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Vézot haBérah’a A nous de jouer ( Péri Tsaddik, Simh’at Thora 51)

par: Rav Yehiel Klein

Publié le 15 Octobre 2024

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La dernière paracha de la Torah, Vézot haBérah’a, a ceci de particulier d’être la plupart du temps 1 lue un jour de semaine, à l’occasion de Simh’at Thora (d’où, probablement, sa relative méconnaissance).

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Rabbi Tsaddok haCohen ( Péri Tsaddik, Sim’at Torah 50) nous en donne une des raisons : C’est précisément parce que cette Paracha est la dernière. Parce qu’elle opère le lien entre les Cinq Livres de la Torah et ce qui suit, c’est-à-dire entre la Torah Ecrite et ce qui désormais ne pourra plus être que la Torah Orale. C’est pour signifier ce passage que, alors que les autres Parachiots sont toutes le Chabbat – jour où Dieu influe sur les hommes – la dernière est lue lors des Six Jours de l’Action, qui correspondent aux efforts des Hommes pour se rapprocher et pour servir leur Créateur. C’est aussi toute la raison d’être de Simh’at Torah – on y reviendra. La Paracha de Vézot haBérah’a est donc une Hah’ana, une préparation, à la nouvelle et définitive modalité de la Torah qui va débuter dès la mort de Moïse. Et ce par le fait qu’à tous les niveaux, dans tous les versets, comme commence de le démontrer Rabbi Tsaddok haCohen, se trouve un enseignement midrachique qui instruit les Enfants d’Israël selon leur Tribu quant à leur caractère et leurs qualités propres, les incitant à prendre leurs responsabilités ; c’est- à-dire, à devenir eux-mêmes les interprètes voire la source de la Torah que Moïse leur a confiée lors de ces derniers instants (Cf. Dévarim XXXI, 22-26) En effet, lorsque précédemment le Prophète a déclaré que : « La mitzvah n’est pas au Ciel » (Deutéronome XXX, 12), cela signifie, d’après le Midrash (Dévarim Rabba VIII, 6) que Moïse assure aux Enfants d’Israël : ‘’ne croyez pas qu’il reste encore de la Torah au ciel : il n’y a plus rien là-bas, elle est entièrement sur terre’’ L’ère de la Torah Écrite est donc close, et à partir de maintenant, c’est l’heure de la Torah Orale, de la compréhension et de l’interprétation des Sages d’Israël (Cf. évidemment T. B. Babba Métsi’a 59b) [Quant à la période des prophètes – l’ensemble du Na’’h’) – elle a de fait un statut particulier, qui dépasse le cadre de ces quelques lignes de présentation – Cf. Nédarim 20b)] Cela passe, selon le Maître de Lublin, qui va en présenter les premières, par le fait que les Enfants d’Israël disposent de dispositions d’âmes spirituelles et intellectuelles que le Créateur a instillé en eux pour leur permettre d’être les acteurs de la Torah Orale. Encore faut-il être conscient de ses propres forces et qualités, et c’est là tout l’objet de bénédictions que Moïse adresse à chaque Tribu. Car un des sens de la Bérah’a (Bénédiction) dans le Judaïsme (et en ceci elle s’identifie paradoxalement à la Toh’ah’a, la Réprimande) est de dévoiler à chacun son identité, c’est-à-dire, ce dont il dispose pour avancer et pour réussir sa vie (Cf. Abarvanel sur Genèse ch. XLIX)

Ainsi, ne serait-ce qu’en analysant le début de la Paracha, on trouvera les éléments suivants (il est remarquable que ceci nous donne une lecture parallèle mais différente de celle de Rachi, que l’on est tous censés connaître) Il dit: « L’Éternel est apparu du haut du Sinaï, a brillé » וַיֹּאמַ ר, יְהוָה מִ סִ ינַי בָא וְ זָרַ ח מִ שֵּׂ עִ יר לָמֹו–הֹופִ יעַ מֵּׂ הַר פָארָ ן sur le Séir, pour eux! S’est révélé sur le mont Pharan » (Deutéronome XXXIII, 2) – Cela fait allusion à un enseignement du Zohar haKaddoch (193a, sur la Parachat Balak), d’après lequel les principales Nations (Esaü et Ichma’ël) ont dû donner des cadeaux à Israël pour qu’il puisse accomplir la Torah dans ce monde. Il s’agit des passions physiques que sont la violence et le désir… Affects que les Anges de Service ne peuvent pas comprendre, comme ils le firent savoir avec véhémence à Moïse, comme le raconte le Talmud (Chabbat 88b-89b) Mais le Créateur leur oppose une fin de non-recevoir. Et c’est la raison pour laquelle dans ce verset le terme désignant la Révélation du Sinaï est écrit en Araméen [ ש ֶדֹּק תֹּב ְב ִר ֵּׂמ ה ָת ָא ְו] (langue que les Anges ne peuvent pas comprendre2 ), pour signifier que la Torah n’est plus en leur possession, comme on l’a dit plus haut elle…

