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De la monnaie et de l’intérêt

par: Lévy Itshak Bellaiche

Publié le 19 Décembre 2021

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Disclaimer : L’auteur n’a étudié les passages de Guemara cités qu’avec Rashi et sans avoir pu encore se référer aux commentaires. De même les connaissances de l’auteur sur le sujet sont très maigres. L’auteur émet une réflexion sujette à évolution. On a un principe ליגמר ליסבר והדר איניש ,(traîté Shabbat 63a), on doit d’abord apprendre (en largeur) et ensuite expliquer ou chercher à comprendre les raisons sous-jacentes. Le lecteur est donc averti. L’interdit du prêt par intérêt est bien connu. Le prêt avec intérêt est interdit pour le prêteur et pour l’emprunteur aussi. Dans les lois du prêteur et de l’emprunteur, Rambam introduit cet interdit au quatrième chapitre, et au treizième paragraphe fait ressortir une caractéristique particulière de cet interdit.

רמב »ם הלכות מלוה ולוה, פרק ד’, הלכה יג
הורו מקצת הגאונים שהלוה שמחל למלוה ברבית שלקח ממנו או שעתיד ליקח אע »פ שקנו מידו שמחל או נתן מתנה אינו מועיל כלום שכל רבית שבעולם מחילה אבל התורה לא מחלה ואסרה מחילה זו ולפיכך אין המחילה מועלת ברבית אפילו ברבית של דבריהם

Certains Gueonim ont enseigné que l’emprunteur qui a concédé au prêteur l’intérêt qu’il lui a pris, ou qu’il s’apprête à prendre, bien qu’ils aient acquis de lui qu’il ai concédé ou qu’il en a fait don, ça ne fonctionne nullement, car tout intérêt est concession, mais la Torah n’a pas concédé et a interdit cette concession. C’est pourquoi la concession n’a pas d’effet, même pour l’intérêt [interdit] par leurs paroles [des sages] […]

Je pense que cette caractéristique fait démarquer l’intérêt de beaucoup de lois financières dans lesquelles on se soucie généralement de la “complétude du cœur” de chacune des parties concernées. Un prêt par intérêt pourrait bien sincèrement arranger les deux parties,
ce serait tout de même interdit.

Que concerne cet interdit ? Allons directement au sixième chapitre.

רמב »ם הלכות מלוה ולוה, פרק ו’, הלכה א’
המלוה את חבירו סלע בחמשה דינרים או סאתים חטים בשלש או סלע בסלע וסאה או שלש סאין בשלש סאין ודינר כללו של דבר כל הלואה בתוספת כל שהו הרי זה רבית של תורה ויוצאה בדיינין

Celui qui prête à son ami un Séla [(pièce de monnaie)] pour cinq Dinars [au lieu de quatres], ou bien deux Séah [(unité de mesure)] de blé pour trois, ou alors un Séla [(pièce de monnaie)] pour un Séla et un Séah de blé, ou alors trois Séah de blé pour trois Séah et un Dinar, le principe de la chose, tout prêt avec un ajout quelconque, c’est du Ribit (intérêt) de la Torah, et on peut le récupérer par des juges [(si il y a eu paiement de l’intérêt, on peut récupérer l’intérêt)] […]

