Dans la Méguilat Esther, que nous lisons à Pourim, Amman, l’ennemi d’Israël et de Mardochée, qui avait planifié l’anéantissement des Juifs dans les 127 provinces d’Assuérus, est nommé Amman ben Hamedata l’Agaguite.
or Agag est un descendant d’Amalek (Cf. I Samuel XV, 8 : « Il prit vivant Agag, roi d’Amalek »). L’origine de l’institution rabbinique de lire la méguila trouve donc sa source dans le commandement de se rappeler les exactions d’Amalek contre le peuple juif ainsi qu’il est écrit dans la Parasha Ki Tétsé : « Souviens-toi de ce que t’a fait Amalek sur le chemin… »
Il existe une idée assez répandue au sein de nos communautés qu’à chaque génération, Amalek se manifeste sous le visage de l’antisémitisme. Si la comparaison a une dimension morale, il est plus difficile d’en tirer des conséquences hilkhatiques. Je peux faire le « raccourci » suivant Nazi = Amalek d’un point de vue théorique, mais si j’assassine un Nazi, il n’est pas du tout évident que celui-ci descende généalogiquement de la peuplade des Amalécites, et donc je n’anéantis pas vraiment Amalek. En effet, Sanhériv ayant éparpillé les nations, l’identification de nos jours de sa descendance est impossible, nous plaçant ainsi dans l’incapacité d’accomplir ladite Mitswa.
Il existe de plus une autre condition à sa réalisation. Israël doit avoir un Roi pour l’exécuter ainsi que le rapporte le Rambam dans le premier chapitre de Malakhim et le Sefer Hakhinoukh (Ki Tetsé). En réalité il n’y a qu’un seul moment dans l’histoire d’Israël où l’anéantissement d’Amalek aurait pu être accompli, il s’agit du célèbre épisode de Saül relaté dans le livre de Samuel 1-15 où le prophète ordonne au Roi de détruire Amalek :
« Maintenant va frapper Amalek et anéantissez tout ce qui est à lui, qu’il n’obtienne point de merci ! Fais tout périr, homme et femme, bœuf, brebis, chameau et âne. » (traduction officielle Z. Kahn)
Deux commentateurs classiques s’affrontent sur ce sujet :
1) Le Radak remarque : « […] Si le butin subsiste, le souvenir d’Amalek n’est pas effacé. »
2) Rashi rapporte quant à lui un Midrash un peu obscur… « Car ils [les Amalécites] étaient versés dans l’art de la sorcellerie, et ils changeaient d’apparence et se métamorphosaient en animal. »
On peut donc déduire d’après les paroles du Radak que l’ordre d’exécuter les animaux est inclu de facto dans la Mitswa. Ce serait une question de bon sens et d’observation du contexte : les animaux seront pointés du doigt en tant que vestiges d’Amalek, il faut donc les supprimer. Pour Rashi, exécuter le bétail n’est pas fondamentalement inclu dans la Mitswa, mais celui-ci contient une partie intrinsèque d’Amalek qu’il faut supprimer. Moralité : si j’avais su identifier quel chameau était un Amalécite camouflé, il aurait certainement fallu ne pas l’épargner…
Le Rav Moshé Steibourg (petit fils du Gaon de Vilna) dans son Moadim OuZmanim commente le Rambam suivant (Melakhim 5,5) :
« C’est un commandement positif d’anéantir le souvenir d’Amalek ainsi qu’il est dit : « tu effaceras le souvenir d’Amalek ». »
Maïmonide ne précise aucunement en quoi consistent les modalités de cette loi. En effet, il n’est pas du tout évident de déduire d’ici qu’il faille aussi exterminer le bétail des Amalécites. Le R. Sternbuch explique que les critères de définition du périmètre de la Mitwa sont contextuels, ce qui oblige le prophète Samuel à redéfinir qu’à son époque, Amalek c’est aussi le bétail…
Peut-être Rashi en choisissant un Midrash assez obscur plutôt que le sens simple développé par le Radak a-t-il voulu nous faire réfléchir sur l’aspect constant de la difficulté à identifier Amalek, même du temps des prophètes et à plus forte raison aujourd’hui…
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