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Chemin faisant avec D.ieu, le mois d’Elloul : un mois pour Hachem ou un mois pour l’homme ?

par: Eliezer Ephraïm Pariset

Publié le 22 Septembre

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Alors qu’est ce qui se passe en Elloul ? les Selihot ! Hachem est dans le pré, Il nous donne la possibilité de nous confier à Lui, d’ouvrir notre cœur et de l’implorer, peut-être autrement qu’à Rosh hachana et à Yom Kippour où nous sommes dans un rituel, un rythme et dans l’émotion. Nous n’avons pas besoin de prendre rendez-vous avec Lui :  Il est là pour nous, pour écouter. C’est le mois de l’intimité entre Hachem et sa créature

Mais qu’est-ce que Hachem attend de nous dans cet entretien ? Qu’est-ce-que Hachem attend de nous finalement ?

La paracha ‘Ekev nous éclaire sur ce que Hachem attend de nous :  Vehaya ‘eqev tichme’oun eth hamichpatim haeleh ouchmartem va’assitem otam vechamar Hachem Elokekha lekha eth haberith veeth ha‘hesed acher nichba’ laavotekha « Ce sera, parce que vous écouterez ces ordonnances-là, vous les garderez, vous les ferez, Hachem, ton Eloqim, te gardera l’alliance et la bonté qu’Il a jurées à tes pères, etc » (Devarim 7, 12). S’en suit un grand passage d’évocations, de recommandations et d’exhortations

Plus loin (10, 12), Moshé Rabbénou dit enfin, en quelques mots, ce que Hachem attend de nous :

Ve’atah Israel, mah Hachem Elokekha, choel me’imakh, KI IM lehirah eth Hachem Elokekha lalekhet be’hol dera’hav ouleahavah oto vela’avod eth Hachem Elokekha be’hol levav’ha ouv’hol nafchekha 

« Et maintenant, Israël, qu’est-ce que Hachem, ton Eloqim, demande de toi , SI CE N’EST de craindre Hachem, ton Eloqim, de marcher  dans toutes Ses voies et de L’aimer, et de servir Hachem, ton Eloqim, de tout ton cœur et de toute ton âme ». Puis Moshe Rabbenou explicite cette recommandation en nous prévenant que Hachem sera un juge incorruptible quant à notre comportement vis-à-vis de l’orphelin et de la veuve et de l’étranger (« bein adam le’havero »), nous rappelant que nous avons été des étrangers en Egypte.

Bien des siècles plus tard, un prophète s’engage dans la même démarche : résumer en quelques mots ce que Hachem attend de nous et, ce faisant, il cite à peu près les mêmes premiers mots de Moshe Rabbénou. Ce prophète, c’est Mikha

Voici ses paroles (qui font partie de la haftarah de Balaq) (6, 8) :  Ma Hachem dorech mimekha « Qu’est-ce que Hachem attend de toi » KI IM « SI CE N’EST, suivi de trois recommandations. Mais cette liste est complètement différente de celle donnée par Moshe Rabbenou !

Examinons les mots de Mikha et voyons comment il résume nos obligations :

Higuid lekha adam ma tov ouma Hachem dorech mimekha « Il t’a été dit, homme, ce qui est bien et ce que Hachem attend de toi »

KI IM « SI CE N’EST » (Que l’on peut traduire par « rien que » ou « ça se résume à » ou « seulement à »)

‘Assot michpat, va’ahavat ‘hessed vehatsnea lekhet ‘im Elokekha « Faire la justice, et aimer la bonté et de marcher humblement avec ton D.ieu »

Mikha nous expose trois commandements. Y a-t-il un lien entre ces trois obligations ? Mis ensemble, donnent t’ils une structure globale ?  Si oui, quelle est cette structure ?

Nous pensons qu’il y a bien une structure, et l’idée qu’on se fait de cette structure est celle d’un gradin ou d’une échelle.

Pour expliquer cette notion de structure, revenons quelques versets plus haut et nous allons retrouver un scénario en gradin qui s’apparente tragiquement en négatif avec notre structure.