En résumé, Rambam nous dit que cet interdit concerne autant les prêts de monnaie que les prêts en substance (comme une certaine quantité de blé), tant qu’il y a un ajout sur le prêt, de monnaie ou d’une chose substantielle, c’est un intérêt interdit par la Torah. Une remarque : un prêt, הלוואה ,contrairement à l’emprunt d’un objet pour son utilisation (השאלה ,(est une avance qui est faite pour être dépensée (ou consommée), et au moment du remboursement on ne rend pas la chose même qui a été empruntée.
Il existe en fait aussi un interdit rabbinique dans certains cas de prêter un Séah de blé, contre un Séah de blé (en présence d’une monnaie courante qui définit par ailleurs le cours du blé, connu par les parties, cf. chapitre 10 du Rambam pour plus de détails). Le problème est que même si l’emprunteur rend la même quantité de blé qu’il a emprunté, le cours du blé peut varier et les sages ont considéré qu’on ne peut ignorer la monnaie circulante et qu’il faille à priori considérer la valeur monétaire des bien empruntés et rendus, dans cette monnaie. Par contre, il est autorisé de rendre la même quantité de monnaie empruntée, si la monnaie est restée inchangée, même si cela ne correspond plus à la même quantité de blé!
On peut donc remarquer une volonté rabbinique de considérer la monnaie circulante (produit de l’humain) comme référence monétaire pour l’interdit de l’intérêt.

Nous allons mentionner et très brièvement nous pencher plus tard sur un cas rapporté dans la guemara, où la même quantité d’unités de monnaie achètera plus de fruits au moment du remboursement, et que cette différence du pouvoir d’achat est dû à un changement d’ordre
monétaire.
La guemara dans le chapitre הזהב se penche sur la question de savoir si on peut faire une transaction de Halifin avec de la monnaie (dit de cette manière : חליפין נעשה מטבע ,la monnaie peut être le sujet de [la transaction de] Halifin) Je suis tenté de traduire Halifin par du troc. Le troc est l’échange de deux objets entre deux personnes. A priori cet échange ne regarde pas la valeur financière des bien échangés relative à une monnaie circulante, mais simplement les deux parties s’échangent les biens à leur satisfaction. Le troc existait avant l’existence de la monnaie. On peut comprendre que le troc en présence d’une monnaie circulante perd de sa nature. En tous les cas, et sans vouloir définir précisément ce concept, Halifin est un autre type d’acquisition que l’acquisition de biens par de la monnaie.
Elle rapporte la discussion suivante :

בבא מציעא מה: (פרק « הזהב »)
איתמר רב ולוי חד אמר מטבע נעשה חליפין וחד אמר אין מטבע נעשה חליפין אמר רב פפא מ »ט דמ »ד אין מטבע נעשה חליפין משום דדעתיה אצורתא וצורתא עבידא דבטלא

Il a été dit [la discussion suivante entre] Rav et Levi. L’un dit que la monnaie (מטבע (peut être le sujet de Halifin, et l’autre dit que la monnaie
ne peut pas être le sujet de Halifin. Rav Papa dit : quelle est la raison de celui qui dit que la monnaie ne peut pas être le sujet de Halifin ? Parce qu’il [le récepteur de la monnaie] s’appuie [(son דעת est)] sur la forme [marquée sur la monnaie, c’est ce qui lui donne son importance (Rashi)], et parfois la forme est annulée [(Le roi peut annuler la validitée de la forme courante et décréter une nouvelle forme valide, Rashi)]

Ensuite la guémara cherche à apporter des éléments qui pourraient corroborer l’avis de celui qui pense qu’on peut faire Halifin avec de la monnaie. Dans sa recherche, elle ramène le cas suivant.

בבא מציעא מו. (פרק « הזהב) »
איתיביה רבי אבא לעולא הרי שהיו חמריו ופועליו תובעין אותו בשוק ואמר לשולחני תן לי בדינר מעות ואפרנסם ואני אעלה לך יפה דינר וטריסית ממעות שיש לי בביתי אם יש לו מעות מותר ואם לאו אסור ואי סלקא דעתך אין מטבע נעשה חליפין הויא ליה הלואה ואסור אשתיק א »ל דלמא אידי ואידי בפרוטטות שנו דליכא עלייהו טבעא ואידי ואידי פירא הוו ומש »ה נקנו בחליפין א »ל אין דיקא נמי דקתני יפה דינר וטריסי’ ולא קתני דינר יפה וטריסי’ ש »מ רב אשי אמר לעולם בדמים ובפרוטטות כיון דאית ליה נעשה כאומר הלויני עד שיבא בני או עד שאמצא מפת

