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Boire à Pourim, « la Crainte de D. est le début de la connaissance ».

par: Rav Gerard Zyzek

Publié le 24 Février 2021

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I. Les filles de Loth dans la caverne.

La Torah nous rapporte dans la Parashat Vaéra comment Sodome et Gomorrhe furent détruites. Loth et ses deux filles se réfugièrent dans une grotte. Ils pensaient qu’ils étaient les seuls rescapés de toute l’humanité. Comprenant cela les deux filles s’interrogèrent comment pourraient-elles se donner une postérité. L’ainée dit à sa cadette (Béréshit 19,32) :
לכה נשקה את אבינו יין ונשכבה עמו ונחיה מאבינו זרע.
‘Allons, donnons à boire à notre père du vin de manière que nous puissions aller avec lui et faire vivre une descendance de notre père.’
L’idée était que leur père s’enivre pour que dans son inconscience elles puissent avoir une descendance de lui.
Rashi soulève la question : mais d’où avait-elle du vin sous la main ? Et répond : ‘du vin se trouva être dans la caverne de manière à ce que deux nations puissent être engendrées’.
Nous pouvons ajouter au sous-entendu de Rashi que ces deux nations, Amon et Moav, sont les nations desquelles descendra le Mashia’h, par Ruth la Moavit, aïeule du roi David, et Naama la Amonit, la femme du roi Salomon.

II. Petite remarque dans le texte.

Le verset 30 dit :
‘Loth monta de Tsoar et s’installa dans la montagne avec ses deux filles, car il craignait de rester à Tsoar. Il s’installa dans la caverne, lui et ses deux filles.’

Le verset ne dit pas qu’il s’installa dans une caverne, le verset dit dans la caverne, avec l’article défini. Dans le premier paragraphe nous avions spontanément dit dans une caverne. Quelle est cette caverne, c’est comme si nous connaissions cette caverne !
Le Midrash Rabba (Béréshit 51,9) relie notre verset avec un verset des Téhilim où David poursuivi par le roi Shaoul chante à HaShem (Téhilim 57,1) :
‘Chant de gloire, ne détruis pas ! Chant parfait, lorsqu’il a fui de devant Shaoul dans la caverne.’
Quel était le contenu de ce chant ? David dit à D. : tu as fait des prodiges aux deux filles de Loth en leur donnant une descendance de manière incroyable, alors moi qui suis leur rejeton ne me détruis pas, car sinon tous ces prodiges n’auraient servi à rien !
David se trouve dans la même caverne. Ce n’est pas forcément la même caverne au niveau géographique, mais c’est la même caverne en cela qu’il fuit et est au bord de la destruction, c’est cette caverne, c’est la même caverne. Et il chante à Hashem avec confiance (chant de victoire למנצח) que si D. ne le sauve pas, pourquoi a-t-il fait des prodiges aux filles de Loth ?
Le prodige le plus éloquent est le fait qu’elle trouvèrent du vin dans cette grotte. Que signifie ce vin ?

III. Yaakov et les bénédictions.

Nous savons tous que Its’hak a demandé à Essaw son fils chéri qu’il lui amène du gibier pour qu’en mangeant de ce bon plat il puisse avoir la joie nécessaire pour le bénir avant qu’il ne meure. Rivka ne l’entend pas de cette oreille et veut changer le cours de l’histoire et demande à son fils chéri Yaakov qu’il se déguise en Essaw et qu’il amène lui un bon plat à son père et qu’il prenne les bénédictions à la place de son frère. A la différence de ce qui a été demandé à Essaw, Rivak va préparer un plat à base de chevreau. Rashi explique que le goût du chevreau est assez prononcé et ressemble au goût du gibier.
Le verset (Béréshit 27,17) dit :
ותתן את המטעמים ואת הלחם אשר עשתה ביד יעקב בנה.
‘Elle donna les bons plats et le pain qu’elle avait préparés dans la main de Yaakov son fils.’
Or il se trouve que lorsque Yaakov donne cela à son père, le verset dit (27,25) :
ויאמר הגישה לי ואוכלה מציד בני למען תברכך נפשי ויגש לו ויאכל ויבא לו יין וישת.
‘Il lui dit : approche-moi que je mange du gibier de mon fils pour que mon âme te bénisse. Il lui présenta, il mangea, il lui donna du vin et il a bu.’

