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Le projet des fils de Gad et de Ruben

par: David Guinard

Publié le 8 Juillet 2010

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Une discussion entre les fils de Gad et de Ruben d’une part et Moshe rabenou d’autre part est rapportée dans la parashat Matot (Bemidbar 32). Les Bnei Israel se trouvent alors au seuil de la Terre Promise, dont ils vont enfin prendre possession, menés par Josué. Ils campent alors en Transjordanie (עבר לירדן) qu’ils viennent de conquérir. De façon inattendue, les fils de Gad et les fils de Ruben, y voyant un endroit propice à la culture du bétail – leur spécialité – , demandent de pouvoir hériter de la région pour s’y installer définitivement.
Moshe commence par s’offusquer en les comparant aux explorateurs qui avaient critiqué Erets Israël. Puis le ton s’adoucit lorsque les Bnei Gad et les Bnei Reouven assurent à Moshe qu’ils vont avant cela participer activement à la conquête d’Erets Israël, comme les autres tribus. Il ne s’agit donc ni de se désolidariser du reste du peuple d’Israël, ni de les décourager. Moshe, rasséréné, entérine alors leur projet.

Essayons de comprendre ce que recherchaient les Bnei Gad et Reouven.
« Or, les enfants de Ruben et ceux de Gad possédaient de nombreux troupeaux, très considérables. Lorsqu’ils virent le pays de Yazer et celui de Galaad, ils trouvèrent cette contrée avantageuse pour le bétail »
(Bemidbar 32,1, traduction du rabbinat).
Le Midrash Rabba (Seder Matot paragraphe 7) explicite : ils possédaient un grand cheptel qu’ils chérissaient par dessus tout, et étaient donc prêts à renoncer à l’héritage spirituel que représente Erets Israël, pour assurer leur réussite matérielle. S’il s’agit vraiment de considérations matérialistes teintées d’égoïsme, pourquoi Moshe accède-t-il finalement à leur requête ?
Le Maharal dans Or Hadash explique que la fortune peut au contraire être tout à fait tournée vers l’Autre, par le biais de la tsedaka (Mi she yesh lo osher gadol, mashpia le-aherim). La richesse est louable, dans la mesure où elle est un moyen pour aider son prochain.
On comprend bien qu’en acceptant de mettre la main à la pâte avec les autres tribus pour conquérir le pays, ils donnent le gage d’une dynamique de « donneurs », ce qui est suffisant pour que Moshe considère leur projet acceptable.
A ce stade de lecture, la requête des Bnei Gad et des Bnei Reouven reste toutefois difficile à justifier a priori, elle reste une démarche individualiste et matérialiste qui devient tolérée car accompagnée d’actions altruistes.

Essayons d’envisager la question de cette démarche de Gad et Reouven par une autre porte d’entrée.
Le lieu sur lequel ils ont jeté leur dévolu עבר לירדן , , possède une identité complexe. Il détient une certaine kedousha (d’après certains avis on est tenu d’en apporter les bikourim(prémices), voir mishna 10 perek 1 du traité bikourim). Cependant, Le Rashash (Rabbi Shmuel Shtrashun, XIXème siècle) dans ses hidoushim sur le Midrash rabba (Parashat Naso paragraphe 18 des hidoushei haRashash) précise que cette kedousha (sainteté) n’est devenue effective qu’après la conquête d’Erets Israël.
Tentons de comprendre. La conquête de la Transjordanie constitue la première étape de la conquête d’Erets Israël, chronologiquement mais aussi stratégiquement. En termes traditionnels, on parlerait de « reshit », de prémices. Le reshit est un élément, a priori neutre, dont l’utilisation dans un certaine direction va lui conférer une certain valeur. La Transjordanie a une kedousha dans la mesure où elle est le reshit de la conquête d’Erets Israël.
De la même façon, si la richesse des tribus de Gad et Reouven devient un moyen de subvenir aux besoins du klal Israël, alors elle est prend la place de reshit par rapport à son développement (y compris spirituel), et acquiert ainsi une place fondamentale a priori. En accord avec cette lecture, le Midrash Tanhouma (Matot 6) rapporte que la richesse de ces deux tribus était directement voulue par Hakadosh Baroukh Hou Lui-même.

On peut maintenant lire de façon éclairée la bénédiction formulée par D. à la tribu de Gad (Devarim 33 :20-21)

Au sujet de Gad, il dit: « Hommage à celui qui agrandit Gad! Il se campe comme un léopard, met en pièces et le bras et la tête. Il s’est adjugé les prémices de la conquête, là est sa part, réservée par le législateur: il s’avance cependant aux premiers rangs du peuple, accomplissant l’œuvre sainte du Seigneur, fidèle à ses devoirs envers Israël ! »

Shabat shalom.

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