Introduction au livre de Vayikra. Qu’est-ce qu’un Korban ?
par: Rav Gerard ZyzekSur la base du commentaire Maguen Avot de Rabbi Shlomo Zalman Shneerson, second Rabbi de Kapoutsz, sur Vayikra.
Publié le 18 Avril 2023
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I. Second verset du début du livre de Vayikra.
דבר אל בני ישראל ואמרת אלהם אדם כי יקריב מכם קרבן לה’ מן הבהמה מן הבקר ומן הצאן תקריבו את קרבנכם.
‘Parle aux enfants d’Israël et tu leur diras : un homme, lorsqu’il offrira d’entre vous un Korban pour D. du gros bétail, c’est du gros ou du menu bétail que vous offrirez votre Korban’.
Bien évidemment ce verset soulève de nombreuses questions. Rabbi Mena’hem MéRécanati soulève l’anomalie suivante (dans son commentaire sur ce verset) : Pourquoi le verset ne dit-il pas « un homme, d’entre vous, lorsqu’il offrira un Korban (…) » ? Mais dit plutôt « un homme, lorsqu’il offrira d’entre vous».
Réponse du Récanati (un peu développée par le Maguen Avot) :
‘Il faut dire qu’il y a une offrande, une Hakrava, de vous, מכם, véritablement, de la manière dont nos Maîtres disent que Mikhaël, le grand Sar, le grand ange, se tient et offre sur l’autel d’en haut les âmes des Tsadikim, les âmes des justes (Traité Mena’hot 110a selon le premier commentaire de Tossefot)’. Il faut comprendre le verset ainsi : ‘un homme, lorsqu’il offre quelque chose de vous en Korban, en offrande à D.’.
Quel est ce quelque chose de vous qui est offert sur l’autel d’en haut ? Ce sont les âmes des justes.
Regardons la Guemara, source de ce commentaire, dans le Traité Mena’hot 110a :
הנה אני בונה בית לשם ה’ אלקי להקדיש לו להקטיר לפניו קטורת סמים ומערכת תמיד ועולות לבוקר ולערב לשבתות ולחדשים ולמועדי ה’ לעולם זאת על ישראל. אמר רב גידל אמר רב זה מזבח בנוי ומיכאל שר הגדול עומד ומקריב עליו קרבן.
‘ « Voici je construis une maison au nom de l’Eternel mon D. pour Lui sanctifier, pour y bruler devant Lui l’encens aromatique, y exposer en permanence (les pains de proposition), y offrir des holocaustes (עולות)les matins et les soirs, aux Shabbats, aux premiers jours du mois, et aux fêtes de rencontre de l’Eternel notre D., éternellement cela pour Israël (Divré HaYamim II,2,2). » Que signifie l’expression « éternellement cela pour Israël », mais nous savons que le Temple que Shlomo s’apprêtait à construire n’a duré que quelques siècles ? Rav Guidèl dit au nom de Rav ; ceci représente l’autel construit (en haut) sur lequel se tient Mikhaël le grand prince (céleste) et offre un Korban, une offrande (c’est-à-dire que même lorsque le Temple n’est plus là, Mikhaël le grand prince continue à offrir des Korbanot sur l’autel d’en haut).’
Tossefot (דה »מ ומיכאל שר בגדול) demandent à quoi correspondent ces Korbanot, ces offrandes ?
יש מי שאומר נשמותיהם של צדיקים
‘Il y a une opinion qui dit que ce sont les âmes des justes.’
La lecture première de cette explication de Tossefot serait de dire que lorsque le Temple est construit nous avons la possibilité de nous approcher de D. en offrant des Korbanot, le sens du mot Korban étant ‘proximité’, de la racine Karov, ‘proche’. Maintenant que le Temple n’est plus là et que nous sommes en exil, Mikhaël le grand prince (céleste) offre sur l’autel d’en-haut les âmes des justes qui sont tués en exil pour la gloire de D. . Cette explication rend d’ailleurs bien compte de l’expression de la prière de Shmoné Essré (dans la partie appelée Avoda) :
ואשי ישראל ותפלתם באהבה תקבל ברצון
‘Et les feux d’Israël avec amour reçois favorablement !’
Cependant le Maguen Avot va en donner une tout autre lecture, ou tout au moins une lecture alternative.
Reprenons le verset : ‘Un homme, Adam, lorsqu’il offrira d’entre vous un Korban pour D.’. Adam, l’homme, c’est la Torah, comme nous le voyons dans le verset de Yé’hezkel 1,26 :
וממעל לרקיע אשר על ראשם כמראה אבן ספיר דמות כסא ועל דמות כסא דמות כמראה אדם עליו מלמעלה.
‘Et au-dessus du firmament qui se trouve au-dessus de leur tête (des anges) comme l’aspect d’une pierre de saphir comme un trône, et sur la ressemblance de trône comme l’aspect d’un homme dessus par en-haut’
Le trône dont il s’agit représente la Torah orale, et comme l’aspect d’un homme, cela représente la Torah écrite.
Expliquons-nous.
