix. Ce sont des situations exceptionnelles, mais elles existent. Pour tout esprit sensé, la paix est une valeur éminemment positive. Personne ne discute là-dessus. Mais c’est justement quand personne ne discute qu’il faut commencer à réfléchir. Est-ce vraiment une valeur absolue ? Il n’y a pas de valeur absolue dans la thora en dehors de la réalité divine. En dehors de cela, tout dépend justement de cette réalité divine. Si D. veut, alors cela a de la valeur, et si D. ne veut pas, cela n’a pas de valeur. Il y a des exceptions dans tous les domaines, sauf dans celui de la croyance en D. et de son inverse, l’idolâtrie. Dans ce domaine pas de concession. Il y a donc un cas où on ne cherche pas la paix, pour plus de précisions c’est la mitsva de ne pas proposer la paix à des peuples (Amone et Moav) lors de la guerre (interdit 56 du compte de Rambam basé sur Dévarim 23,7). Certes la situation est très particulière, mais il existe aussi des textes tels que : « je haïrai ceux qui Te haïssent, et me disputerai avec ceux qui se lèvent contre Toi » (Psaumes 139,21). En dehors de cela, la paix n’est pas seulement voulue, elle est recherchée, poursuivie (Psaumes 34,15). Certes, les situations où la tension doit être maintenue sont rarissimes, et la paix est la situation à préférer largement majoritairement. Cela n’empêche pas de savoir discerner dans quel cas cela ne doit pas être recherché. Il semble que la paix elle-même a un objectif : correspondre en final à une situation acceptée et voulue par D. La paix ne peut se réaliser totalement si cet objectif n’est pas revendiqué. Le problème est que souvent, on croit agir pour D., alors qu’on agit pour son propre intérêt. L’essentiel est d’être profondément honnête, de ne pas chercher des excuses pour justifier un objectif apparemment correct. Les faux-semblants sont courants. Dans le même ordre d’idée, on peut se demander : que faut-il sacrifier pour la paix ? Tant qu’on ne sacrifie pas une mitsva. Il y a de nombreuses consignes qui justifient de passer outre certains interdits pour la paix, mais pas tous les interdits. Cela est très limité, et il y a une logique : la paix est destinée à faire valoir justement la volonté divine. Sacrifier cette volonté pour la paix revient à être incohérent. Le moyen de gérer tout cela reste halakhique. Par exemple, on ne peut pas transgresser chabath pour maintenir la paix, on peut trouver probablement des moyens d’éviter la transgression. Quelques fois, si c’est un interdit relatif à un usage, une autorité pourrait permettre, selon la situation. Il est intéressant alors de bien connaître la halakha pour réagir correctement.

Qui a tué ?

Le peuple accuse Moché et Aharone d’avoir tué les révoltés (17,6). S’ils n’avaient pas proposé le test des encensoirs, personne ne serait mort (d’autres cultes auraient été plus adaptés). Non seulement ceci est probablement un mensonge mais cela entraine un fléau divin qui frappe le peuple. Il est vrai qu’en lisant le texte, ce n’est pas D. Qui propose le test, mais Moché. Mais le fidèle connait le principe : Moché ne propose rien de lui-même, c’est D. Qui le lui dit ou le lui fait comprendre. Il est intéressant de constater que c’est justement ce point qui pose un problème depuis le début. Kora’h prétend que Moché prend des initiatives personnelles. Kora’h prétend : « votre système se protège par lui-même, tous les amis prennent les postes clés. Et vous envoyez un petit cataclysme dès que quelqu’un ose ouvrir la bouche. » Et voici que le peuple, reprend le même thème. Le cycle est infernal, car qui prouverait le contraire ? On dira encore, c’est Moché qui entraine la mort, d’une manière ou d’une autre. En vérité, plusieurs éléments montrent que ce raisonnement ne peut pas tenir. D’abord, le lecteur voit que Moché a déjà empêché un fléau. Le jour du test des encensoirs, D. est prêt à envoyer un fléau et Moché argumente que le peuple s’est laissé influencé par Kora’h, et ne mérite pas cela. Cela fonctionne (16,22). Mais l’argument, la deuxième fois ne tient pas (17,10). Puis, le peuple connait ce genre de situation. Si la punition tombe sur l’assemblée, ce n’est pas Moché qui en est responsable, c’est l’ensemble du peuple. Il y a des règles : quand la collectivité a une responsabilité, D. le signifie, ce n’est pas Moché qui peut entrainer un tel fléau. Puis, le peuple sait aussi que l’argumentation de Kora’h contre Moché n’est pas un passe-partout. Cela ne fonctionne que lorsqu’une autre logique ne prend pas le pied sur cela. Moché n’est pas un grand sorcier, qui a tous les pouvoirs. Kora’h a trouvé une faille, en prétendant que la prêtrise pourrait être davantage partagée. Mais la logique première est que Moché a bien dirigé le peuple, en le guidant, en le protégeant, en priant pour lui, en montrant clairement qu’il ne possède pas toutes les clés, bien loin de là. Rachi (17,5) rapporte le midrach que Moché avait vu sa main devenir lépreuse, en Egypte. Il avait dit du mal du peuple, à ce moment, et D. le lui avait signifié ainsi. Lui-même dépend du peuple. C’est le moment de s’en rappeler. Et finalement, pourquoi ne pas inverser la question ? Le sacrifice d’Aharone a bien été accepté lors de l’inauguration du temple. Peut-être alors, il faudrait prouver qu’Aharone n’est pas suffisant, au lieu de dire qu’il en faudrait d’autres ? Les contestations n’ont de sens que si les réalités ne sont pas suffisamment fondées, si elles sont défaillantes. Dire qu’il faut faire autrement est toujours facile, tant qu’on n’a pas prouvé qu’on peut faire beaucoup mieux que l’existant.

