La période du 9 av est en lien avec la faute des explorateurs.
Quelle est leur faute ?
Ils ont médit sur la terre d’Israël.
D. n’avait aucunement l’intention d’envoyer quiconque en Israël afin d’explorer une terre déjà promise mais les bene Israël ne voulant rentrer dans cette terre sans la connaître par peur de ne pas y arriver ont enclenché le processus :
Il fallait explorer cette terre afin de savoir s’il était possible d’y habiter.
D. ne serait plus présent en tant que D. des miracles ; il fallait compter sur soi et sur le monde.
Si D. ne guide plus et ne protège plus, qu’il n’y a aucun signe apparent pour montrer sa présence, comment s’installer dans une terre nouvelle remplie d’ennemis ?
D. donne des signes mais les explorateurs ne les voient pas : de nombreux enterrements ont lieu ce jour là afin de ne pas porter l’attention sur eux (Rachi), mais eux ne voient que les géants qui pourraient les engloutir. Sans le D. des miracles, le D. visible, ils se sentent minuscules.
Ces 10 personnes puisque Yehoshoua et Calev ne participent pas à la faute sont tous des notables, des princes.
« Envoie-toi des hommes, et ils exploreront le pays de Canaan, que je donne aux fils d’Israël, vous enverrez un homme, un pour la tribu de ses pères, tout prince parmi eux » (Chelah leha, 13, 2)
Comment des personnes ayant cette posture importante en arrivent à se sentir si petits ?
Et si au contraire, cela était un problème d’égo ?
Comment supporter qu’à un autre endroit, dans une autre situation, leur statut change ? Comment aussi, accepter qu’ils n’aient plus aucun rôle à jouer ?
Par peur du rejet, du renvoi, ils décident de décrire une terre de géants, une terre qui avale ses habitants, et eux, face à cette vision chaotique comme étant des sauterelles :
« Et là nous avons vu les nefilim, fils de Anaq, provenant des nefilim : nous étions à nos yeux comme des sauterelles, et ainsi étions nous à leurs yeux. » (ibid, 13, 33)
Le peuple se met à pleurer et D. se met en colère.
« Toute la communauté se souleva, ils donnèrent leur voix, le peuple pleura en cette nuit-là » (ibid, 14, 1)
Le traité Taanit 29a enseigne : Raba a enseigné au nom de Rabbi Yohanan : cette nuit-là était celle du 9 av. Le Saint béni soit-il leur a déclaré : » Vous avez versé des pleurs pour rien. Je vous fixerai, moi à cette même date, des pleurs pour rien. Je vous fixerai, moi à cette même date, des pleurs à travers les générations ! »
Les 10 explorateurs meurent d’une plaie et les bene Israël doivent rester en exil pendant 40 ans dans le désert. Cette génération ne peut voir Israël. Yehoshua et Calev en ont le droit ainsi que la nouvelle génération.
C’est à Yehoshua que revient la conquête de la terre et de nombreuses similitudes existent entre ses actions et celles de Moche son maître.
Ils enlèvent leurs sandales dans un endroit saint ; ils sont menacés par un ange ; l’un voit l’ouverture de la mer Rouge, l’autre du Yarden ; ils font faire la brith mila au peuple…
D’un point de vue personnel, ils épousent tous les deux une femme convertie : Tsipora et Rahav.
Si Moche connait sa femme lorsqu’il arrive à Midian après avoir fui l’Egypte, c’est en envoyant à son tour deux explorateurs, Pinhas et Calev, que Yehoshua fera la connaissance de sa future femme Rahav.
Ils décident de s’arrêter dans une auberge tenue par une courtisane Rahav. Le roi de Jéricho ayant appris leur présence demande de les livrer. Celle-ci va les cacher et les sauver.
Il est intéressant de noter que Moche avant d’arriver en Egypte se trouve devant une auberge et que Tsipora le sauve d’un serpent qui l’engloutit parce qu’il n’avait pas fait la brith mila à son fils.
Si Tsipora n’a pas peur et agit en faisant la mitsva de la brith mila, les motivations de Rahav semblent plus ambiguës.
