La préparation de la fête de Pessah est très prenante : beaucoup, beaucoup de ménage ; donc beaucoup, beaucoup de fatigue.
Après on a 2 options, on reste chez soi ou dans la famille et on est achevé ! Ou nous partons dans un voyage organisé pour se reposer. Maintenant, ce que je vais dire, je vais me le dire à moi-même : ça a un intérêt tout ça ? Et bien, je me réponds « non ». Pourquoi ? Parce que dans les 2 options, c’est un refuge. Avant de m’expliquer, je vais tenter de retransmettre un cours magnifique que j’ai eu la chance d’écouter la semaine dernière , donné par Mme Caty Zyzek, , cette étude s’appuie sur 2 ouvrages, Sefer Hatodaa (éphémérides sur Pessah) et sur un ensemble d’études faites par le Rav Yitshak Jessurun » qui s’intitule : « et tu raconteras à ton enfant ».
Le mot Hagada vient du verbe Lehaguid qui signifie : parler avec insistance. Deux mitsvot positives nous sont données, la première, Matsot et la seconde Maror, mitsva tirée du verset :
וְאָכְלוּ אֶת-הַבָּשָׂר בַּלַּיְלָה הַזֶּה צְלִי-אֵשׁ וּמַצּוֹת עַל-מְרֹרִים יֹאכְלֻהוּ
וְאָכְלוּ אֶת-הַבָּשָׂר, בַּלַּיְלָה הַזֶּה: צְלִי-אֵשׁ וּמַצּוֹת, עַל-מְרֹרִים יֹאכְלֻהוּוְאָכְלוּ אֶת-הַבָּשָׂר, בַּלַּיְלָה הַזֶּה: צְלִי-אֵשׁ וּמַצּוֹת, עַל-מְרֹרִים יֹאכְלֻהוּ
וְאָכְלוּ אֶת-הַבָּשָׂר, בַּלַּיְלָה הַזֶּה: צְלִי-אֵשׁ וּמַצּוֹת, עַל-מְרֹרִים יֹאכְלֻהוּ
« Veahlou et ha bassar balaila haze tsli esh vematsot al mererim yohléou, ( et ils mangeront la viande cette même nuit : rôtie au feu sur des azymes et des herbes amères, ils la mangeront) , ( Parachat Bo, 12, 8). La seconde : maguid :
וְהִגַּדְתָּ לְבִנְךָ בַּיּוֹם הַהוּא לֵאמֹר בַּעֲבוּר זֶה עָשָׂה יְהוָה לִי בְּצֵאתִי מִמִּצְרָיִם
« Vehigadeta Levaneha bayom hahou lemor BAAVOUR ZE ASSA HASHEM LI BETSETI MIMITSTRAIM », (tu feras le récit à ton fils en disant : « c’est en vue de ceci que l’Eternel a fait pour moi quand je sortis d’Egypte »), ( parachat Bo, 13, 8). La seconde mitsva commence bien par : « vehigadeta Levaneha », et tu raconteras à ton fils.