Pour en finir avec des idées fausses

Tout le monde connait le midrach à propos de Kora’h. Il aurait dit : pourquoi faut-il une mezouza à une pièce qui contient des milliers de séfarim ?! On lit ce midrach souvent sans réfléchir : vous connaissez beaucoup de voitures qui n’ont pas de volant sous prétexte que leur coffre est rempli de volants ? Ce midrach a l’air de dire des inepties. Le midrach n’a pas fonction de nous donner de belles allégories, il dit des choses plus profondes qu’il en a l’air. Kora’h aussi. Et le problème est bien actuel. En voici une interprétation. Les mitsvoth sont censées développer un aspect de notre vie. Elles touchent une réalité, et même si on n’en a pas conscience véritablement, on y croit. La question est de savoir si on peut avoir une conscience de cela. Est-ce qu’on peut prétendre à concevoir la réalité des mitsvoth ? Dans le domaine social, cela se sent, cela est accepté. Si quelqu’un aide son camarade, les relations peuvent changer. C’est une réalité (commentaire du Rambam, début de Péah). Les mitsvoth sociales ont un impact quasi évident. Mais en mangeant de la matsa, est-ce que je peux sentir un changement ? Cela est moins évident. En mettant une mezouza, est-ce que je peux ressentir quelque chose ? Kora’h prétend que oui. Je peux me hisser au niveau où je ressentirais un impact de la mitsva. Dans ces conditions, il faudrait effectivement différencier l’impact de la mezouza de l’impact de la présence des séfarim. Kora’h prétend que cela a un impact similaire. Qui peut prouver le contraire ? Uniquement ceux qui ressentent l’impact de la mitsva. Les autres n’ont pas droit à la parole. C’est le danger de cet argument : on peut prétendre avoir saisi un aspect des mitsvoth. Et à ce moment on donne son avis. (Cela n’a alors aucun rapport avec le volant d’une voiture.) Kora’h prétend que les mitsvoth sont des moyens extraordinaires pour progresser, et que chacun doit progresser. Le discours est très religieux. Ce qu’il insinue l’est bien moins : il insinue qu’on peut se soustraire à une forme de discipline, qu’on peut adapter par une forme de ressenti. Il fait le raisonnement suivant. Des deux choses l’une : si Moché n’est qu’un homme, et que moi aussi, je peux comprendre ce que D. me demande, alors je peux donner mon avis. Si Moché est bien plus qu’un homme, alors c’est à Moché que j’obéis, et non à D., ce qui est évidemment inacceptable. L’erreur du raisonnement vient du fait que Moché est « vrai », il est transparent, il est le seul à transmettre exactement la volonté divine. Lui obéir ne revient pas à lui obéir à lui, en tant que personne, mais à D. Et ce sera le principe pour tout vrai prophète ou tout vrai maître : il sera transparent. Nous n’avons pas à apprécier une mitsva, nous n’en sommes pas capables.

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