En effet, le texte ne donne pas l’impression que Rahav accueille les deux explorateurs pour la mitsva d’hospitalité mais plutôt par peur et par intérêt puisqu’elle leur demande de se souvenir d’elle :
« Et maintenant, jurez-moi par Hachem, puisque j’ai agi charitablement avec vous, qu’à votre tour vous agirez avec bonté envers la maison de mon père, et m’en donnerez un gage certain ; que vous épargnerez mon père et ma mère, mes frères et mes sœurs et tous ceux qui leur appartiennent, et que vous nous préserverez de la mort » (Yehoshua, 2, 12)
Rahav nous permet par son témoignage de voir l’envers du décor. Il y a le témoignage des explorateurs qui se voient tout petits face à des géants et le sien qui démontre que la vérité est tout autre. Les habitants craignent bien les bene Israël surtout leur D.
Si les explorateurs devaient vivre sans les miracles en rentrant en terre de Canaan, le regard que portent les habitants sur eux montre qu’ils demeurent un peuple ayant vu la force et les miracles de D.
Rahav appelle leur D. Hachem, elle a conscience qu’il n’est pas qu’une puissance (elokim), mais un D. accompagnant son peuple, en relation avec son peuple.
« Car nous avons appris comment Hachem a mis à sec devant vous les eaux de la mer des Joncs, quand vous êtes sortis de l’Egypte ; et aussi que vous avez fait aux deux rois emorites, de delà le Yarden, à Sihon et à Og, que vous avez exterminés » (ibid, 2, 10)
Le Sabba mikelem nous donne un éclairage sur la position de Rahav face au miracle de la mer Rouge.
Hazal nous disent qu’au moment de l’ouverture de la mer Rouge, les servantes en voyant les miracles ont eu une force prophétique que les plus grands prophètes n’ont jamais eu.
Pourquoi prennent-ils l’exemple de la servante et non de tout un chacun ?
Ils nous apprennent ce qui différencie l’homme libre de l’esclave. Un esclave peut voir les plus grands miracles, il redeviendra lui-même ; cela ne change rien en lui sur le long terme.
L’homme libre sait tenir compte de ce qu’il a vu ; c’est pour lui, une leçon à vie pour se changer, se dépasser, ne plus être dominé par ses besoins mais contrôler sa vie.
L’esclave est esclave de ses habitudes même quand il a vu un miracle.
A Yericho, tout le monde avait peur d’Israël mais malgré la peur, ils n’étaient pas capables de changer comme s’ils étaient le miroir de la propre peur des bene Israël au moment de rentrer en terre sainte.
Rahav elle, fait l’effort de se dépasser, d’aller au-delà des ses craintes. Elle ne se soumet pas.
Elle utilise la corde qui lui permettait de recevoir ses clients pour aider les deux explorateurs à se cacher. Sa prostitution se transforme en liberté.
Elle est retenue dans la Guemara comme une des femmes converties les plus justes avec Osnat, Tsipora, Batia, Ruth et Yaël. Elles ont en commun d’avoir su élever leur passé.
Pour cela, il faut lutter contre le désespoir, l’anéantir. Le renouvellement est techouva, retour à son potentiel de vie. En cela, il n’est pas possible de se morfondre de s’asseoir et pleurer comme Agar (l’esclave) qui aurait pu pourtant se libérer, avancer et avoir confiance.
Le Rambam explique que la techouva est ce processus de ne pas commettre de nouveau la faute qui réapparait devant moi. La techouva est un choix de vie, d’avancer avec les mêmes contingences mais autrement. En cela, elle ancre.
Rahav a eu le mérite d’épouser Yehochoua alors que Myriam qui n’a fait que des misvot toute sa vie ne l’a pas pu.
Sans doute parce que Rahav a renouvelé et s’est dépassée. Elle a utilisé sa corde non plus pour la mort mais pour la vie.
Elle aura le mérite d’avoir huit filles toutes mariées à des grands prêtres. Elle sera l’arrière-grand-mère de huit autres cohanim grands prophètes : Jérémie, Hilkia, Saria, Maasia, Baruch, Benneria, Hananel, Chalom et Neria. Elle compte dans sa descendance aussi la grande prophétesse Houlda.
N’y a-t-il plus grande joie que de dépasser son désespoir et élever son passé afin de renouveler ce qui a déjà été ?
Il n’est pas anodin que des femmes converties nous enseignent cela.
Elles se doivent d’être un modèle afin d’apprendre que nos pleurs de désespoir et de renoncement empêchent le retour à la vie (à l’image des pleurs qui ont provoqué le 9 av), et qu’il faut opérer un dépassement de soi pour goûter au bonheur d’un autre endroit, d’une autre chance, d’un autre destin : celui de la liberté.
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