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De Yehouda à Yehouda Maccabi…

par: A. Medioni

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La fête de Hannouka a toujours lieu au moment des parashiot liées à Yossef HaTsadik. Le lien est assez facile à établir entre l’histoire de la résistance des Hashmonaïm, cette famille de Cohanim qui a lutté contre les Grecs Séleucides et celle de Yossef qui résiste face à la femme de Potifar ou qui va rester attaché à ses valeurs tout au long de sa vie en Egypte malgré son rang de Premier Ministre du Pharaon.

Au moment où Yaakov quitte ce monde et bénit ses enfants, il attribue un message spécifique à chaque tribu. Concernant la tribu de Yéhouda, il est écrit : « Le sceptre ne quittera pas la tribu de Yéhouda, ni le législateur d’entre ses pieds. Jusqu’à ce que vienne Chilo, à lui l’assemblée des peuples » . Yéhouda est donc la tribu de la malkhout, de la royauté, et comme le précise Rachi, à partir de David et (après l’extinction de sa dynastie) et des rashé galouyot, les exilarques babyloniens . Cela étant dit, comment comprendre la berakha de Yaakov ? Reprenons les mots du Rav Elie Munk dans son commentaire désormais classique : « Ce qui peut paraître dubitatif, c’est la portée que le Patriarche a lui-même voulu donner à sa phrase. S’agissait-il d’un pronostic de l’évolution future ou d’un ordre impératif qui instituait la tribu de Yéhouda en « tribu royale » à l’exclusion des autres tribus ? »

Le Ramban apporte un éclairage tout à fait particulier à ce verset : « Ce fut la punition des Hashmonaïm qui ont régné pendant le Second Temple. Ils étaient des géants de piété (Hassidei Elyon) et, sans eux, la Torah et les mitsvot auraient été oubliés par Israël. Mais malgré cela ils ont subi une grande punition (Onesh Gadol). Quatre de ces Rois Hashmonaïm qui ont régné avec grandeur et succès sont finalement tombés face à l’épée de leurs ennemis (…) car ils ont régné et n’étaient pas de la tribu de Yéhouda et de la maison de David et leur faute a été mesure pour mesure (mida keneged mida) et c’est ce qui a causé leur perte (…) car ils étaient des Cohanim devant garder leur tâche et n’ayant pas à régner (…) ».

Ce commentaire est tout à fait étonnant parce qu’il éclaire un aspect peu connu de la dynastie hasmonéenne. Dans l’imaginaire « traditionnel », les Hashmonaïm sont avant tout les héros de Hannouka, ceux qui malgré leur tout petit nombre ont réussi à vaincre les Grecs, et ce, même si le miracle de la victoire militaire n’est pas celui qu’on a retenu dans la façon de célébrer la fête (sauf selon une des réponses à la fameuse question dite du Beth Yossef qui dit que l’allumage du premier jour a lieu pour se souvenir du miracle de la victoire militaire) . D’ailleurs plutôt que « vaincre les Grecs », il faudrait plutôt dire ceux qui ont organisé la résistance à l’hellénisation des Juifs… Le Ramban le rappelle d’ailleurs puisqu’il les désigne comme des géants spirituels mais son idée centrale est qu’il y a eu confusion des rôles. Les Hashmonaïm auraient dû se cantonner à leur rôle de Cohanim au lieu de devenir une dynastie de Rois. Il s’agit donc pour le Ramban d’une usurpation et c’est ce qui a précipité la chute de cette dynastie.

Le Rambam donne à cette idée une dimension halakhique (il la rapporte en tout cas comme une halakha en tant que telle) : « Les Rois de la Maison de David seront ceux qui se tiendront pour toujours (Hem Haomedim Leolam) mais si se tient un Roi du reste d’Israël, la royauté s’arrêtera (Tafsik Hamalkhout MiBeito). Comme il est dit : « Pour Yerovam, seulement pas jusqu’à la fin des jours » » . Pour le Rambam, il est donc tout aussi clair que le Roi descend de la maison de David, donc de Yéhouda.

Si la berakha de Yaakov ne se lit pas dans cette perspective défendue par le Rambam et le Ramban, on peut dire… qu’elle reste une berakha ! C’est la démarche qu’on peut retrouver dans Tosfot : « Ni le législateur d’entre ses pieds (Yéhouda) et il y a lieu de dire que c’est une berakha et que ce verset montre que c’est un mérite pour Yéhouda d’avoir des législateurs en son sein » . Si on lit donc ce que dit Yaakov comme le fait Tosfot, il n’y a pas lieu de voir dans le lien entre Yéhouda et la malkhout une dimension forcément halakhique. Et de la même façon on ne peut avoir, logiquement, la lecture que fait le Ramban sur l’usurpation des Hashmonaïm qui serait la cause de leur chute.

Le Rav Elie Munk rapporte un autre Rishon dont l’optique est la même que Tosfot : Rabbénou Nissim de Gérone. Reprenons ses mots qui résument parfaitement la « seconde » position : « Rabbénou Nissim objecte que si les paroles du Patriarche équivalent à un commandement, il faudrait admettre que tous les rois du royaume d’Israël furent des usurpateurs et que, d’autre part, son ordre ne fut jamais pleinement exécuté sauf à l’époque de David et de Salomon qui regnèrent sur les douze tribus. Aussi conclut-il que ces paroles ont le caractère soit d’une prophétie soit d’une bénédiction qui se rapporte à une époque de souveraineté nationale (ce qui met hors de cause les rois hasmonéens ) et qui n’envisage que la période historique « à partir de David » c’est-à-dire à partir du début du règne de la tribu de Yéhouda (ce qui met le règne de Chaoul hors d’atteinte). Désormais, le sceptre n’échappera plus jamais entièrement à Yéhouda » .

Sur son lit de mort, Yaakov bénit donc chacun de ses enfants avec un message spécifique. Chaque tribu a une mission à remplir au service d’Hashem. Le Rav Mordekhaï Miller explique qu’on peut comparer cela aux branches d’un arbre qui ont le même tronc. Le tronc, c’est la source représentée par le Chema Israël qui réunit les tribus. Le E’had se compose d’un Alef qui est Yaakov, d’un Heth pour les huit tribus de Léa et Ra’hel, et d’un Dalet pour celles de Bilha et Zilpa. Le E’had équivaut donc à 13 soit les 12 tribus reliées à Yaakov qui est le treizième .

(Je remercie Rav Binyamin Wattenberg pour ses conseils éclairés)

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