Rabbi Aba a objecté à Oula, voici que ses porteurs par âne et ses ouvriers le réclament au marché [pour qu’il leur paye leurs salaires], et il a dit au marchand donnes-moi un Dinar en pièces et je vais les pourvoir et je te ferai monter וטריסית דינר יפה ,bellement un Dinar et un Trisit des pièces que j’ai à la maison. Si il a des pièces, c’est permis, sinon c’est interdit. Et si tu penses que la monnaie ne peut pas être faite Halifin [(ne peut pas être le sujet de Halifin)], c’est donc un prêt [(et non un échange instantané)], et c’est interdit! [puisqu’il y a un intérêt, vu que le remboursement rajoute un Trisit par rapport au prêt]. Il [(Oula)] s’est tu. Il [(Rabbi Aba)] lui a dit [à Oula], peut-être que dans cet enseignement celles-ci [(ces pièces-ci que le marchand avance)] et celles-là [(que la personne a dans sa maison)] sont des Proutetots dans laquelle il n’y a pas de טבעא ,marquage [(comme il y’a sur les pièces de monnaie)] ? Et donc celles-ci et celles-là sont considérées comme des fruits [qu’on achète par de la monnaie, et non comme de la monnaie], et c’est pour cela qu’elles peuvent être acquises par Halifin ? Il [Oula] lui a dit “Oui! C’est aussi ce qui se précise du fait qu’on a enseigné וטריסית דינר יפה’ ,bellement un Dinar et un Trisit’ et pas וטריסית יפה דינר’ ,un beau Dinar et un Trisit’ [(cf. Rashi rapporté ci-dessous)]. Déduis donc de là [que la monnaie peut être sujet de Halifin].
Rav Ashi dit qu’en fait il [ne s’agit pas de Halifin mais il] s’agit de valeur financière, et il s’agit [aussi comme tu as dit] de Proutetots [(pièces non marquées)] mais puisqu’il en a [à la maison] c’est comme si qu’il disait “prêtes moi jusqu’à que vienne mon fils ou jusqu’à que je trouve la clé” [et c’est pour cela que c’est permis].

רש »י בפרוטטות מעות של נחושת שהם עדיין בלא צורה כעין אסימון של כסף

Par des Proutetots, qui sont des pièces de monnaie en cuivre qui sont encore sans forme [non marquées par dessus], comme un Asimon en argent

רש »י ולא קתני דינר יפה דלישתמע דינר של כסף טוב וטבוע

Et on n’a pas enseigné יפה דינר ,un beau Dinar, qui sous-entend un Dinar en argent, bon et marqué

רש »י רב אשי אמר לעולם בפרוטטות היא כדקאמרת מדקתני יפה דינר ומיהו טעמא לאו משום דנקנה בחליפין שאפי’ התנה עמו בתורת דמים אין כאן רבית דאגר נטר ליה שאפי’ הלואה אם יש לו בביתו מותר לתת לו עודף דהוה ליה הלויני עד שיבא בני

Rav Ashi dit qu’on parle toujours de Proutetots, comme tu as dit [Rabbi Aba] du fait qu’on a enseigné דינר יפה] et non יפה דינר [mais cependant la raison n’est pas parce que c’est acquis par Halifin, parce que même si il a émis [clairement] la condition que ce soit une transaction financière [et non un Halifin, un échange de bien] il n’y a pas ici le problème de Ribit de אגר ליה נטר) rémunération de l’attente) parce que même un prêt si il a dans sa maison c’est permis de lui donner un ajout, parce que c’est “prêtes moi jusqu’à ce que vienne mon fils”

