img-book

Psaume 42 :la vitalité de D.

par: Stéphanie Allali-Klein

Publié le 22 Juillet 2022

0.00

Quantité :
Revenir au début
Print Friendly, PDF & Email

42,1  Au chef des chantres. Maskîl. Par les fils de Coré.

42,2Comme la biche aspire aux cours d’eau, ainsi mon âme aspire à toi, ô Dieu ! 

42,3Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant ; quand reviendrai-je pour paraître en présence de Dieu ?

42,4Mes larmes sont ma nourriture de jour et de nuit, depuis qu’on me dit sans cesse : « Où est ton Dieu ? »

42,5Mon âme se fond au dedans de moi, quand je me rappelle le temps où je m’avançais au milieu de rangs pressés, marchant en procession avec eux vers la maison de Dieu, au bruit des chants et des actions de grâce d’une foule en fête

42,6Pourquoi es-tu affaissée, mon âme ? Pourquoi t’agites-tu dans mon sein ? Mets ton espoir en Dieu, car j’aurai encore à le louer : sa face apporte le salut.

42,7Mon Dieu, oui, mon âme est affaissée en moi ; parce que je pense à toi de la région du Jourdain, des monts du Hermon, de la plus infime montagne.

42,8Le gouffre appelle le gouffre, au bruit de tes cascades ; toutes tes vagues et tes ondes ont passé sur moi.

42,9Puisse l’Eternel chaque jour mettre sa grâce en œuvre ! que la nuit un cantique en son honneur soit sur mes lèvres, ma prière au Dieu vivant !

42,10Je dis à Dieu, qui est mon rocher : « Pourquoi m’as-tu oublié ? Pourquoi marché-je, voilé de tristesse, sous l’oppression de l’ennemi ? »

42,11C’est comme s’ils me broyaient les os, lorsque mes adversaires me couvrent d’insultes, me disant tout le temps : « Où est ton Dieu ? »

42,12 Pourquoi es-tu affaissée, mon âme ? Pourquoi t’agites-tu dans mon sein ? Mets ton espoir en Dieu, car j’aurai encore à le louer, lui, mon sauveur et mon Dieu !

Selon le Gaon de Vilna, ce psaume est lu le deuxième jour de Souccot.
Les réjouissances du puisement de l’eau commençaient ce jour-là dans le Temple.
Le huitième verset du psaume fait d’ailleurs allusion à ces célébrations.
Il a été composé selon la tradition par les trois fils de Korah : Assir, Elkana et Abiasaf.  Ils s’étaient rebellés contre Moché et Aaron ; la terre a englouti le peuple sauf eux car ils s’étaient repentis. Quand la terre a avalé les rebelles pour les précipiter au guehinom, D. leur a fourni un lieu de refuge sur une corniche à l’intérieur de la terre au-dessus des flammes. C’est ici qu’ils ont composé leur psaume.
Lorsqu’ils sont remontés, ils ont eu pour prophétie la destruction du Temple, les exilés et la monarchie davidique.

Selon le Ibn Ezra, Chmouel descend de Korah. Son petit-fils Heman fils de Yoel eut quatorze fils choisis par David pour former le chœur et l’orchestre du Temple. Ce seraient eux les fils de Korah.
S’ils sont contemporains à David, ils pourraient seulement avoir exécuté ces psaumes et David les aurait composés lorsqu’il était un fugitif perdu au pays des Philistins. Il parlerait ainsi de son propre exil, mais aussi de l’exil futur.
Ce psaume se divise en trois parties.

1-Le dévoilement de la Providence et de la prophétie.

L’âme cherche à s’attacher à D. mais elle est amoindrie.

2-Les signes et les miracles.

Par le biais des prodiges, la grandeur de D. est connue. Lorsqu’il n’y en a plus, c’est la divinité qui est amoindrie.

3- L’exil (cette partie se trouve dans le psaume 43, nous ne l’étudierons pas ici)

L’exil touche le peuple entier. Il touche le corps d’Israël.

1-La Providence divine : (verset 1 à 6)

C’est ce qui est mis en exergue dès le deuxième verset.

« Comme une biche (keayal) soupire après des courants d’eau, ainsi mon âme soupire après toi, Hachem »

Selon le Malbim, la biche est assoiffée d’eau par sa nature. Comme elle mange des racines vénéneuses, elle cherche à atténuer la douleur par l’eau et neutralise le venin.

Il en est de même de l’âme qui aspire au dévoilement de la Chehina. En exil, l’âme juive cherche l’étude de la Tora.
Au verset 3, David se demande quand se trouvera-t-il devant D. ; cela étant une allusion aux trois fêtes de pèlerinage où le peuple va à la rencontre de D.

  1. est appelé par David, KEl Haï, une source de vie, car de Lui dépend la vie de l’âme. Il est un D. vivant et non seulement un D. qui juge.

Au verset 4, les larmes sont considérées comme du pain. La Tora l’est aussi. En exil, Israël est privé de ces sources essentielles de nourriture.

Au verset 5, l’âme se rappelle lorsque les pèlerins en masse (basah) allaient vers la maison de D. pour les trois fêtes de pèlerinage.