ויבא לו יין וישת , ‘il lui donna du vin et il but’. Daat Zékénim MéBaalé HaTossefot demandent : mais d’où avait-il du vin ? Le verset ne mentionne nullement que sa mère lui en a donné ! Tossefot répondent : le Malakh Michaël lui a amené du vin depuis le Jardin d’Eden.

Rabbi Moshé Alshikh remarque dans son commentaire que la présence de ce vin est miraculeuse, car si Its’hak n’avait pas bu du vin il aurait sûrement remarqué que cette viande n’était pas du gibier mais du chevreau et tout le devenir de l’histoire aurait été remis en question. Le Rabbin Munk relève dans la voix de la Torah que l’accent tonique sous le mot לו, ‘il lui donna’, est un signe de cantillation Markha Kefoula qui ne se trouve que cinq fois dans la Torah, ce qui met en relief l’inouï de cet apport de vin.

Nous pouvons nous demander, mais pourquoi, dans ces deux épisodes centraux de l’histoire non seulement du peuple juif mais aussi de toute l’humanité puisqu’il s’agit aussi de la venue des temps messianiques par les filles de Loth, ce qui a tout débloqué est la trouvaille miraculeuse d’un verre de vin ?

IV. Pourim.

La Guemara dans le Traité Méguila rapporte deux enseignements de Rava (7b) :
אמר רבא מיחייב איניש לבסומי בפוריא עד דלא ידע בין ארור המן לברוך מרדכי.‘
‘Rava dit : l’homme a l’obligation de s’enivrer à Pourim jusqu’à ce qu’il ne distingue pas entre maudit Aman et béni Mordekhaï.’
Rashi explique que cette obligation consiste à s’enivrer ni plus ni moins en buvant du vin.

Second enseignement de Rava :
אמר רבא סעודת פורים שעשה בלילה לא יצא ידי חובתו, מאי טעמא ימי משתה ושמחה כתיב.
‘Rava dit : si l’on a pris le repas de Pourim la nuit on n’est pas quitte de son obligation. Pour quelle raison ? Le verset dit (Méguilat Esther 9,22) « des jours de festin et de joie ».’

Nos Maîtres nous ont enjoint de nous enivrer le jour de Pourim. Rava, Maître de cet enseignement, nous ajoute : attention ! cet enivrement doit être le jour. Ce n’est pas une beuverie, le but n’est pas de rouler sous la table. C’est une activité assumée, voulue. Mais quel en est le but ?
Nous proposons de dire, sur la base de notre étude présente, que bien que l’homme ait ses plans, ses idées, en dernière instance sa possibilité de vivre et de s’en sortir lui échappe, qu’elle sort des limites de son intellect. La délivrance arrive lorsque je perçois qu’il y autre chose que mon intellect, que mon intellect touche à quelque chose qui le dépasse. La boisson, dans un cadre de Mitsva, est l’expérience, par le trouble qu’opère l’alcool, d’introduire une dimension qui nous dépasse dans notre intellect [ Petite blague de Pourim : avez-vous vu un intellectuel joyeux ? L’intellectuel est par définition à l’intérieur des limites de son intellect. La joie est un débordement, une confiance. C’est dans le vécu profond à Pourim que notre délivrance vient d’une dimension qui nous dépasse, et que nous donnons une place à cette dimension, que nous pouvons nous ouvrir à la joie et au débordement. ]. C’est ce que le verset définit en disant (Téhilim 111,10):
ראשית חכמה יראת ה’.
‘Le début de la connaissance est la crainte de D.’
C’est-à-dire la perception qu’il y a quelque chose qui est au-dessus de nous. Qu’il y a une volonté supérieure. Et à ce moment précis la Guéoula peut venir.

[Nous ne voulons pas abaisser le propos mais nous vivons depuis un an une situation qui nous dépasse entièrement. Mais on bloque les choses en disant : Attention aux gestes barrières ! Attention as-tu pris ton vaccin ? Loin de nous le propos de dire qu’il ne faut pas faire attention aux gestes barrières ni de dire qu’il ne faut pas prendre de vaccin, mais buvons un verre de vin et percevons qu’il faut donner la possibilité qu’il y ait une délivrance et qu’elle dépasse nos limites et les limites de notre entendement.]

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Directeur de la Yéchiva des Etudiants

“Boire à Pourim, « la Crainte de D. est le début de la connaissance ».”

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