Résumons. La scène : un homme au marché veut se débarrasser de ses employés qui lui réclament leurs salaires (je vous laisse imaginer le décor). Il dit à un des marchands : Donne-moi s’il te plaît un Dinar (pour que je le leur donne), et je te ramènerai un Dinar et un Trisit que j’ai chez moi à la maison. On nous dit que si l’homme a en effet chez lui les pièces en question, c’est permis. Or on sait que l’intérêt est interdit. Ne sommes-nous pas donc forcés de dire qu’il s’agit d’un échange et non d’un prêt, et puisque l’échange est instantané, il n’y a pas de problème d’intérêt. Ce serait donc une preuve que la monnaie peut être le sujet de Halifin. Au vu de ça, Rabbi Abba et Oula pensent qu’il semblerait bien qu’on ne parle pas de monnaie marquée, et c’est pour cela qu’on peut les échanger (instantanément) par Halifin, et qu’il n’y a donc pas de problème d’intérêt (et ce n’est donc pas une preuve que la vraie monnaie marquée peut être le sujet de Halifin). Mais pour Rav Ashi, selon la lecture de Rashi me semble-t-il, il ne s’agit pas de Halifin, d’un échange de bien, mais bel et

bien d’un prêt, non d’une monnaie marquée, mais de pièces de métal. Néanmoins, l’interdit d’intérêt ne s’applique pas, parce qu’il a déjà ce qu’il doit rembourser mais effectue un emprunt comme quelqu’un qui emprunte “le temps que son fils vienne ou qu’il trouve la clé”.
Or il me semble qu’on ne peut autoriser l’emprunt à ce titre (“le temps que mon fils vienne”) que si l’interdiction de l’intérêt est rabbinique. Est-ce à dire donc que selon cette lecture de Rashi, Rav Ashi penserait que le prêt d’un bien avec intérêt (par exemple un prêt de blé ou de pièces de métal non marquées) n’est interdit que par les sages ? Et que l’interdit de la Torah ne concernerait que la monnaie, c’est-à-dire marquée par une certaine forme ? On pourrait s’étonner de cet avis. Au contraire me diriez-vous, s’il doit y avoir interdit que ce soit au moins sur une chose de substance. Remarquez qu’il me semble que pour Tossefot sur ce passage, il ne s’agirait pas d’un prêt proprement dit (mais plutôt d’une transaction commerciale), ce qui explique que l’interdit est rabbinique. Je ne me penche pas sur ce Tossefot. Je reste sur ma lecture de Rashi et j’essaie de lui donner une intuition.