(6, 6 et 7) Bamah akadem Hachem ikaf léloké marom « De quelle façon puis-je satisfaire l’Eternel ? Comment faut-il m’humilier devant le Dieu suprême ? »

Haaqadéménou be’ololoth ba’agalim benei chanah  « Me présenterai-je à Lui avec des holocaustes, avec des veaux âgés d’un an ? »

Ha irtséh Hachem béalphei eilim bérivevoth na’halei chamen  « L’Eternel prendra-t-il plaisir à des milliers de béliers, à des dizaines de milliers de rivières d’huile ? »

Haeten bé’hori pich’i péri vitni ‘hatat nafchi  « Donnerai-je mon premier-né pour ma faute, le fruit de mes entrailles (mes enfants) comme rançon expiatoire de ma vie ? »

Mikha est de toute évidence persifleur mais son sarcasme s’exprime de manière graduelle. Le premier palier serait d’imaginer que l’on devrait faire à Hachem une offrande de sacrifice. Le deuxième serait d’offrir une offrande plus belle, comme des jeunes veaux d’un an. Le troisième : là on fait mieux avec des milliers de béliers. Le quatrième, soyons généreux : des dizaines de milliers de rivières d’huile ! Mais peut-être que c’est insuffisant : au cinquième on offre son premier-né ! Au sixième, dans notre folie expiatoire, on en viendrait à offrir tous nos enfants !

L’escalade est dangereuse et nous mène en six paliers au bord de l’abime. Mikha nous montre l’absurdité de cet état mental et nous montre en filigrane la dérive sans issue d’une conception de la Techouva : un absolutisme aveugle, qu’en fait Hachem ne demande pas : pas de surenchères sur les offrandes, pas de dévotion hystérique mais plutôt intégrité, bonté et humilité.

Alors Mikha nous suggère une autre voie, qui est la voie à suivre et qui est le chemin de l’homme tel que Hachem le demande. Cette voie est, elle aussi, une montée en gradins, trois paliers successifs à escalader pour être l’homme qui est aimé d’Hachem

Premier palier : ‘Assot michpat « Pratiquer la justice » c. à d. « Être intègre, être irréprochable » . Avant toute chose, il faut être intègre. Seulement, ça n’est pas suffisant, c’est juste le premier niveau. En effet, on est intègre. Mais maintenant on voit un pauvre et on peut se dire : « Oui, il est pauvre et je n’y suis pour rien, il n’a qu’à réagir et se prendre en mains ! » Où est la relation à l’autre « Bein adam le’havero » ? Où est l’entraide ? Peux-tu me prêter ta perceuse ? Est-ce que toi, tu m’as prêté quelque chose avant ? Quel monde sans cœur ! Être intègre ne suffit pas pour être l’homme tel que Hachem l’aime. Il faut quelque chose au-dessus de l’intégrité. Cette chose, c’est la bonté, l’élan du cœur

Deuxième palier :  va’ahavat ‘hessed  « Tu dois aimer la bonté » C’est-à-dire, avoir l’amour des hommes, et cet amour des hommes doit remplir ta vie tous les jours. Cependant, cet amour des autres doit s’exercer en pratiquant la justice, sinon c’est de la mièvrerie. De même, la pratique de la justice doit être imprégnée par la bienveillance, sinon c’est de l’intransigeance, de la sévérité. Est-ce suffisant de pratiquer la justice tout en ayant l’amour des hommes ? Non, il y a encore quelque chose au-dessus pour être celui que D.ieu aime, il y a un troisième palier à gravir

Troisième palier : Ihatsné’a le’het ‘im Elokekha  « Et de marcher humblement avec ton D.ieu » . Que veut dire « Marcher » ? Cheminer. Un chemin nécessite de la modestie, du recueillement et la capacité de se rendre compte que nous sommes relatifs. « Humblement » ?  C’est se débarrasser de nos certitudes, de nos opinions et de notre cœur de pierre, c’est laisser en chemin le fardeau de notre égo surdimensionné, c’est écouter et accepter une autre voie que la sienne. Ecouter Hachem.

Alors on pourrait croire que c’est suffisant d’être intègre et bon pour marcher avec D.ieu, cependant il faut marcher avec Lui avec humilité, avec effacement. Sinon, que se passe-t-il ?  Imaginons que nous marchions avec D.ieu avec gaava avec orgueil, il se passera que nous ne serons plus aimés de D.ieu. Bien sûr, nous sommes tout ce qu’il y a de plus intègre et bon, mais si nous marchons avec D.ieu avec suffisance, il se passera que nous en arriverons à être hautain et à mépriser les gens.

Quelle est la raison ? En marchant avec D.ieu, nous remarquons que les gens ne marchent pas avec D.ieu comme nous, ils sont différents. Quelle va être notre attitude ? Si notre réaction est d’être dédaigneux et condescendant, nous pouvons nous dire « Ils font comme çà parce qu’ils sont stupides, parce que la vraie vérité n’est pas leur but. Et pourtant la vérité est si évidente que je la vois bien moi, et ceux qui sont avec moi, la voient également !  Pourquoi ces idiots ne la voient pas ? Parce qu’ils ne veulent pas la voir, parce qu’ils sont hypocrites, parce qu’ils sont malhonnêtes ! » Si nous marchons avec D.ieu avec arrogance, notre intégrité et notre bonté n’existent plus. L’intégrité et la bonté, c’est pour nous, pas pour ces nuls !

