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Adoption, Halakha et Vérité. par Mr David Gerst

par: David Gerst

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Yamod Monsieur Lévy ou Monsieur Abraham ?
Un enfant adopté peut-il être appelé à la Torah en portant le nom de son père adoptif ? Peut-il monter sous le nom de son père si ce dernier est Cohen ou Lévy ?

Par Mr David Gerst

 Nombreuses et délicates sont les questions et problématiques suscitées par le statut de l’enfant adopté au regard de la Halakha, et autant douloureuses peuvent parfois sembler les réponses apportées à travers les siècles par les Posskim, décisionnaires, contemporains et plus anciens.

 Nous n’avons pas la prétention ici de traiter de la question de l’adoption au regard de la Halakha d’un point de vue général, cela mériterait en soi une étude recensant toutes les problématiques soulevées  par le statut de l’enfant adopté ainsi que les solutions apportées.

 Nous traiterons ici d’une question épineuse posée devant l’ancien Av Beth Din et Dayan de Strasbourg le Rav Avraham David Horowitz z’l, qui publia sa réponse dans le septième tome de son célèbre livre de responsas «Kinyan Torah BaHalakha»)*.

 La question posée était la suivante : un homme Juif avait adopté un nourrisson non Juif, l’avait converti et l’avait fait grandir (éduqué) dans la Torah et les Mitsvoth comme son fils. Plus tard il l’envoya étudier dans une Yeshiva, sans lui dévoiler qu’il n’était pas son fils. Le problème posé était le suivant : le père adoptif était Levi et le fils adoptif, ne sachant pas qu’il n’était point le fils de ce dernier, se faisait appeler à la Torah en tant que Levy, sous le nom de son père adoptif. Y’a-il une obligation pour le père de dévoiler à cet enfant la vérité sur ses origines ? Doit-on au moins prévenir le Gabay de la Synagogue, afin qu’il ne l’appelle point en tant que Levy ?

 Dans sa réponse, le Rav Horowitz indique tous les risques auxquels la problématique posée nous confronte. Tout d’abord, la  viabilité de la conversion de l’enfant ne pose aucun problème. Selon lui, l’enfant ayant été converti et trempé au Mikvé « על דעת בית דין », selon l’assentiment et la décision du Beth Din et ayant grandi dans la Torah et les Mitsvots, l’enfant ne pourra pas plus tard remettre en cause sa conversion.

Mais, d’autres points évoqués causés par cette situation sont réellement problématiques :

Il y a lieu de craindre, si l’on appelle l’enfant à la Torah  par le nom de son père adoptif, que si le père meurt sans autres enfants, et que le père a un frère et qu’il lui incomberait d’accomplir la Mitsva de ‘Halitsa avec l’épouse du défunt, l’on en vienne à se tromper et à penser que ce dernier a une descendance et qu’il ne soit pas nécessaire d’accomplir la ‘Halitsa, l’épouse pouvant dès lors se remarier.

 Par ailleurs , si l’enfant se fait appeler en tant que Levy en pensant l’être réellement , s’il se marie et a un fils aîné , il lui incombera d’accomplir la Mitsva de Pidyon Haben (rachat du premier né ). Or, les Leviyim étant exempts de cette Mitsva , celui-ci se pensera également exempt et n’accomplira pas la Mitsva qui lui incombe .

 En outre, des problèmes d’héritage peuvent subvenir, dans le cas où le père aurait des héritiers amenés à hériter selon la Torah, le fils adopté étant considéré aux yeux de tous comme son fils biologique sera amené à empêcher (sans forcément le vouloir) les véritable héritiers selon la Torah d’hériter.

 Des problèmes de Yi’houd (interdit de s’isoler) avec la femme du père adoptif  peuvent également subvenir (et même si certains avis sont permissifs jusqu’à un certain âge, la conscience du problème doit néanmoins être présente).

 En plus de ces risques, l’auteur de la responsa s’oppose et fait part de son incompréhension face au comportement du père adoptif, qui induit en erreur et trompe toute une assemblée en faisant passer l’enfant comme Levy alors qu’il ne l’est point. Il appartient et incombe en effet à tout membre du peuple d’Israël de tenir une conduite juste et de s’écarter du mensonge dans ses rapports avec ses semblables*. De plus ,laisser la chose se faire pendant des années en ayant fait appeler le fils à la Torah en tant que Levy est une embûche pour toute la communauté (il va de soi que s’il avait été appelé à la Torah en tant que Cohen , cela aurait été encore plus problématique) ,l’ordre des appels pour lire à la Torah et la présence d’un Levy après un Cohen étant une institution des Sages . Le père adoptif était fautif volontairement et coupable de tromper l’assemblée.

 Le fait de ne pas être appelé par son véritable nom, même s’il n’était pas Levy est également source de problème, selon le Rav Horowitz* (dans notre cas, il aurait fallu l’appeler «ben Avraham», l’enfant étant converti) *.

 Enfin , il conclut en disant qu’il faut absolument expliquer au père adoptif qu’il doit annoncer la vérité à son fils , et qu’un comportement pareil (le fait de cacher la vérité) n’est pas en accord avec une conduite telle que la Torah le préconise , surtout avec tous les risques d’interdits cités .

Nous avons vu à travers cette responsa que tous les risques Hilkhatiques susceptibles d’être rencontrés impliquent de fait une décision catégorique de la part de l’auteur de la responsa : il faut absolument dévoiler la vérité à son enfant adopté. Il ne s’agit pas ici de juger le père adoptif, celui-ci pensait agir pour le bien de l’enfant et ne pas lui causer de honte.

 Il est vrai également qu’il s’agit ici d’une situation difficile, autant pour les parents que pour l’enfant. Mais, les différents problèmes posés ne permettent pas le doute, la vérité n’a pas à être cachée, et prendre acte de ces problématiques permet de rétablir la vérité et d’opter pour une conduite juste. Nous avons bien ici un cas ou la Halakha (la loi de la Torah) contraint un Homme à affronter sa réalité et ne point la fuir, son rôle devant Hachem ( sa Avodat Hachem, son service de D.) est de se confronter à sa réalité (dans ce cas peut-être plus difficile qu’une autre…) de l’affronter et de vivre pleinement ce que sa réalité impose, ne niant pas sa place au sein du peuple d’Israël pour autant, bien au contraire.

 C’est l’acceptation par les parents et par l’enfant de cette réalité qui garantira le שלום על ישראל*, la Paix dans le peuple d’Israël.

*Lekh Lekha 12,5

*Meguila 13A et Sanhedrin 19B

*nous ne prétendons pas ici rendre compte de tous les arguments et preuves rapportés dans la responsa . Mais le lecteur désireux d’approfondir le sujet pourra vérifier dans le septième tome Siman 16 ;

*Voir Rambam Hilchot déot 5,13 et Minhat Hinoukh fin Mitsva 259

*ce sujet fait l’objet d’une discussion entre posskim (voir minhat yitshak et lev aryé)

*(pour reprendre les derniers propos du Rav Avraham David Horowitz) voir fin de la responsa .

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