C’est pour nous qu’il dicta une doctrine à Moïse; elle restera » .ּתֹורָ ה צִ וָה-לָנו, מֹּשֶ ה: מֹורָ שָ ה, קְ הִ לַת יַעֲקֹּב l’héritage de la communauté de Jacob » (v. 4) – On pourrait inclure ici l’enseignement figureront dans le traité Péssah’m 49b : ‘’ne lit pas [seulement] patrimoine (Moracha) mais [aussi] promise (Méourassa), pour t’enseigner quechaque membre du peuple d’Israël a une relation très étroite avec la Torah’’ … encore faut-il fournir l’effort de la concrétiser ! « Que Ruben vive et soit immortel; que sa population soit innombrable » יְחִ י רְ אובֵּׂן, וְ אַ ל-יָמֹּת; וִ יהִ י מְ תָ יו, מִ סְ פָר (v. 6) – Renvoie au fait que le tribu de la tribu des Rubénites vivra par le mérite de son étude de la Torah, lorsque chacun de ses membres aura personnellement conscience de sa source spirituelle dans les Lettres de la Torah, tel que nous l’apprend la Tradition3 , etc… A Juda, il adressa cette » וְ זֹּאת לִיהודָ ה, וַיֹּאמַ ר, שְ מַ ע יְהוָה קֹול יְהודָ ה, וְ אֶ ל-עַּמֹו ּתְ בִ יאֶ ּנו; יָדָ יו רָ ב לֹו, וְ עֵּׂזֶר מִ צָרָ יו ּתִ הְ יֶה bénédiction: « Ecoute, Seigneur, le vœu de Juda, en l’associant à son peuple; que son bras s’en fasse le champion et lui serve d’auxiliaire contre ses ennemis » (v. 7) -Cela fait allusion aux paroles du Midrach4 selon lequel les membres de la Tribu de Judah étaient particulièrement doués pour étudier les lois en détails, et surtout pour en tirer des conclusions halah’iques pratiques, etc… Quant à l’ultime verset de la Torah (Deutéronome XXXIV, 125 ), il est ainsi, nous dit Rachi, en rapport direct avec notre sujet : si le récit biblique se conclut paradoxalement par le brisement des Tables de la Loi, porté au crédit de Moïse, c’est bien parce qu’ici ce cache (dans des modalités qu’il faudra explorer) le lien précis entre la Torah Écrite et la Torah Orale. Tout se passe comme si pour que le monde de la Torah Orale, le monde des Sages, puisse exister, il faut que la Torah Écrite, symbolisée par les Tables de la Loi, disparaisse symboliquement, c’est-à-dire soit diffuse, ne soit plus perceptible immédiatement dans ce monde… On comprend alors parfaitement pourquoi ce jour est celui de Simh’at Torah, puisque cette Fête est l’occasion pour les Juifs de ‘’finir’’ le cycle de lecture de la Torah, ce qui est de leur part un effort, un labeur visant à se rapprocher de D.. (Et ce tandis qu’à Chavou’ot, on a reçu la Torah, de manière passive…)

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Mais si j’écris ce texte aujourd’hui, c’est parce que ce court enseignement de Rabbi Tsaddok haCohen m’a cette année profondément interpellé. En effet, on a tous conscience que, jusqu’à la Venue du Messie א »בב, Simh’at Torah ne sera plus jamais vécu de la même manière. Parce que l’année dernière, le Peuple Juif s’est retrouvé fatalement et directement face à son Destin : qu’en est-il de la présence, c’est-à-dire du retour, d’Israël sur sa terre ? Ce que nous dit Rabbi Tsaddok est clair : la Torah Orale n’est pas seulement la suite de la Torah Ecrite (par défaut, s’entend), elle est désormais à sa place. וא ִה םִי ַמ ָשַב אֹּל. C’est à présent aux Enfants d’Israël, à leurs Sages, de comprendre les événements, de les interpréter – et d’agir. L’enjeu est considérable, amis on peut le présenter ainsi : il nous faudrait considérer notre présence en Terre Sainte comme celle des Enfants d’Israël du temps de Josué – comme il y’eut une Deuxième Entrée (Bia Chénia) à l’époque d’Ezra et de Néhémie -, et qu’il faut en conséquence investir cette nouvelle situation. Ou, à tout le moins, ne pas se contenter de subir, d’être spectateur, voire pire encore d’être indifférent, non au sort du Peuple Juif, mais à celui de la Terre d’Israël…

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