C’est pour cela que dans la Hagada, on doit écouter et répondre à 4 fils différents. Au Racha , c’est-à-dire à celui qui s’exclut en disant « Lahem » ( « le racha, que dit-il ? que signifie POUR VOUS ce culte ? » (Hagada), et à celui qui ne sait pas demander, la réponse est pratiquement la même :
בַּעֲבוּר זֶה עָשָׂה ה לִי בְּצֵאתִי מִמִּצְרָיִם
« BAAVOUR ZE ASSA HASHEM LI BETSEETI MIMISTRAIIM » (c’est en vue de ceci que l’Eternel a fait pour moi quand je sortis d’Égypte ») . Au Haham (sage) qui veut connaitre toutes les lois, et au Tam (simple) qui demande quelle est cette fête, les réponses sont différentes mais se rejoignent, au premier, il s’agira de raconter toutes les Halahot (les lois) jusqu’à l’Afikoman et au Tam, lui donner une réponse moins complète mais qui montre la force d’Hashem de nous avoir fait sortir d’Egypte en l’incluant :
בְּחֹזֶק יָד הוֹצִיאָנוּ ה מִמִּצְרַיִם מִבֵּית עֲבָדִים
« Behozek yad Hotsianou Hashem miMitsraïm mibeit avadim » (d’une main forte Hachem nous a fait sortir d’Egypte, de la maison d’esclavage). Ce qui est intéressant, c’est que la réponse donnée aux quatre fils s’attarde non sur leur écoute mais sur leur bouche. Au racha, il est demandé, de lui agacer les dents : אף אתה הכהה את שיניו « veaf ata hakée et shinav » (et tu lui agaceras les dents), en lui disant que D. ne l’aurait pas fait sortir d’Égypte. A celui qui ne sait pas demander, il s’agit de lui ouvrir la bouche : את פתח לו « At petah lo, sheneemar, VEHIGADETA LEVANEHA bayom hahou lemor BAAVOUR ZE ASSA HASHEM LI BETSEETI MIMITSRAIM » (ouvre le ( dans le sens « prends les devants ») comme il est dit : « tu parleras ce jour-là à ton fils en disant : « c’est grâce à ceci que Hachem a agi en ma faveur quand je suis sorti d’Égypte » ) verset repris de la Paracha Bo,13,8. Pour le Haham et le Tam, il faut juste leur répondre car leur bouche est déjà accessible puisqu’ils s’incluent dans le collectif. Pour le racha et celui qui ne sait pas questionner, il faut « prendre les devants » en « touchant » leur bouche.
Ainsi, le travail qui est souhaité à Pessah, c’est de travailler sur la parole de chaque fils dans le but qu’il devienne Haham. Mais en comprenant aussi qu’être face au Haham nécessite aussi un grand travail d’écoute et de patience car il désire tout connaitre. Pour approfondir cette idée d’une importance quasi-obsessionnelle de la parole, découvrons d’après l’étude de Rav Jessurun quelle place cette dernière avait en Égypte et au sein des Bnei Israel.
Le premier des 10 commandements est : « Je suis ton D. qui t’a fait sortir d’Égypte. Hashem se « caractérise » comme cela, il aurait pu dire, « Je suis ton D. unique » ou je suis ton D . qui a crée le monde » etc, pourquoi Hashem se présente t-il dès le premier commandement à travers la sortie d’Égypte ? Hashem semble nous dire d’une part qu’il attend de nous que nous reconnaissions qu’il nous a sortis de l’esclavage, et d’autre part que cette sortie, il l’a faite, il la fait sans cesse avec nous. On pourrait donner des réponses à cela en tentant d’expliquer ce que c’est que Mitsraïm, mais continuons sur cette idée de parole et observons ce que nous en dit le Ari Zal.
Selon le Ari Zal, le séjour en Égypte était en effet caractérisé par le Galouth Hadibour : l’exil de la parole. L’essence de notre présence dans le pays de l’esclavage aurait été liée au problème de la parole. Même la parole de D. était en exil car elle ne pouvait se manifester. D. parla à Moché pour la première fois en dehors de l’Égypte car l’Égypte ne supportait pas la manifestation de la parole de D . Ainsi, le soir du « seder de la Hagada » que l’on peut traduire par « l’ordre du récit », ou « l’ordre de la parole », nous allons, toujours selon Rav Jessurun, rétablir le parler dans notre monde. Il rapporte ceci :
Dans Midrach Raba (Chemot raba 35 /2) : 4 raisons ont permis la réalisation de la sortie d’Égypte :
-Les Bneis Israel n’avaient pas changé leurs noms.
-Ils ont continué à parler l’hébreu .
-Ils n’ont pas abusé de leur parler( lachon hara).
-Ils ne se sont pas livrés à la débauche.
Trois des quatre raisons de la délivrance étaient liées à la parole. Ces quatre raisons sont liées : Tout d’abord, cette volonté de garder leurs noms juifs provenait de la conscience qu’ils avaient reçu de leurs ancêtres Avraham, Yitshak et Ya’akov des valeurs morales qui les différenciaient des Égyptiens, c’était une volonté d’identification. Cela leur a fait se rappeler en second lieu qu’ils avaient une langue à eux, ainsi lorsque Moshé vient délivrer son premier message de D . au chef du pays , il parle au nom du « D . des hébraïsants » ( Eloké Haïvrim).
