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Préparation au mois d’Eloul

par: Rav Gerard Zyzek
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Publié le 20 Aout 2020

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Rav Israël Salanter, dans la quatorzième lettre du Or Israël, prend acte avec douleur de la perte absolue de ce que signifie le mois d’Eloul dans la conscience collective juive.
מלפנים כאשר ידעתי כל איש אחזו פלצות מקול הקורא קדוש אלול
‘Dans les temps passés, selon ce que l’on m’a rapporté, tout homme était saisi de terreur à l’annonce à la synagogue du nouveau mois d’Eloul.’

Il y a 170 ans, Rav Israël Salanter constatait un changement brutal dans la perception de ce que signifie le mois d’Eloul. Certes, de nos jours, les communautés séfarades font les Seli’hot mais est-on saisi de terreur ? Certes nous sonnons du Shofar dès le début du mois d’Eloul mais est-ce que cela ne revient pas finalement à un folklore ?
Essayons à notre humble niveau d’analyser le sujet, et de réactiver en nous-mêmes la perception émotionnelle du mois d’Eloul.

I. A quoi correspond le mois d’Eloul ?

Le Tour (Ora’h ‘Haïm chapitre 581, אורח חיים סימן תקפ״א) rapporte le Pirké DeRabbi Eliezer selon lequel à Rosh ‘Hodesh Eloul, HaShem dit à Moshé de monter sur la montagne pour recevoir les secondes Tables de la Loi. Et alors ils sonnèrent du Shofar dans le camp en annonçant à tous : Moshé vient de monter sur la montagne. Et ceci pour qu’ils ne se trompent plus et ne se laissent pas attirer par l’idolâtrie. Et D. se trouve magnifié par ce Shofar, comme dit le verset (Tehilim 47,6) « D. s’élève par la sonnerie, l’Eternel par le Shofar ». C’est pourquoi nos Maîtres ont institué que l’on sonne du Shofar chaque année depuis Rosh ‘Hodesh Eloul et tout le mois pour exhorter Israël à faire Teshouva, comme dit le verset (Amos 3,6) « Si l’on sonne du Shofar dans la ville, est-ce que le peuple ne tremblerait pas ? »

L’origine de ce Pirké DeRabbi Eliezer se trouve dans les versets de la Parashat Ekev lorsque Moshé Rabbénou relate aux enfants d’Israël le dévouement incroyable dont il a fait preuve pour les sauver de la destruction. Regardons ces versets avec le commentaire de Rashi.
Il ressort des versets qu’il y a eu trois périodes de quarante jours.
La première période commence le lendemain des Dix Paroles qui ont été adressées à l’ensemble des enfants d’Israël et se terminèrent le dix-sept du mois de Tamouz.
Devarim chapitre 9 verset 9 :
בעלותי ההרה לקחת לוחות האבנים לוחות הברית אשר כרת ה׳ עמכם ואשב בהר ארבעים יום וארבעים לילה לחם לא אכלתי ומים לא שתיתי
‘Lorsque je suis monté sur la montagne pour prendre les tables de pierre, tables d’alliance que D. a tranchée avec vous, je suis resté dans la montagne quarante jours et quarante nuits, du pain je n’ai pas mangé et de l’eau je n’ai pas bu.’

Dans les versets suivants, Moshé rapporte que juste au moment où il reçoit de D. ces Tables, à ce moment précis le peuple se déprave en faisant le Veau d’Or. Et que Moshé prend la responsabilité de briser ces Tables.
Et là commence une seconde période où Moshé prie pour que D. épargne les enfants d’Israël et que, malgré leur faute, non seulement Il ne les extermine pas mais qu’Il ramène Sa Présence Divine, Sa Shekhina au sein des enfants d’Israël.
Devarim chapitre 9 verset 18 :
ואתנפל לפני ה׳ כראשונה ארבעים יום וארבעים לילה לחם לא אכלתי ומים לא שתיתי על כל חטאתכם אשר חטאתם לעשות הרע בעיני ה׳ להכעיסו
‘Je tombai devant D. comme la première fois, quarante jours et quarante nuits, du pain je n’ai pas mangé et de l’eau je n’ai pas bu, pour toute votre faute que vous fautèrent en faisant ce qui est mal aux yeux de D. pour le mettre en fureur.’

Ces quarante jours furent des jours où Moshé Rabbénou pria intensément et plus qu’intensément pour sauver les enfants d’Israël dans un dévouement hors norme.