Je vais essayer d’apporter quelques éléments de ma réflexion qui pourraient justement expliquer en quoi la monnaie marquée serait plus à problème de l’intérêt, un problème qui ne concerne justement pas que les parties qui échangent, mais l’ensemble de la population utilisant cette monnaie, ou assujettis à cette monnaie. Ce ne sont que des propositions, basées seulement sur de la réflexion, et j’invite les lecteurs à me donner leur avis sur la question.
Je vous propose une expérience de pensée. Supposons une île avec deux personnes, Reouven et Shimon, et un roi, et une monnaie marquée (par le roi). Supposons que le roi marque au total 100 pièces, et les prête avec un intérêt de 2%. Reouven emprunte 50 pièces et devra rendre 51 pièces, de même Shimon. Il n’est pas possible qu’à terme les deux remboursent leurs dettes avec intérêt, puisqu’il y a en tout et pour tout 100 pièces en circulation, et qu’il faut rendre 102 pièces. Un des deux devra ré-emprunter pour tenir l’échéance. De même, si seulement Reouven emprunte les 100 pièces, même sans intérêts, mais les prête toutes à Shimon avec intérêt, Shimon ne pourra pas rembourser l’intégralité de sa dette à échéance, étant donné la quantité limitée de pièces marquées à disposition.
Ce n’est pas le cas de prêts de biens substantiels, où chacun peut aller produire et faire sortir de la nature par son travail les biens qu’il s’est engagé à rendre. Donc à terme, l’intérêt sur de la monnaie va en fait créer une demande sur celle-ci. En effet, les dettes monétaires
créent de la demande sur la monnaie, et cette demande se trouvera supérieure, à cause de cet intérêt, voire bien supérieure (si la boucle d’endettement se poursuit et grossit, c’est à dire qu’on emprunte à nouveau par intérêt pour pouvoir rembourser), à l’offre monétaire qui
est la quantité de monnaie disponible échangeable contre des biens ou du travail. Cesurplus de demande monétaire par rapport à l’offre monétaire devrait renforcer la valeur de la monnaie par rapport aux biens, c’est-à-dire engendrer une déflation, en termes économiques.
Suite à ce raisonnement logique, permettons-nous d’être un peu plus spéculatifs, et de parler en termes économiques, au risque de se tromper. En économie, on sait que l’augmentation des taux d’intérêts entraîne une déflation, et c’est en général une méthode utilisée pour stopper l’inflation (c’est-à-dire la dévaluation de la monnaie). L’explication classique avancée en économie est que l’augmentation du taux d’intérêt entraîne une diminution de la demande de l’endettement, ce qui entraîne une diminution de la quantité de monnaie en circulation par rapport à la quantité de biens en circulation. Mais pour être plus exact, l’effet immédiat n’est pas une diminution de la quantité de la monnaie en circulation, puisque immédiatement celle-ci reste inchangée. De même l’endettement général reste
aussi inchangé. Il serait plus exact de dire que l’effet immédiat serait une diminution de l’endettement nouveau et peut être de l’activité économique qui dépend de l’endettement. La diminution effective de la demande de ré-endettement engendrée, s’il y a, a un effet déflationniste parce qu’elle empêche le report du terme de l’endettement, qui lui crée une pression de demande sur la monnaie.
L’effet à terme déflationniste de l’intérêt précitée (illustré par un exemple simple), peut être corroboré. Empiriquement les données historiques montrent que l’augmentation du taux d’intérêt a poursuivi l’inflation et son effet s’est ressenti à terme. Le ré-endettement (avec
intérêt) ne permet que de repousser le problème à plus tard. Les sorties possibles sont soit la faillite (“Chapitre 11” aux Etats-unis) qui élimine la dette, soit proposer des taux d’emprunts négatifs.
Ce renforcement de la valeur de la monnaie par rapport aux biens substantiels renforce en quelque sorte le pouvoir économique représenté par cette monnaie. Il me semble peut être que l’on puisse dire, selon l’interprétation de cet avis, que la Torah cherche à empêcher l’appui artificiel de ce pouvoir, que le Ribit aide à maintenir (mais d’autres formes d’appuis légitimes de ce pouvoir économique ne seraient pas forcément un problème). Au vu de ces réfléxions, je vous propose d’aborder un autre passage de la guémara.

:בבא קמא צז
בעא מיניה רבא מרב חסדא המלוה את חבירו על המטבע והוסיפו עליו מהו אמר לו נותן לו מטבע היוצא באותה שעה א »ל אפילו כי נפיא א »ל אין א »ל אפילו כי תרטיא א »ל אין והא קא זיילן פירי אמר רב אשי חזינן אי מחמת טיבעא זיל מנכינן ליה ואי מחמת תרעא זיל לא מנכינן ליה

Rava a demandé à Rav Hisda : celui qui prête à son ami sur la monnaie [(me semble-t-il : il lui prête un bien substantiel mais le prêt est sur la monnaie en cela que la quantité qui doit être rendu doit correspondre à la valeur monétaire au moment du prêt)], et ils ont rajouté sur la monnaie [(on a ajouté à sa quantité de métal)], qu’en est-il ? Il lui a dit : il lui donne de la monnaie qui sort en ce moment [(c’est-à-dire la quantité d’unités de monnaie prêtée et non la quantité de métal)]. Il lui dit : même si [la pièce a grossi au point de prendre lataille] d’un tamis ? Il lui dit : oui! Il lui dit : même si [ça devient aussi gros qu’un] תרטיא)] instrument de mesure)] ? Il lui dit : [il vous dira v-]oui! Ah mais pourtant les fruits deviennent moins chers! Rav Ashi dit : on voit, si c’est dû à la monnaie que [les fruits sont] moins cher, alors on le déduit [lors du remboursement du prêt, et donc on rembourse moins que la quantité des unités prêtées], et si c’est dû au תרעא)] cf. Rashi)], on ne déduit pas.