On peut dire aussi qu’il y a une voie intérieure avec Hachem qui a, elle aussi, trois paliers : Être intègre avec Lui ?  Être entier, véritable, sincère, avoir un esprit pur. Être bon avec Lui ? Reconnaître Ses bienfaits, Sa bonté. Marcher humblement avec Lui ? Mettre nos pas dans Ses pas pour que nos pas ne fassent qu’un, pour que Ses pas soient les nôtres

Maintenant viens, écoute-moi, je vais te dire ce qu’il en est de la volonté du Maître du monde ! Tu as peur ? Ne t’en vas pas ! Tu dois savoir la grandeur de Son amour pour toi, jamais Il ne te déteste ! Mais, plutôt, voici ce qu’Il ne veut pas, ce qu’Il ne veut plus ! Mais, quand tu purifies ta conduite, alors Il étend Sa main sur toi ! Attends, ne t’en vas pas ! Ecoute ce passage de la haftara de Devarim (Ichaïa 1, 11 – 20) :

(L’Eternel ne supporte pas les sacrifices hypocrites)

« Quel besoin ai-Je de la multitude de vos sacrifices dit l’Eternel ? Je suis rassasié de vos holocaustes de béliers et de la graisse de vos bêtes gavées ! Le sang des taureaux, des moutons et des boucs, Je n’en veux point ! »

« Quand vous venez vous présenter devant Ma Face, qui donc vous le demande ? Vous ne venez que pour fouler de vos pieds mes parvis ! »

« Ne continuez donc plus à Me présenter des offrandes hypocrites ! Votre encens ? C’est une abomination pour Moi ! Le nouveau mois ? Le Chabbat ? Les saintes convocations ? Je ne peux souffrir l’immoralité associée aux solennités ! »

« Vos nouveaux mois et vos fêtes, Mon âme les a en horreur ! Ils me sont à charge ! Je suis fatigué de les supporter ! Aussi, lorsque vous étendez vos mains, Je détourne mes yeux de vous ; même si vous multipliez les prières, Je n’écoute pas : Vos mains sont pleines de sang ! »

(Or le bonheur d’Israël dépend de sa conduite)

« Lavez-vous ! Purifiez-vous ! Faites disparaître vos actes malveillants de devant mes yeux ! Cessez de faire le mal ! »

« Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, soutenez l’opprimé, faites droit à l’orphelin, défendez la cause de la veuve ! »

« Venez donc ! dit l’Eternel, que nous débattions la question entre nous ! Même si vos péchés sont comme le cramoisi, ils peuvent devenir blancs comme la neige ! Même s’ils sont rouges comme la pourpre, ils peuvent devenir comme la laine »

« Si vous acceptez de m’écouter, vous mangerez le meilleur du pays »

« Mais si vous refusez et vous révoltez, c’est vous qui serez dévorés par l’épée ! La bouche de l’Eternel l’a annoncé »

Dans la prophétie d’Ichaia, Hachem répond à celui qui, dans celle de Mikha, se demande « De quelle façon puis-je satisfaire l’Eternel ? » : Voici ce que Je ne veux pas, voici ce que Je veux ! Choisis entre la vie et la mort

Mikha dit donc « Il t’a été dit, homme, ce qui est bien et ce que Hachem attend de toi, SI CE N’EST : Faire la justice, et aimer la bonté et de marcher humblement avec ton D.ieu »

Mikha nous ordonne fermement on peut dire, de pratiquer la tolérance et d’accepter la différence des autres : Si je marche humblement avec D.ieu et que j’annule l’idée que je me fais de moi, alors je peux avoir l’humilité de ma dire que, moi, je marche avec D.ieu de cette manière et que l’autre il cherche aussi avec sincérité à marcher humblement avec D.ieu et qu’il le fait suivant sa voie !

Voici maintenant que je perçois l’autre et sa différence, je ressens que je suis sur le difficile chemin qu’est mon devoir. Avec cette perspective magnifique et cette élévation d’esprit, je peux désormais être intègre et bon avec mon prochain, parce que c’est avec humilité que je chemine avec Hachem

 

« Ce n’est pas le chemin qui est difficile, c’est le difficile qui est le chemin. »

Citation de Sören Kierkegaard

Eliezer Ephraïm Philippe Pariset

N.B. : Ce texte a été rédigé sur la base d’une dracha de Rav David Fohrman du site AlephBeta.fr sur la paracha ‘Eqev

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