Notre tradition nous enseigne qu’il y a deux-cent quarante-huit commandements positifs et trois-cent soixante-cinq commandements négatifs dans la Torah. Ces deux-cent quarante-huit commandements positifs représentent quelque part les deux-cent quarante-huit membres supérieurs, et ces trois-cent soixante-cinq commandements négatifs représentent quelque part les trois-cent soixante-cinq tendons supérieurs. C’est-à-dire que ces commandements positifs ou négatifs sont structurés sur des racines de mondes supérieurs à notre réalité triviale. Cette structure supérieure peut être appelée ‘un homme’, Adam. Elle se trouve sur une forme de trône, Kissé, qui représente la Torah orale. En effet la Torah orale est la tradition qui nous donne la possibilité de donner un maintien à ces racines supérieures dans la réalité prosaïque de ce monde-ci. Comme un trône qui donne la possibilité au roi de s’asseoir et d’avoir un maintien, une tenue, et une gloire.
Relisons le verset maintenant.
Par le biais de la Torah qui est appelée Adam, un homme, s’effectue un rapprochement, un Korban (dans le sens de Karov, rapprochement) des âmes des enfants d’Israël effectivement, concrètement.
En d’autres termes. Lorsque les enfants d’Israël s’investissent dans l’étude de la Torah qui est appelée Adam, alors les paroles de Torah qui, à première vue, paraissent loin de notre réalité deviennent proches de nous. Par cette proximité, c’est comme si nous approchions nos âmes sur l’autel de D..
II. Essayons d’expliquer. ‘Par le biais de l’aspect Adam de la Torah, se fait une proximité, un Korban, des âmes des enfants d’Israël véritablement’.
Midrash Rabba à la fin de la section Nitsavim (fin de la Parasha 8) :
‘Le verset dit (Devarim 30,14) : כי קרוב אליך הדבר מאוד, « car la chose (la Torah) est très proche de toi ». Rav Shemouel bar Na’hmani dit : cela ressemble à un roi qui avait une fille dont personne n’en avait la connaissance. Le roi avait un favori et celui-ci entrait chez le roi à sa guise. La fille du roi était devant lui. Le roi lui dit : regarde comme je t’aime ! Aucune créature ne connait ma fille, et elle se tient devant toi ! De même D. a dit à Israël : regardez comme vous m’êtes chéris ! Aucune créature de mon palais n’a connaissance de la Torah et à vous je l’ai donnée, comme dit le verset (Yiov 28,21) « Elle échappe aux yeux de tout vivant », par contre pour vous « Elle n’est pas insondable (Devarim 30,11) » mais bien au contraire « La chose (la Torah) est très proche de toi (Devarim 30,14) ».
D. dit aux enfants d’Israël : mes enfants, si les paroles de Torah sont proches de vous, alors j’affirmerai que vous êtes mes proches, comme dit le verset (Tehilim 148,14) « Aux enfants d’Israël, son peuple proche, glorifiez D.. ».’
Ce Midrash met en place une contradiction, que développe le Maguen Avot. D’un côté la Torah est considérée comme inatteignable, comme échappant complètement aux créatures. D’un autre côté la Torah nous affirme dans la Parashat Nétsavim que la Torah n’est nullement insondable et que bien au contraire elle nous est extrêmement proche.
Le Maguen Avot résout la contradiction, sur la base de ce Midrash Rabba, en disant : lorsque les paroles de Torah sont proches de vous (c’est-à-dire que vous créez un lien intime entre les paroles de Torah et vous. Lorsque vous vous investissez pour arriver à dégager la logique intime de ces paroles de Torah), alors les enfants d’Israël sont appelés ‘Son peuple proche’. Les enfants d’Israël ont une dimension supérieure aux anges. La Torah échappe complètement à toute créature, et même aux anges célestes. Néanmoins les enfants d’Israël ont l’intuition qu’il y a quelque chose qui les concerne dans cette chose fermée et opaque qui est la Torah et leur générosité d’être les pousse à s’investir et à donner leur vie pour que se dévoile combien cette Torah est proche des créatures (car en effet la structure intime supérieure de la Torah correspond quelque part à l’intimité fondamentale de chacun d’entre nous). Là se trouve le Korban de l’exil.
Maintenant nous pouvons relire le verset de Vayikra : Lorsque les enfants d’Israël ont l’intuition, perçoivent, qu’il y a dans la Torah une dimension appelée Adam, ‘homme’(c’est-à-dire le visage d’homme qui se trouve sur le trône céleste dans la vision du prophète Yé’hezkel), et s’investissent pour dévoiler la proximité qu’il y a entre la Torah et eux-mêmes, alors cela fait une offrande des âmes des enfants d’Israël sur l’autel d’en-haut, et cela même en exil, et les enfants d’Israël sont alors appelés ‘Son peuple proche’, comme dit le verset (Tehilim 148,14) « Il éleva l’éclat de Son peuple, une glorification pour Ses fidèles, aux enfants d’Israël Son peuple proche, glorifiez D. ».
Telle est la fonction du Korban : créer une proximité, comme dit le Midrash Rabba :
‘Si les paroles de Torah sont proches de vous, alors Je serai proche de vous’.
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