Déjà Adam Harishon, le premier homme, parlait à D. en hébreu, c’est la langue de la spiritualité. Rav Jessurun dit : [… ] seul chez D. , mes paroles peuvent trouver leur plénitude et c’est là que se trouve le sens le plus profond et authentique du parler de l’hébreu : s’adresser à D. , par la tefila, la prière, dans la langue même avec laquelle l’homme-moi ! fut créé ». Pour cela, on ne peut s’adresser à lui qu’avec un langage pensé, propre, c’est ce qui vient en troisième position : « On peut difficilement utiliser l’outil de la langue sainte tantôt pour communiquer avec D. et tantôt pour détruire son environnement. L’abus de la parole, explique le Hafets Haïm, détruit l’instrument même de la parole. » ( Rav Jessurun). La propreté de la parole impose le respect réel des mots et de leur signification. Lorsque Paro se déclare être un dieu; le D . véritable n’a plus de « moyen » de s’adresser à lui. Ainsi la parole sauvegarde la pureté de l’identité du peuple.
C’est pour cela comme il a été mentionné auparavant, que D. se définit comme celui qui nous a fait sortir d’Egypte, car il sort d’Egypte avec nous , sa parole est délivrée de son exil.
L’Égypte était un abus de parole. Paro en était le représentant. Nos Sages coupent le mot Paro en deux : « Peh ra », la mauvaise bouche. Aussi dit-on qu’il avait asservi le peuple « Befareh » : « péniblement ». Nos Sages lisent dans ce terme une allusion aux mots « peh rakh », la bouche douce. Le midrach raconte Que Paro demandait aux juifs d’aider les égyptiens par des paroles séduisantes pour les amadouer, il portait lui-même au début des briques pour montrer qu’il participait à la construction afin de les asservir ensuite.
La Hagada est donc un réapprentissage de l’utilisation du parler. Nous l’effectuons à Pessah. Nos Sages lisent dans le nom de cette fête : « Peh Sakh » : la bouche qui parle.
Alors je me suis dit en sortant de ce cours, pourquoi nous fatiguons- nous tant avant Pessah, à tel point que nous ne pouvons plus parler le soir du seder ? Pourquoi faisons- nous le choix de partir dans des séjours organisés où souvent au moment des deux soirs du seder, nous n’arrivons pas à s’entendre, ni à se parler ? Est-ce une fuite ? Quelle facilité recherchons- nous exactement ? Car au bout de ces 8 jours, si nous avons manqué cet acte du parler, ressentons-nous un bien être ? La vraie satisfaction ne vient-elle pas de cet effort d’avoir réinstauré cette parole entre nous ? Quand on arrive à faire sortir de nous une question, une réponse, une parole, et que nous nous apercevons qu’elle apporte ? N’avons-nous pas fait ce travail d’une parole de D. qui s’inscrit parmi-nous ? Ne rétablissons- nous pas Le Galouth Hadibour , l’exil de la parole,d’Hashem ? Hashem nous dit : « vous ferez pour moi un sanctuaire et je résiderai parmi vous » ( Be’houkotaï, Vayikra, 26, 11).
Caty Zyzek a dit lors de ce cours, qu’il faut arriver au seder avec un cœur pur et joyeux, avec une bouche prête à la parole et je l’en remercie du fond du cœur, d’abord de ce magnifique cours sur texte , de sa bienveillance, du temps qu’elle a pris pour nous faire prendre conscience de cet essentiel, car cela donne de la force, de se dire que, beezrat Hashem, ces 2 soirs là, nous allons faire en sorte de parler, de se parler , afin de poser notre petite brique à l’édifice d’une vraie liberté, celle de sortir de notre Mitsraïm, notre étroitesse ( tsar signifiant étroit), car dès lors que nous sommes sortis d’Égypte, D. a fait le choix de résider parmi nous.
“PEH SAKH” CACHER VESAMEAH! MERCI CATY.
Stéphanie Klein
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