Commentaire de Rashi sur ce verset (nous en donnons notre traduction) :
‘Je tombai devant D., cela correspond au verset de la Parashat Ki Tissa (Shemot 32,30) « Et maintenant je vais monter vers D., peut-être pourrais-je vous protéger de l’impact de votre faute ». Dans cette seconde montée je suis resté quarante jours. Cette seconde période se termina le 29 du mois de Av, car il monta le 18 Tamouz. Ce 29 Av, à la fin de cette seconde période, ce jour-là même, D. agréa la requête de Moshé par rapport aux enfants d’Israël et lui dit (Shemot 34,1) « Taille pour toi deux Tables de pierre comme les premières ». Moshé resta encore quarante jours qui se trouvèrent se terminer le jour de Kippour (le 10 du mois de Tishri) où D. exprima sa volonté complète et joyeuse dans le peuple d’Israël et dit « J’ai pardonné comme tu me l’as demandé ».  Aussi ce jour fut-il fixé comme jour de pardon et d’absolution.’

Ce jour où Moshé monta pour recevoir les Secondes Tables de la Loi fut le premier jour du mois d’Eloul. Et il resta une troisième fois quarante jours et quarante nuits, jusqu’au 10 Tishri, où il descendit avec elles. Et comme nous l’a dit Rashi, ce jour qui scelle l’amour complet de D. envers Israël et Son pardon fut fixé pour toutes les générations comme jour de Pardon : Yom Kippour.
Ce troisième groupe de quarante jours est mentionné dans Shemot 34, 27 à 29 :
ויאמר ה׳ אל משה כתב לך את הדברים האלה כי על פי הדברים האלה כרתי אתך ברית ואת ישראל
‘D. dit à Moshé : écris pour toi ces paroles-ci, car c’est sur ces paroles-ci que J’ai tranché avec toi une alliance et avec Israël.’
ויהי שם עם ה׳ ארבעים יום וארבעים לילה לחם לא אכל ומים לא שתה ויכתוב על הלוחות את דברי הברית עשרת הדברים
‘Il fut là-bas avec D. quarante jours et quarante nuits, du pain il n’a pas mangé et de l’eau il n’a pas bu, et Il écrivit sur les Tables  les paroles de l’alliance, les Dix Paroles.’
ויהי ברדת משה מהר סיני ושני לוחות העדות ביד משה ברדתו מן ההר ומשה לא ידע כי קרן עור פניו בדברו אתו
‘Moshé descendit de la montagne de Sinaï, les deux Tables de Témoignage étaient dans la main de Moshé lorsqu’il descendit de la montagne, et Moshé ne savait pas que la peau de son visage rayonnait, D. ayant parlé avec lui.’
Ce troisième groupe de quarante jours est aussi mentionné dans Devarim 10,10.

Il y a une certaine contradiction entre le Pirké DeRabbi Eliezer et le commentaire de Rashi. En effet, le Pirké DeRabbi Eliezer dit que HaShem dit à Moshé de monter une troisième fois dans la montagne le jour de Rosh ‘Hodesh Eloul, tandis que Rashi dit que cette parole fut dite le 29 Av. Rashi sur Shemot 33,11 dit comme le Pirké DeRabbi Eliezer. Tous les commentateurs cherchent à résoudre cette contradiction. Mais quoi qu’il en soit, il ressort qu’indubitablement Moshé monta pour la troisième fois sur le Mont Sinaï le jour de Rosh ‘Hodesh Eloul, et qu’il fut agréé par D. de redonner Son alliance aux enfants d’Israël avec une volonté et un acquiescement complet.

 

II. Quel est l’impact pour nous de ces éléments historiques ?

Certes nous avons défini sur la base des enseignements du Pirké DeRabbi Eliezer et de Rashi à quoi correspondent Rosh ‘Hodesh Eloul ainsi que le mois d’Eloul dans sa globalité, mais quel en est l’impact pour nous dans notre vie ? N’est-ce pas apparemment de l’histoire très ancienne ?

Nous avons entendu au nom de Rav Shelomo Wolbe l’aphorisme suivant :
‘Les Nations ont l’histoire, les enfants d’Israël on le calendrier juif’.

C’est-à-dire que les Nations construisent le monde, la civilisation, elles évoluent, sont dans le progrès. La vocation du peuple d’Israël est de construire un monde d’intériorité dans notre confrontation au texte de la Torah et notre pratique des Mitsvot.
Lorsque la Torah nous parle de la faute du Veau d’Or, de Moshé qui défend les enfants d’Israël etc. ce n’est pas tant notre histoire au sens ‘historique’ que notre histoire en tant que la base de nos problématiques humaines dans notre vie simple et quotidienne.
La faute du Veau d’Or, c’est nous. C’est nous à qui D. donne ce qu’Il a de plus chéri, la Torah, qui tente un pari incroyable : tisser un lien intime avec Ses créatures, et cela ne nous nous intéresse pas. On a d’autres problèmes. Les commentateurs expliquent que le Veau d’Or n’était pas stricto sensu une idolâtrie mais était une sorte d’intermédiaire, un symbole, un slogan, pour se faciliter la vie. Si nous faisons tous les ans les Selihot, si Eloul est un mois de préparation à Rosh HaShana et à Yom Kippour c’est que cette problématique du Veau d’Or est notre problème. D. nous a sortis de l’esclavage d’Egypte, nous sommes pratiquants, nous sommes des juifs religieux, mais ce n’est pas notre problème. Nous sommes passés à autre chose.

