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Nasso: De la Sota au Nazir

par: Jérôme Bénarroch
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Notre paracha commence par distinguer les enfants de Lévi en leur répartissant différentes tâches liées à la garde et au transport des pièces du Michkan, puis distingue le nazir, une personne qui fait un vœu d’abstinence du vin en l’honneur de D. Notre paracha commence par distinguer les enfants de Lévi en leur répartissant différentes tâches liées à la garde et au transport des pièces du Michkan, puis distingue le nazir, une personne qui fait un vœu d’abstinence du vin en l’honneur de D. Mais la Torah intercale juste avant le chapitre sur le nazir l’enseignement relatif à la femme sotah, soupçonnée d’adultère.

Rachi pose immédiatement la question : « Pourquoi le chapitre du nazir suit-il celui de la femme soupçonnée d’infidélité ? ». La réponse est tirée du début des traités du Talmud Sotah et Nazir : « Rabbi dit : pourquoi a-t-on juxtaposé le chapitre de la femme sotah et le chapitre du nazir ? Pour te dire : que celui qui voit la femme sotah dans son humiliation s’abstienne du vin, car c’est lui qui entraîne à la débauche ».

Notre propos sera de mieux comprendre cette réponse, qui semble a priori bien obscure.

En effet, quel rapport y a-t-il entre celui qui voit cette femme au Beth Hamikdach, en allant peut-être apporter un korban, et le fait qu’il doive s’abstenir de vin pour un temps ? Il n’a rien à voir avec elle ! Il n’a rien fait de mal, pour devoir maintenant se priver ! (Qui plus est, d’après un avis qui viendra par la suite, on explique que le nazir apporte un sacrifice expiatoire à la fin de sa période de naziréat pour expier la faute de s’être privé de vin ! Or, ici, on l’encouragerait justement à agir ainsi !)

Ensuite, quel est le rapport entre la femme soupçonnée d’infidélité et le vin qui mènerait à la légèreté, puis à la débauche ? Veut-on dire que la femme buvait sans doute trop facilement, et que c’est la seule raison pour laquelle son mari a eu un esprit de jalousie, parce qu’elle se laissait aller dans la boisson ? Mais alors, si c’est une question de vin, ne faudrait-il pas plutôt que celui qui voit la femme sotah prive sa femme de boire, plutôt que lui ?

Ou bien faudrait-il comprendre que c’est à cause d’un mari qui boit un peu trop que la femme devient licencieuse ?
Mais si le vin pose tellement de problèmes, interdisons le vin, tout simplement ! Pourquoi l’interdire précisément à celui qui la « voit » ?

Et pourquoi se priver de vin serait-il une solution ?

D’ailleurs, « celui » qui voit la femme sotah peut être un homme comme une femme : « Lorsqu’un homme ou une femme fera vœu explicitement d’être nazir ».

Une réponse consiste à dire que tout ce qui arrive à une personne, ce qu’elle voit ou entend, n’est pas pur hasard, mais contient un sens qui vient du Ciel. Celui qui voit la femme sotah dans sa honte devrait interpréter la chose comme un signe, que D. exige de lui qu’il se sanctifie davantage qu’il ne le fait actuellement, qu’il s’abstienne du vin, et devienne nazir pour l’honneur du Ciel.

Cette idée, proposée par un commentateur, est certainement vraie, mais ne rend pas bien compte de la spécificité de la situation.

Nous proposons de comprendre ainsi.

Celui qui voit la femme sotah dans sa détresse, dans son humiliation explique Rachi, que voit-il ? Et qu’a-t-il vu, qui le regarde ?

Là est le problème : il a vu la femme sotah, sa chevelure défaite, son vêtement déchiré, ses ornements ôtés (voir Michna Sotah, page 7a). Elle n’est pas nue, mais presque. Pour le dire, il faut comprendre que la cérémonie de la femme sotah évoque la répétition de la situation de la femme dans son intimité.

Or celui qui voit cette femme, dont on peut dire qu’il l’a vue, comme Rabbi l’explique, c’est qu’il n’a pas détourné le regard d’elle, à la manière de ‘Ham qui a « vu » la nudité de son père, tandis que Chem et Yafet s’en détournaient par pudeur.

Dire « celui qui a vu la femme sotah », c’est donc dire celui qui s’est laissé fasciner par cette vision de nudité, qui a manqué de pudeur, car cette femme n’est pas à voir. Sa situation est l’humiliation. Rachi explique « dans sa honte ». De même que Adam et ‘Hava étaient nus, et n’avaient pas honte.

Celui qui n’a pas la force de la pudeur est donc en danger avec le vin. Il risque, lui, et non sa femme, de se laisser aller à la débauche.

Rachi vient donc nous enseigner que la Tora elle-même entérine l’explication de Rabbi dans la Guemara : c’est le pchat de cette juxtaposition des deux chapitres. Celui-là doit se priver un temps du vin, parce que le vin, sans la force de la kedoucha et de la pudeur, entraîne facilement à la dépravation.

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1990
Agrégé de lettres et Docteur en philosophie, Jérôme Benarroch est un ancien élève puis enseignant de la Yechiva des Étudiants de Paris. Il est actuellement professeur de philosophie et de français au lycée Ozar Hatorah Paris 13ème. Enseignant à l’Institut Elie Wiesel, à l’Institut Universitaire Rachi de Troyes, au SNEJ de l’Alliance Israélite Universelle, dans le cadre du cycle ACT de la Yechiva des Etudiants de Marseille, au Collège des Bernardins, et à l’Université Catholique de Louvain, il a publié des articles au sein des Cahiers d’Etudes Lévinassiennes, des revues La Règle d’Abraham, Orient-Occident les racines spirituelles de l’Europe, et des Cahiers philosophiques de Strasbourg et intervient régulièrement sur Akadem.

  1. Torjmane

    Hazak pour cette réponse mais une réflexion se relève : comment expliquez vous le Cohen gadol qui été en face de cette femme tout le long du processus de la femme Sota ? Ne devrait il pas avoir honte ?