Selon le Rav Chimchon Raphaël Hirsch, ce mot ressemble à sahakh qui signifie des revêtements et des chariots dans lesquels les pélerins se rendaient à Jérusalem. Les juifs de n’importe quel rang y allaient. Il y avait une cohésion de la communauté.
Ce mot fait aussi penser à la fête de Souccot dont les souccot (cabanes) qui nous abritent permettent cette cohésion au sein du peuple.
David se voit marcher (adadem) avec le peuple. Ce mot signifie marcher avec douceur ensemble (yadid, l’amitié) comme une maman aidant son enfant à faire les premiers pas (madeda). Il met aussi en exergue le silence du peuple avant l’entrée au Temple (damema).

Selon le Malbim, la conclusion à cette première partie se trouve au verset 6 :
« Pourquoi es-tu affaissée, mon âme ? Pourquoi t’agites-tu dans mon sein ? Mets ton espoir en Dieu, car j’aurai encore à Le louer : Sa face (panav) apporte le salut. »

Selon Rachi, David parle à son âme, se demande quelle est la force extérieure qui l’a affaissée (ma tichtohahi), la gronde de son égoïsme (vateemi alaï) et lui demande de mettre son espoir en D. (hokheli leelokim) qui permettra sa rédemption (yechouot panav)

2- les miracles :

La deuxième partie commence au verset 7.
La montagne de Mitsear est le Har Sinaï. Il rappelle par allusion l’aide de D. au moment de la faute du veau d’or et lui demande de l’aider aussi maintenant ainsi que le peuple.

Le verset 8 est une forte allusion à la fête de Souccot. A Souccot, on faisait au Temple les libations d’eau. Le traité Taanit 25b, décrit que l’eau était puisée et versée sur le mizbeakh, le sanctuaire. Elle s’écoulait ensuite jusqu’à l’abîme (tehom) à travers des sillons (des chittin). On prenait de l’eau de source de Chiloah au sud de Yeroushalaïm qui sont les eaux d’en haut jusqu’à l’abîme (tehom) qui sont les eaux d’en bas. L’eau de source représente le monde d’en haut et le tehom les eaux terrestres.

La fête de Souccot permet ce lien entre les eaux d’en haut et les eaux d’en bas, entre la Chehina et le monde.

Pour le Malbim, tehom el tehom symbolise la venue des malheurs mais aussi le signe que D. peut faire des miracles. Le peuple est comme sur un bateau démonté et les malheurs sont les vagues qui vont le noyer. Les abîmes s’ouvrent dans la mer et alimentent les vagues. Le mot tsinor représente les canaux qui sont autant de châtiments qui pleuvent sur le psalmiste comme une gouttière qui déborde. Gualim, les vagues ont la même racine que gualgual, la roue et représentent la discrimination incessante qui poursuit Israël.

Au verset 9, David décrit la délivrance par le hessed de D. qui est appelé encore Kel Haï. Il donne sa vitalité mais nous permet aussi de rester vivants.

Mais l’exil est trop long et l’oppresseur le nargue (lui ou le peuple)
Cependant par la symétrie des versets 6 et 12 qui concluent les deux parties, on ressent l’espoir du psalmiste.

« Pourquoi es-tu affaissée, mon âme ? Pourquoi t’agites-tu dans mon sein ? Mets ton espoir en Dieu, car j’aurai encore à Le louer : Sa face (panav) apporte le salut. » (Verset 6)

« Pourquoi es-tu affaissée, mon âme ? Pourquoi t’agites-tu dans mon sein ? Mets ton espoir en Dieu, car j’aurai encore à Le louer, Lui, mon sauveur(panaï) et mon Dieu ! » (Verset 12)

Malgré la redondance des versets, il y émerge une différence légère mais qui rassemble l’espoir de David et la présence de D. : panav (verset 6), sa face et panaï (verset 12), ma face. Comme si les deux visages, l’humain et le divin regardent toujours dans les mêmes directions quelles que soient les secousses et les vagues.

David nous montre dans ce psaume l’importance de la vitalité car celle-ci permet un ancrage quelles que soient les circonstances. Désirer la vie c’est créer l’unité, la marche commune sans dispersion, sans éclatement. Savoir que nous sommes tous dans le même bateau même si chacun a aussi le sien.

Il existe bien sûr des choses extérieures à nous qui sont autant de vagues et de rochers que l’on percute. Mais il y a toujours la possibilité de tracer un autre chemin aux eaux qui inondent, leur tracer d’autres sillons qui permettent à l’image de Souccot de trouver le lien entre l’en haut et l’en bas, entre l’extérieur et l’intérieur. Parfois, il suffit d’accepter les failles, les shittin car elles sont autant d’espaces libérés de l’opacité et à partir desquelles peut émerger la providence divine et humaine.

Berechit, bara chit : nous pouvons lire, « au commencement » ou « Il a créé la faille ».
Si D. met dès le commencement de la création, des failles, c’est pour nous permettre d’accepter de renoncer à la toute-puissance toxique d’une âme en exil ; comme une volonté d’un retour à l’humilité qui ne se ferait pas sans D.
Car de nos failles émergent nos véritables talents que nous avons comme devoir d’offrir au monde.

Voir l'auteur
avatar-author
1983
Enseignante

“Psaume 42 :la vitalité de D.”

Il n'y a pas encore de commentaire.