Le verset dit dans Téhilim (106,23) :
ויאמר להשמידם לולי משה בחירו עמד בפרץ לפניו להשיב חמתו מהשחית
‘Il a dit de les exterminer, si ce n’était Moshé son choisi qui se tint sur la brèche devant Lui pour arrêter la fureur destructrice.’
Quel verset redoutable !
On dirait qu’il n’y avait qu’une seule personne pour se rendre compte du problème. Tout le peuple d’Israël allait au néant ! Et il n’y a qu’une seule personne qui bouge !
Rambam dans son introduction au Piroush HaMishnayot explique la Guemara du Traité Shabbat 30b de la manière suivante :
Toute la Création n’a de sens que pour la personne qui craint D., or il n’y a grosso modo qu’une personne par génération qui en fait craint D., tout le reste n’existe que pour que cette personne ne soit pas seule. Car si elle était seule elle sombrerait dans le désespoir. Nous ne sommes que des figurants pour tenir compagnie à cette personne qui craint D.
שמעון בן עזאי אומר ואמרי לה שמעון בן זומא לא נברא כל העולם כולו אלא לצוות לזו
‘Shimon ben Azaï dit, et certains disent que c’est Shimon ben Zoma qui dit : tout le monde entier n’est créé que comme compagnie à cela (à celui qui craint D.).’

On est complètement à côté du sujet.
Mais, mais.
Mais malgré tout HaShem se rapproche de nous et agrée de reprendre contact avec nous. Il va y avoir Rosh HaShana, il va y avoir Yom Kippour, il va y avoir Soukot. Et de nouveau nous pourrons, malgré notre catastrophe, avoir une relation d’intimité et de joie avec notre Créateur, avec HaShem qui nous a sortis de l’esclavage et qui nous a donné la Torah.

Quelle terreur et quelle joie ! Quelle opportunité extraordinaire.

 

III. Essayons d’aller plus loin.

Rav Israël Salanter, il y a 170 ans, criait que l’on ne ressent plus ce qu’est le mois d’Eloul. Que dirions-nous de nos jours ?
Il nous semble devoir ajouter que nous sommes imprégnés de la culture ambiante où l’on se doit d’être des battants, d’être excellents en tout cas professionnellement. Aborder Eloul c’est se rendre compte que nous faisons des bêtises, que nous nous trompons, que nous faisons honte à autrui, que nous faisons du mal à autrui. Et que D. nous tend une perche pour se ressaisir malgré tout. Mais si nous occultons nos faiblesses et refusons de les voir, à quoi servirons les fêtes à venir ?


Nous refusons d’avoir un regard sur nous-mêmes. Des élèves ont demandé à Rav Avrohom Guenikhovski comment se faisait-il qu’il était tellement humble. Il leur a répondu que parfois, voire souvent, il allait dans une pièce où il n’y a pas de Mezouza. C’est-à-dire que parfois, voire souvent, il allait aux toilettes (pièce à l’entrée de laquelle on n’a pas le droit de mettre de Mezouza), et que de ce fait, voyant sa faiblesse, comment pourrait-il être orgueilleux ?
Mais tout le monde va aux toilettes. Et comment se fait-il que cela ne nous impressionne pas et que nous continuons à être plein d’orgueil comme si de rien n’était ? Comment se fait-il qu’il n’y a qu’un monsieur qui a réagi de cette manière et qui est d’une humilité déconcertante ?

Si la Torah nous relate ces quatre périodes de quarante jours et quarante nuits où Moshé notre Maître donna tout son être pour sauver et élever les enfants d’Israël, c’est pour nous faire vivre au plus profond de notre personne que malgré tout il est possible de se reprendre. Eloul est cette possibilité exceptionnelle d’attraper cette perche, de la saisir, d’être à la fois saisis de terreur face à nos manquements, face à nos erreurs irréparables, et bouleversés du bonheur qu’il est possible de retisser un lien avec La source de toute chose et de toute réalité.

 

Vous pouvez approfondir davantage le sujet de Roch Hashana via une étude très complète et résultant de longues journées d’étude dans le livre « Le Monde commence » de Rav Zyzek disponible à ce lien

 

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Directeur de la Yéchiva des Etudiants

  1. Maguid

    Vous lire est un plaisir est un enseignement parce que c’est écrit par des justes et nommés par des grands de la Torah des vrais grands de la Torah aujourd’hui on est en Galoute vous lire est un plaisir est un enseignement parce que c’est écrit par des justes et nommés par des grands de la Torah des vrais grands de la Torah aujourd’hui on est en Galoute Donc compliqué De voir HMCar les grands ne sont plus là sauf ceux qui sont cachés ce qui me paraît bizarre c’est que Dieu a pardonné à cette échelle de l’histoire et que nous aujourd’hui on est constamment éprouver