רש »י מחמת תרעא שבאו גשמים ונמצא רוב תבואות בעולם והוזלו הפירות

Dû au תרעא ,que les pluies sont venues et que s’est trouvé une abondance de moisson dans le monde et les fruits sont devenus moins chers.

Un homme prête à son ami une certaine quantité de blé et évalue la valeur monétaire de son prêt, pour le remboursement. Que doit rembourser l’emprunteur si on a rajouté du métal à la pièce de monnaie en circulation ? Doit-il rembourser la même quantité de pièces qui a été évaluée au moment du prêt ? Pourtant le pouvoir d’achat de la pièce devrait avoir augmenté, ne craint-on pas un problème de Ribit ? Rav Ashi (l’avis duquel a été l’objet de notre étude plus haut), nous dit : Si les fruits sont devenus moins chers, est-ce dû à l’ajout de métal aux pièces de monnaie, ou bien est-ce dû à une année abondante en fruits ? En termes économiques d’aujourd’hui : est-ce de la déflation monétaire, ou lié à l’activité économique ?
Si c’est de la déflation monétaire, c’est-à-dire lié à la manipulation de la monnaie, c’est du Ribit, de l’intérêt financier, c’est interdit! Peut-être peut-on voir ici encore une fois une limitation du pouvoir financier, qui ne pourrait être maintenu artificiellement par une manipulation monétaire.
Je n’ai d’autres conclusions que de vous recommander d’étudier les pages de guemara citées, qui parlent du sujet et qui sont tellement enrichissantes. Pour finir, je voudrais partager une partie d’un article de presse paru en Israël il y’a environ une semaine, un peu avant Hanouka, pendant que j’étudiais les pages citées plus haut, sur la découverte archéologique d’une pièce de monnaie en argent pure, et marquée.

Je traduis une partie de l’article :
Les chercheurs suggèrent que la pièce de monnaie qui a été découverte, a été émise des nombreuses réserves d’argent qu’il y avait au deuxième temple, et il est possible qu’elle ait été scellée [(ou marquée)] par l’un des Cohanim du temple – qui se sont joints à l’effort de la grande rébellion à la veille de la destruction du deuxième temple. Le poids de la pièce est d’environ 14 grammes. D’un côté apparaît l’image d’une coupe avec l’écrit : “Shekel d’Israël », et à côté de la coupe apparaissent les lettres ב“ש – qui épellent les mots “deuxième année” – la deuxième année de la rébellion des juifs contre les romains, dans les années 67-68 avant l’ère commune. Du deuxième côté de la pièce apparaît une image qui est identifiée par les chercheurs comme le siège [(le quartier général)] du grand prêtre, à côté de laquelle apparaissent les mots en hébreu ancien : “La sainte Jérusalem”.
[…]
D’après l’archéologue Harry Levy, de la direction des fouilles, subsidiaire de l’Autorité des Antiquités : “Sur cette rue, qui liait le Bassin de Siloé au sud de la Cité de David au Mont du Temple qui est au nord, et qui constituait une rue principale de Jérusalem à l’époque du deuxième temple, ont marché des milliers de pèlerins en chemin vers le Temple. Il n’y aucun doute qu’il y avait ici une activité commerciale très étendue. A ce propos, témoignent les nombreuses balances et pièces de monnaie en bronze que nous avons trouvées ici. Mais trouver une pièce de monnaie de rébellion d’argent pure, c’est absolument spécial et émouvant”.

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“De la monnaie et de l’intérêt”

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