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La certitude et l’orgueil

par: Jaqui Ackermann

Publié le 1 juillet 2007 

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Notre paracha décrit d’abord longuement les pourparlers entre le roi Balak et le prophète Bil’am, puis ce sont les bénédictions-prophéties de Bil’am qui occupent le texte. Ce n’est que dans la dernière partie de la paracha que l’action se déroule dans le camp du peuple juif.

On peut se demander ce que savaient les juifs du début des événements. Savaient-ils que D. se battait pour eux ? Moché était-il simultanément au courant de ce qui se passait ? Ce qui est sûr, c’est qu’ils l’ont su plus tard [Voir Dévarim 23, 5-6.], et qu’ils ont dû prendre conscience rétroactivement de ce qui s’était passé.
On pourrait se dire que, finalement, cette question n’a aucune importance : l’essentiel serait de savoir dire merci à D. Pourtant il y a eu un impact immédiat.

En effet, à la fin de la paracha le peuple faute avec les filles de Moav. Nos Sages font un rapport entre cet événement et la malveillance de Balak et de Bil’am [Voir Rachi sur Bamidbar 24, 14.] Par ailleurs le midrash [Dévarim Rabba 1, 2.] note que les bénédictions de Bil’am ont eu un petit effet pervers. Ces bénédictions soulignent certaines qualités du peuple juif. Ce dernier s’en est enorgueilli, et cet orgueil a stimulé la faute. Car la fierté rend une personne vulnérable : elle se croit au-dessus de l’erreur, et c’est cela même qui permet la faute.

Ainsi, ces bénédictions ont été entendues par le peuple. Elles ont créé une ambiance d’assurance de soi, et cela n’a pas été très positif. Mais que s’est-il passé au juste ? Par ailleurs le midrash dit que Bil’am a la langue lisse : il séduit. Comment ces bénédictions, que D. « gère » de bout en bout, peuvent-elles être considérées comme des paroles douces et hypocrites ?

Nous voudrions tenter et proposer une approche. Pour certaines raisons (qui dépassent notre sujet) D. n’a pas voulu simplement empêcher l’entreprise de Bil’am. Ses malédictions n’ont pas été simplement annihilées, mais transformées en bénédictions. Or une bénédiction doit se fonder sur une réalité. « Une bénédiction ne trouve pas de place dans du vide ». Il faut bénir un élément concret. C’est la base de toute bénédiction. Une bénédiction est un souhait de développement. Donc il faut désigner l’élément qui est capable de la « supporter ». Il faut pouvoir reconnaître les caractères à bénir. Par exemple si on veut bénir une personne pour qu’elle soit sage et intelligente, il faut qu’elle ait un minimum de sagesse et de compréhension. Sinon, il faut commencer par souhaiter qu’elle ait de quoi acquérir ce minimum. Ou encore remonter à la racine de l’être en souhaitant que des qualités puissent s’installer. Et si on commence à bénir une personne déjà sage et intelligente on souhaitera qu’elle développe encore plus ces qualités. Donc on affirme qu’elle les possède véritablement.

Ainsi les bénédictions de Bil’am énonçaient explicitement et implicitement nombre de qualités existant chez le peuple. Jamais cela n’avait été fait aussi clairement. Nous croyons que chaque parole que D. transmet à un prophète a des conséquences. Une parole « envoyée » par D. n’est pas simplement une information, elle change quelque chose sur terre. Elle imprègne la réalité. (Par exemple, le fait que D. dicte et impose une mitsva implique que c’est maintenant un élément réel qui nous lie à Lui.) Ces paroles de Bil’am ont eu un impact : le peuple a compris ou senti la force de ces bénédictions, même si physiquement il n’a pas entendu les bénédictions. Il a eu conscience qu’en lui se trouvait le fondement de ces bénédictions. Un peu comme s’il se révélait à lui-même, sans forcément sentir que Bil’am était dans le coin. Mais cette réalité a suffi pour créer de l’orgueil.

L’hypocrisie de Bil’am n’est pas une hypocrisie voulue mais le résultat de la situation. Il voulait s’attaquer au peuple mais D. l’en a empêché car Il a jugé cela injuste, en tous cas dans la réalité du moment. Chaque fois que le peuple évite une agression par la grâce de D. c’est que D. fait valoir la qualité et la mission de Son peuple. Son peuple n’a pas à subir ce genre d’attaque, qu’il soit méritant ou non. Mais si le peule ne mérite pas totalement cette grâce, il y a alors décalage entre la conscience qu’il a de lui-même, de son niveau et de ses mérites, et la grâce dont il est l’objet. L’erreur serait de croire qu’il est en phase avec cette grâce. Ainsi les paroles de Bil’am sont « décalées » car elles font référence à une réalité que le peuple ne peut pas assumer pleinement maintenant, qu’il n’est pas capable d’évaluer à sa juste valeur. Mais on ne peut pas l’éviter car c’est le moyen d’échapper aux malédictions. Le peuple en a une certaine conscience mais ne l’assume pas totalement.

C’est le difficile chemin de la certitude de savoir qu’il y a toujours en nous des forces à découvrir, infinies, et qu’elles sont nous-mêmes. Mais tant que le travail n’est pas fait, nous ne pouvons pas prétendre être devenus nous-mêmes.

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